La révélation spéciale (4) - La révélation de Dieu et sa dissimulation
La révélation spéciale (4) - La révélation de Dieu et sa dissimulation
1. La révélation comme acte de Dieu⤒🔗
L’homme ne peut pas découvrir Dieu par ses propres possibilités (1 Tm 6.16). Personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut révéler (Mt 11.27). Personne n’a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître (Jn 1.18). L’initiative de la connaissance de Dieu appartient toujours à Dieu. La révélation est son acte souverain. L’homme ne connaît Dieu que si Dieu, par sa Parole puissante, veut se faire connaître à lui. La révélation n’est pas une découverte. L’initiative de la connaissance de Dieu se trouve en Dieu, même dans la révélation générale.
Parlons à présent de la connaissance et de l’incompréhensibilité de Dieu. Pour se faire connaître, Dieu se sert de moyens qui appartiennent à sa création. Cependant, cette analogie n’empêche pas que ce soit totalement incompréhensible pour nous. Comment Dieu peut-il se révéler à nous à travers une forme créée? Car nous connaissons Dieu comme celui qui transcende infiniment les moyens créés dont il se sert pour se faire connaître. Nous pouvons connaître Dieu grâce au fait qu’il se révèle à travers des moyens appartenant à l’ordre créé. Cependant, nous le connaissons lui-même; nous ne connaissons pas seulement un masque de Dieu, mais vraiment Dieu lui-même, comme il est en lui-même. Quand Dieu se fait connaître comme le Dieu trinitaire, nous pouvons être certains qu’il est en lui-même le Dieu trinitaire. Nos représentations de Dieu qui se fondent sur la révélation correspondent donc à la réalité divine. Grâce à la révélation, nous pouvons donner de nombreuses affirmations au sujet de Dieu. Dieu peut être l’objet de notre pensée, de notre intelligence qui raisonne d’après les lois logiques. Car Dieu se révèle par des moyens qui, en tant que des moyens créés, s’appliquent à notre logique. Il est donc permis d’essayer de comprendre la révélation à l’aide de notre intelligence. Cela est même un devoir. C’est pourquoi aussi une théologie scientifique est possible et nécessaire, bien que la tâche d’une telle théologie n’incombe pas à tous les croyants.
D’autre part, il ne faut pas oublier que Dieu reste pour nous toujours insondable. Certes, il se révèle par des moyens créés. Cependant, son essence n’est pas absorbée par ses moyens, qu’elle transcende infiniment. Le fait que Dieu se révèle à travers des moyens créés ne signifie absolument pas que Dieu soit changé en tel ou tel moyen. Dieu ne se change pas en créature. Il reste toujours Dieu. Nos représentations fondées sur la révélation sont donc correctes, mais elles ne sont pas adéquates. Réfléchissant sur Dieu, nous ne devons jamais oublier ce fait. Il est permis d’interpréter la révélation à l’aide de notre intelligence, mais nous ne pouvons jamais sonder Dieu. Nous sommes strictement liés à la révélation. Nous ne pouvons jamais dire quelque chose de juste au sujet de Dieu si ce n’est en nous basant entièrement sur la révélation. La théologie ne doit pas prétendre sonder les pensées de Dieu ou parvenir à la connaissance parfaite du Tout-Puissant (Jb 11.7).
Le Nouveau Testament parle souvent de la révélation du mystère de Dieu. Le contenu de la révélation concerne des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues et qui ne sont point montées au cœur de l’homme (1 Co 2.9). Le mystère du Christ est appelé un mystère non pas seulement parce que l’intelligence irrégénérée n’a jamais rêvé d’une réalité qui a été cachée pendant des siècles et manifestées maintenant (Rm 16.25), mais aussi parce que même ceux qui la connaissent doivent dire à son sujet : « Ô profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont insondables et ses voies incompréhensibles! » (Rm 11.33). Le mystère révélé reste aussi un mystère après la révélation.
