Matthieu 5 - Heureux ceux qui ont le coeur pur - Sixième béatitude
Matthieu 5 - Heureux ceux qui ont le coeur pur - Sixième béatitude
« Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu! »
Matthieu 5.8
Le cœur de l’homme, créé pour être le trône de Dieu, est devenu la maison du diable. Bien plus : « Le cœur de l’homme est une boutique, et de tout temps, pour forger des idoles », écrivait dans une formule admirable le grand Calvin. Ce cœur-là ne peut plus voir Dieu.
Or, « le cœur de l’homme », c’est l’homme tout entier. Non pas au sens romantique du terme, c’est-à-dire en tant que centre de ses affections, mais plutôt au sens de centre religieux de la personne, point de concentration de toutes ses facultés et de toutes ses fonctions; le tréfonds de l’homme, son point antérieur, la source de toutes ses forces, l’arrière-plan de sa vie affective, de ses pensées, de sa sagesse et de son intelligence, le centre de toutes ses paroles et actions, qu’elles soient ou non pécheresses.
Ce cœur échappe à toute connaissance et à toute analyse profonde. Nous n’en pouvons connaître que ce que Dieu veut bien nous en révéler, nous ne pouvons le connaître tel qu’il est à moins que Dieu ne nous en révèle la nature profonde et la vocation première. Dieu l’a créé à son image et à sa ressemblance. Il y a placé l’éternité. Il l’a fait de telle sorte qu’il puisse le regarder, et qu’à son tour, l’homme puisse le contempler dans une adoration éclatante de gratitude et dans une communion bienheureuse. C’est pourquoi son titre de noblesse est d’être religieux au sens biblique du terme. L’homme n’est ni Homo faber ni Homo sapiens, encore moins Homo politicus, mais avant toutes choses, homme religieux. Autrement, il n’est pas homme. Il est religieux même s’il prétend être athée, sceptique, incroyant ou polythéiste. Il ne peut vivre sans religion comme il ne pourrait vivre en dehors de sa peau.
C’est du cœur de l’homme, c’est-à-dire de l’homme tout entier, que s’occupe la Parole de Dieu. « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. »
L’erreur tragique de ces dernières décennies, sinon de tous les temps, a été de croire que tous les maux qui s’abattent sur l’humanité sont de nature extérieure à l’homme. On alléguera les conditions politiques, on prétextera les conditions sociales, on évoquera la mauvaise répartition des richesses économiques, et que sais-je encore, pour expliquer le malaise de l’homme ainsi que la crise de la société. Mais on a la mémoire bien courte en oubliant que l’homme a péché dans le plus idéal des environnements, là où toutes les conditions étaient réunies pour une vie bienheureuse, c’est-à-dire dans le jardin d’Eden.
« L’enfer, a écrit Jean-Paul Sartre, c’est les autres. » « L’enfer, lui rétorque T.S. Elliott, l’essayiste britannique chrétien, c’est moi. » Voilà une reconnaissance du mal de l’homme inspirée et une confession des péchés dictée par la Parole de Dieu.
Car pour connaître le cœur de l’homme, pour nous ouvrir les yeux, il faut le pouvoir et les faisceaux lumineux de la Parole divine. Alors, nous le découvrons dans sa totale corruption. « Ce cœur entièrement impur, désespérément mauvais, irrémédiablement perdu, qui peut le sonder? », écrivait le prophète de l’Ancien Testament (voir Jr 17.9). Serait-ce le vernis de son éducation ou de sa culture, le clinquant de sa civilisation ou ses idées sur le progrès et l’évolution? Mais voici que « c’est du cœur de l’homme que sort tout le mal », a dit le plus grand connaisseur du cœur humain, Jésus-Christ lui-même (Mt 15.19). Et non seulement tout le mal sort du cœur, mais le cœur tout entier est mauvais… Lorsque nous aurons clairement compris ce que nous sommes, nous serons alors en mesure de saisir toute la grandeur et la perfection de cette béatitude.
Certes, le péché est un sujet fort désagréable à traiter, aujourd’hui comme autrefois. Mais l’Écriture est réaliste à son sujet. D’après elle, le péché est un fait universel. « Il n’y a pas d’homme qui ne pèche », dit Salomon dans sa prière (1 R 8.46). « Il n’y a sur la terre point d’homme juste qui fasse le bien et qui ne pèche pas », ajoute l’Ecclésiaste (Ec 7.20). Plusieurs Psaumes de l’Ancien Testament sont des lamentations sur le mal qui gangrène le monde.
