Lucioles - Lumière froide, fréquentations froides
Lucioles - Lumière froide, fréquentations froides
Imaginez-vous un soir de juin dans le centre sud du Canada ou dans les états voisins des États-Unis. Alors que la brunante tourne à l’obscurité, des points lumineux minuscules apparaissent sur les buissons, sur l’herbe ou dans les airs. Ces toutes petites lumières semblent clignoter selon un code précis. Ces lumières remarquables sont des lucioles (« mouches à feu »).
Plus nous en apprenons à propos de ces insectes, plus ils nous étonnent. La reproduction chez ces insectes ne laisse certainement aucune place à la familiarité. Les lucioles adultes sont des coléoptères, mais des coléoptères insolites. Elles possèdent la capacité de produire de la lumière à l’intérieur de leur corps. La phase adulte, que plusieurs d’entre nous ont vue, est brève et spectaculaire. La plupart des lucioles adultes ne vivent que quelques jours et leur but principal est de se reproduire.
Avant de parvenir à l’état adulte, les lucioles vivent dans le sol sous forme de larves. Après être demeurées en repos pendant l’hiver sous forme de chrysalide, elles émergent au printemps à l’état d’adultes entièrement formés, prêtes pour leur bref scintillement de gloire.
L’accouplement n’est pas tout à fait « lumière et harmonie » pour la luciole adulte. D’abord, la proportion des sexes, très avantageuse du point de vue des femelles, est d’environ cinquante mâles pour une femelle. Bien que les femelles ne volent pas, elles n’ont pas de difficulté à trouver un mâle qui leur convient. Le mâle, quant à lui, vole, mais la difficulté de repérer une femelle qui lui convient n’est pas sa seule difficulté. Il doit également la persuader de s’accoupler.
La façon de conquérir le cœur d’une dame luciole est d’émettre une série de clignotements lumineux dans un ordre très précis. Le mâle doit voler à une altitude précise, à une vitesse précise, à un moment précis de la soirée, en émettant, pendant tout ce temps-là, une lumière à intervalles précis. Une fois que le mâle capte une bonne réponse venant de l’herbe, il doit continuer d’émettre son signal pendant qu’il s’approche de la femelle. Tout délai ou toute erreur de protocole peut conduire le mâle infortuné à perdre sa prétendante au détriment d’un rival.
Il existe deux genres ou groupes principaux de lucioles en Amérique du Nord. L’un d’eux compte environ soixante espèces différentes. Les femelles de ce groupe sont ce qu’on pourrait appeler des « femmes fatales » ou des dames irrésistibles. Une fois que les femelles de ce groupe se sont accouplées, elles n’émettent plus leur propre réponse codée. Elles se mettent plutôt à imiter les codes des femelles des autres espèces. Imaginez les mâles sans méfiance qui s’approchent et qui s’attendent à trouver une compagne qui leur convient. Mais non! Ils se font manger impitoyablement.
Un chercheur de la Floride a observé les femelles de l’une de ces espèces qui pouvaient imiter les codes de sept autres espèces. Ces femelles sans scrupules passent d’un code à un autre selon les espèces qui volent au-dessus de leurs têtes. Les biologistes décrivent sèchement le phénomène par l’expression « mimétisme agressif ».
Le long de certaines rivières marécageuses de l’Asie du Sud-Est, la noirceur de la nuit est interrompue de la manière la plus inattendue. Des rangées d’arbres sont illuminées par des millions et des millions de minuscules lumières. Les clignotements se produisent tous exactement au même moment, d’une extrémité de la rangée d’arbres jusqu’à l’autre extrémité. Le rythme est d’environ trois clignotements aux deux secondes. Entre ces manifestations de lumière qui ressemblent à des néons, c’est l’obscurité la plus totale. De telles manifestations continuent heure après heure, nuit après nuit, pendant des semaines et même des mois. Ce sont les lucioles qui sont responsables de ces manifestations. Les arbres sont remplis de lucioles, aussi bien mâles que femelles, mais ce sont seulement les mâles qui émettent de la lumière. Étant donné que les adultes ne vivent que quelques jours, la population doit continuellement être renouvelée par de nouveaux adultes qui viennent remplacer les vieux qui meurent.
Ce phénomène naturel ravissant soulève plusieurs questions déroutantes. De quelle manière ces coléoptères parviennent-ils à synchroniser leurs clignotements? Pourquoi se donnent-ils la peine de synchroniser leurs manifestations lumineuses? Dans les Antilles, par exemple, des arbres remplis de lucioles sont continuellement illuminés par ces coléoptères qui, eux, clignotent indépendamment les uns des autres.
Plusieurs scientifiques ont consacré leur carrière à étudier la bioluminescence (l’émission de lumière par des êtres vivants). Pendant les années 1950 et 1960, des enfants à Baltimore au Maryland étaient payés un cent pour chaque luciole qu’ils rapportaient à un professeur de biologie de l’Université Johns Hopkins.
Deux composés organiques essentiels à la production de lumière peuvent être extraits de ces lucioles écrasées. Le composé produisant de la lumière s’appelle « luciférine » (du latin qui veut dire porteur de lumière). L’autre composé est une enzyme appelée « luciférase ». L’enzyme est essentielle à la combinaison de l’oxygène avec la luciférine en présence d’un composé à haute teneur énergétique qui se retrouve dans tous les systèmes biologiques. Quand la luciférine réagit avec l’oxygène, elle entre dans un état « excité » hautement énergétique. Le composé oxydé libère ensuite l’énergie sous forme de photon ou de clignotement de lumière.
La lumière produite par les lucioles s’appelle lumière froide. Les organes de la lanterne de la luciole ne se réchauffent pas pendant qu’ils clignotent. Presque toute l’énergie disponible (88 %) sert à produire de la lumière. Par contraste, les systèmes d’éclairage fabriqués par l’homme perdent en chaleur un grand pourcentage de l’énergie disponible. Les ampoules incandescentes perdent 95 % de l’énergie qu’elles consomment. Les tubes fluorescents sont plus efficaces; ils ne perdent qu’environ 80 % de leur énergie sous forme de chaleur.
La capacité de produire de la lumière froide est très rare comparée à d’autres réactions biochimiques. Dans la plupart des cas, une longue série de réactions est requise pour produire un composé à haute teneur énergétique. Toutefois, dans le cas des lucioles, seulement deux réactions sont requises pour convertir un composé à faible teneur énergétique à l’état normal en un composé à haute teneur énergétique à l’état excité.
Plusieurs biologistes se sont demandé pourquoi même on retrouve le phénomène de la lumière froide dans la nature. Plusieurs organismes semblables à ceux capables de bioluminescence vivent très bien sans ce talent. De nombreuses créatures, qui partagent les mêmes habitats que certaines autres créatures capables d’émettre de la lumière, réussissent très bien à vivre sans cette capacité. Ce n’est pas comme si la capacité d’émettre de la lumière venait d’une simple modification d’un composé que l’on trouverait dans la plupart des créatures. Ce n’est pas le cas.
Le phénomène de la lumière froide, certainement à la fois un grand défi et une grande source de plaisir pour les observateurs, rend un témoignage éloquent à l’œuvre et au talent artistique du Créateur.