La théologie doit donc se restreindre à interpréter ce que Dieu a révélé. Elle doit essayer de comprendre ce que, en se révélant, Dieu a voulu nous faire savoir. Notre connaissance de Dieu se limite à ce que Dieu nous a révélé. Nous ne devons jamais être un objet de notre intelligence comme le sont les objets créés. Il y a des limites dans la connaissance de Dieu. On doit se contenter de ce que la révélation dit. Nous refusons la méthode catholique romaine qui, se basant sur ce qui est dit, veut aller trop loin! On peut connaître Dieu, comprendre ce qu’on connaît de Dieu, mais pas sonder Dieu en profondeur. Nous n’avons pas la possibilité de déterminer par nous-mêmes ce qui est possible ou nécessaire pour Dieu. Nous ne pouvons pas le soumettre à notre intelligence. Nous connaissons ce qui est nécessaire ou possible pour Dieu uniquement si Dieu nous l’a révélé souverainement. La pensée sur Dieu doit se soumettre entièrement à la révélation. Notre connaissance de Dieu reste très imparfaite.
2. Révélation et dissimulation←⤒🔗
Par la révélation, nous connaissons Dieu qui sans elle serait inconnu, caché. On peut parler de la dissimulation de Dieu pour désigner ce fait. C’est à peu près dans ce sens que la Bible dit quelquefois qu’en sa colère Dieu se cache pour l’homme (1 S 3.1; Ps 27.9; 69.18; 89.47; 102.3; 110.19; 143.7; És 54.8). Il est question d’une autre pensée quand l’Écriture dit que Dieu se cache justement quand il se révèle. Alors on peut lire que Dieu se manifeste couvrant sa gloire par une nuée, par les ténèbres (Ex 19.9; 20.21; Dt 4.11; 5.22; Lv 16.2; Ps 18.10; 97.2). Dans le temple, Dieu habite dans les ténèbres (1 R 8.12). Les ailes des chérubins sur l’arche cachent sa gloire. Cette dissimulation sert de révélation. Car personne ne peut voir la gloire de Dieu (És 33.18ss), de même les chérubins d’Ésaïe 6. Quand Dieu se révèle à son peuple, il cache sa gloire divine. Une pensée un peu différente se trouve dans le passage d’Ésaïe 45.15. Cela nous fait penser à ce que nous disions dans un paragraphe précédent : Dieu reste toujours un mystère pour nous.
Cependant, le passage d’Ésaïe 45.15 ne veut pas dire, pas plus que les autres passages cités ci-dessus, que Dieu ne se révèle pas vraiment ou qu’il y a dans la révélation un équilibre entre la révélation et la dissimulation. Ésaïe 45.19 dit que le Dieu qui se cache n’a point parlé « en cachette », qu’il n’y a donc pas d’excuse pour ceux qui ne lui ont pas obéi. Le sens des autres passages est également clair : Dieu cache sa majesté divine quand il se révèle, non pas parce qu’il veut rendre impossible un véritable contact, mais parce qu’il veut vraiment entrer en communion avec l’homme.
Il y a encore une troisième manière dont la Bible parle, concernant la révélation, du fait que Dieu est caché. Nous pensons au fait que, malgré sa révélation, Dieu est caché pour les incrédules. La vérité révélée a été cachée aux sages et aux intelligents de ce monde (Mt 11.25; Lc 19.42; 1 Co 1.18). Le sens de ces passages est évident. L’homme pécheur et orgueilleux ne veut pas reconnaître son indignité totale. Cependant, en Christ, Dieu se révèle comme le Sauveur des pécheurs. C’est pourquoi la révélation est une folie pour les hommes qui, dans leur « sagesse », pensent ne pas avoir besoin de la grâce souveraine de Dieu. Ce n’est d’ailleurs pas seulement la révélation spéciale qui rencontre un cœur humain fermé. L’homme naturel ne veut pas accepter non plus ce que Dieu lui a déjà dit dans la révélation générale. Car il ne reconnaît pas non plus la majesté et la divinité de Dieu qui se manifestent par les œuvres de la création et de la providence. Car le pécheur veut être son propre seigneur. C’est pourquoi l’homme naturel ne reçoit pas les choses de Dieu qui sont une folie pour lui.
Cette dissimulation de Dieu pour les incrédules a donc son origine dans le fait que le pécheur ne veut pas reconnaître le contenu de la révélation de Dieu. C’est seulement après que le Saint-Esprit a renouvelé son cœur que l’homme peut reconnaître la révélation divine comme telle et que l’homme veut obéir à l’Évangile. Personne ne peut dire « Jésus est Seigneur » autrement que par le Saint-Esprit (1 Co 12.30). Ce travail que le Saint-Esprit doit faire dans le cœur de l’homme afin de lui faire reconnaître la révélation divine est aussi, quelquefois, appelé une œuvre révélatrice (Mt 16.9; 2 Co 2.10). À ce sujet, l’Écriture parle aussi d’illumination (2 Co 4.10). Pour ne pas créer de malentendu, la dogmatique a habituellement préféré ce dernier nom. Par là, on souligne que le Saint-Esprit n’ajoute rien à l’œuvre du Christ. Il fait seulement reconnaître la révélation donnée en Christ.
