Matthieu 6 - Que ton nom soit sanctifié
Matthieu 6 - Que ton nom soit sanctifié
« Que ton nom soit sanctifié. »
Matthieu 6.10
Aussitôt après avoir invoqué Dieu en tant que « notre Père », la première requête concernera sa cause. Les trois premières requêtes du Notre Père concernent la personne même de Dieu. Selon une idée largement répandue, l’intention première de la prière serait l’intérêt et le souci de l’orant. Dans la pratique courante, le nom, l’existence et les besoins de celui qui prie constituent l’objet et le contenu de la plupart de ses prières. Jésus a renversé cet ordre de choses; il a le secret pour dépister les éléments illégitimes qui s’infiltrent dans nos prières et qui les infestent. Il a aussi l’autorité pour nous demander de chercher tout d’abord la sanctification du nom de Dieu. Ainsi, dès la première demande, nous sommes détournés de nos préoccupations égocentriques et orientés vers l’intérêt de Dieu. Nous nous mettons à ses côtés comme si celui-ci ne voulait pas poursuivre l’accomplissement de ses desseins sans notre concours. Il nous engage à son service déjà au moyen de notre prière.
Que signifie donc que cette sanctification de son nom? Nous avons déjà évoqué l’impossibilité pour l’homme naturel d’invoquer Dieu. Créatures de péché, il nous est naturellement impossible de l’appeler par son nom, d’exiger qu’il s’abaisse jusqu’à notre niveau, qui est celui du péché. Pourtant, lorsqu’il vient, il se présente à nous en révélant son nom, afin que nous puissions non seulement le connaître, mais encore l’aimer et vivre en sa compagnie. Celui qui se trouve au commencement et à la fin de toute la réalité créée, le Premier et le Dernier de l’univers, qui le soutient et qui le protège, qui dirige l’histoire et chacune de nos destinées, nous est devenu accessible et connu par le plus émouvant de ses noms.
Dans la Bible, le nom devient souvent l’équivalent de la personnalité de celui qui est nommé. Il en est ainsi, en tout cas, en ce qui concerne le nom de Dieu, qui le révèle dans sa splendeur et dans sa liberté. D’après le livre de l’Exode, lorsque Moïse reçoit la mission d’aller vers les tribus d’Israël, il est informé d’abord du nom de Dieu et chargé de cette mission : « Tu diras aux enfants d’Israël : je suis celui qui suis » (Ex 3.14).
En nous engageant dans la prière, Jésus nous invite en tout premier lieu à respecter la grandeur de Dieu révélée en son nom. Ce nom ne sera profané ni par la pensée ni par les paroles. Aucun de ses mystères ne doit être évoqué en vain. Il s’agit donc bien d’une requête et non pas d’un vœu pieux.
Peut-être nous posons-nous la question de savoir s’il est possible de prier pour la cause de Dieu, s’il est imaginable que nous soyons en mesure de demander quelque chose concernant sa divine personne… Ne faudrait-il pas, plus prudemment, n’exprimer que quelques souhaits? Une telle requête n’est-elle pas redoutable? Nous nous tromperions gravement en doutant de la légitimité de cette première demande, car elle est bien une prière, une prière pleine et vraie, au sens le plus ordinaire du mot! C’est une prière authentique, car, effectivement, nous demandons à Dieu quelque chose pour lui-même, lui qui n’a besoin ni de notre apport ni de notre contribution.
Cette demande exprime le désir de nous abreuver à la source de tout bien. La gloire de Dieu devient la première préoccupation de celui qui prie : « Fais-nous la grâce de bien te connaître, de publier ta toute-puissance, ta bonté et ta sagesse, ta justice et ta miséricorde paternelle. Que ta vérité brille dans toutes les œuvres que tu accomplis devant toutes les créatures. » Quelle redoutable demande, en effet, et combien étrangère à notre nature humaine! Elle nous force à régler nos paroles et chacun de nos actes pour les soumettre à la volonté de Dieu. Notre prière exerce un contrôle inéluctable jusqu’aux recoins les plus éloignés de notre pensée.
Le nom de Dieu, qu’en faisons-nous? Il traîne ici et là dans nos pensées ou dans nos conversations, il recouvre quelques vieilles réminiscences peut-être, plus souvent il ne recouvre rien du tout, ou même, qui pis est, il recouvre des lâchetés et des turpitudes! Le souci de notre nom est un souci d’incrédules. Mais nous soucier du nom de Dieu est le signe de notre conversion véritable et profonde, de notre attitude fondamentale de croyants. Il est impossible de prononcer cette demande sans la foi, sans être arrachés à nous-mêmes, et si notre prière, comme toute notre existence religieuse, ne commence pas par une telle rupture, par la mort à soi-même qui freine nos ambitions inconsidérées et porte un coup à notre orgueil, alors nous sommes sur la voie de la perdition. Il faut dénoncer la ténacité démoniaque de l’orgueil qui se cache au cœur de la vie de l’homme et qui accorde une place trop importante à celui-ci et à la recherche de soi-même. Une telle pratique religieuse n’est que pure hypocrisie.
