Réponse aux arguments en faveur du ministère pastoral féminin
Réponse aux arguments en faveur du ministère pastoral féminin
Von Allmen aborde la question de l’altération de la doctrine du ministère pastoral. D’où vient, s’interroge-t-il, une ecclésiologie qui fausse à ce point le ministère pastoral? Pour répondre à cette question, il faut prospecter dans les directions suivantes :
Une altération qui fait du ministère pastoral une mesure de rendement ecclésiastique seulement, qui le situe sur le plan du bene esse de l’Église, qui provient de la contamination de l’Aufklärung (philosophie des Lumières du 18e siècle). Contrairement à l’Évangile qui est une entreprise de sanctification, l’Aufklärung est une entreprise de profanation. La grâce baptismale supporte la diversité et la spécificité des vocations, des mises à part, et elle s’en réjouit, car elle sait que leur intention c’est l’unité, l’édification, le rayonnement, la vie du corps du Christ; l’illuminisme rationaliste les redoute parce qu’il y voit des sources de différences et donc des causes de jalousie, d’envie, de tyrannie, parce qu’il y constate un refus d’alignement, de nivellement, un vestige tenace de ce « sacré » dont il s’est juré de libérer l’homme. Au mépris total de la doctrine biblique du baptême, on va répétant qu’il n’y a désormais plus de différence entre le sacré et le profane, et protégé par cet axiome, on entreprend d’arracher de l’Église tout ce qui rappellerait cette différence… On désacralise, on profane donc le ministère pastoral en cessant de l’accueillir comme une grâce, en le réduisant à une fonction d’organisation interne.
Une autre source d’altération du ministère pastoral remonte à la Réforme, qui provient d’une mauvaise interprétation de la sacrificature royale du peuple de Dieu. Puisque tous les baptisés font partie d’un peuple de sacrificateurs, l’Église peut se passer de prêtres spécifiés et professionnels. Pour sa bonne marche, elle engagera en revanche des ministres à elle.
Dans quelques pages dactylographiées, le pasteur P.-Ch. Marcel avait fait la recension des passages bibliques traitant de la notion du sacerdoce universel et réuni un certain nombre de commentaires d’auteurs protestants. Nous reproduisons dans un article complémentaire les commentaires de Calvin sur Le sacerdoce universel des croyants, dans l’intention de clarifier quelque peu les idées.
Examinons les autres facteurs qui ont contribué à l’altération du ministère pastoral, et à la « valorisation » forcée, tout artificielle, de la femme dans l’Église.
« La conception naturaliste de la femme dans le monde païen en a fait une prêtresse. Les cultes de la fécondité la mettaient en évidence. Et quand saint Épiphane nous renseigne sur les Collyridiens, qu’il accuse d’avoir offert des sacrifices à la Vierge Marie, il dit qu’ils étaient en faveur du ministère des femmes (Haer. I, xxix, 4). Elles jouèrent effectivement dans certaines sectes anciennes un rôle prépondérant.1 »
L’admission des femmes à des offices ecclésiastiques soutient que l’unité de base de l’humanité n’est pas l’individu, l’être humain individuel, mais l’unité homme et femme comme un; ce n’est pas l’individu, mais l’homme et la femme qui ensemble porteraient l’image de Dieu. Par conséquent, l’homme sans la femme ne pourrait exercer de ministère complet. Un ministère qui exclurait la femme ne serait pas véritablement humain, ce serait un ministère déformé.
Mais ceci est un non-sens raffiné. D’une part, cela pourrait signifier que notre Seigneur ne fut pas un homme véritable puisqu’il ne devint pas homme femme. Son humanité masculine manqua l’élément féminin, alors il ne porta pas véritablement l’image de Dieu. En outre, cela signifie que l’image n’est point portée par un humain individuel, mais seulement par l’unité homme femme et même ainsi, par l’homme et la femme mariés, puisque c’est dans un tel rapport qu’ils deviennent une seule chair. Si tel est le cas, même si l’argument était valable, la conclusion logique en serait non seulement l’ordination des femmes au ministère, mais celle d’un couple marié! Et puisqu’ils forment une seule chair, ils seront aussi d’un seul esprit, négligeant toute discipline et tout ordre que doit exercer l’Église institution.