« L’insensé dit en son cœur : Il n’y a point de Dieu! Ils se sont corrompus, ils ont commis des actions horribles; il n’en est aucun qui fasse le bien. L’Éternel, du haut des cieux, se penche sur les êtres humains, pour voir s’il y a quelqu’un qui ait du bon sens, qui cherche Dieu. Tous sont égarés, ensemble ils sont pervertis. Il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul » (Ps 14.1-3).
Le prophète Ésaïe fait la même constatation :
« Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait sa propre voie » (És 53.6). « Nous sommes tous devenus comme un objet impur, et tous nos actes de justice sont comme un vêtement pollué. Nous sommes tous flétris comme une feuille, et nos fautes nous emportent comme le vent » (És 64.5).
De son côté, saint Paul consacre les trois premiers chapitres de sa célèbre lettre aux Romains à démontrer que tous les hommes, sans distinction aucune, sont pécheurs aux yeux de Dieu. En termes frappants, il décrit la dégradation des mœurs dans le monde païen et religieux. Saint Jean, à son tour, ne reste pas en arrière : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous », écrit-il (1 Jn 1.8). Quel verdict accablant!
Mais la révélation biblique n’est pas la seule à nous faire connaître cette réalité du péché. Notre expérience quotidienne la confirme. L’exploration dans l’inconscient par la psychanalyse moderne sonde l’effrayant abîme dans lequel est plongée notre vie subconsciente. Les chefs-d’œuvre de la littérature mondiale, de Shakespeare à Dostoïevski, de Bernanos à François Mauriac, décrivent des personnages hallucinants de perversion, hantés par le mal. L’art moderne à sa manière, films et pièces de théâtre notamment, nous dit à son tour quel terrible bourbier peut devenir le cœur de l’homme sans Dieu. Il a cessé d’être cœur pour devenir « l’orange mécanique », machine de violence individuelle et étatique.
Le péché nous sépare de Dieu. Cela en est la conséquence la plus terrible. Car notre véritable destinée n’était-elle pas de connaître Dieu et de le voir face à face? « Tes yeux sont trop purs pour voir le mal, tu ne peux regarder l’oppression » (Ha 1.13).
Ainsi, non seulement nous ne pouvons pas voir Dieu, mais il détourne encore son regard de nous à cause de notre péché. Ses yeux sont trop purs pour voir le mal. Nous ne pouvons pas le contempler, le regarder dans les yeux, même pas un seul instant. Ce qui explique pourquoi, devant la manifestation de sa gloire, des hommes ont tremblé, épouvantés par la conscience de leur péché (voir Ésaïe 6). Si le voile qui nous cache la majesté indicible de Dieu était soulevé un seul instant, nous n’en pourrions pas supporter la vision. Notre compréhension, si faible et si imparfaite soit-elle, nous permet pourtant de nous rendre compte qu’aussi longtemps qu’il reste dans son péché, l’homme ne peut pas s’approcher du Dieu saint. Un abîme infranchissable les sépare l’un de l’autre. « Dieu est un feu dévorant » (Hé 12.29). Il rejette le mal et le punit, et soit il consume pour détruire, soit il brûle pour purifier.
Comment expliquer, autrement, l’inquiétude de l’homme moderne? Son cœur éprouve une soif que Dieu seul peut combler. La recherche de sensations fortes, les spectacles et les romans noirs, l’ivresse de l’alcool et de la drogue, les distractions frelatées, la course aux plaisirs, tout cela n’est-il pas le signe de l’insatisfaction du cœur humain?
« J’ai de tout le néant de l’action une horreur insurmontable, et je crois que je lui préfère celui de la mort. Il est plus franc. » C’est Henri de Montherland qui écrivait ces lignes, l’auteur français le plus joué du 20e siècle, celui qui tout au long de sa carrière d’écrivain a exalté la gloire du néant… Celui qui finalement a choisi ce néant, en se donnant la mort! L’homme passe à côté de la destinée que Dieu lui a préparée et c’est là une situation tragique au-delà de toute expression.
Le mal de l’homme et l’impureté de son cœur se manifestent aujourd’hui dans une forme particulière : son corps est devenu à la fois l’outil et l’objet avili de ses passions les plus basses. Si l’homme est cœur, il est aussi corps. Ici, il n’y a pas de dualisme, simplement l’évidence de la création de l’homme par Dieu en tant que corps animé; le temple où devait habiter l’Esprit Saint.
