Remarques concernant la prédication
Remarques concernant la prédication
- La pertinence de la prédication
- Que dit l’Écriture?
- La nature de la prédication
- Le contenu de la prédication
- La forme de la prédication
- Conclusion
1. La pertinence de la prédication⤒🔗
La prédication, en tant que partie centrale du culte d’adoration, est négativement critiquée à notre époque. Pour de nombreuses personnes dans le monde théologique et ecclésiastique, il n’est plus évident à présent que la prédication devrait avoir une place centrale durant le culte en Église. Cela est illustré par les titres de livres récemment publiés tels que : La prédication a-t-elle toujours du sens? et La prédication est-elle mourante?1 Apparemment, de nombreuses personnes sont d’avis que la prédication a eu son heure de gloire et qu’elle appartient à une ère depuis longtemps passée.
L’homme moderne a des difficultés à écouter. La prédication s’adresse principalement à un seul de nos sens, c’est-à-dire l’audition, l’aspect visuel étant manquant. Les gens d’aujourd’hui ont du mal à absorber l’information qui ne leur est transmise qu’à l’oral. La télévision a changé les gens, car la transmission d’informations se fait en utilisant la vue et l’ouïe en même temps.
Des recherches ont démontré que la vue est importante dans l’absorption d’information. Il s’ensuit que, du point de vue des sciences sociales, la prédication est devenue un moyen inadéquat de communication2. Des recherches sur l’efficacité de la prédication l’ont prouvé. De nombreux fidèles ont des difficultés à retenir le sermon. Les nombreux sermons qu’ils entendent produisent peu de changement dans leur vie.
Cela n’est pas surprenant pour les sciences sociales modernes. L’efficacité limitée des sermons révèle la faiblesse du sermon en tant que moyen de communication. Après tout, la communication est une question de réciprocité et cela est exactement l’aspect qui manque dans les sermons. Par définition, le sermon est une communication à sens unique, il n’y a pas de processus de communication dans les deux sens. Le sermon est en fait un monologue : le pasteur parle et l’assemblée écoute.
De plus, une autre objection est soulevée : Le sermon, en tant que monologue, ne rend pas justice à l’émancipation de l’homme moderne. La prédication reflète toujours le caractère patriarcal, autoritaire et féodal des sociétés du passé. Nous parlons aux gens, mais ils ne sont pas autorisés à répondre en tant qu’individus matures3. Durant les visites pastorales à domicile, il est possible au moins de répondre, mais durant le service religieux, il faut rester assis et attendre la fin.
Le sermon en tant que monologue n’est-il pas totalement contraire à ce que le Nouveau Testament dit à propos de la maturité des chrétiens? Ne sommes-nous pas tous instruits par Dieu? (Jn 6.45). Cela ne signifie-t-il pas que nous avons tous notre mot à dire dans l’Église?
Il y a manifestement assez de raisons pour prendre la peine de réfléchir au sujet de la prédication. Avons-nous toujours besoin de prêcher dans nos Églises ou devrions-nous chercher d’autres moyens de faire passer le message? Le sermon est-il un moyen donné par Dieu pour toutes les époques, ou devrions-nous arriver à la conclusion que l’usage du sermon est comparable à l’utilisation de lampes à kérosène à l’âge de l’électricité?
2. Que dit l’Écriture?←⤒🔗
La prédication telle que nous la connaissons dans nos Églises réformées remonte à la Réformation du 16e siècle. Les réformateurs élevèrent le sermon au rang d’élément central du culte d’adoration. Calvin appelait même le culte en Église « le sermon ».
Le fait que les réformateurs soulignaient l’importance du sermon trouve son explication dans le contexte de leur redécouverte de l’Évangile de la justification. En opposition à la justification des pécheurs sur la base d’une grâce obtenue par le sacrement, idée des catholiques romains, les réformateurs ont stipulé que l’homme est déclaré justifié par la foi dans la promesse de l’Évangile. Cette promesse doit être encore et encore proclamée et acceptée par la foi. Le message d’acquittement doit être entendu pour que le salut que Dieu donne aux hommes en Christ puisse en effet les atteindre.
