La révélation spéciale (8) - Révélation, apostolat et prédication de la Parole
La révélation spéciale (8) - Révélation, apostolat et prédication de la Parole
1. Révélation et apostolat⤒🔗
Peut-on dire que la révélation continue après l’ascension du Christ, bien qu’il n’y ait plus de révélation « nouvelle »? Pour répondre à cette question, nous devons d’abord parler de la fonction des apôtres. Le Christ a appelé les apôtres, d’abord d’une manière provisoire (Mt 10.2; Mc 3.14; Lc 6.13); plus tard, d’une manière définitive (Mt 2.20; Mc 16.15; Lc 24.46; Jn 17.18; Ac 1.8,21; Rm 1.15). Un apôtre du Christ est quelqu’un qui a été témoin de sa vie terrestre, surtout de sa résurrection (Ac 1.15). C’est pourquoi, défendant son apostolat, Paul rappelle sa rencontre avec le Christ ressuscité (1 Co 15.8). Un apôtre doit être capable de témoigner du Christ. Témoigner veut dire rendre témoignage de ce que l’on a vu, de ce que l’on a entendu. Il est question d’un témoin oculaire (Ac 1.22; 2.32; 3.15; 10.39; 22.14; 26.16; 1 Pi 5.1; 2 Pi 1.16). Une autre pensée qui se trouve dans la notion du témoignage est celle d’un procès. Dans l’Évangile de Jean surtout se trouve au premier plan la pensée que le témoignage fonctionne dans le procès, dans lequel il s’agit de reconnaître la vérité. Cependant, dans l’Évangile de Jean se trouve aussi la pensée que le témoin est un témoin oculaire.
Le but du témoignage est la foi (Jn 19.35). Par leur témoignage, les apôtres veulent conduire les hommes à la reconnaissance de la vérité révélée. Cela est aussi le but des Évangiles écrits. Ces Évangiles veulent témoigner du Christ comme de celui en qui le Royaume de Dieu vient. La supposition d’un tel témoignage est que les témoins ont reconnu eux-mêmes par la foi la vérité révélée en Christ.
Tous ceux qui ont été des témoins de la vie terrestre du Christ, même tous ceux qui ont été des témoins de la résurrection, ne sont pas des apôtres du Christ. L’essentiel pour l’apostolat est encore la vocation à être apôtre. Un apôtre a été appelé par Jésus-Christ. Il a été appelé à être apôtre mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu (Rm 1.1; 1 Co 1.1-2; 2 Co 1.2; Ga 1.1). Avant son ascension, le Christ a élu douze apôtres. Ce nombre avait un sens symbolique. Il veut dire que l’Église fondée sur les douze apôtres est le peuple de Dieu du Nouveau Testament, l’Israël du Nouveau Testament. L’Église prend la place des douze tribus d’Israël. Parce que ce nombre a un sens symbolique, Judas est remplacé par Matthias (Ac 1.15-26). Paul est considéré comme ayant la même position que les douze. En cette qualité, il se légitime à plusieurs reprises (1 Co 1.1; 2 Co 1.1; Ga 1.1; 1 Co 9.1). Il n’y a pas toujours de nouveaux apôtres. Déjà, Jacques n’a plus été remplacé (Ac 12). Pierre était le premier parmi les douze apôtres. Il a vu le premier le Ressuscité. Peut-être est-ce à cause de sa position que sa vocation est confirmée d’une manière spéciale (Jn 21). Cependant, il n’était que le « primus inter pares » (premier parmi des semblables).
Outre les douze et Paul, la Bible parle encore d’autres hommes qui sont appelés des apôtres. N’oublions pas que celui qui est appelé « apostolos » n’est pas nécessairement un délégué du Christ. Il est aussi question des « apostoloi », des délégués de l’Église (2 Co 8.23). Cependant, il semble que quelquefois le mot apôtre du Seigneur a un sens plus large. Jacques, le frère du Seigneur, est appelé un apôtre dans le passage de Galates 1.19, bien qu’il n’appartienne pas aux douze. Certains pensent que quelquefois tous les témoins de la résurrection du Christ sont appelés des apôtres du Christ. Andronicus et Junias étaient des apôtres en ce sens (Rm 16.7). Faut-il ainsi comprendre 1 Corinthiens 15.17? En tout cas, seulement les douze et Paul étaient des apôtres du Seigneur au sens étroit du mot.
