La révélation spéciale (2) - Les moyens de révélation
La révélation spéciale (2) - Les moyens de révélation
1. La parole de Dieu⤒🔗
Selon Jean 1, la Parole est en Dieu et elle est Dieu. Elle est une personne en Dieu. Mais l’expression « la Parole de Dieu » ne désigne pas toujours une personne divine. Dans l’Ancien Testament, cet aspect personnel de la Parole n’est pas encore explicitement révélé. Il s’agit d’une énergie divine par laquelle Dieu exerce sa puissance ou répand sa révélation. Ces deux aspects de la Parole sont étroitement liés, le premier s’exerçant sur le plan de l’être, le second sur celui de la connaissance. La puissance créatrice et ordonnatrice de Dieu se manifeste par la Parole (Gn 1.3,6,9,14,20,24; Ps 33.6,9; 148.5; Lm 3.37). On retrouve la même idée dans les apocryphes. Cette puissance est créatrice de vie (Dt 8.3; Mt 4.4). La Parole n’est dans ces passages ni une cause ni un moyen employé par Dieu. Le texte biblique s’exprime par « analogie »; « Dieu dit » signifie Dieu ordonne. Les ordres divins sont efficaces. Par la Parole, Dieu gouverne les phénomènes de la nature. La Parole agit sur les astres, sur les eaux de l’abîme. Elle règle le sort des peuples, le sort d’Israël.
Dans les passages qui ont trait aux prophètes, l’expression « debar Yahweh », « Parole de Yahvé » revient souvent. Cette expression apparaît 342 fois. Dans 214 cas, la Parole de Yahvé est exprimée par un prophète. Souvent, l’expression n’est qu’une formule annonçant une prophétie (Os 1.1, Mi 1.1; Jr 1.2; És 38.4). Souvent, cette parole était entendue extérieurement, mais plus souvent il semble qu’il s’agissait d’une parole intérieure (2 S 7.4; 1 R 6.11; 13.20; 17.2-8; Jr 1.4,11; 2.1; Éz 3.16; 6.1; 7.1). La parole du prophète concerne des sujets divers. Elle dirige les événements et l’histoire du peuple de Dieu (2 S 7.4; 1 R 11.31, etc.). Elle peut se rapporter à un fait singulier ou proclamer des lois. Dans ce dernier cas, le pluriel est généralement employé. L’équivalence Parole-Loi (Torah) se trouve en particulier dans le Psaume 147.19 et le Psaume 119.
La Parole est souvent présentée comme détachée de Dieu. Elle tombe en Israël (És 9.7); elle subsiste éternellement (És 40.8); elle ne revient pas à vide (És 45.23); elle ne tombe pas (elle n’est pas vaine) parce que Dieu la fait tenir debout. Dieu l’accomplit, il la réalise, Dieu veille sur sa Parole pour l’accomplir. Cependant, il n’est pas toujours question d’une voix audible quand nous lisons que Dieu adressa sa Parole aux prophètes. Nous ne pouvons pas toujours dire de quelle manière les prophètes eurent conscience du message que Dieu avait pour eux. On doit toutefois remarquer qu’ils savaient bien distinguer leur propre parole du message reçu de Dieu. La révélation prophétique, elle aussi, atteint son point culminant en Christ.
2. Les visions←⤒🔗
La séparation entre l’invisible et le visible n’est pas absolue. Il y a des relations étroites entre l’un et l’autre. Le monde des esprits intervient sur la terre et il arrive que l’homme perçoive quelque chose. Il voit, il attend. Les visions à l’état de veille diffèrent de celles qui surviennent pendant le sommeil (voir Nb 12.6-8). On trouve dans l’Écriture des exemples remarquables de visions à l’état de veille. On se souvient de la visite des trois voyageurs à Abraham (Gn 19), du combat de Jacob (Gn 32; Os. 12), de la vision du buisson ardent (Ex 3). Au commencement, la vision est homogène au décor, mais il y a un moment où le témoin perçoit l’hétérogénéité. On a beaucoup discuté sur la nature de ce qui est perçu. S’agit-il d’un objet réel, extérieur au voyant? Ou bien faut-il parler de simples apparences? Dans les manifestations corporelles de Dieu ou des anges, s’agit-il d’un corps réel?