Un document qui reflète cette conviction de la Réformation se trouve dans le Catéchisme de Heidelberg, à la question et réponse 83. Il est ici déclaré que le Royaume des cieux n’est pas ouvert par la grâce obtenue par les sacrements, mais par la proclamation du saint Évangile. L’essence de cette proclamation est qu’il est publiquement déclaré aux croyants « que lorsqu’ils saisissent avec une vraie foi sa promesse, tous leurs péchés leur sont véritablement pardonnés par Dieu à cause des mérites du Christ ».
Cette conviction de la Réformation, en ce qui concerne l’importance de la prédication, est fermement ancrée dans les saintes Écritures. Le docteur C. Trimp a observé avec justesse que le phénomène de la prédication est indissolublement lié à la manière dont Dieu interagit avec son peuple4. Alors qu’il accomplissait le salut, le Seigneur parlait avec son peuple. Dans l’alliance, il est le Dieu qui parle et qui rencontre son peuple par sa Parole. Hébreux 1.1-2 dit ceci : « Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu nous a parlé par le Fils en ces jours qui sont les derniers. »5 Dans le second commandement, le Seigneur nous rappelle qu’il ne se révèle pas lui-même par des images, « mais pas la prédication vivante de sa Parole »6.
Au mont Sinaï, le peuple d’Israël n’a pas vu une forme de Dieu, mais il a entendu sa voix (Dt 4.12). Il est essentiel dans la relation de l’alliance que le peuple de Dieu écoute sa voix (Dt 6.4; Ex 19.5). À la fin, Israël fut exilé, car il n’avait pas écouté la Parole de Dieu (2 R 17).
Quand le Seigneur Jésus apparut sur terre, une fois de plus, il était important — et même d’une importance capitale — d’écouter. Il prêcha l’Évangile du Royaume (Mt 4.17). Il pressa le peuple d’écouter ses paroles (Mt 7.24,26). Il fit connaître le Père (Jn 1.18) et révéla son nom (Jn 17.6). Quand il remonta au ciel, il donna à ses disciples le mandat d’aller prêcher l’Évangile du Royaume (Mt. 28.19; 24.14; Lc 24.47,48).
Dieu est un Dieu qui s’exprime par la parole. Il accorde son salut à son peuple dans et par la proclamation de sa Parole. Il s’agit de la plus grande découverte de la Réformation!
« Dieu n’a pas donné à son peuple une religion où l’on doit regarder ou faire quelque chose, mais une religion où l’on doit écouter, et cette écoute nous a été enseignée à nouveau par la Réformation. Car, comme le dit Luther, la Parole doit être “im Schwange gehen” [être en vogue].7 »
Là se trouve l’origine de la place centrale que les réformateurs assignèrent à la prédication dans le culte d’adoration.
Le fait que la proclamation de l’Évangile dans l’Église a une place si importante est également exprimé dans le Nouveau Testament. Il est dit que les croyants de l’Église de Jérusalem « persévéraient dans l’enseignement des apôtres » (Ac 2.42). Même si nous n’avons pas besoin de restreindre cet enseignement au culte d’adoration8, il est clair qu’il s’applique également au culte d’adoration. Les apôtres instruisaient l’Église de manière de plus en plus développée, et l’Église se laissait continuellement enseigner9.
Un autre passage qui indique que la prédication occupait une place centrale dans l’Église se trouve en Actes 20.7. L’Église à Troas se réunissait le premier jour de la semaine « pour rompre le pain » et écouter un enseignement de Paul.
À ce propos, nous pourrions souligner également le fait que les lettres apostoliques étaient lues aux Églises (Col 4.16). Cette lecture devait sans doute se faire durant un rassemblement de l’Église. C’est ainsi que l’enseignement des apôtres acquit sa place dans le culte d’adoration.
La réponse 98 du Catéchisme de Heidelberg affirmant que Dieu ne veut pas que son peuple soit instruit « par des idoles muettes, mais par la prédication vivante de sa Parole », est par conséquent en parfait accord avec les Écritures. Le Seigneur nous parle par sa Parole. Il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication (1 Co 1.21).