Un argument plus familier, quoique non moins redoutable, est celui qui veut que le Nouveau Testament reflète dans ses règles ecclésiastiques des us et des coutumes d’une société ancienne à jamais révolue. Dans cette société, on dit que la femme est inférieure aussi bien dans son statut que dans son éducation. Elle est la propriété et le jouet de son époux. Soit qu’il partageait l’humeur antiféministe de son époque, soit qu’il avait peur de paraître trop radical, voire révolutionnaire, ou encore parce qu’il n’avait pas compris les implications de sa propre doctrine du sacerdoce universel, l’apôtre Paul se serait accommodé aux circonstances et à la coutume de son temps. Lorsque ces circonstances changèrent, son enseignement dut perdre toute incidence et son caractère normatif.
Cependant, de tout ce que nous connaissons de l’apôtre, nous savons qu’il ne fut certainement pas antiféministe ou misogyne. Contrairement à des rabbis juifs contemporains, nous le voyons en compagnie de saintes femmes; il parle d’elles avec considération et profond respect, parfois en des termes d’une discrète, mais sûre affection; il recommande certaines d’entre elles à l’attention et aux soins des Églises. Luc qui reflète le mieux la pensée du grand apôtre, tant dans son Évangile que dans le livre des Actes, accorde une place considérable au rôle tenu par des femmes. Il souligne leur fidélité et leur dévouement. Paul ne reléguait pas la femme dans la position d’infériorité que leur réservaient les sociétés gréco-romaines contemporaines, voire le judaïsme dans lequel il avait été élevé. Les femmes mentionnées dans les écrits de Paul et de Luc ne sont ni des méprisées ni des illettrées. Songeons à Lydie, à Priscille, à Phœbé, à Loïs et Eunice, toutes des femmes d’intelligence, cultivées et d’une grande force de caractère, d’une spiritualité remarquable, capables aussi bien d’enseigner et de présider que des représentantes modernes de leur sexe, qui de nos jours aspirent avec une telle flamme dévorante au ministère pastoral.
Un argument tiré du célèbre passage de Galates 3.28 revient bien entendu à l’esprit. « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni affranchi, ni esclave, il n’y a ni homme ni femme, car vous êtes tous un en Christ. » Ce passage impliquerait l’égalité chrétienne de la femme. Il lui accorderait le titre de servir en même temps que les hommes par un ministère reconnu et consacré. Nous devrions nous rappeler à cet égard que le même apôtre qui a rédigé ces mots n’avait pas renié son autre parole selon laquelle la femme ne peut réclamer le droit de présider et d’enseigner. Il interdit explicitement un tel droit. Affirmer qu’en Christ il n’y a ni homme n femme reflète une connaissance chrétienne essentielle; mais prétendre que l’exclusion de la femme de l’office ministériel annonce l’incapacité de l’apôtre de tirer toutes les implications de sa propre théologie revient à sacrifier l’autorité apostolique et, en même temps, la possibilité même de professer et de maintenir un christianisme normatif. Dans un tel cas, la théologie chrétienne ne peut plus reconnaître le bien et le mal, et tout chrétien pourrait s’arroger le droit de critiquer l’apôtre et de s’opposer à son enseignement.
À notre avis, nous avons à respecter un tel passage, et tous les passages relatifs à la place et au rôle de la femme dans l’Église, au même titre que tous les autres chapitres de la théologie paulinienne qui ne constituent pas moins que la révélation écrite, définitive, claire et suffisante du Dieu notre Rédempteur. Si Paul déclare le sacerdoce universel des croyants, il reconnaît en bonne logique que les femmes y ont droit, pas moins que les hommes. Elles ont accès à Dieu au même titre que les hommes par la médiation du Christ. Elles partagent entièrement les privilèges de la justification, de l’adoption et de la sanctification. Elles possèdent la même assurance de l’amour de Dieu, bénéficient de la même paix de conscience, débordent avec la même joie en l’Esprit Saint. Elles peuvent également servir Dieu. Là n’est pas la question. Elles ont leur propre ministère, leur service, fruit naturel, spontané et nécessaire du salut dont à leur tour elles ont été les récipiendaires. Elles sont incluses dans la logique de la rédemption, par l’élection, au salut et au service. À leur tour, en réponse à la miséricorde divine, elles sont tenues à présenter leur personne comme un sacrifice vivant, agréable à Dieu, ce qui est de leur part aussi leur culte raisonnable.
