La révélation spéciale (1) - Le contenu de la révélation spéciale
La révélation spéciale (1) - Le contenu de la révélation spéciale
Selon H. Bavinck (Our Reasonable Faith, p. 61), la nature inadéquate de la révélation générale rend évidente la nécessité de la révélation spéciale. Toutefois, cette nécessité doit être comprise correctement. Elle ne signifie pas que Dieu fut forcé, soit de manière interne à cause de son être, soit de manière externe due à des circonstances, à se révéler d’une manière spéciale. Toute révélation, et plus particulièrement celle qui est accordée en Christ au moyen des Écritures, est un acte divin de grâce, une économie libre de sa volonté et une preuve de sa faveur imméritée. D’où il nous est possible de parler de la nécessité ou du caractère indispensable de la révélation spéciale, seulement dans la mesure où une telle révélation est indissolublement liée au dessein que Dieu lui-même s’est fixé dans sa création. Si c’est le bon plaisir de Dieu de restaurer la création ravagée par le péché, de recréer l’homme selon son image et de lui permettre de vivre une fois de plus dans la béatitude du ciel, alors une révélation spéciale est nécessaire. En vue de ce dessein, la révélation générale sera inadéquate.
En réalité, ce n’est même pas ce dessein qui d’abord rend la révélation spéciale nécessaire. Car lorsque nous voyons et reconnaissons le caractère inadéquat de la révélation générale, nous voyons également que cette conviction aussi est engendrée par la révélation spéciale. Par nature, nous nous estimons nous-mêmes et nos capacités, le monde et ses trésors insuffisants pour notre salut. Les religions païennes ne sont pas une exception à cette règle, mais une confirmation. Il est exact qu’elles parlent toutes de prêtres, de devins, d’oracles et de choses semblables, et s’y réfèrent comme des porteurs d’une révélation spéciale. Ce fait en soi est une forte preuve de la thèse que la révélation générale est inadéquate et que chacun dans son cœur ressent le besoin d’une révélation de Dieu différente, plus intime de celle que la nature et l’histoire lui offrent.
Il semble tout d’abord que la révélation spéciale contienne des communications et des appels de Dieu très variés. À la révélation spéciale appartiennent toutes sortes de commandements concrets de Dieu, comme celui donné à Abraham de quitter son pays, à David d’entreprendre telle ou telle guerre ou de ne pas l’entreprendre, des communications comme celle concernant la durée de la captivité ou celle par laquelle Saül a su que ses ânesses étaient retrouvées. Cependant, on n’a pas saisi l’essence de la révélation spéciale si on ne la comprend pas comme étant une série de communications et de commandements ayant une unité profonde. Tous ces commandements et communications ont leur origine dans le fait que Dieu veut réconcilier le monde avec lui, qu’il veut le sauver. C’est pourquoi dans la révélation spéciale Dieu se révèle comme celui qui, en Christ, réconcilie le monde avec lui-même. Quand Dieu dit à Abraham de quitter son pays et sa famille, c’est parce qu’il veut bénir en Abraham toutes les générations de la terre. Quand Dieu donne à Israël le Décalogue, il ne s’agit pas de n’importe quelle série de règles morales quelconque, mais de la loi de l’Alliance de grâce. L’histoire des ânesses de Saül se trouve dans la Bible parce qu’elle est à propos de l’onction de Saül comme roi du peuple de l’Alliance. Dans toute la révélation spéciale, Dieu se fait connaître aux pécheurs comme leur Seigneur, dont ils ont mérité la colère, mais avec qui, par sa grâce souveraine, il veut vivre de nouveau en communion avec eux.
Le caractère universel de la volonté de Dieu à l’égard du salut est moins net pendant la période de l’Ancienne Alliance. Cependant, le but de la révélation spéciale était, dès le début, le salut du monde (voir par exemple Gn 12.3). Il était énoncé moins clairement, dans l’Ancien Testament, que le salut de Dieu viendrait par le Christ. C’est pourquoi Paul pouvait dire que le mystère révélé dans l’Évangile n’a été manifesté que dans les jours du Nouveau Testament (Rm 16.25; Col 1.26). L’apôtre ne dit pas que le contenu de l’Ancien Testament diffère essentiellement de celui du Nouveau Testament. Il reconnaît qu’au fond la relation entre Israël et Dieu pendant l’Ancien Testament était déjà une communion en Christ (1 Co 10.4). Ailleurs, le Nouveau Testament nous montre aussi l’unité essentielle entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Tous les deux témoignent de la même volonté divine de sauver le monde, de la même grâce de Dieu en Christ. C’est du Christ que les Écritures de l’Ancien Testament témoignent d’après Jean 5.39 (voir Jn 8.38), dont les prophètes ont parlé (1 Pi 1.11-12) et dont, d’après l’épître aux Hébreux, l’œuvre a été préfigurée par le culte de l’Ancien Testament. Toute la révélation spéciale témoigne du Christ. Il est le contenu du mystère révélé par Dieu (Ép 3.4), toutes les promesses de Dieu reposent sur lui (2 Co 1.20).
Par la révélation spéciale, Dieu ne nous fait donc pas seulement savoir toutes sortes de choses. Par elle, il se révèle lui-même, comme celui qui est plein de miséricorde à l’égard du monde, comme le Seigneur qui, malgré le péché, veut rétablir sa communion avec la création. La révélation spéciale a donc un caractère sotériologique, c’est-à-dire qu’elle a trait au salut. Par elle, Dieu se fait connaître comme le Sauveur du monde. Cependant, n’oublions pas que c’est Dieu qui se fait connaître. L’amour de Dieu qui se manifeste en Christ est son amour à lui, son amour saint et juste. Toutes les vertus de Dieu se révèlent en Christ. Le caractère sotériologique de la révélation spéciale n’empêche pas que Romains 11.36 s’applique aussi à cet ouvrage de Dieu; c’est de lui, par lui et pour lui que sont toutes les choses. Par la révélation spéciale, nous connaissons aussi sa colère contre les pécheurs. Mais il n’y a pas un équilibre entre la colère et la grâce. Dieu se fait connaître en Christ comme celui qui ne désire pas que le méchant meure, mais qu’il change de vie et qu’il vive (Éz 33.11). Cependant, si le pécheur ne se convertit pas, il ne peut être sauvé, car l’amour de Dieu est son amour à lui, un amour saint et divin.