Ainsi, parlant de la pureté et de l’impureté, nous ne pouvons nous empêcher de songer à l’explosion de l’érotisme et à l’envahissement de la pornographie dans la vie quotidienne dans notre société. Qu’il soit nécessaire ou non d’établir une distinction entre érotisme et pornographie au niveau de la morale biblique, le problème posé demeure identique. Le corps humain est devenu le dépotoir des plus viles passions, jouet facile et dangereux, et objet plutôt que sujet de la personne.
Le professeur Jean Brun, de Dijon, dans sa remarquable analyse de la situation actuelle, Le Retour de Dionysos, écrit :
« Notre époque est à la fois celle du formalisme et du psychédélisme, de la machine et de l’érotisme, celle de la rationalisation et de la violence. L’homme est plongé dans le délire et l’hystérie des pseudo-libérations fracassantes. Dionysos, le dieu de la dissolution, improvise, un peu partout, des fêtes sans loi, afin que tout devienne ivresse et jeu de hasard. »
Voici un exemple banal et amusant de l’envahissement de l’érotisme dans la vie quotidienne. Écoutez la publicité d’une grande maison italienne de voitures : « Votre fidélité résistera-t-elle à ces fougueuses Italiennes? » Une autre compagnie, française celle-là, vous explique :
« D — il s’agit du modèle qu’ils sont en train de lancer sur le marché — a les joues creuses, les pommettes saillantes, une beauté piquante et originale, elle a du charme, de la gentillesse, de l’esprit, une personnalité bien à elle; elle est jeune, vive, gaie; c’est une débutante qui promet! »
Le retour de Dionysos signifie la déshumanisation de la personne humaine. La pornographie la plus grossière et la plus bestiale est là pour le prouver. Le marketing du sexe manipule, consciemment ou non, les jeunes et les adultes. Personne n’est plus à l’abri des agressions quotidiennes de l’obscénité étalée dans les kiosques à journaux, dans les devantures des librairies spécialisées ou sur les énormes affiches des salles obscures1. L’ignoble marchandise se vend bien. Peut-être, à force d’en subir les assauts constants, la sensibilité de nos concitoyens s’est émoussée et même les plus prudents d’entre eux ont fini par être vaccinés… La promiscuité sexuelle est courante chez les adolescents et les relations extra-conjugales aussi. La morale dite « nouvelle » a établi un nouveau standard pour les non-chrétiens. Et dans l’Église, elle est saluée par certains comme la libération des tabous, la rupture avec « un passé puritain », celui de l’époque victorienne et de l’éducation à l’anglaise. Mais cette « nouvelle morale » n’est en réalité que la rationalisation de l’ancienne immoralité, sa justification pernicieuse, une conception malhonnête des choses et une explication du domaine sexuel qui est franchement anti-biblique.
Dieu jugera toute transgression dans ce domaine par le commandement qu’il a établi une fois pour toutes : « Tu ne commettras pas d’adultère » (Ex 20.14) « Tu ne convoiteras pas » (Ex 20.17). Qu’on s’en souvienne : les ruines du monde ancien, qui s’était effondré avec fracas, témoignent encore des aberrations commises. Si notre société dite post-chrétienne s’acharne à saper à la base ces fondements en assenant des coups contre les principes et les normes de la morale évangélique, elle ne se tirera pas à bon compte de la ruine morale et physique qui est déjà à ses portes.
On pourra nous objecter, et cela sur le fondement d’une exégèse biblique, que la sixième béatitude ne fait aucune allusion à la pureté sexuelle. J’en conviens. Mais il ne faut pas oublier que le christianisme primitif a été caractérisé par deux traits de son témoignage qui avaient conquis et libéré la société contemporaine : la charité, d’une part, mais aussi et tout autant la chasteté des premiers siècles de notre histoire chrétienne. Elles avaient produit un impact tel que la société de l’époque, rongée par la corruption des mœurs, n’avait pu y résister.
Mais plus près de nous, il a existé une morale protestante imprégnée de l’esprit biblique. Il y a eu une éthique sexuelle spécifiquement calviniste et huguenote, qui a fait la force du rayonnement du protestantisme français. C’est avec un sentiment plein de gratitude et d’admiration que nous pouvons nous souvenir de nos ancêtres dans la foi, qui au milieu d’une société corrompue avaient su témoigner de valeurs permanentes telles l’honneur, la fidélité dans le mariage et la pureté des sentiments et des mœurs. Oh, combien la pureté est plus solide que son contraire! Elle est aussi plus rassurante pour notre fragilité humaine. Il faudrait que les jeunes l’apprennent sans trop tarder et sans faire des expériences coûteuses pour leur avenir.
