La révélation spéciale (3) - Le but et l'efficacité de la révélation spéciale
La révélation spéciale (3) - Le but et l'efficacité de la révélation spéciale
1. Le but de la révélation⤒🔗
Le but de la révélation divine n’est pas de nous communiquer seulement une connaissance intellectuelle. Certes, la révélation a un aspect intellectuel, cependant, son but est beaucoup plus large que d’ajouter quelque chose à ce que nous savons déjà. Dieu se fait connaître aux hommes parce qu’il veut vivre en communion avec eux. Par sa révélation en Christ, il s’offre à vivre en communion avec l’homme. La révélation de l’Ancien Testament devrait établir l’Alliance. On peut dire que Dieu veut être connu des hommes. Mais alors il faut penser au sens du verbe traduit par « connaître » en hébreu. Il s’agit d’une connaissance qui implique la communion, une connaissance de Dieu qui suppose que l’homme le reconnaît comme son Dieu. Les hommes qui, en ce sens, connaissent Dieu forment son peuple. Le résultat de la connaissance de Dieu, promise par Jérémie, se manifestera dans une Nouvelle Alliance (Jr 31.31-34). La Parole par laquelle Dieu se manifeste veut changer la vie (És 55.2). Par sa révélation, Dieu ne veut pas seulement nous donner une connaissance de sa venue, mais, en se révélant, il veut créer cette communion; en se révélant, il veut venir à nous.
Parce que la connaissance de Dieu unit l’homme à Dieu, le Christ dit que ceux qui connaissent Dieu ont la vie éternelle (Jn 17.3), que la connaissance de la vérité affranchit (Jn 8.32) et sanctifie (Jn 17.17). La connaissance de la vérité peut changer tellement l’existence tout entière de l’homme que Jean peut parler des hommes qui marchent dans la vérité (2 Jn 1.4). La prédication de la vérité révélée en Christ fonde l’Église. Par sa révélation, Dieu veut attirer à lui, d’abord, pendant la période de l’Ancien Testament, le peuple juif et plus tard un peuple composé d’hommes de toutes nationalités. Les résultats de la révélation sont l’Alliance, l’Église, le renouvellement de la vie. Certes, ce renouvellement implique aussi un renouvellement de la connaissance intellectuelle, mais ne s’y limite pas.
2. L’efficacité de la révélation spéciale et la Parole←⤒🔗
La révélation divine est efficace parce que Dieu se révèle par sa Parole. Pour comprendre cela, nous devons d’abord nous rappeler la différence entre la notion grecque et la notion juive de la parole. Le « logos » désigne tout d’abord l’unité de sens qui se trouve dans la chose et qui peut être connue par l’observateur. Ce mot peut aussi désigner l’affirmation qui définit la chose d’après son essence. Par une telle affirmation, on connaît (intellectuellement) la chose. Logos peut, en grec, aussi signifier « révélation ». Mais alors, il s’agit d’une communication surnaturelle qui a pour but d’enrichir notre connaissance intellectuelle, de nous faire comprendre quelque chose. La réaction de celui qui entend un tel « logos » peut être la question suivante : Comment dois-je le comprendre? Tout reste donc dans la sphère intellectuelle. Le « logos » désigne une affirmation indépendante à l’égard du temps. Il n’emprunte pas sa signification au fait d’être prononcé, mais uniquement à ce qu’il contient, à ce qu’il fait connaître. Celui qui n’accepte pas un « logos » dont le contenu est correct agit d’une manière stupide. Car l’accroissement de la connaissance implique, d’après l’idée grecque, celle de la puissance. Cependant, il n’est pas question que toute l’existence soit mise en jeu si on n’accepte pas un « logos », comme cela est le cas d’après la Bible, si on n’accepte pas la Parole de Dieu. Les Grecs ne pensaient pas, comme les Hébreux, à un effet, à une influence d’une « parole » sur toute l’existence. Le mot « logos » en grec ne fait pas penser que quelqu’un s’adresse à nous. Il ne peut jamais signifier « parole créatrice ». Le logos grec ne crée rien. Il fait comprendre le sens de quelque chose, il veut augmenter le savoir.