3. La nature de la prédication←⤒🔗
Dans le Catéchisme de Heidelberg, à la question et réponse 65, la prédication de l’Évangile est vue comme un moyen de grâce utilisé par le Saint-Esprit. C’est le Saint-Esprit qui produit la foi dans nos cœurs par la proclamation du saint Évangile. La prédication fait partie du cadre plus large de l’œuvre du Saint-Esprit en vue de notre appropriation du salut. C’est lui qui nous rend « participants, par une vraie foi, du Christ et de tous ses bienfaits » (voir la réponse 53). C’est le Saint-Esprit qui nous communique le salut. Derrière la prédication, nous devons voir le Saint-Esprit qui prend ce qui appartient à Christ dans le but de nous le faire connaître (Jn 16.14). Nous ne sommes pas capables par nous-mêmes de prendre possession de ce salut. Il doit nous être donné, nous être approprié. C’est ce que fait le Saint-Esprit par la prédication de l’Évangile. Paul résume cette réalité quand il appelle la prédication « le ministère de l’Esprit » (2 Co 3.8). Par le moyen de la prédication, le Saint-Esprit est à l’œuvre. C’est de cette manière qu’il produit la foi dans nos cœurs (Rm 10.14,15) et nous unit au Christ.
De nos jours, de nombreuses personnes émettent de sérieuses objections à l’encontre de la nature monologique de la prédication. Ils disent que c’est cet aspect du sermon qui n’est pas un moyen de communication adapté à notre époque. Cependant, cette nature monologique est profondément enracinée dans la manière dont le Seigneur interagit avec son peuple. Il se révèle en parlant. Dans l’alliance, la Parole de Dieu a la priorité absolue. Bien sûr, son peuple peut aussi parler. Il y a la prière, la confession et la louange. Mais tout cela ne peut être qu’une réponse à ce que le Seigneur a d’abord dit. Avant d’ouvrir nos bouches, nous devrions avoir d’abord écouté le Seigneur avec foi.
La nature monologique de la prédication est aussi profondément enracinée dans la nature du salut. Le salut ne vient pas de nous, nous ne pouvons pas fabriquer le salut. Le salut vient de l’extérieur. Nous devons en être informés, il doit nous être proclamé. À cause de notre cœur mauvais et incrédule, il doit nous être proclamé encore et encore. L’homme ne croit pas une fois pour toutes. Nous avons besoin de nous soumettre encore et encore à l’Évangile (pensons à l’expression « aussi longtemps » de la réponse 84 : « Elle [la prédication de l’Évangile] déclare aux incrédules et aux hypocrites que la colère de Dieu et la damnation éternelle demeurent sur eux aussi longtemps qu’ils ne se convertissent pas »!). À cause de notre péché, nous avons besoin d’entendre la Parole encore et encore, et la Parole doit nous ramener à Dieu encore et encore. À cet égard, les mots de Calvin viennent à l’esprit : « Car jusques à la fin, il nous convient d’être toujours écoliers de Jésus-Christ.10 »
Dans une certaine mesure, la nature strictement monologique de la prédication, telle que nous la connaissons dans nos Églises, est une forme de prêche qui s’est développée au cours des siècles dans notre culture occidentale. Cette forme peut être différente dans d’autres cultures, moins rigide et de nature monologique moins stricte. Dans de telles cultures, les prédicateurs peuvent répondre à l’auditoire et interagir avec les interruptions.
Même si cette forme est en quelque sorte moins monologique, le fait que quelqu’un, au nom de Dieu, m’annonce le salut et m’appelle à croire et à vivre en conséquence ne peut être mis de côté. Le docteur K. Runia parle à juste titre de cet aspect comme étant « l’élément essentiel de la prédication qui ne peut être abandonné11 ». Ceux qui décrient l’aspect monologique de la prédication ne comprennent pas, en fin de compte, la manière dont Dieu interagit avec son peuple. Ils ne comprennent pas non plus la nature du salut comme étant quelque chose qui nous vient de l’extérieur.
La prédication, dans nos Églises, se caractérise typiquement comme étant l’administration de la Parole de Dieu (voir l’article 16 de l’Ordre ecclésiastique). Ceci est un constat modeste et qui fait réfléchir. Il serait incorrect de dire que la prédication a le pouvoir de donner vie à la Parole de Dieu et de la concrétiser12. Hébreux 4.12 dit : « Car la parole de Dieu est vivante et efficace, plus acérée qu’aucune épée à double tranchant… » De plus, Paul fait référence à l’Évangile comme étant « une puissance de Dieu pour le salut » (Rm 1.16).
