Psaume 24 - La terre est au Seigneur
Psaume 24 - La terre est au Seigneur
« De David. Psaume. À l’Éternel la terre et ce qui la remplit, le monde et ceux qui l’habitent! Car c’est lui qui l’a fondée sur les mers et affermie sur les fleuves. Qui montera à la montagne de l’Éternel? Qui s’élèvera jusqu’à son lieu saint? — Celui qui a les mains innocentes et le cœur pur; celui qui ne livre pas son âme aux choses vaines, et qui ne jure pas pour tromper. Il obtiendra la bénédiction de l’Éternel, la justice du Dieu de son salut. Telle est la génération de ceux qui le recherchent, de ceux qui cherchent ta face, de Jacob! Pause. Portes, élevez vos linteaux; élevez-vous, portails éternels! Que le roi de gloire fasse son entrée! Qui est ce roi de gloire? — L’Éternel le fort et le héros, l’Éternel, le héros de la guerre. Portes, élevez vos linteaux; élevez-les, portails éternels! Que le roi de gloire fasse son entrée! Qui donc est ce roi de gloire? — L’Éternel des armées : C’est lui, le roi de gloire! »
Psaume 24
Le psaume fait partie du groupe de chants de l’ancien Israël et il est appelé Psaume de l’ascension. Il fut sans doute rédigé par le roi David en personne. Le contexte immédiat de sa rédaction est celui du retour de l’arche de l’alliance à Jérusalem après des années de capture par l’ennemi philistin. L’arrangement littéraire du texte est fort intéressant : Une partie du chœur antiphoné se tient au pied des murailles de la ville sainte, tandis que l’autre partie donne la réponse au-dessus de celles-ci. « Portes, élevez vos linteaux. Élevez-vous, portails éternels! Que le roi de gloire fasse son entrée! », chante le premier groupe, et le second répond aussitôt : « Mais qui est le roi de gloire? » Le premier chœur reprend alors : « L’Éternel, le fort et le héros, l’Éternel, le héros de la guerre. C’est lui, le roi de gloire! »
Cette partie antiphonée du psaume est répétée deux fois, et une lecture attentive du texte nous permettra de mieux comprendre la construction particulière de ce psaume familier et de mieux en saisir le sens. L’idée est que la gloire de Dieu est tellement grande qu’elle ne peut pas pénétrer à travers les linteaux des portes, à moins que celles-ci ne soient suffisamment élevées, car Dieu ne s’abaissera pas pour y entrer. Mais il ne laissera pas pour autant sa gloire en dehors de la ville sainte qu’il s’est choisie.
Ainsi, dans ce chœur antiphoné, Dieu présente son droit d’être loué et adoré, et son peuple est instruit au sujet de sa divine majesté.
Le monde appartient à Dieu, et le droit de propriété qu’il réclame se fonde sur son œuvre de Créateur. Non seulement la terre lui appartient, mais encore toute sa plénitude; l’ensemble et chacune de ses parties. Dans cette plénitude se trouve inclus le gérant actuel de la création, c’est-à-dire l’homme.
Il est alors évident que si celui-ci veut se présenter devant Dieu son Créateur, il doit être pur, aussi bien de ses mains que de son cœur. Dieu exige la sainteté intérieure de celui qu’il avait désigné comme gérant de sa bonne création. Avant même que l’homme ne s’attelle à son ouvrage et n’entreprenne la culture de la terre, il devra nécessairement savoir qu’il appartient, avec le reste de la création, à l’unique propriétaire de celle-ci et qu’il doit rendre l’hommage qui lui est dû. Le rapport entre Dieu et l’homme doit précéder nécessairement tout rapport entre l’homme et son prochain, ainsi que toute relation avec la nature environnante.
Cependant dans un autre psaume (Ps 50), l’auteur biblique fait état de la plainte de Dieu parce qu’il n’est pas reconnu et loué en tant que Maître absolu de l’univers. Alors Dieu appelle le témoignage des cieux et de la terre dans l’accusation qu’il lance contre une telle ingratitude. Les cieux et la terre sont les témoins de toutes les fautes de l’homme et ils les laisseront à découvert, même dans les sacrifices religieux offerts en l’honneur de Dieu. Car contrairement à ce que s’imaginaient les adorateurs de l’époque, Dieu n’avait nullement besoin de leurs sacrifices. De toute manière, le règne végétal et le règne animal font partie, comme tout le reste, de la propriété divine. Dieu ne mange pas de la chair animale et n’étanche pas sa soif avec le sang des agneaux. Il s’élève contre l’idée de l’homme qui prétend lui apporter quelque chose pour combler un vide qui se trouverait en lui. C’est de l’arrogance pure et simple que de penser que Dieu aurait besoin de l’homme mortel et pécheur! Le Dieu Créateur est le soutien de son univers. Voilà tout.
« Comprenez donc cela, vous qui oubliez Dieu, de peur que je ne déchire, sans que personne délivre. Celui qui, en sacrifice, offre la reconnaissance me glorifie et à celui qui veille sur sa voie je ferai contempler le salut de Dieu » (Ps 50.22-23).
C’est en tenant compte de ces déclarations que nous pourrons considérer le monde de la nature et l’inclure dans la création. Le premier chapitre du livre de la Genèse nous aidera aussi à former notre conception écologique. Tout d’abord et avant toute considération d’ordre écologique, ce texte biblique nous invite à la louange et à l’adoration.
