Matthieu 6 - Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour
Matthieu 6 - Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour
« Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. »
Matthieu 6.11
Assurément, nous ne savons pas prier comme il convient. C’est pourquoi, Jésus, qui est venu expressément accomplir notre rédemption et notre réconciliation avec le Père, n’a pas manqué de nous instruire sur la manière de nous exprimer en présence du Dieu trois fois saint. Sans ce guide sûr du « Notre Père », ne risquerions-nous pas d’offenser le Seigneur de gloire par nos demandes égoïstes et injustifiées? Tout au moins, notre première pensée, il faut l’admettre, serait tournée vers nos propres besoins, nos épreuves, nos récriminations. Jésus renverse cette attitude en nous apprenant à prier avant tout en faveur de la cause même de Dieu; telle est la visée des trois premières demandes : ton nom, ton règne, ta volonté. Ces requêtes qui portent notre attention sur la personne et les projets du Seigneur, si elles sont faites de bon cœur, viendront colorer le reste de notre prière et la situer dans la perspective de son Royaume.
Mais la quatrième demande du Notre Père, celle qui nous concerne, vient nous surprendre encore : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » (Mt 6.11). On aurait pu penser que, pour nous, il fallait d’abord demander le pardon et le secours dans la tentation. Mais non. La demande pour notre subsistance matérielle et nos besoins physiques précède ici ces demandes d’ordre plus spirituel. Jésus s’abaisserait-il à quelque compromis face aux pressions matérialistes? Bien au contraire, nous approcher du Seigneur en lui demandant notre pain quotidien — sans oublier les autres demandes — voudra signifier que nous plaçons toute notre vie devant son regard, sans séparer ou isoler des domaines qui se prétendraient indépendants de son règne et de sa volonté.
N’est-ce pas en lui que les animaux mettent leur espoir pour qu’il leur donne leur nourriture en son temps (Ps 104.27)? N’est-ce pas lui qui ouvre sa main bienveillante pour donner comme il veut à chacune de ses créatures? Alors, demander au Seigneur qu’il nous accorde la nourriture, le vêtement, le logement dont nous avons besoin n’est pas indigne de notre foi. Ce sera bien plutôt reconnaître notre dépendance absolue à son égard ainsi que son règne sur toute la création. Ce sera le début de la sanctification du nom de Dieu.
Si le Seigneur veut que nous lui présentions une telle demande, rappelons toutefois qu’elle concerne le pain de « ce jour ». Avec bonté et sagesse, notre Père ne veut pas nous sécuriser une fois pour toutes, mais il promet d’accorder le pain jour après jour. Notre prière consistera donc à lui demander la portion limitée dont nous avons réellement besoin pour cette journée.
Loin d’entretenir l’inquiétude malsaine face à un lendemain économique ou écologique incertain, cette humble prière nous fera ainsi regarder avec confiance vers le Maître de l’histoire qui pourvoit en tout. Elle nous obligera à revenir chaque matin chercher la présence de Dieu et lui demander avec foi qu’il accorde au travailleur la moisson du blé. Elle sera prononcée par le riche comme par le pauvre, puisque l’un et l’autre ne pourront se dispenser de demander à Dieu leur pain quotidien et devront tous les deux apprendre que, dans leur situation respective, leur subsistance est assurée par Dieu.
Loin de favoriser la paresse ou le désœuvrement, cette prière fervente prononcée avant d’aller besogner jettera également une lumière sur le sens et la valeur de notre travail par lequel le Seigneur nous donne aujourd’hui « notre » pain. Elle nous obligera à rechercher la volonté du Roi concernant la gestion des biens matériels qu’il nous confie et ouvrira notre cœur à la générosité à l’égard des plus démunis. Loin d’encourager la convoitise, le goût de l’escroquerie ou le luxe superflu, cette modeste requête développera enfin en nous une attitude de reconnaissance et de contentement pour la part qui nous est donnée aujourd’hui. Elle nous obligera à revenir encore et encore à Dieu pour le remercier, heureux et satisfaits de ce qu’il nous donne. Elle nous permettra même d’accepter la souffrance et la disette, puisque nous aurons auparavant regardé par la foi au-delà de la perspective terrestre et nous aurons subordonné toute notre vie à la seule gloire de notre Dieu, à l’établissement de son règne et à l’accomplissement de sa volonté.
À n’en pas douter, cette prière sera celle des véritables sujets du Roi qui reconnaissent en lui la source unique de tout bien et qui refusent de placer leur confiance ailleurs qu’en lui. Pourront apprendre à prier ainsi à l’école du Christ ceux qui appellent Dieu leur Père et qui vont au Père par la seule et parfaite médiation de son Fils. Maintenant assis à la droite du Père, il intercède favorablement et adéquatement aussi bien en faveur de nos besoins matériels que spirituels, puisqu’il règne sur toutes choses et qu’il vient bientôt achever son Royaume.