Le mot « apostolos » est une traduction du mot araméen « shaliaha » (hébreu « shaliah ») ou « envoyé ». D’après le droit des rabbins, le « shaliah » représente entièrement par sa personne celui qui l’a envoyé. Il emprunte son autorité uniquement à sa mission, toutefois en tant que délégué il agit totalement au nom de celui qui l’a chargé d’une mission. L’apôtre du Christ n’a ni une autorité qu’il emprunte à sa personne ni un message personnel : « Celui qui vous écoute, m’écoute » (Lc 10.16). Ce passage se rapporte en premier lieu à la mission des soixante-dix disciples, mais elle vaut aussi pour la mission des douze apôtres plus tard. L’autorité des apôtres vient donc uniquement de leur obéissance au Christ (Jn 14.15; 14.21; 15.10). Ils doivent « demeurer dans le Christ ». À cette condition, ils représentent entièrement le Christ, comme le Christ lui-même représente entièrement le Père (Jn 20.12). Pour pouvoir exercer leur fonction, les apôtres ont reçu le Saint-Esprit (Mt 10.20; Jn 14.17; 20.22; Ac 1.8).
L’autorité des apôtres est donc hors de doute. En tant qu’apôtres appelés non de la part des hommes ni par un homme, mais par Jésus-Christ et par Dieu qui l’a ressuscité des morts, ils peuvent exiger que leur parole soit reçue non comme la parole des hommes, mais ainsi qu’elle l’est véritablement, comme la Parole de Dieu, qui agit en ceux qui croient (1 Th. 2.13; 2 Co 5.19). Comme la Parole de Jésus a trouvé sa place à côté des Écritures de l’Ancien Testament (Jn 2.22), ainsi le commandement enseigné par les apôtres au nom du Christ reçoit sa place à côté des choses annoncées d’avance par les prophètes (2 Pi 3), et ainsi les épîtres de Paul reçoivent leur place à côté des autres Écritures (2 Pi 3.15).
La prédication des apôtres n’est donc pas seulement un témoignage de ce qui a eu lieu dans le passé, elle est aussi une proclamation efficace du salut, le « kérygme » par lequel le Royaume des cieux se réalise. Leur prédication est efficace comme la prédication du Christ l’avait été. Cela apparaît déjà à l’occasion des missions qu’ils ont provisoirement accomplies. Ils sont envoyés pour chasser les démons et les esprits impurs; ils reçoivent le pouvoir de guérir toute maladie et toute infirmité; par leur parole, la réconciliation avec Dieu se réalise. En tant qu’apôtres du Christ, ils participent donc au pouvoir du Christ de pardonner les péchés sur la terre. Leur parole qui crée la foi est la Parole du Christ. Elle est une puissance de Dieu qui donne le salut à ceux qui croient. La parole prêchée ne parle pas seulement de la grâce, mais elle donne la grâce. Par la foi en la prédication apostolique, on reçoit la plénitude de la grâce donnée en Christ. C’est pourquoi pour Jean la communion avec la Parole de la vie est le but de sa prédication.
Certes, la prédication des apôtres a aussi un aspect noétique. C’est pourquoi le Nouveau Testament parle souvent de la doctrine des apôtres. Cet aspect doctrinal se manifeste surtout plus tard. Dans la première période, la prédication est surtout considérée comme la proclamation efficace du salut, comme « kérygme » pour ceux qui ne connaissent pas encore Dieu, qui ne sont pas encore au courant de la présence du Royaume des cieux dans le monde. Naturellement, la prédication continue d’être « kérygme » d’abord parce que la prédication missionnaire dans le monde continue, mais aussi parce que les membres de l’Église restent encore des pécheurs qui ont toujours besoin que la venue du Royaume leur soit annoncée, que leurs péchés leur soient pardonnés. Cependant, la prédication dans l’Église parmi ceux qui ont trouvé la foi n’a pas uniquement ce caractère d’une proclamation efficace du salut. Quand les Églises ont été fondées, un autre aspect de la prédication, l’aspect doctrinal, a reçu une place de plus en plus importante dans le Nouveau Testament. La prédication des apôtres n’est pas seulement « kérygme », elle est aussi « didaskalia », enseignement, doctrine. C’est surtout la prédication apostolique dans les épîtres du Nouveau Testament qui a ce caractère doctrinal. Les auteurs traitent des questions morales et doctrinales pour faire comprendre aux croyants les conséquences de l’œuvre du Christ, pour les problèmes concrets dans leurs Églises.