Néanmoins, il existe d’importantes différences entre les hommes et les femmes, et celles-ci ne sont pas d’ordre seulement physique, mais aussi intellectuel, psychologique ou caractériel, voire spirituel. Ces différences ne les excluent pas de l’économie du salut. On peut même concourir avec certains théologiens qu’elles sont mieux disposées envers la religion que leur partenaire du sexe opposé. Mais ces différences exigent que le service qu’elles rendent soit autre. Chacun, homme ou femme, servira avec la capacité qui est la sienne. Or, nous constatons que le Créateur n’a pas pourvu la femme de capacités requises pour présider l’assemblée, pour enseigner en public, pour prendre d’initiative dans les affaires ecclésiastiques. Sa constitution même, aussi bien dans sa force que sa faiblesse, la rend impropre à tenir une telle position d’autorité dans l’Église chrétienne. Elle a son propre diaconat; peut-être au regard de Dieu plus honorable encore, mais c’est un diaconat qui n’inclut ni le gouvernement de l’Église ni l’enseignement public. Il lui est même interdit d’aspirer à de tels dons. Exiger d’une femme d’exercer un ministère d’enseignement et d’autorité, c’est attendre d’elle qu’elle chante en voix basse! Ce serait violer l’ordre de la nature.
Un autre argument est fondé sur 1 Corinthiens 11.5. Cette parole n’offre-t-elle pas la base d’une légitimation de la prière et de la prophétie en public? Il suffirait que la femme soit voilée.
Notons premièrement que ce texte ne parle pas d’autre chose que de la prière et de la prophétie. Il n’autorise pas, ni implicitement ni explicitement, l’exercice de l’enseignement ou du gouvernement. Il ne dit le moindre mot pour assurer l’admission de la femme au diaconat ordonné ou pour devenir ancienne ou docteur.
En deuxième lieu, il n’existe pas d’instance rapportée par le Nouveau Testament où des femmes ont prié et prophétisé en public. Il est certes fait mention de plus d’une prophétesse, telle qu’Anne dans Luc 2.36 et les filles de l’évangéliste Philippe dans Actes 21.9. Mais rien ne nous autorise à penser qu’elles aient publiquement exercé un ministère officiellement reconnu.
En outre, ces paroles ne devraient pas être lues isolées de 1 Corinthiens 14.34. Dans ce dernier passage, Paul envisage délibérément la question : Les femmes peuvent-elles parler en l’Église? Sa réponse négative est claire et directe. Même en dehors du fait de son inspiration, il est rarement possible que, peu après avoir interdit à la femme de parler dans l’assemblée, il se soit contredit de manière aussi flagrante. Paul ne souffre pas de schizophrénie intellectuelle.
L’hypothèse plausible est que la prière et la prophétie dont il est question dans 1 Corinthiens 11.5 n’ont pas eu lieu lors d’une assemblée ecclésiastique. Ceci est l’hypothèse la plus probable, vu l’absence de toute indication quant à un acte public que Paul aurait en vue. Dans 1 Corinthiens 14.34 et 1 Timothée 2.11, il ne laisse pas de doute qu’il règle les détails du culte public, mais pas dans 1 Corinthiens 11.5. Il n’est pas aisé cependant de voir la pertinence que son commentaire a sur le culte privé ou de famille. Pourquoi les femmes doivent-elles se couvrir la tête en présence de leur mari et de leurs enfants?