La question essentielle est celle-ci : quelle est la place et quel est le rôle de l’homme dans la création? À cette question, la Bible offre un message global d’une très grande importance. Voici ce que dit le message biblique :
1. Dieu est l’auteur de la création. Le processus d’appeler à l’existence ce qui n’existait pas, ainsi que toute la riche variété de formes de la vie sont l’œuvre divine. Il est resté au milieu d’elle depuis le néant jusqu’à la formation du jardin d’Éden. Il était présent au moment où il amena la femme vers l’homme et que celui-ci reconnut en elle « chair de sa chair et os de ses os ». Dieu resta présent dans sa création jusqu’au grand moment du sabbat, c’est-à-dire l’heure de l’achèvement de ses œuvres et du repos divin qu’il s’accorda.
2. Dieu agit de telle sorte que ce qui n’avait ni existence ni forme devint concret et prit forme. Ce qui signifie que la création ex nihilo veut dire à partir du néant. Ainsi, Dieu forma un cosmos, c’est-à-dire un univers ordonné dans lequel toutes les parties sont harmonieusement assemblées. Chaque nouvelle partie s’édifie sur la précédente. Et c’est ainsi que s’achève l’œuvre majestueuse de la création. La lumière d’abord, la mer et la terre ensuite, puis les astres célestes, ensuite les plantes et les animaux et, en dernier lieu, l’homme.
Il existe aussi un ordre dans la dépendance. Le dernier dépend du premier. Mais il y a, inversement, un ordre de contrôle dans lequel le dernier régit et gouverne celui qui le précède. Le soleil et la lune régiront le jour et la nuit. Les animaux consommeront la végétation; l’homme, quant à lui, exercera sa domination sur les animaux et sur tout le reste. Il devient donc le gérant de la création. Ceci nous oblige à reconnaître que l’idée moderne de la démocratie est une fausse idée lorsqu’elle est appliquée à l’ordre de la création, car Dieu y a établi un ordre et une structure hiérarchiques. Le Nouveau Testament confirme cette idée lorsque, sous la plume de l’apôtre Paul, nous lisons : « Tout est à vous, […] vous êtes à Christ et Christ est à Dieu » (1 Co 3.21-23).
3. Dieu place la terre et tout ce qu’elle contient sous le contrôle de l’homme. Il les lui donne en toute liberté afin que celui-ci en jouisse pleinement. À cause de cela l’homme peut faire à présent, dans une certaine mesure, ce que Dieu fit à l’origine, c’est-à-dire prendre plaisir à la nature créée. Mais y prendre plaisir est toute autre chose qu’en abuser et l’exploiter. En prenant plaisir à la bonne création de Dieu, l’homme contribue à son épanouissement et à la manifestation de toutes les potentialités qui y sont incluses. Par les fruits de sa culture et le résultat de ses labeurs, il parvient à enrichir et à apporter de nouvelles formes dans la nature qui lui a été confiée. En revanche, exploiter et appauvrir la terre n’est plus imiter l’activité divine, mais se comporter en imposteur et agir en usurpateur.
4. Le sabbat, culmination de la création, est destiné au repos et au loisir. Dieu vit que ce qu’il venait d’accomplir et d’achever était bon et beau. Chaque partie complétait admirablement l’ensemble, dans une harmonie extraordinaire. Oui, en achevant sa création, Dieu la contempla et, voici, il la trouva excellente.
En concluant cet article, soulignons deux points essentiels :
1. Le monde de la nature n’est pas un monde divin. Il est la création, l’œuvre de l’intelligence divine. Il existe une différence essentielle et éternelle entre Dieu et le monde. Aux yeux des anciens Israélites, cela signifiait la libération par rapport à la fausse et asservissante religion animiste croyant en un monde peuplé d’esprits et de divinités.
Il n’existe pas d’espoir ni pour l’homme ni pour la nature dans une foi en des esprits identifiés avec celle-ci. Ce serait le refus de la foi du psalmiste qui déclarait : « La terre est au Seigneur et tout ce qu’elle contient. » Ce serait le rejet de la conviction que Dieu est à la fois Créateur et providence. Il ne faut jamais oublier que la conception animiste du monde — quelle qu’en soit la forme — empêche l’homme de devenir le maître et le gérant de la création, ce qui reste sa vocation originelle.
2. L’idée moderne selon laquelle la nature serait autonome et autarcique n’est pas meilleure que la précédente. Si le monde n’est pas Dieu, il n’est pas pour autant indépendant de lui. C’est une aberration que de prétendre que la nature agirait de manière automatique et serait régie par le hasard.
La nature ne peut pas s’expliquer sans une référence qui lui soit extérieure, bien que ce soit là le dogme d’un évolutionnisme aveugle et dépourvu de tout fondement scientifique. Défendre l’idée d’une nature qui se suffirait à elle-même conduit fatalement à une foi inversée déclarant qu’après tout, Dieu n’est pas nécessaire et qu’il n’existe même pas. Ce serait le comble de l’absurde, une folie insensée.
Pour le chrétien, lecteur de la Bible, Dieu pénètre son univers et la soutient instant après instant. Il demeure actif. Jour et nuit, la création témoigne de la présence de Dieu et exalte sa toute-puissance.
« La terre est au Seigneur et toute sa plénitude. » C’est cette vérité élémentaire qui devrait nous guider lorsque nous discutons des rapports entre l’homme et la nature — c’est-à-dire lorsque nous faisons de l’écologie — de même que lorsque nous tâchons de saisir la relation entre Dieu et l’homme en faisant de la théologie.