Lors de la prédication, ce n’est pas la Parole de Dieu qui prend vie, mais plutôt la Parole vivante de Dieu qui est présentée à l’Église. Elle a sa place au milieu de l’assemblée en tant que réalité vivante.
Le Saint-Esprit se sert d’êtres humains pour ce ministère, ce qui signifie que ce ministère n’est pas infaillible. L’Église devra toujours écouter dans une obéissance critique. Paul exhorte les Thessaloniciens à tout vérifier et à retenir ce qui est bon (1 Th 5.21). Ce n’est que lorsque le pasteur proclame fidèlement la Parole de celui qui l’envoie que nous devrions nous soumettre sans retenue à cette Parole13.
Le fait que la prédication soit l’administration de la Parole souligne le fait que le prédicateur doit se présenter à la chaire avec la Parole. La prédication doit mettre en évidence ce que le Seigneur dit dans un passage donné. Le texte doit être soigneusement expliqué. Il ne faut jamais oublier que dans chaque passage toutes les Écritures retentissent. La Parole de Dieu forme une unité. Le passage ouvre toujours une fenêtre sur toutes les Écritures.
Puisque la prédication est censée être l’administration de la Parole, le pasteur doit toujours faire preuve de retenue en ce qui concerne l’application (ou la concrétisation) du message. La Parole de Dieu ne fournit pas de réponses toutes faites à toutes les questions du jour14.
L’Église chrétienne responsable doit discerner ce qui plaît au Seigneur (Ép 5.10) et reconnaître la volonté de Dieu (Rm 12.2). Quand le pasteur va trop loin dans les applications concrètes, son message perd l’autorité de la Parole de Dieu. Dans un tel cas, la prédication se détériore et devient un véhicule pour exprimer les opinions du pasteur. À cet égard, C. Trimp écrit :
« Le trésor de l’Évangile et la loi du Christ doivent assurément être transmis une petite pièce d’or à la fois. Mais peu importe la manière utilisée par le prédicateur pour concrétiser le texte dans le contexte de la vie de tous les jours, ses paroles devraient toujours refléter de manière transparente le contenu et la puissance du texte. C’est ce dont l’Église a besoin et c’est ce à quoi elle a droit.15 »
Le terme « administration de la Parole » utilisé pour décrire la prédication met aussi en évidence le fait d’être à l’unisson avec le contexte dans lequel vit l’Église locale. La Parole est le message de Dieu à l’Église et celle-ci vit ici et maintenant. Le prédicateur n’a pas seulement le texte tiré de la Parole, il a aussi besoin de prendre en compte le contexte dans lequel vit l’Église locale. La prédication doit faire justice à ce contexte si elle veut vraiment être l’administration de la Parole! Cela signifie que les besoins et les luttes de l’Église locale doivent être traités dans le sermon. Le sermon ne doit pas être « intemporel ». Il doit parler des dangers qui menacent l’Église ici et maintenant.
La prédication va devoir pour cela parler de la vie de foi telle que décrite dans les saintes Écritures et les confessions de foi réformées. Nous pourrions pour cela renvoyer au Livre des Psaumes et aux Canons de Dordrecht16. Une vie de foi connaît ses batailles et ses tentations. Elle passe par des hauts et des bas, et par des phases de croissance. Cela ne devrait pas être oublié lors de la prédication. En cela, nous apprécions le fait que nos frères dans les Christelijke Gereformeerde Kerken [les Églises chrétiennes réformées aux Pays-Bas] promeuvent une sorte de prédication expérientielle — purifiée des excès — qui prête attention à l’expérience de la foi et à l’œuvre du Saint-Esprit dans le cœur. Ce genre de prédication guide la vie de la foi. (Personnellement, je remplacerais cependant le terme « prédication expérientielle » par « prédication pastorale ».) Dans ce genre de prédications, le cœur reçoit de l’attention. Le cœur noir et perdu du pécheur est exposé à la lumière de la grâce salutaire et guérissante de Dieu. De cette manière, la prédication peut être réellement attrayante. Elle aura le pouvoir de reprendre, de réconforter et d’instruire!
Lorsque la prédication traitera des besoins et des batailles de l’Église locale, des questions et des difficultés de la vie de foi, elle aura des caractéristiques dialogiques. Même si l’approche fondamentale reste monologique, elle contiendra certains moments dialogiques. La prédication ne traite pas juste de vérités intemporelles, elle apporte un message pour la vie de l’Église locale qui peut être une vie d’afflictions.