Cette notion grecque a souvent influencé la manière dont on a compris ce que la Bible nous dit de la Parole de Dieu. Alors, la Parole de Dieu dont la Bible nous parle fut comprise comme étant seulement une communication surnaturelle de connaissance intellectuelle concernant Dieu. Une telle connaissance pourrait augmenter la puissance de l’homme dans le même sens que l’idée grecque selon laquelle connaissance est puissance. Par cette connaissance révélée, l’homme aurait une certaine puissance sur Dieu. Car elle lui fait savoir comment il doit se conduire à l’égard de Dieu, parce qu’elle lui donne une certaine intelligence de l’essence divine.
Il semble que cette idée grecque de parole a influencé la compréhension catholique de la relation entre la Parole et les sacrements. D’après la conception catholique, le rôle de la prédication est de nous renseigner sur le moyen de trouver la grâce, de nous dire comment se préparer à sa réception et comment faire pour ne pas la perdre. Cependant, la prédication ne conduit pas elle-même au changement de la vie de l’homme. La véritable communion avec Dieu est seulement établie par les sacrements. La signification de la prédication est limitée à la sphère intellectuelle. Cette notion conduit à l’orthodoxie morte. Par contrebalance, on se donne à un certain mysticisme, également chez certains spiritualistes protestants.
Certes, la Parole de Dieu, dont la Bible nous parle, a toujours un aspect dianoétique (intellectuel). Il ne faut pas oublier cela par réaction. D’après la notion juive, « la parole » exprime aussi ce que la chose est dans son essence. La parole nous fait connaître la chose dans le sens intellectuel. Cependant, cela n’est qu’un aspect; car, outre cet aspect dianoétique, la notion juive de la parole a un aspect dynamique. La parole exerce une influence (pensons à l’effet de la malédiction, de la bénédiction, à l’idée juive du nom, etc.). Ce dernier aspect demande surtout l’attention quand la Bible parle de la Parole de Dieu. En parlant (par la Parole), Dieu a créé le ciel et la terre. Par sa Parole, il a appelé à l’existence les choses qui n’étaient point (Gn 1; Ps 33.9; Jn 1; Rm 4.17, etc.). Par sa Parole, Dieu conserve et gouverne toutes choses; par exemple, Dieu révèle sa puissance dans l’histoire. La Parole de Dieu a toujours son effet, elle est toujours « accomplie » (1 R 2.27; 2 R 1.17; 9.36; És 9.7). Un passage important est Ésaïe 40.8. Cela veut dire que la Parole divine ne peut pas rester sans effet (comparons aussi És 55.10).
La Parole de Dieu ne montre pas seulement cette puissance par ses effets dans l’histoire. Elle a cette puissance quand elle est adressée à un homme. C’est surtout Jérémie qui nous parle de la puissance irrésistible de la Parole divine qui s’est montrée dans sa vie. Il n’avait pas envie de prêcher. Cependant, il n’a pas pu résister à l’appel efficace de Dieu (Jr 20.7; 23.28). Moïse dit aussi aux Israélites qu’ils n’auront pas d’excuse quand à l’avenir ils ne feront pas la volonté de Dieu, car la Parole de Dieu est près d’eux, la Parole qui veut créer l’obéissance (Dt 30.11). Jonas a essayé de se soustraire au commandement de Dieu de prêcher sa Parole. Toutefois, il n’a pas pu, Dieu parvient toujours à son but par sa Parole. Dans le Nouveau Testament, nous trouvons les mêmes pensées. Jésus enseigne avec autorité (Mt 7.29). Par sa Parole, il guérit les malades, il chasse les démons, il ressuscite les morts, il pardonne efficacement le péché. Du point de vue grec, cela est incompréhensible, c’est-à-dire que le logos est efficace! La parole, prononcée par les apôtres au nom du Christ, est également une parole efficace (1 Th 2.13). Elle régénère l’homme (1 Pi 2.13), elle appelle la foi à l’existence (Rm 10.17). Par leur parole, les apôtres pardonnent et retiennent efficacement le péché (Jn 20.23; Mt 16.19). L’existence de l’Église a son origine dans l’efficacité de la Parole divine. C’est surtout la parabole du semeur qui nous parle de la puissance de la Parole du Royaume.