De nouveau, il se peut que la prophétie, et peut-être la prière à laquelle Paul se réfère, furent des incidents charismatiques, mais résiduels. Dans ce cas, la révélation sera donnée en tant que don (charisme) souverain et imprévisible, et le récipiendaire, homme ou femme, est alors exempté de règles ecclésiastiques ordinaires en vigueur. Il pourrait aisément aboutir à l’état extatique dans lequel, sans préméditation, le voile est mis de côté. Une telle exemption ne serait clairement pas applicable durant l’ère post-charismatique, telle que la nôtre. Cependant, cet argument est gêné aux encoignures par le principe posé dans 1 Corinthiens 14.32 : « les esprits des prophètes sont sujets aux prophètes ». En outre, l’injonction au silence de 1 Corinthiens 14.34 n’est pas qualifiée de manière spéciale; elle ne semble pas admettre d’exception.
Il est encore possible que prier et prophétiser représentent le sommaire de la totalité du culte public et que toute femme priant ou prophétisant représente simplement sa participation au culte public. Dans ce cas, la question que traite l’apôtre n’a pas trait au parler en public des femmes. Il ne traite que d’un point qui est clairement une affaire de souci sérieux pour l’Église primitive, la question du vêtement féminin. Les femmes chrétiennes déforment la doctrine de la liberté en se présentant au culte public vêtues de manière qui choquerait même un païen, et elles donnent lieu à l’accusation d’immoralité. De son côté, l’apôtre Pierre envisageait ce même problème dans sa première lettre (1 Pi 3.3-4).
Avec une référence bien spécifique faite au culte public, Paul donne des directives semblables dans 1 Timothée 2.9. La même préoccupation de 1 Corinthiens 11.5 réapparaît ici. Des femmes viennent en assemblée avec la tête découverte; ce qui, selon l’apôtre, serait l’équivalent d’être rasée. Aux yeux des païens, elles passeraient pour des prostituées. Ce serait là le problème envisagé par l’apôtre. Est-il bon pour la femme d’apparaître en public ou de participer au culte public la tête découverte? Lorsqu’il prend séparément et indépendamment l’autre question (les femmes peuvent-elles parler dans l’assemblée chrétienne?), sa réponse est un non catégorique. Que les femmes se taisent.
L’argument en faveur de l’admission de la femme au ministère de l’enseignement évangélique revient parfois à l’évaluer à l’aune des résultats. Le Seigneur a béni la prédication publique de la femme; son œuvre, son témoignage et ses capacités furent instrumentaux dans la conversion et l’édification des gens. Nous devrions par conséquent étendre le ministère à elles et à en permettre l’exercice officiellement reconnu.
Mais un tel argument est périlleux. Il oublie que, dans sa souveraineté, Dieu peut tirer du mal accompli un bien pour sa cause; il peut choisir pour glorifier son nom des agences qui pourtant ne bénéficient pas de son approbation. Quel serait le résultat si, en inversant l’argument, on prétendait que tout ministère est illégitime parce qu’il ne porte pas de résultat?
Si nous devions évaluer un ministère évangélique à partir de ses seuls résultats obtenus, visibles, quantifiables, nous devrions également évaluer la totalité des résultats immédiats, ultimes, proches ou lointains. La prédication publique par la femme convertie et édifie. Mais est-ce tout? Ceci ne contredit-il pas l’apostolicité de l’Église à laquelle est intimé l’ordre : « Que les femmes se taisent »? L’infraction affecte bien entendu un point particulier. Mais l’esprit qui sous-tend n’est-il pas général, affectant l’ensemble de la doctrine, aussi bien ce qui y est périphérique que central? De même, quel sera l’effet à long terme sur la pureté de la doctrine? Que la femme a été trompée ne signifie-t-il pas que, quelle que soit sa force, elle est constitutionnellement inapte à exercer ce ministère, à maintenir et à défendre la foi chrétienne?
Pareillement, que dire au sujet et au sort réservé à la discipline ecclésiastique? Si le Créateur avait eu l’intention de la placer dans la position de soumission, la femme peut-elle espérer traiter adéquatement des situations qui requièrent l’autorité et l’affirmation?