4. Le contenu de la prédication←⤒🔗
La réponse 65 du Catéchisme de Heidelberg dit que le Saint-Esprit produit la foi dans nos cœurs « par la prédication de l’Évangile ». Nous avons ici une indication claire de ce que le sermon devrait contenir. Il doit proclamer l’Évangile. Le prédicateur peut et doit apporter un message bon et rempli de joie. La « clé » fondamentale de la prédication sera toujours d’être ce que l’ange a proclamé aux bergers : « Je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple » (Lc 2.10). En 2 Corinthiens 5, Paul définit la prédication comme étant « le ministère de la réconciliation ».
Le cœur du message de la prédication est la proclamation de l’Évangile de l’acquittement. Dieu qui nous pardonne notre culpabilité pour l’amour de Christ, voilà le centre de tout ce qui doit être prêché. Je cite la réponse 84 du Catéchisme de Heidelberg où il est clairement dit :
« Selon l’ordre du Christ, celle-ci [la prédication de l’Évangile] annonce et atteste publiquement à tous les fidèles en général, et à chacun en particulier, que lorsqu’ils saisissent avec une vraie foi sa promesse, tous leurs péchés leur sont véritablement pardonnés par Dieu à cause des mérites du Christ. »17
Cette conviction fondamentale de la Réformation est en complet accord avec l’Écriture. Le Sauveur a dit que la repentance et le pardon des péchés devaient être prêchés en son nom à toutes les nations (Lc 24.47). Zacharie, dans son cantique, résume la connaissance du salut comme étant la connaissance du pardon des péchés (Lc 1.77). Pareillement, Paul résume le salut comme étant « la rédemption, le pardon des péchés » (Col 1.14).
Cependant, même si l’essence de la prédication est le message plein de joie : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés », cela ne s’arrête pas là. Autour de ce centre sont rattachés de nombreux autres aspects : une instruction plus poussée dans la doctrine, la réfutation des hérésies, la direction à donner à notre vie de tous les jours, la réprimande et le réconfort18.
En rapport avec cela, nous ne devrions pas oublier la fonction de finalité de la prédication. La réponse 84 dit également : « Elle [la prédication de l’Évangile] déclare aux incrédules et aux hypocrites que la colère de Dieu et la damnation éternelle demeurent sur eux. » La prédication sert également à fermer le Royaume des cieux à tous ceux qui ne se repentent pas sincèrement. La colère de Dieu doit leur être proclamée. Le caractère très sérieux de l’appel à servir Dieu ne doit pas être absent de la prédication. Même pour l’Église du Nouveau Testament, il s’avère que Dieu est un Dieu de vengeance (Hé 10.30-31).
La prédication du jugement, cependant, prend place dans le cadre de la proclamation de « la bonne nouvelle, source d’une grande joie ». Il est frappant que la réponse 83 affirme que le Royaume est fermé par la prédication du saint Évangile. Même quand le sermon parle de la colère de Dieu et du jugement éternel, cela reste un message d’une grande joie. Le salut vient en premier, et de ce salut surgit l’avertissement : « Comment échapperons-nous, si nous négligeons un si grand salut? » (Hé 2.3).
La prédication devra en conséquence être la prédication des promesses, et en son cœur doit se trouver la proclamation de la promesse du pardon. Les Canons de Dordrecht disent que ces promesses doivent être proclamées publiquement « avec le commandement de se repentir et de croire » (Canons de Dordrecht, article II,5).
L’Église n’est plus désormais sous la loi, mais sous la grâce de Dieu. Cela signifie que le prédicateur doit permettre à cette grâce de briller dans toute sa splendeur. Il doit mettre en évidence toutes ses richesses. En d’autres mots, l’Église doit savoir ce qu’elle a reçu en Christ. Chaque sermon doit être la prédication du Christ. Cela s’applique aussi aux sermons sur les passages de l’Ancien Testament. En Colossiens 1.28, Paul dit qu’il proclame le Christ quand il avertit et enseigne chaque homme en toute sagesse. En Christ, nous avons tout reçu. Il est notre justification et notre sanctification (1 Co 1.30). Pour cette raison, le sermon doit toujours proclamer l’Évangile de Jésus-Christ.