La révélation de Dieu en Christ est objectivement suffisante. C’est à cause du péché qu’elle n’est pas reconnue. La non-reconnaissance est considérée comme une absence coupable d’intelligence, comme une faute du cœur qui est lent à croire (Lc 24.25), comme une folie qui rend coupable. Parce que la révélation en Christ est évidente, on peut dire que les Juifs, qui l’ont écouté, n’ont aucune excuse pour leur incrédulité (Jn 16.22-24), comme Paul dit cela des païens, qui ont reçu une révélation évidente de la divinité et de la majesté de Dieu (Rm 1.20). L’incrédulité ne repose pas sur la révélation, mais sur l’endurcissement, l’aveuglement du cœur (És 6.9; Mt 13.14; Jn 12.40). Certes, pendant la vie terrestre de Jésus, il n’est pas seulement question de la révélation de sa gloire, mais aussi de sa dissimulation. Cependant, sous la lumière de l’Écriture et des paroles de Jésus, même cette dissimulation de la gloire de Jésus aurait dû être reconnue comme une révélation de la colère et de l’amour de celui qui, en chargeant le Christ de notre péché, voulait nous réconcilier avec lui. Quand le Saint-Esprit renouvelle le cœur de l’homme, l’homme ne peut faire autrement que de reconnaître, avec gratitude, la révélation divine.
Certes, Dieu se révèle à travers des choses créées. Cependant, ce fait n’empêche pas de reconnaître la révélation comme telle. Car Dieu dispose souverainement de la forme créée pour se révéler à travers elle. La forme dont il se sert ne l’empêche pas de se révéler réellement. Ce qui empêche l’homme de reconnaître la révélation telle quelle n’est pas sa forme de créature, mais c’est son péché. C’est pourquoi la Bible ne dit pas que l’incrédule ignore la révélation, mais qu’il lui résiste. L’incrédulité ne veut pas reconnaître la révélation, mais l’incrédulité n’est jamais une attitude neutre. Le Christ appelle les Juifs au salut. Cependant, ces Juifs ne veulent pas se convertir (Mt 23.37). C’est leur opposition à la révélation qui dicte aux pharisiens une explication contradictoire en elle-même, sur la manière dont le Christ chasse les démons (Mc 3.20). Le passage de 2 Corintiens 3.10 montre nettement que c’est à cause du péché que les Juifs, lisant l’Ancien Testament, n’y reconnaissent pas la révélation qui leur parle du Christ. Le Saint-Esprit délivre de cette obscurité à l’égard de Dieu, qui est la conséquence de la corruption du cœur.
On peut se poser la question suivante : L’œuvre du Saint-Esprit était-elle nécessaire, dans un monde sans péché, pour faire connaître la révélation de Dieu? Il est certain qu’on doit répondre par l’affirmative. Le Saint-Esprit avait déjà une fonction quand Dieu a créé toutes choses par sa Parole (Gn 1.2). Rien n’existe maintenant sans le Saint-Esprit (Ps 104.30). Les incrédules existent aussi bien par le Saint-Esprit que par la Parole créatrice. Toute chose existe par la Parole. Par la Parole et par l’Esprit, l’homme vit en tant qu’homme. Il ne faut pas penser que l’homme pourrait connaître et penser sans l’œuvre générale du Saint-Esprit. Sans le Saint-Esprit, il n’y aurait pas cette connaissance générale de Dieu, venue de la révélation générale, dont parle Romains 1.18. Quand cela est juste, il faut reconnaître que l’homme se trouve aussi placé sous l’influence de cette activité générale du Saint-Esprit. Quand Dieu se fait connaître à lui par la révélation spéciale, c’est justement à cause de cette activité générale que l’homme remarque la révélation évidente. Mais sans une intervention « spéciale », l’homme ne veut pas reconnaître cette révélation. Elle mène l’homme qui n’a reçu que le témoignage général du Saint-Esprit à une opposition plus ou moins marquée.