Enfin, que dire de l’office donné par le Chef de l’Église quand on le bafoue ouvertement? Si nous contrevenons à ses ordonnances, n’allons-nous pas subir sa colère? Si nous attristons son Saint-Esprit, ne nous comporterons-nous pas tels ses opposants et ses ennemis? Quelque spectaculaire que soit le succès d’un ministère, ou de plusieurs ministères illégitimes, cela compensera-t-il le déclin et l’apostasie des générations?
Il n’existe aucune raison de modifier nos habitudes. Les femmes ne doivent être admises à aucun ministère ordonné de l’Église et, dans les réunions de l’assemblée, elles doivent garder le silence. Aux yeux de nombreux modernes, une telle position relève du domaine de la réaction. Mais ceci est hors de propos; pourvu que nous reflétions avec fidélité et exactitude l’esprit du Nouveau Testament.
L’un des arguments principaux en faveur du ministère pastoral féminin se trouve dans le terme de « diaconesse » de Romains 16.1 (Bibles à la Colombe, de Jérusalem, T.O.B., Crampon). Nous ferons remarquer que, dans cette traduction, le terme de « diakonos » a pris son sens technique de ministère ecclésiastique officiellement reconnu. Cependant, en lui-même, le mot est neutre. Il signifie « ministre » en général, un serviteur. Il n’a pas de connotation technique au sens de ministère ecclésiastique, celui du diacre consacré, comme c’est d’ailleurs le cas dans le passage de Marc 10.43. Par conséquent, on peut rendre parfaitement Romains 16.1 par « Phœbé, notre sœur qui est servante de l’Église qui se trouve à Cenchrées ». En dehors de ce passage, il n’existe point de trace dans le Nouveau Testament d’un office ou d’un ordre de diaconesses, pas plus que de description de leur fonction. En effet, le Nouveau Testament ne connaît rien d’un ministère ordonné de la femme. Ce n’est qu’à la fin du 3e siècle qu’apparut le ministère ordonné des femmes diaconesses, et ce uniquement dans l’Église orientale. Ce fut au concile de Chalcédoine en 451 seulement que la reconnaissance ecclésiastique officielle leur fut accordée.
Cependant, le Nouveau Testament reconnaît une classe de femmes exerçant une fonction spéciale. Il s’agit des veuves, concernant lesquelles Paul établira dans ses lettres pastorales une règle bien précise (1 Tm 5.1-16). On ne peut toutefois en tirer des conclusions qui iraient au-delà de l’existence de cette classe. Ces veuves ne formaient pas un office ou un ministère. En réalité, elles n’étaient pas tant des servantes que des bénéficiaires, appartenant à une classe de femmes démunies et matériellement pourvues par les contributions des chrétiens plus aisés de la communauté; en retour de ce bénéfice seulement, elles rendaient un certain service. Manifestement, même en ces temps apostoliques, cet ordre établi devait connaître des abus pour que Paul se voie dans l’obligation de réglementer la fonction du service et les limites des bénéfices reçus. Ces derniers étaient destinés à celles qui étaient des veuves véritables. Nulle ne devait en profiter si elle avait des enfants qui pouvaient la soutenir financièrement ou des proches parents (on suppose que ce sont des croyants qui assumeront leurs responsabilités envers des parents démunis). Seules sont admises celles qui jouissent d’une bonne réputation chrétienne, sont âgées au-dessus de soixante ans, ont été l’épouse d’un seul homme. Leur ministère consiste essentiellement à intercéder (1 Tm 5.5). Il serait tentant de supposer qu’elles furent employées comme des évangélistes parmi leur propre sexe. Mais c’est là une hypothèse qui ne peut prétendre à un appui textuel. L’enseignement dont elles sont chargées est autorisé et dispensé à des femmes plus jeunes qu’elles (Tt 2.4).