La prédication ne doit pas être légaliste. L’assemblée ne devrait jamais quitter le lieu de culte abattue. Il faut rappeler à l’Église, et ce en tout temps, à quel point elle est riche dans le Seigneur Jésus et qu’elle peut et doit vivre en lui.
Le prédicateur a la liberté de choisir le texte. Aucune assemblée ecclésiastique ne devrait prescrire les textes qu’il doit choisir19. Cependant, le prédicateur n’a pas la liberté de choisir le contenu du sermon. « Le Christ tout entier » doit être proclamé. Le message ne doit pas être unilatéral. Tout ce que l’Église possède en Christ doit être présenté lors de la prédication. En accord avec l’exemple de Paul, le prédicateur doit proclamer « tout le conseil de Dieu » (Ac 20.27).
En accord avec lui, je cite le docteur C. Trimp :
« Avec une pleine conviction, nous optons pour la liberté dans le choix du texte. Cette approche honore la responsabilité du prédicateur qui est appelé à proclamer le plein conseil de Dieu tout en administrant la Parole de Dieu en tenant compte du contexte présent. Dans la tradition réformée, les dangers de l’individualisme et de l’unilatéralité sont limités par la pratique de la prédication catéchétique, laquelle oblige le prédicateur de la Parole à expliquer continuellement la doctrine complète de l’Église dans l’administration de la Parole.20 »21
5. La forme de la prédication←⤒🔗
Nous avons déjà vu que l’apôtre Paul dit, en 2 Corinthiens 3, que la prédication est « le ministère de l’Esprit ». Le Saint-Esprit produit la foi dans nos cœurs par le moyen de la proclamation du saint Évangile. Le Saint-Esprit se sert d’êtres humains dans ce but. Il est frappant de voir que le Saint-Esprit se sert de la personne tout entière avec ses dons et ses capacités. Nous voyons ici l’énorme responsabilité du prédicateur. Il doit se laisser utiliser. Il doit être prêt à être pleinement serviteur de la Parole.
Cela implique qu’il doit prendre le plus grand soin à bien rédiger son sermon. La nature monologique de la prédication est enracinée dans le fait que Dieu parle et dans la nature du salut. Ce principe ne peut être mis de côté. Cela ne signifie pas cependant que le prédicateur ne devrait pas se préoccuper de savoir si son message « parlera » à ses ouailles. Le sermon doit être communiqué dans un langage compréhensible. Il doit être clair et facile à suivre. Si un pasteur prêche des sermons « difficiles », alors il n’a probablement pas médité assez longtemps sur le texte. Le prédicateur doit réfléchir à son message suffisamment longtemps afin qu’il soit capable de le formuler clairement.
Nous avons toujours la tradition de la prédication textuelle thématique dans nos Églises. Au début du sermon nous sont donnés thème et structure. Cette pratique a été abandonnée dans beaucoup d’autres Églises, car considérée vieillotte et non adaptée à notre époque moderne.
Je ne suis pas en train de dire que nous ne pourrions pas faire différemment, cependant la prédication thématique a une longue histoire et est éprouvée par le temps. La formulation d’un thème avec des points force le prédicateur à formuler le message clairement et de manière concise. En même temps, cela permet à l’Église de saisir immédiatement le message principal du sermon et lui donne des points de repère permettant de bien suivre pendant l’écoute.
Nous pouvons dire que cette approche reflète un profond respect de la Parole que le prédicateur est sur le point de prêcher. Le fait que le prédicateur formule un thème indique qu’il a l’intention de s’en tenir au message du texte et d’ainsi permettre à l’assemblée de faire de même.
L’utilisation d’un thème et de points demeure un excellent moyen de donner au sermon une structure transparente et facile à suivre22. Il est bon qu’à notre séminaire théologique le sujet de l’homilétique (l’art de prêcher ou d’écrire des sermons) soit enseigné. Il est important de donner suffisamment d’attention à la composition, à l’articulation de la langue et à la présentation du sermon23. Tout comme il y a des règles dans une conversation, il y a aussi des règles pour le sermon. Une bonne prédication requiert un certain « savoir-faire ».
