Marc 5 - Résurrection de la fille de Jaïrus - La mort d'un enfant
Marc 5 - Résurrection de la fille de Jaïrus - La mort d'un enfant
« Jésus regagna en barque l’autre rive et, une fois de plus, une grande foule s’assembla près de lui. Il était au bord de la mer. Alors vint un des chefs de la synagogue, nommé Jaïrus, qui le vit, se jeta à ses pieds et l’implora instamment en ces termes : Ma fillette est à toute extrémité; viens, impose-lui les mains, afin qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. Jésus s’en alla avec lui. Et une grande foule le suivait et le pressait. […] Il parlait encore, lorsque survinrent de chez le chef de la synagogue des gens qui dirent : Ta fille est morte; pourquoi importuner encore le maître? Mais Jésus, sans tenir compte de ces paroles, dit au chef de la synagogue : Sois sans crainte, crois seulement. Et il ne permit à personne de l’accompagner, si ce n’est à Pierre, à Jacques et à Jean, frère de Jacques. Ils arrivèrent à la maison du chef de la synagogue, où Jésus vit qu’il y avait du tumulte et des gens qui pleuraient et poussaient de grands cris. Il entra et leur dit : Pourquoi ce tumulte et ces pleurs? L’enfant n’est pas morte, mais elle dort. Et ils se moquaient de lui. Alors, il les fit tous sortir, prit avec lui le père et la mère de l’enfant, de même que ceux qui l’avaient accompagné, et entra là où se trouvait l’enfant. Il saisit l’enfant par la main et lui dit : Talitha koumi, ce qui se traduit : Jeune fille, lève-toi, je te le dis. Aussitôt, la jeune fille se leva et se mit à marcher; car elle avait douze ans. Ils furent frappés d’une stupeur extrême. Jésus leur adressa de fortes recommandations, pour que personne ne le sache, et il leur dit de donner à manger à la jeune fille. »
Marc 5:21-24, 35-43
Voir aussi Matthieu 9:18-19,23-26 et Luc 8:41-42,49-56
Or, le Jésus qui s’en alla avec Jaïrus, le père de l’adolescente malade, n’est autre que Jésus de Nazareth, l’enfant de Bethléem qui, dès son berceau, fut aux prises avec l’immense détresse des humains, qui, à peine ayant ouvert les yeux, fut pris en chasse par les donneurs de mort violente, celle qui frappera d’autres innocents. Il est celui qui, plus tard, marchera sur nos routes parmi la foule affamée et assoiffée, parmi des hommes et des femmes égarés, tous victimes du mal, toujours en proie aux maux que le péché et la révolte contre Dieu n’ont cessé de déverser sur toutes les générations depuis les origines.
Un jour, il gravira son propre Calvaire, le plus chargé d’angoisse et de souffrance qui a jamais existé, afin d’y mourir et d’y expier le péché des rachetés. Comment serait-il donc resté sourd à l’appel de l’homme venu le quérir, lui qui est patience et compassion? Aurait-il tardé à se rendre au chevet d’un enfant en agonie dont le père n’espère plus qu’en un miracle pour que son enfant lui soit de nouveau rendu? Une gratitude émue et une totale certitude saisissent le chrétien à la lecture de cette courte phrase de l’Évangile : « Jésus s’en alla avec lui. »
Jésus est prêt à accompagner l’homme non seulement dans les sanctuaires, mais encore sur les routes. Non seulement à l’heure d’exaltations et d’expériences intensément spirituelles, mais encore au cœur de la douleur la plus poignante, lorsque les pires agressions nous défient et s’attaquent à notre fragilité pour nous briser. Jésus ne s’est pas cantonné dans les parvis du Temple ni ne s’est contenté de fréquenter les synagogues. Nous le trouvons sur la large avenue qui le mène de Jéricho à Jérusalem, sur les pentes d’une colline, dans les embarcations des pêcheurs galiléens. Aussi bien sous le toit d’une maison que sur la place publique des villes que dans les campagnes, chez les gens religieux et convenables comme en compagnie des publicains et des prostituées… Il se trouve au milieu des gens troublés et à leurs côtés dans leurs tribulations. Lors de la tentation et à l’heure de l’angoisse, il reste leur compagnon, l’accompagnateur et le gardien vigilant…
Mais il fait plus que de nous rencontrer; il fait son chemin à nos côtés. Nous le trouverons à chaque tournant de notre existence. L’amertume morale et le deuil sont des situations auxquelles il ne se sent pas étranger; il n’y reste pas insensible. Vous avez peut-être remarqué à la lecture de cette page qu’elle est le récit d’une résurrection. Il ne s’agit pas d’un éveil après un assoupissement temporaire, mais bel et bien d’un miracle. Et le miracle évangélique est toujours, immanquablement, la démonstration de la compassion du Dieu Sauveur autant que la preuve irréfutable de son pouvoir absolu.