Apparemment, il n’existe rien qui contrevient aux arrangements antérieurs relatifs à la soumission des femmes, leur docilité, ainsi que le silence auquel elles sont tenues dans les réunions publiques. Cependant, il s’y trouve suffisamment de clarté pour investir ce service de toute sa dignité chrétienne de ministère d’intercession, de compassion et d’enseignement (spécialement destiné à de jeunes femmes), ouvert à des chrétiennes pour lesquelles le mariage n’apparaît pas être la volonté du Seigneur.
Suivons encore le Père Khodre :
« Dans l’Église, quelle est la place de la femme? Pour répondre à cette question, le seul moyen auquel nous puissions avoir recours est la Parole de Dieu, considérée comme révélation finale. En effet, l’on serait tenté de la comprendre à travers une revendication naturaliste qui, ignorant ou rétrécissant le mystère de la femme, voudrait en faire l’égale de l’homme de manière qu’ils soient interchangeables dans toutes les fonctions. Il y a à l’origine du problème de l’ordination des femmes une question d’anthropologie. Si l’on adopte une anthropologie égalitaire, on est tenté de lire l’Écriture dans le sens d’un relativisme anthropologique. Or, la Bible porte un témoignage sur la nature de l’homme qu’il serait faux d’évacuer en alléguant la culture juive de saint Paul et les erreurs commises éventuellement par lui. Une distinction des idées propres à Paul et du contenu révélé (en dehors de l’endroit où il le dit expressément) est aussi vouée à l’échec que la tentative de séparer le Jésus historique du reste du donné scripturaire. La distinction ne peut être qu’arbitraire et provenir des conceptions philosophiques ou théologiques de l’exégèse.
[…]. Sur le plan de l’anthropologie naturelle, le mouvement féministe est-il fondé? N’est-il pas l’expression de la femme insatisfaite atteinte du complexe de Diane? Comme le disait le docteur Pichon : “La plupart des féministes sont au fond des hoministes”. Il est évidemment difficile de faire la part de la nature et celle de la culture dans l’idée que nous nous faisons de la femme. Toutefois, un point est certain : les rythmes biologiques montrent que la femme est plus fluctuante et son humeur est liée à ses rythmes. La maternité semble nécessaire pour une femme qui vit dans le monde. Et l’expérience montre à quel point le travail social le plus étendu ne répond pas entièrement au besoin d’amour qu’éprouve la femme. Il y a une spécificité féminine qu’il est difficile de définir. Mais il y a entre l’homme et la femme une complémentarité, une réciprocité fondée en nature. Il n’est pas nécessaire de pouvoir définir la nature propre des deux sexes, mais on peut affirmer qu’ils sont dans un vis-à-vis corporel et psychique qu’il est impossible d’ignorer. À aucun moment de leur comportement ils ne sauraient se présenter comme des créatures asexuées ou indépendantes. Ils se déterminent par leur rencontre. Il y a entre eux une correspondance, un affrontement et une histoire ordonnée à la liberté qui excluent tout nivellement, une unité de la chair incompatible avec la confusion des fonctions et des tâches. »
Élisabeth Achtemeier, professeure d’Ancien Testament et d’homilétique à l’Union Theological Seminary, n’est certes pas suspecte de conservatisme et, dans une certaine mesure, elle est partisane de l’ordination de la femme au ministère d’enseignement. Mais son bon sens de théologienne débusque les travers de la théologie dite féministe en vogue. Dans Impossible Possibility, Evaluating the Feminist Approach to Bible and Theology, elle s’exprime et souligne les faiblesses de celle-ci.
Elle reconnaît qu’il n’est pas aisé de l’évaluer pour trois raisons : Il n’y a pas de théologie féministe unique et une seule approche à la Bible; il existe une différence énorme entre les écrits féministes des années 70 et les plus récents; finalement, la somme des écrits est énorme.