Les sermons sont généralement plus courts aujourd’hui qu’ils ne l’étaient dans le passé, ce qui n’est pas forcément un mal. Nous sommes devenus plus pragmatiques et donc il y a moins de verbiage. Il est aussi bien connu que les gens de notre époque ne sont plus capables d’écouter pendant longtemps.
Dans un sermon plus court, le message du texte peut être adéquatement présenté à l’Église. Cela nécessite peut-être même plus d’effort de réflexion pour préparer le message. Afin d’être plus concis, il faut réfléchir encore plus à la façon de formuler le message. Finalement, la manière dont le prédicateur s’y prend est déterminée par le message qu’il doit apporter. À cet égard, la Parole de Dieu aussi détermine et discipline la conduite du prédicateur. Les règles de la rhétorique n’ont pas le dernier mot. Tout doit servir la Parole par laquelle Jésus-Christ veut nourrir ses brebis.
6. Conclusion←⤒🔗
Le sermon n’est pas que de la responsabilité du prédicateur. Il est, à un niveau plus profond, la responsabilité du conseil des anciens24. L’Église locale a été confiée aux bons soins de tous ceux qui exercent des ministères officiels dans l’Église. L’article 30 de la Confession des Pays-Bas souligne l’aspect collégial (collectif) du gouvernement de l’Église25. Les pasteurs, les anciens et les diacres ne travaillent pas en isolation, mais exercent ensemble leur responsabilité collective.
D’après la liturgie d’ordination, une des tâches des anciens est de superviser la prédication. « La prédication » est un sujet essentiel à l’ordre du jour des réunions du conseil des anciens. Au moins une fois par an, le conseil local doit discuter du ministère de la Parole et se demander si, d’une part, tout le conseil de Dieu est proclamé et si, d’autre part, l’Église est vraiment édifiée par la prédication.
La prédication est un sujet qui concerne aussi l’Église. En premier lieu, l’Église doit humblement accepter la Parole qui est proclamée (Jc 1.21).
En second lieu, l’Église doit tout examiner et « retenir » ce qui est bon (1 Th 5.21). Elle doit écouter d’une façon critique et en connaissance de la Bible. La critique est une autre façon de soutenir le ministère des officiers de l’Église26. L’Église n’est pas une multitude non émancipée, bien au contraire, elle partage les richesses de la Pentecôte d’après laquelle chacun a été enseigné par Dieu.
Même si l’Église ne peut répondre durant le culte d’adoration, il est essentiel qu’une partie de sa structure permette qu’il y ait un temps d’échange avec le pasteur au sujet du sermon. Un pasteur qui essaie d’éviter cette discussion n’a pas compris comment le ministère de pasteur fonctionne dans l’Église du Christ. Celle-ci a tout à fait le droit de s’attendre à ce que la prédication soit édifiante et pertinente.
En troisième lieu, l’Église est appelée à soutenir la prédication au moyen de l’intercession. Paul requiert avec insistance l’intercession de l’Église dans son ministère de proclamation (Ép 6.18-19; 2 Th 3.1). L’Église ne doit jamais oublier cela, même à notre époque! Qu’il y ait des prières dans les maisons pour cet important travail du ministre de la Parole. Celui-ci a besoin de l’intercession de l’Église.
Nous ne devons pas prier pour le prédicateur seulement quand nous sommes sur le point d’aller à l’Église, mais nous devrions le faire surtout durant la semaine quand il travaille sur son sermon. Il doit sélectionner le bon texte; il a besoin de faire un travail d’étude préparatoire; il doit humblement considérer ce que Dieu relève dans ce passage et il doit formuler le message dans un langage clair et bien adapté.
L’Église aime entendre de bons sermons. N’oublions pas qu’ici s’applique la règle bien connue : Le Seigneur donne généreusement en réponse à la prière fervente!