Cette pensée de l’efficacité de la Parole est entièrement absente du grec classique. Autrement que le Grec, la Bible voit un rapport très étroit entre la parole et celui qui la prononce. Ce n’est pas seulement le contenu de la parole qui compte. La parole ne peut pas avoir une existence indépendante d’après la pensée juive. Elle est toujours parole parlée. Elle n’est donc pas indifférente à l’égard du temps. Elle est prononcée à tel ou tel moment, elle est adressée à telle ou telle personne. La Parole de Dieu est la Parole que Dieu prononce. Elle est une action.
Après avoir ainsi parlé de la Parole de Dieu en général, examinons ce que cela implique pour notre sujet, la révélation. Nous avons pu remarquer que cette même Parole puissante et efficace par laquelle Dieu a créé le ciel et la terre, et par laquelle il les conserve et les gouverne, s’adresse aussi aux hommes dans la révélation. C’est pourquoi la révélation a la puissance de changer la vie des hommes, de faire passer les hommes des ténèbres à la lumière, de les régénérer, de les délivrer du pouvoir du péché.
Cette puissance efficace de Dieu ne rencontre pas seulement l’homme, quand Dieu s’adresse à lui dans la forme des mots audibles. Nous avons parlé de plusieurs moyens par lesquels Dieu se révèle à l’homme : des rêves, des visions, des mots audibles, des signes, etc. On peut dire que c’est toujours la Parole efficace de Dieu qui se manifeste par ces moyens. Si on prend le mot « Parole » en ce dernier sens, on peut dire que Dieu se manifeste toujours par la Parole. Cela n’implique donc pas que Dieu se révèle à l’homme toujours par des mots audibles. Nous avons vu que la Parole de Dieu était souvent reçue par les prophètes sans qu’ils aient entendu des mots audibles à leurs oreilles. Dieu put s’adresser à des hommes par une vision. Le fait que cette même Parole peut aussi se servir des formes visibles apparaît quand Ésaïe parle de la parole qu’il a vue dans une vision (És 2.1). Jérémie exhorte à considérer la Parole de l’Éternel qui s’adresse à l’homme par l’histoire (Jr 2.31). Le Nouveau Testament nous apprend que cette Parole par laquelle Dieu a créé le ciel et la terre et par laquelle il se révèle efficacement est une personne divine, la personne faite chair en Jésus-Christ. C’est lui par qui Dieu s’est révélé déjà pendant la période de l’Ancien Testament, non pas seulement quand il se révèle par le « messager de Dieu », mais aussi quand sa Parole s’adressa à l’homme par d’autres manifestations.
La Parole de Dieu ne s’adresse pas seulement aux hommes par le moyen des mots audibles. Cependant, quand Dieu veut se révéler à l’homme, sa Parole prend toujours une forme par laquelle elle devient compréhensible à l’homme créé. Car, certes, par sa Parole révélatrice, Dieu veut exercer une influence sur l’existence de l’homme, une influence qui ne se restreint pas à son intelligence. Cependant, par sa révélation, Dieu s’adresse à l’homme comme à une personne responsable. C’est pourquoi il s’adresse à sa conscience, à son intelligence. La Parole révélatrice a toujours cet aspect dianoétique. Dieu ne veut pas changer l’homme sans tenir compte qu’il est essentiel pour l’homme qu’il a créé d’être une personne responsable. Par sa Parole, Dieu veut conduire l’homme à l’obéissance.