Certes, dans l’Église de Jésus-Christ, le péché sexuel et toutes ses aberrations ne sont pas le péché par excellence. Le Christ, qui a flétri « une génération méchante et adultère » (Mt 16.4), a désigné aussi l’impureté en tant qu’une désobéissance secrète, cette puissance de notre pensée qui se fixe sur des désirs illicites et le partage d’un cœur divisé, lorsqu’à côté de l’autel de Dieu il entretient également quelques autres autels, grands ou petits. Mais impudicité et idolâtrie sont des idées interchangeables.
Il se peut que des chrétiens bien intentionnés aient parfois, par un moralisme rigide, fait plus de mal que de bien en dénonçant l’inconduite sexuelle. Il est nécessaire que nous rappelions alors un certain nombre de vérités.
Vivre en chrétien aujourd’hui dans la société permissive n’implique pas une simple dénonciation de l’obscénité qui sévit autour de nous. Saint Paul avertit les chrétiens de Corinthe (on se rappellera ce que signifiait de « vivre à la corinthienne ») que s’il fallait se mettre totalement à l’abri de l’immoralité ambiante, il faudrait sortir hors du monde! (1 Co 5.10). Il nous faut donc commencer, nous-mêmes chrétiens, par nous garder du mal et nous préserver intacts au milieu du déchaînement des mœurs actuelles. C’est dans ce sens-là que nous serons des chrétiens vraiment radicaux, présents dans le monde comme la lumière qui resplendit dans les ténèbres et le sel qui préserve.
Cela dit, nous ne pouvons pas demeurer indifférents devant la dissolution des mœurs, qui atteint la personne tout entière et qui disloque la culture et la société. Une vulgarisation hâtive des thèses freudiennes n’est pas sans rapport avec la situation actuelle. Mais, quels que soient les bénéfices que nous pourrions tirer des notions et des méthodes psychanalytiques modernes, rappelons-nous que c’est le pouvoir du Seigneur qui libère l’homme ou la femme les plus enfoncés dans le bourbier du péché.
Dans l’explosion actuelle de l’inconduite, il y a un élément nouveau qui indique très clairement la révolte et la négation de la bonne création de Dieu. Il existe une tentative de faire disparaître la femme en tant que la partenaire que Dieu a donnée à l’homme. Cette unisexualité tellement à la mode est la tentative de ramener la femme à la même taille et aux mêmes dimensions que l’homme en vue de nier sa féminité. La mode actuelle, mêmes habits pour hommes et femmes, même coupe de cheveux, même taille, n’est pas une innovation aussi innocente qu’on voudrait le croire. Elle est à sa façon une atteinte et un refus de l’ordre de Dieu. Derrière la mode peut se cacher une idéologie démoniaque qu’il faut combattre, même si, à la rigueur, on garde la mode extérieure.
Enfin, le chrétien qui vit à la lumière des béatitudes ne saurait se cantonner dans une attitude pharisaïque ou se contenter de faire le portrait-robot de l’Homo eroticus… En ces hommes et ces femmes, victimes autant que coupables, nous devons discerner encore l’image de Dieu, que nous sommes appelés à chercher tels des frères aînés allant à la rencontre de leur frère prodigue. Car celui qui nous parle ici de pureté a été le premier à ne pas mépriser la compagnie « des gens de mauvaise vie », admettant même des femmes de mauvaise réputation dans son entourage non pour les condamner, mais pour les libérer du bourbier moral où elles étaient tombées et les amener à réintégrer le droit chemin.
Il nous a fallu parcourir un chemin long et douloureux pour nous rendre compte de ce que signifie vraiment cette béatitude et la promesse qui s’y attache. Ne nous trompons pas dans les idées que nous nous faisons de la grâce et de la bonté de Dieu, car il n’existe pas de béatitude authentique qui soit bon marché. Il nous faut, tout d’abord, nous regarder au miroir de la pureté exigeante de la loi révélée de Dieu avant de pouvoir accéder au pardon de l’Évangile qui nous restaure.
« Heureux ceux qui ont le cœur pur. » C’est là probablement l’une des plus grandes affirmations de toute l’Écriture. Ceux qui ont le cœur pur, ce ne sont pas ceux qui croient dur comme fer à la pureté de leur propre cœur, mais ceux qui regardent le Christ parce qu’ils ont reconnu l’impureté de cette chose rebelle et impure que nous appelons le cœur humain.