Pour la théologienne, la question n’est pas de savoir si la femme doit bénéficier d’un statut égal dans l’Église, mais bien plus la manière dont la liberté accordée par Dieu y sera employée. Comment l’Église peut-elle devenir une Église totale de Dieu, dans laquelle il n’y a ni Grec, ni Juif, ni esclave, ni affranchi, ni homme, ni femme. Mais, souligne-t-elle, ainsi que nous le faisions plus haut, toute évaluation devra se fonder sur une certaine autorité ou une présupposition, et elle estime que celle-ci n’est autre que l’Écriture. Elle rappelle aussi que toute référence faite à la Bible soulève l’objection des féministes, car ils la tiennent pour un écrit androcentrique, compilé et interprété au cours des siècles par les seuls hommes. Aussi est-elle inutilisable pour évaluer la position féministe. Pourtant, admet Achtemeier, pour le chrétien, la liberté aussi bien des femmes que des hommes nous est précisément révélée et accordée par le témoignage biblique rendu à Jésus-Christ. Il est évident que le terrain sur lequel on décide ce qui est ou n’est pas Parole de Dieu a été déplacé des données de l’ensemble canonique vers la position subjective du lecteur de la Bible. Selon une représentante de la théologie féministe, la Bible ne devrait être interprétée que dans le cadre de l’Église-femme! Cela ne serait point différent, et effectivement ne l’est point, de tout autre théologie et interprétation qui est forcément, dixit la féministe, colorée par le cadre dans lequel vit le lecteur-interprète et d’après son point de vue.
En outre, l’on soutient qu’aucune interprétation de la Bible n’est légitime à moins qu’elle s’accorde avec une vie dans l’action. Aussi est-ce une telle approche de la Bible, poursuit Achtemeier, qui fait la première difficulté d’évaluer le féminisme théologique. En faisant de leur expérience le juge autorisé de ce qui est ou n’est pas Parole de Dieu, les féministes ont réussi à créer d’autres problèmes. Ils apportent autant de partialité qu’ils reprochent aux tenants des positions opposées. L’on est ainsi allé jusqu’à traiter Jésus de boulangère (« bakerwoman » en anglais), parce que le Seigneur, dans le quatrième Évangile, s’était déclaré être le Pain du ciel! Il conviendrait encore de mentionner des omissions qui déforment le texte et son interprétation. Mais il y a une donnée et celle-ci est le canon biblique. Il contient des mots qui sont au-dessus de nous et qui nous jugent. La Parole de Dieu dans la Bible crée dans nos vies exactement ce dont elle parle, à savoir une vie chrétienne et une espérance qui, si elles sont déformées, ne peuvent plus survivre. Une autre difficulté, ajoute l’auteur, réside dans le fait que les féministes ne veulent pas d’un Seigneur à qui se soumettre et obéir. Car, ce faisant, on serait obligé de reconnaître encore et de nouveau un ordre hiérarchique abhorré. Mais le refus de reconnaître sa seigneurie, la tentative de faire de lui un paradigme, c’est-à-dire le modèle de l’humanité libérée, voire un homme remarquable, a, chez les féministes, complètement déformé la foi chrétienne.
Ajoutons, pour notre part que la plupart des représentants de la théologie féministe, notamment sur sol nord-américain, sont issus de l’Église catholique romaine, ce qui explique aussi bien leurs présuppositions théologiques que le fort ressentiment qu’elles éprouvent à la suite de toute une histoire et une expérience de tension et de conflit vécus au sein de cette dernière.
Dans une lettre adressée à l’éditeur du Lutheran Forum, un lecteur, pasteur, signalait :
« Une femme pasteur méthodiste me déclarait récemment qu’elle était personnellement scandalisée par la violence de la crucifixion et qu’elle avait de la peine à y discerner un signe de l’amour de Dieu. Elle lui préfère l’image du cycle menstruel féminin pour décrire le caractère de la miséricorde de Dieu qui donne vie et qui coule intarissable. Une autre femme pasteur a déclaré que le nom de la Trinité était sexiste, aussi elle n’utilisait jamais la formule trinitaire lors d’un baptême ou à d’autres occasions. »
On a aussi vu circuler l’image de Christa, une femme crucifiée, entièrement nue, sauf pour le sexe, qui est désormais le Christ version féministe!
Note
1. Père Georges Khodre.