3. Pendant le sommeil←⤒🔗
Le sommeil peut être naturel ou imposé. On a un exemple de vision pendant le sommeil naturel dans l’histoire de Jacob à Béthel. Le réveil est noté (Gn 28). On a aussi un exemple remarquable de sommeil imposé dans le récit de la vision d’Abraham (Gn 15.12-21). Il s’agissait d’un sommeil profond, le même sommeil que celui que Dieu fit tomber sur Adam lorsqu’il créa la femme (Gn 2.21). Dans le sommeil, il y a une sorte de ligature des sens externes; cela n’implique pas un arrêt de la vie intérieure. Selon Ecclésiaste 5.2, les songes naissent de la multitude des occupations; ils peuvent avoir d’autres causes. On remarquera les expressions « songe », « vision nocturne » (Jb 33.14; Mi 3.6). Dans le Nouveau Testament, il est fait mention de la vision nocturne du Macédonien par Paul (Ac 16.9). Des faits analogues sont rapportés à propos de Joseph et des mages. Les visions nocturnes posent les mêmes problèmes d’interprétation que les autres visions. Deux hommes sont cités dans la Bible comme ayant eu le don d’interprétations des songes : Joseph et Daniel. Une activité peut être exercée pendant le songe. Salomon demanda la sagesse à Dieu pendant un songe et elle lui fut accordée (1 R 3.5-16). Pendant un songe, Daniel regarde, est troublé, il s’approche, questionne (Dn 7). On notera que le terme « songeur » est parfois l’équivalent de celui de prophètes (Dt 13.1,5). Enfin, une des caractéristiques de l’économie chrétienne sera la multiplicité des songes (Ac 2.1-21).
4. L’extase←⤒🔗
L’extase implique un état violent imposé par Dieu. On notera une série d’expressions qui décrivent la « possibilité » relative de celui qui est saisi par Dieu (Éz 1.1,3; 3.12,22; 8.1,3,7,16). On lira encore dans ce livre le chapitre 40 et les chapitres suivants. Dans Daniel, les expressions analogues sont employées (Dn 8.2,3,15). Le Nouveau Testament parle d’extase (Ac 10.10 et 22.17; voir aussi 2 Co 12.1-6). On emploie le terme général de « vision », mais d’autres sens que la vue sont intéressés par ces faits extraordinaires. Les phénomènes auditifs sont nombreux. Il en sera question à propos de l’étude de la Parole. Il existe d’autres phénomènes auditifs (Ex 19.16-19; 1 R 19.16; 19.9-13; 2 S 5.24; Éz 43.2; Dn 10.6). Dans les visions de l’Apocalypse, des notations de ce genre peuvent facilement être trouvées. Plus rarement, d’autres sens que l’ouïe sont mentionnés. Il est question du goût à propos du rouleau d’Ézéchiel (Éz 3.3). Le toucher est aussi mentionné (És 6.7; Dn 10.10; Jr 1.9).
Anciennement, on énumérait d’habitude les moyens suivants dont Dieu se sert dans la révélation spéciale : les signes (fumées et feu, etc., par exemple dans Gn 15 et Ex 3); des formes humaines (Gn 18); l’Ange de Dieu. Quelquefois, le nom de YHWH et le messager de YHWH sont des termes interchangeables (Gn 16.10 et 13; Ex 3; Jg 5.23). Ailleurs, le texte distingue clairement entre Dieu et son messager (Ex 23.20; Nb 22.2; Jg 13.3-5; És 63.9). Cet Ange de Dieu, qui est à la fois Dieu et une manifestation de Dieu distincte de lui, est habituellement considéré comme une apparition de la deuxième personne de la Trinité pendant la période de l’Ancien Testament.
5. Les miracles et les signes←⤒🔗
Il faut penser ici à toutes sortes d’événements miraculeux qui montrent que Dieu ne veut pas poursuivre ce mouvement dans l’histoire qui conduira à la perdition totale. Les miracles sont des signes qui témoignent d’un autre mouvement dans l’histoire, des signes de l’histoire du salut, de la venue du Royaume de Dieu. On distinguera les « miracles » qui sont en premier lieu des signes du salut que Dieu veut opérer, et les « miracles » qui ont certainement une grande valeur noétique, c’est-à-dire relative à la compréhension par l’intelligence, mais qui cependant ont avant tout une signification « ontologique », c’est-à-dire qui sont du domaine même de l’être (par exemple l’Exode d’Égypte, la naissance virginale du Christ, sa résurrection). Les miracles sont des signes qui accompagnent la prédication. En ce qui concerne les miracles qui ont surtout une valeur noétique, on doit dire qu’ils ont une position secondaire à l’égard de la révélation donnée par les paroles, lesquels miracles confirment cette révélation, comme maintenant encore les sacrements le font pour la prédication. Les miracles qui ont une grande valeur objective, eux aussi, ne seraient pas compréhensibles sans la prédication.