L’Écriture, déjà dans l’Ancien Testament, promettait l’apparition de l’homme pur par excellence, et elle nous annonce aussi que l’homme pur existe là où Dieu intervient avec sa miséricorde, sa sainteté et sa paix. Cette œuvre de Dieu a été accomplie pleinement pour nous et en nous par Jésus-Christ, celui qui prononce et qui confère cette béatitude. L’homme au cœur pur n’est ni utopie ni fiction, pas plus qu’un idéal absolu et impossible à réaliser.
L’homme parfaitement pur est donc apparu parmi nous en la personne de Jésus-Christ, le Fils de Dieu. Il a parfaitement respecté la souveraineté de Dieu dans sa vie et obéi dans la souffrance, jusqu’à la mort; en lui, la perfection a atteint sa plénitude. Le Fils incarné a assumé son humanité avec une pureté et une vigueur divines, aussi bien vis-à-vis de Dieu que des hommes. Né pur, il a été aussi purifié dans l’épreuve, cette fournaise où il a été à la fois l’enclume et le métal purifié.
Sur lui ont été déversées toutes les immondices du monde; sur lui ont été chargées toutes les révoltes et toutes les apostasies. Écoutons l’émouvante affirmation de saint Paul : « Celui qui n’a pas connu le péché, [Dieu] l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Co 5.21).
Le Christ mort sur le Calvaire n’a pas été une simple victime devenue, par solidarité, le compagnon de nos misères. Il est avant tout le Médiateur, le Substitut. À présent, il peut nous rendre purs, simples, sincères et sans plis, pour vivre à la gloire de Dieu en attendant de le voir face à face.
« Qui a le cœur pur? Celui-là seul qui a totalement abandonné son cœur à Jésus afin qu’il y règne sans partage. Celui qui ne souille pas son cœur ni avec le mal qu’il commet ni non plus avec le bien qu’il accomplit. Le cœur pur est le cœur simple de l’enfant… Le cœur d’Adam avant la chute, le cœur dans lequel ce n’est pas la conscience, mais la volonté de Dieu qui y règne » (Dietrich Bonhoeffer).
Ce cœur-là verra Dieu. Voir Dieu est le bien suprême de tout homme. Nous avons sans doute senti la présence de Dieu dans certaines circonstances de notre vie où nous avons été conduits, avertis, secourus et protégés de façon surprenante. Nous avons surtout vu Dieu dans la repentance et la foi, mais toujours de manière imparfaite. C’est encore la période avant le retour du Christ. Nous sommes dans le provisoire, et la nostalgie est vive pour voir le jour où la promesse deviendra pleinement réalité, le jour où nous verrons Dieu face à face, tel qu’il est. Et seul verra Dieu celui qui a regardé Jésus-Christ, le Fils, celui dont le cœur est libre d’images qui le souillent. Seulement alors nous verrons, face à face dans le ciel, la pleine et totale manifestation de la pureté glorieuse de notre Dieu et Père.
Aujourd’hui, nous cheminons vers lui; le regard de notre foi sait déjà percer au-delà des apparences; notre espérance est certaine : nous sommes rassurés non parce que nous sommes en route vers Dieu, mais parce que Dieu se fait pressant, vient vers nous et se rend visible. Autour de nous, tout semble irrémédiablement sombre, mais voici qu’au milieu de cette nuit opaque, une fenêtre s’ouvre vers le ciel. Elle laisse pénétrer ses rayons, nous réconforte, réchauffe notre cœur et apaise nos impatiences. En attendant, nous savons qu’il est interdit de pactiser avec le mal. Déjà, nous voyons Dieu, mais nous le verrons surtout avec la multitude de ceux qui, venus d’Orient et d’Occident, se tiendront devant sa face, ceux qui, après avoir traversé maintes tribulations et avoir lavé leurs vêtements dans le sang de l’Agneau, célébreront les louanges de Dieu. Nous le verrons dans la cité faite d’or pur, de sardoine et de jaspe, de chrysolithe et de saphir; cité qui n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car Dieu l’habite et l’éclaire.
Dans cette attente, au cœur de notre histoire comme à chaque génération, pour tout homme et pour chacun d’entre nous, se fait entendre sans cesse la plus grande, la plus mystérieuse et la plus contraignante des invitations, celle de Dieu, qui nous appelle par Jésus-Christ : « Mon fils, donne-moi ton cœur! » (Pr 23.26).
Note
1. N.D.L.R. Lorsque l’auteur écrivait ces lignes, l’Internet n’avait pas encore envahi nos vies; il ne pouvait pas s’imaginer dans quelle proportion effarante « les agressions quotidiennes de l’obscénité » allaient se déployer par ce moyen.