Ce qui nous intéresse et capte notre attention, c’est Jésus-Christ et son autorité. C’est lui que Marc l’évangéliste, et à sa suite toute l’Église chrétienne, a voulu nous annoncer : « Jésus s’en alla avec lui », même lorsque la tragique nouvelle parvient aux oreilles du père : « Ta fille est morte » (Mc 5.35). Jésus « s’en alla », pour livrer la bataille contre la mort, pour la terrasser et remporter la victoire sur elle, pour nous donner un avant-goût de sa victoire eschatologique. Et ce sont les mots pleins de lumière du dernier livre du Nouveau Testament qui nous entretiennent de cette victoire finale : « Alors il n’y aura ni deuil, ni cri, ni douleur, car la mort ne sera plus » (Ap 21.4). Ainsi, dès cet instant, au chevet de la fillette, l’attitude vis-à-vis de la mort ne peut plus être la même. À cause de cette présence de Jésus dans la chambre mortuaire, nous ne resterons pas prostrés dans le désespoir devant la mort.
Lorsque nous fermons les yeux d’un être cher pour son dernier sommeil, nous, fidèles confesseurs du nom de Jésus-Christ, nous savons que nous ne sommes pas sans espérance. Il y a ceux qui feront preuve d’un semblant de courage. D’autres encore vanteront la mort comme une amie. D’anciens Grecs l’avaient même imaginée sous les traits d’un bel éphèbe…
Pourtant, le frisson peut gagner en secret chaque être humain, et celui qui est dépourvu de l’espérance de vie qui est en Christ tremblera et chancellera devant ce qu’il aperçoit comme néant sans espoir et gouffre sans fond. Ce que nous tenons à communiquer, ce n’est pas une abstraite philosophie chrétienne.
Notre philosophie chrétienne se résume à peu de choses. Elle s’inspire et elle repose sur la personne de Jésus-Christ et sur ce qu’il est venu accomplir en notre faveur. Voyez-le donc accompagner le père et pénétrer dans la maison frappée par le deuil, suivi aussitôt par le désespoir qui arrache des cris et des lamentations. En cette mort, avec laquelle personne ne peut pactiser, qui prétend établir sa cruelle hégémonie à tout jamais, Jésus voit l’ennemi de tout homme, et c’est pourquoi il lui porte un coup mortel. Oui, le Christ tue la mort. Si l’ordre ancien veut que l’on meure, cet ordre est à présent renversé jusqu’à ses fondements; il est ébranlé et chancelant. Jésus vient installer son pouvoir et sa parole brisera la tyrannie. Et lorsqu’il prend la main de la fillette pour lui adresser en araméen l’appel « Talitha koumi », nous savons qu’il peut briser les liens de la mort. En cet instant déjà, en sa présence, par son pouvoir et à sa Parole, la mort a été dévitalisée.
Mais j’entends déjà poser quelques questions… Pourquoi cette mort, celle d’une enfant? Pourquoi la cruelle faux vient-elle faucher un être humain à peine épanoui, ouvrant tout juste les yeux sur la beauté du monde? Oui, quelle chose terrible et troublante que la mort des enfants, entre toutes les morts qui frappent les hommes! Elle ressent cela, la mère qui pleure, déchirée par la mort de son enfant, cet enfant unique, auquel elle a donné le jour. Il sait cela aussi, ce père secret, mais tout aussi déchiré. Combien il est atroce de se résigner à laisser les préposés enlever le corps chéri de la fillette! Que de ressentiments, que de révoltes, à cause de la mort des enfants!
Quelle pourrait être notre réponse à cette question, qui est le cri sortant des entrailles des parents pleurant leur enfant? Il y a de jeunes parents plongés dans la désolation et encore d’autres, plus âgés, qui se souviennent sans cesse de celui ou de celle qui avait fait leur joie pendant des années, et qui leur fut enlevé…
Nous ne pouvons, ici, que pointer le doigt vers l’Évangile, montrer une fois de plus ce qui arriva un jour sous un toit désolé, confesser simplement notre foi et dire quelle est notre conviction. Jésus-Christ, le Fils de Dieu, s’est montré comme le parfait Libérateur. « La reine des épouvantements », la mort, a déjà été engloutie. La vie aura le dernier mot. Je le crois, je le confesse. Notre foi n’ôte pas encore l’écharde de la mort; elle n’amoindrit pas l’intensité de la douleur; mais elle nous permet de jeter un regard plein d’espérance au-delà de la mort. Mais là où la foi fait défaut, quelle misère…
Notre foi est plantée dans nos cœurs, à cause de ce récit de l’Évangile de Marc et de tout l’Évangile. Elle naît jusque dans l’esprit des tout petits enfants encore aujourd’hui… Écoutez une jeune institutrice chrétienne qui, émue, essuyant ses larmes à la dérobée, me racontait l’histoire de Lily, une de ses élèves. Elle n’avait que huit ans et était atteinte de leucémie. Elle le savait et en connaissait l’issue; et elle disait à sa sœur de cinq ans : « Tu sais, j’ai hâte de m’en aller pour être avec Jésus », et d’ajouter : « Quand je serai là-haut, j’écrirai un livre pour raconter combien le ciel de notre Dieu est beau »…
Pères ou mères, voilà la démonstration que notre foi est la victoire qui vainc la mort, comme elle a vaincu le monde, à cause de celui et avec celui qui est le Rédempteur vivant, notre Seigneur, Jésus-Christ le Ressuscité.