Notes
1. Voir K. Runia, Heeft preken nog zin?, Kampen, 1981; J. Firet, « Sterft de preek? », Voorlopig 7, 1975.
2. Voir C. Trimp, Woord, water en wijn. Gedachten over prediking, doop en avondmaal, Kampen, 1985, p. 10-11.
3. Voir C. Trimp, Communicatie en ambtelijke dienst, Groningen, 1976, p. 28.
4. C. Trimp, « Het verschijnsel preek », De Reformatie, 64, p. 553-554.
5. C. Veenhof, Het Woord Gods in den brief aan de Hebreeën, Terneuzen, 1946, p. 8, dit : « Aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau, le seul et unique orateur est l’Éternel Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. En conséquence, il n’y a en principe aucune différence entre la Parole de Dieu dans l’Ancien Testament et celle dans le Nouveau Testament. Tout au long de l’histoire, la Parole de Dieu, vraie et vivante, est venue à son peuple. »
6. Voir Deutéronome 4.12 : « Une voix parlait, et vous l’entendiez, mais vous n’aperceviez aucune forme, il n’y avait rien d’autre que la voix. » B. Holwerda fait cette remarque : « Moïse souligne que Yahvé parlait au milieu du feu. Ceci est une caractéristique de la religion d’Israël. Nous voyons ici la différence essentielle entre la religion d’Israël et les autres religions. » Dictaten Exegese Oude Testament, vol. 3, 1re partie, Kampen, 1957, p. 97.
7. C. Trimp, Woord, water en wijn, p. 15.
8. Voir A. Noordegraaf, Creatura verbi. De groei van de gemeente volgens de Handelingen der Apostelen, ‘s Gravenhage, 1983, p. 39.
9. Le verbe en Actes 2.42 signifie « tenir fermement », « persévérer ».
10. « Car iusques à la fin, il nous convient d’estre tousiours escoliers de lesus Christ » (Voir le Catéchisme de l’Église de Genève 1542, W. Niesel, Bekenntnisschriften und Kirchenordnungen der nach Gottes Wort reformierten Kirche, 3. Auflage, Sollikon-Zurich o.j., p. 35).
11. K. Runia, ibid., p. 39.
12. C. Trimp, De actualiteit der prediking, Groningen, 1971, p.18.
13. « Lorsque, à présent, cette Parole de Dieu est annoncée dans l’Église par des prédicateurs légitimement appelés, nous croyons que c’est la véritable Parole de Dieu qu’ils annoncent, et que les fidèles reçoivent » (La Seconde Confession helvétique, 1.4). J.T. Bakker, Kerugma en Prediking, Kampen, 1957, p. 7-9.
14. Voir J. Douma, Voorbeeld of gebod? Enkele opmerkingen over het Schriftberoep in de ethiek, Amsterdam, 1972, p. 45-46.
15. C. Trimp, Woord, water en wijn, 29. Voir aussi W.H. Velema, Wet en evangelie, Kampen, 1987, p. 171-172.
16. J’ai discuté de ce sujet en profondeur dans Met het oog op de gemeente, Populair-theologische bijdragen, Haarlem, 1987, p. 37-38.
17. Voir T. Brienen, Prediking en vroomheid bij Reformatie en Nadere Reformatie, Kampen, n.d., p. 56.
18. Voir C. Trimp, Ministerium. Een introductie in de reformatorische leer van het ambt, Groningen, 1982, p. 195.
19. Dans l’Ordre ecclésiastique, l’article 52 stipule que « Le conseil des anciens doit s’assurer que, règle générale, la doctrine de la Parole de Dieu, telle qu’elle est résumée dans le Catéchisme de Heidelberg, soit proclamée chaque dimanche. » En ce qui concerne les jours de commémoration, l’article 53 stipule que « Chaque année les Églises devront commémorer la naissance, la mort, la résurrection et l’ascension de notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi que l’effusion de son Saint-Esprit ».
20. Trimp, De preek : een praktisch verhaal over het maken en houden van preken, Kampen 1986, p. 31.
21. J. Firet, Het agogisch moment in het pastoraal optreden, Kampen, 1968, p. 154-155.
22. Voir C. J. de Ruyter, « Je moet de preek goed kunnen volgen », De Reformatie, 64, p. 299, sur l’importance d’avoir un thème et des points. Voir aussi. C. Trimp, De preek, p. 27-28.
23. Voir C. Trimp, Inleiding in de Ambtelijke Vakken, Kampen, 1978, p. 84.
24. J’ai traité en profondeur de ce sujet dans Om de bediening van de Geest. Bijdragen over het ambt, de prediking en het pastoraat, Kampen, 1983, p. 94-95.
25. Voir J. Kamphuis, Altijd met goed accoord, Amsterdam, 1973, p. 116.
26. A. van Ruler, Bijzonder en algemeen ambt, Nijkerk, n.d., p. 54.