Mauvais conseil
Mauvais conseil
« Je reconnais que l’Éternel fait justice au malheureux et droit aux pauvres. »
Psaume 140.13
Le Samaritain est loin d’être le seul à s’être retrouvé devant un tel dilemme; en fait, c’est si courant aujourd’hui dans nos propres vies que ça donne à réfléchir. Combien de fois n’avons-nous pas entendu au cours des dernières années que telle ou telle situation critique dans laquelle se trouvent les citoyens de tel endroit lointain ne suscite en nous ou en nos gouvernements aucun intérêt et n’éveille aucun sens de responsabilité? Nous n’avons pas besoin de porter une grande attention pour percevoir l’argument plus sinistre propagé à voix basse : que certaines vies, même si nous pouvions les préserver, ne valent tout simplement pas la peine d’être vécues, faisant ainsi écho à ce qui a dû traverser l’esprit du sacrificateur et du Lévite qui ont précédé le Samaritain sur cette route dangereuse.
Cependant, de nos jours, nous faisons face à une menace plus immédiate alors qu’un peu partout dans le monde des systèmes de santé financés par les taxes et les impôts débattent de politiques, ou instituent des politiques, visant à mettre intentionnellement fin aux vies de ceux et celles qui se trouvent aux deux extrémités du nombre d’années accordé à l’homme. Alors que certains pays en sont à se moquer de ces commissions qui débattent des grandes questions relatives à la mort, d’autres pays voient les fruits du travail diligent de ces commissions. Au cœur de ce débat qui fait rage aux États-Unis, des gens dans les plus hautes sphères du gouvernement soutiennent que la vie des moins de dix ans et des plus de cinquante ans est généralement moins productive; par conséquent, elle mérite moins d’être préservée et l’on devrait peut-être pouvoir en considérer l’élimination.
Bien que l’argument de « la qualité de la vie » — raisonnement par lequel certaines vies sont écartées comme étant insignifiantes, non importantes ou tout simplement gênantes — soit un très vieil argument, notre époque est peut-être celle qui, de toute l’histoire, a le plus défendu cet argument ou en a fait un souci premier du citoyen moyen. Lorsque le mouvement eugénique — cette abomination qui a plus tard engendré la Fédération internationale pour la planification familiale [Planned Parenthood] —, a proposé « d’améliorer la société » par des approches darwiniennes, soutenant ouvertement que certaines personnes, telles que les pauvres et les infirmes, avaient si peu à offrir à la société que leurs vies étaient sans importance, très peu de gens ont eu le courage de les contredire ouvertement.
Quand ce mouvement s’est répandu dans l’Allemagne d’avant-guerre, où les indésirables d’un point de vue eugénique ont été officiellement étiquetés comme des « bouches inutiles » et des « vies ne valant pas la peine d’être vécues », le reste du monde a refusé de le croire et, chose incroyable, certains se sont même portés à la défense de la pratique de mettre fin de manière systématique à ces vies « inutiles ». Depuis lors, chaque fois que nous est révélé un autre aboutissement de cette philosophie — des camps de la mort nazis, aux goulags soviétiques, aux champs de la mort cambodgiens et kurdes, et maintenant aux cliniques que l’on retrouve dans des milliers de nos villes —, la plupart des gens sont passés de l’incrédulité sidérée, convaincus que chaque atrocité successive ne pouvait qu’être la dernière, à la résignation, à un sentiment d’impuissance personnelle pouvant, comme certains l’ont faussement cru, excuser leur inaction.
La parabole de Jésus montre clairement que tel n’est pas le cas. Nous ne pouvons passer outre notre devoir envers les autres sous prétexte que ce ne serait pas à notre convenance; nous ne pouvons éviter notre responsabilité en niant le fait qu’ils ont besoin d’aide ou parce que, soi-disant, ils ne mériteraient pas notre aide, et nous ne pouvons certainement pas manquer à notre devoir parce que notre vote ou notre voix nous semble inutile et insignifiant. Cependant, chose encore plus importante, nous ne pouvons pas refuser d’apporter notre aide à une autre personne parce que, dans notre esprit, sa vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue. Agir ainsi serait accuser l’Auteur de la vie, celui qui nous donne la vie, d’avoir commis une erreur en ayant donné la vie à cette personne et en l’ayant préservée! Les occasions de défendre et de protéger ces vies abondent pour chacun d’entre nous. Si l’on vous a convaincu que vos actions ne feraient aucune différence, vous avez reçu un mauvais conseil.