Cependant, les apôtres n’ont pas prêché ou écrit pour donner une connaissance dont l’intérêt serait purement d’ordre spéculatif. Le but de l’enseignement des apôtres est l’édification de l’Église. Pour ce but, la doctrine est nécessaire. Sans la doctrine pure, sans la vérité qui a en tout cas un aspect noétique, il n’y a pas de communion avec le Père et le Fils. Sans la confession de l’incarnation de la Parole, il n’y a pas de salut. Le contenu de la prédication est donc d’une importance essentielle. Il doit correspondre à la réalité de la révélation historique de Dieu en Christ. Les apôtres doivent prêcher ce qu’ils ont entendu et vu. Leur message doit être vrai. Cependant, il s’agit d’une vérité dont doit dépendre toute la vie. Les apôtres prêchent une vérité que l’on doit pratiquer, dans laquelle on doit marcher. Par la prédication des apôtres, le Christ continue donc son travail. Ainsi fonde-t-il l’Église. Par les apôtres, c’est lui qui adresse la Parole efficace au monde. C’est pourquoi on peut dire que les apôtres sont le fondement de l’Église (Mt 16.16; Ép 2.20). Le salut révélé dans la résurrection du Christ vient au monde par la prédication des apôtres. Par les apôtres, l’Église prend part à la vie nouvelle de la résurrection, contre laquelle les portes du séjour des morts ne pourront jamais prévaloir.
2. La prédication de la Parole de Dieu et la Parole de Dieu←⤒🔗
Cette affirmation se trouve dans la marge de l’article 1 de la Confession helvétique postérieure de Bullinger (« Predicatio verbi divini est verbum Dei »). L’article lui-même dit : « Pourquoi quand aujourd’hui cette parole de Dieu est annoncée en l’Église, par prêcheurs légitimement appelés, nous croyons que c’est la vraie parole de Dieu qu’ils annoncent. » Cette phrase nous apprend comment les réformateurs concevaient la prédication. Par ses ministres, Dieu nous parle encore lui-même, Dieu se révèle encore à nous.
Nous croyons que cette conception est correcte. Cela ne veut pas dire qu’il est encore question de révélations nouvelles. Nous avons vu dans la section précédente qu’en ce qui concerne le contenu de sa prédication l’Église est liée au témoignage apostolique. Les apôtres ont posé le fondement de l’Église. L’Église doit demeurer sur ce fondement, demeurer dans la foi qu’elle a reçue par les apôtres, être édifiée sur le fondement des apôtres et des prophètes. Cependant, on doit continuer de construire sur ce fondement. L’Église doit faire entendre la Parole de Dieu dans le monde. Quand elle obéit à sa mission, sa prédication est la Parole effective de Dieu.
Le passage de Matthieu 18.18 nous montre que l’Église a le pouvoir de pardonner ou de retenir les péchés. Certes, l’Église ne remplace pas les apôtres; par leur prédication les apôtres restent toujours le fondement de l’Église. Mais parce que les apôtres n’étaient pas seulement le fondement de l’Église, mais aussi la première Église, leurs pouvoirs sont aussi ceux de toute l’Église. Sur la base de l’enseignement apostolique, l’Église elle-même doit prêcher la Parole de Dieu. C’est pourquoi on peut lire qu’après la Pentecôte tous annonçaient l’Évangile qu’ils avaient entendu des apôtres. La prophétie de Joël était accomplie d’après laquelle à l’avenir tout le peuple de Dieu ferait ce qu’ont fait les prophètes (Ac 2.17). Le Christ continue donc aussi son ministère prophétique après la mort des apôtres. Le Seigneur glorifié continue de faire participer les croyants à son œuvre prophétique. Il les appelle tous à annoncer son Évangile. Il leur donne son Esprit. Lui obéissant, ils agissent en son nom. C’est lui que l’on entend par eux.
À côté de ce ministère général, la Bible nous parle en outre d’un ministère spécial de la prédication. Le Christ a donné à son Église des pasteurs et des docteurs. Ils empruntent leur autorité au Christ. Ils ne doivent pas méconnaître que tous les croyants ont reçu l’onction du Saint-Esprit, qu’il y a dans le Nouveau Testament un ministère général. Cependant, ils ont été appelés par le Christ à exercer le ministère spécial de la prédication. Quand ils exercent leur fonction en obéissant au Christ, leur parole est la Parole de Dieu. Ils ne méditent pas seulement la Parole de Dieu, ils ne parlent pas seulement sur la Parole de Dieu, mais leur prédication est la Parole de Dieu. Cette prédication dans l’Église doit être conforme à la prédication des apôtres, mais il n’est pas nécessaire qu’elle le répète littéralement. Le message apostolique doit être expliqué, il doit aussi être appliqué aux différentes situations de l’Église. Par cette prédication, Dieu veut conduire son Église dans la vérité. Ainsi veut-il rendre tous les prédicateurs capables de fidélité.