La profanation du nom de Dieu est de nos jours un péché fort courant. L’on y succombe même sans y songer. Elle révèle l’ignorance totale que nous avons de Dieu, de celui révélé en Jésus-Christ et dans l’Écriture. Il est certain que si nous connaissions bien notre Bible nous éviterions de commettre ce sacrilège. Une ignorance coupable de la Bible se trouve étroitement associée à cette profanation. Elle touche même les Églises chrétiennes. Or, la plus grande tragédie qui frappe les hommes, et l’histoire en est témoin, est la profanation du nom unique donné aux hommes pour leur salut, le nom discrédité, vilipendé, profané et sali de Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu. Pourtant, la Bible fut écrite dans l’intention précise et unique d’amener les hommes à croire en lui afin d’avoir la vie éternelle.
Lorsque les hommes ne connaissent pas la Parole de Dieu, ils ne peuvent pas connaître le nom de Jésus, en qui se trouve leur unique espérance. L’homme sera sauvé de ses profanations et des malédictions qu’il aura proférées même contre le Fils de Dieu s’il confesse dans la repentance le nom unique donné aux hommes, s’il croit du fond de son cœur à ce seul Sauveur. Comment croire pour être sanctifié? Comment être sanctifié pour être sauvé? Remarquons qu’il ne s’agit pas d’une doctrine froide et impersonnelle, mais d’une requête chaleureuse et pleine d’implications pratiques.
Notre première demande implore Dieu de diriger le monde et les affaires sociales, économiques, politiques, nationales et internationales; celles de l’Église autant que nos affaires personnelles, de sorte que tout d’abord et au-dessus de tout, son nom reçoive la gloire et la louange qui lui sont dues.
La forme passive de la requête « que ton nom soit sanctifié » implique que le Dieu tout-puissant glorifiera son nom à travers nous : « Père, lui disons-nous encore, glorifie ton nom quoiqu’il advienne, même si la sanctification de ton nom devait nous conduire sur les chemins de la souffrance, voire de la mort. Glorifie ton nom quoiqu’il advienne à notre personne, car nous ne sommes pas inquiets, en tout premier lieu, au sujet de nous-mêmes. Si tu nous envoies l’adversité et que par là tu veux te révéler au monde, nous ne chercherons pas notre propre bien-être ni sécurité. » Ainsi, dans les circonstances les plus adverses, le premier cri de notre cœur ne sera pas l’appel au secours et à la délivrance, mais : « Père, même si nous sommes conduits à travers la vallée de l’ombre de la mort, si la guerre et les cataclysmes nous menacent, lorsque la faim, la nudité la tristesse et la douleur nous submergent, lorsque surgit la persécution, nous ne voulons pas nous révolter contre tes desseins, mais te demander humblement : Sanctifie ton nom. »
C’est une chose précieuse que de connaître le nom de Dieu au sein de l’adversité. Dans la maladie ou dans la persécution, lorsque plus personne ne nous entoure, que nous sommes privés de tout soutien moral et même parfois d’assistance physique, pouvoir invoquer le nom connu du Père céleste sachant que le sang précieux de son Fils nous a lavés et purifiés de toute profanation et de toute rébellion, sera pour nous la première béatitude; ce sera l’unique consolation de celui qui, tenaillé par la souffrance et dévoré par la maladie, pourra prononcer, même avec une voix vacillante, ce « Père, sanctifie ton nom ».
Nous serons également disposés à sanctifier le nom de Dieu en face de toutes les profanations et utilisations abusives qui en sont faites. À cause de la magie subtile qu’ils attachent au nom de Dieu, les hommes cherchent avec avidité à le maîtriser par toute espèce de subterfuges et par des incantations blasphématoires, afin de le rendre propice à leurs projets et de lui faire avaliser leur conduite.
Que l’Église, peuple de Dieu, ne se rende pas coupable de telles profanations! La désinvolture spirituelle, une lecture superficielle de la Bible, des prières dites dans la distraction, des cultes formalistes et ritualistes sont, à leur manière, des sacrilèges.
La sanctification du nom de Dieu implique notre salut par Dieu et non par un sauveur de fortune. Elle nous engage à refuser toute dictature du corps et de l’esprit, morale ou spirituelle, technique ou scientifique, intellectuelle ou politique.
Jésus-Christ, qui nous a laissé cette prière modèle, nous a aussi donné l’exemple de la manière dont il a sanctifié le nom de Dieu.
Il a accepté pour cela la mort de la croix et, le soir de son arrestation, il a prié : « Mon âme est troublée, que dirais-je : Père, délivre-moi de cette heure? Mais c’est pour cette heure que je suis venu! Père, glorifie ton nom » (Jn 12.27-28). Toute profanation du nom de Dieu est un péché terrible, mais il y en a une qui ne sera jamais pardonnée; celle de l’incrédulité rebelle. Le pécheur qui peut dire « que ton nom soit sanctifié » est un pécheur pardonné. Mais celui qui ne peut prononcer dans la foi cette requête est coupable d’avoir pris le nom de Dieu en vain et le nom du Fils de Dieu aussi. Le Dieu saint est aussi le Dieu juge. Nous ne pouvons pas échapper ä sa colère qui condamne et qui brise toute résistance.