C’est pourquoi on peut lire si souvent dans la Bible que les croyants « obéissent à la Parole ». Les hommes doivent reconnaître la Parole de Dieu comme étant la Parole de leur Dieu, de leur Créateur, de leur Seigneur. Ainsi Dieu veut changer la vie de l’homme, faire d’une vie contre sa volonté une vie d’obéissance, obéissance à la loi révélée, mais tout d’abord obéissance à l’Évangile. Dieu veut que l’homme se reconnaisse comme un pécheur justifié. Quand elle s’adresse à l’homme, la Parole de Dieu veut donc toujours lui communiquer de la connaissance intellectuelle. Cependant, il est question d’une connaissance par laquelle Dieu veut influencer toute l’existence. Le changement de l’intelligence n’est qu’un aspect de l’effet de la révélation. En se faisant connaître comme le Père du croyant, Dieu fait d’un tel croyant son enfant. Quand Dieu se fait connaître comme celui qui, dans le passé, a fait telle chose ou qui, à l’avenir, fera telle autre chose, il veut que l’homme détermine sa vie selon cette connaissance. La Parole de Dieu veut toujours engager l’homme dans toute son existence. Celui qui ne tient pas compte de ce que Dieu lui révèle n’agit pas seulement follement, il manque d’obéissance.
Cependant, il ne faut pas oublier l’aspect dianoétique de la révélation. La révélation donne aussi une connaissance intellectuelle. Toutefois, cette connaissance ne met pas Dieu à la disposition de l’homme. Cette connaissance de Dieu n’implique pas un pouvoir de l’homme sur Dieu. Au contraire, par sa Parole, Dieu dispose de nous. Dieu se soumet l’homme. Car par sa Parole il se fait connaître comme le Seigneur, mais comme le Seigneur qui, par le Christ, veut être le Père voulant vivre en communion avec nous. Quand la Parole de Dieu a l’effet voulu dans la vie des hommes, les croyants ne peuvent qu’attribuer cela à l’efficacité irrésistible de cette Parole. La Parole opère aussi bien d’une manière irrésistible sur la vie d’un homme que sur l’histoire. La Parole chasse les ténèbres du cœur de l’homme. Elle appelle des choses qui n’étaient pas, elle donne la vie aux morts. L’obéissance à la Parole résulte entièrement de cette Parole elle-même.
Cependant, la Bible et l’expérience nous font remarquer qu’il y a aussi des hommes qui résistent à la Parole. Il faut plutôt dire qu’en ce qui concerne ses possibilités à lui, l’homme ne peut que résister à la Parole. Il ne veut pas le reconnaître comme la Parole d’autorité de son Seigneur, du seul vrai Dieu. Par sa force supérieure, la Parole divine vainc souvent cette résistance. Cependant, la Parole n’a pas toujours cet effet positif. Dans ce cas, elle ne devient pas une Parole impuissante; elle mène à la perdition de l’homme. Car la Parole de Dieu ne retourne jamais à lui sans effet (És 55.11; comparer aussi Dt 30.11 qui parle de la Parole de la loi). Dans 1 Corinthiens 2.14, Paul parle de son ministère. Il dit que Dieu répand par les apôtres l’odeur de la connaissance; il continue :
« Nous sommes, en effet, pour Dieu la bonne odeur du Christ, parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui périssent : aux uns une odeur de mort, donnant la mort, aux autres une odeur de vie, donnant la vie. »
Par la désobéissance et l’incrédulité, on devient l’objet de la malédiction divine. Nous parlerons dans l’étude de la doctrine de la prédestination de la relation entre la souveraineté de Dieu et le refus de l’homme de se soumettre à la Parole.
C’est sans doute relativement au fait que la révélation divine a un aspect dianoétique qu’elle s’adresse à la conscience de l’homme, que la parole humaine a une place si grande parmi les formes dont Dieu se sert pour se révéler et pour faire entendre sa Parole vivante. Toutes les manifestations sont des apparitions dans lesquelles Dieu parle. Dieu peut se faire connaître par des images et des signes. Mais des paroles expliquent ces images et ces signes. Dieu s’adresse à nous par les sacrements, qui sont un « verbe visible », mais ces sacrements ont un caractère secondaire à l’égard de la prédication. Quand la Parole divine s’incarne, elle se fait connaître comme la Parole faite chair, surtout parce qu’elle s’exprime aussi par des paroles humaines. Il y a des signes et des miracles à côté de la prédication du Christ. Cependant, la prédication est nettement primordiale (voir Lc 4.43). Il en est de même dans le ministère des apôtres.