On peut dire que l’histoire du salut tout entière est une histoire miraculeuse, une histoire qui n’a pas son origine dans des conditions du monde dominé par le péché. Elle est tout entière une manifestation de la volonté divine du salut. Toute cette histoire témoigne du Christ en qui elle a son but. On peut donc appeler toute cette histoire un moyen de la révélation. Nous faisons encore observer qu’en désignant l’histoire du salut tout entière comme un moyen de la révélation, nous ne parlons pas d’un moyen tout à fait nouveau par rapport aux moyens dont nous avons parlé jusqu’ici. Les manifestations, les révélations prophétiques ont une place dans cette histoire. L’histoire du salut n’a droit à ce titre qu’à cause du fait qu’elle a son but dans la manifestation de Dieu en Christ.
Quelquefois, des théologiens ajoutent encore les manières de révélation dont Dieu se sert quand il inspire l’esprit des poètes qui écrivent ainsi des ouvrages de sagesse ou lyriques, moyens par lesquels Dieu se révèle. Cependant, il ne faut pas oublier que les expressions poétiques que nous trouvons par exemple dans les Psaumes n’ont pas été écrites sans la connaissance, par tradition ou par expérience de la révélation de Dieu dans le passé et dans le présent. Puisque la révélation précédente a influencé cette poésie, on ne peut davantage, à propos de cette poésie religieuse, parler de révélation immédiate que dans le cas des ouvrages prophétiques qui veulent décrire comment Dieu s’est révélé dans l’histoire, ou dans le cas d’un livre comme les Chroniques. Cependant, la poésie religieuse peut aussi donner une connaissance nouvelle de Dieu. Il est alors question d’une révélation immédiate ressemblant à celle reçue par des prophètes qui ont connu la Parole de Dieu sans qu’une voix audible soit intervenue. Ces prophètes, eux aussi, se servaient souvent d’une forme poétique pour communiquer la révélation reçue. Toutefois, il y a une raison de considérer la communication de révélations nouvelles par des ouvrages lyriques ou de sagesse comme une catégorie spéciale. Car leurs auteurs n’étaient pas aussi conscients que les prophètes l’étaient quand ils parlaient, chantaient, écrivaient et faisaient connaître la Parole de Dieu. Chez les poètes, la distinction entre la réception et la communication de la vérité, qui est au premier plan chez les prophètes, est absente, même quand il s’agit de vérités nouvelles.
Nous avons vu que Dieu ne se révèle pas seulement immédiatement, mais aussi indirectement. Car ceux qui ont reçu les révélations immédiates doivent les communiquer à d’autres. Les Israélites devaient raconter, de génération en génération, comment Dieu les avait délivrés dans le passé (Ex 10.2; 12.26). Ils devaient aussi transmettre les révélations reçues en paroles (Dt 10.4). Les prophètes faisaient connaître les révélations qu’ils avaient eues par leur prédication orale, quelquefois aussi par des écrits. Il y avait aussi des prophètes qui se consacraient à enregistrer dans leurs écrits la révélation que le peuple avait reçue dans le passé par des paroles et des actes de son peuple, comment il avait réagi à leur péché ou à leur obéissance. Ainsi désiraient-ils faire connaître Dieu à leurs lecteurs et à ceux qui écoutaient la lecture de leurs écrits (Samuel, Rois, etc.).
Pendant la période du Nouveau Testament, les apôtres ont prêché la vérité qui leur a été communiquée par le Christ. Ensuite, eux-mêmes et d’autres hommes ont écrit des livres par lesquels ils voulaient conduire les incrédules à la foi en Christ. La révélation immédiate se poursuivit encore par la prédication de chrétiens. Nous parlerons plus tard de la relation entre cette révélation continuée et celle du temps biblique.