Le don de la foi
Le don de la foi
- Introduction
- Le rapport entre la foi et la Parole
- La nature de la foi
- La justification par la foi
- La foi et sa certitude
1. Introduction⤒🔗
Notre salut se fonde exclusivement sur l’œuvre médiatrice de Jésus-Christ. Il ne repose ni sur nos œuvres ni sur nos sentiments religieux, pas même sur notre expérience spirituelle. Nous ne fondons pas davantage notre assurance sur l’œuvre du Saint-Esprit en tant que telle, car son opération en nous n’est pas un côté subjectif du salut dont l’œuvre du Christ serait l’aspect objectif.
L’Écriture déclare que sans la régénération nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu (Jn 3.5). Cependant, cette naissance d’en haut, l’œuvre de l’Esprit, n’apporte pas de complément à ce que la croix du Calvaire a obtenu une fois pour toutes. La foi n’est jamais la cause du salut. Elle n’est que le moyen de nous l’approprier. Tout en insistant sur le rôle de la foi, nous ne pouvons que lui reconnaître un rôle réceptif et non fondateur. Son rôle essentiel consiste à reconnaître la perfection de l’œuvre accomplie par le Christ.
Dans Romains 4 et 5, l’apôtre Paul exprime cette pensée lorsqu’il formule la doctrine de la justification par la foi seule. Il ne dit pas que nous sommes sauvés à cause de notre foi; à ses yeux, la justification par la foi s’oppose à toute idée de justification par les œuvres (voir aussi Gal. 3). C’est précisément l’homme pécheur qui est justifié. La foi n’est donc pas une œuvre méritoire. L’homme qui reconnaît la perfection de l’œuvre rédemptrice du Christ sait par la foi que le Sauveur est mort à cause de son péché. C’est pourquoi il peut vivre désormais en serviteur du Seigneur au lieu de rester assujetti au péché. Ainsi que l’exprime l’apôtre dans Romains 6, la justification nous conduit nécessairement à une vie nouvelle qui nous unit au Christ et à travers laquelle nous obtenons les bénéfices qui découlent de sa mission sacrificielle. Par conséquent, la foi peut être considérée à la fois comme le don de l’Esprit et comme une activité humaine.
Nous reviendrons plus loin sur le rapport entre l’opération de l’Esprit et notre propre activité dans la foi. Le Christ a entièrement obtenu le salut personnel de tous les siens et la tâche de l’Esprit consiste à nous faire vivre de ce que le Christ a obtenu pour nous. L’unique « participation » qui nous est demandée est celle de croire de tout notre cœur que le Christ a parfaitement accompli le salut en notre faveur, de vivre sur cette base et d’en être reconnaissants.
Plusieurs passages bibliques soulignent l’importance décisive de la foi (Mc 16.16; Jn 3.16; 1 Co 1.21; etc.). Elle est considérée comme le moyen par lequel le salut entre dans notre vie et devient une réalité et une acquisition personnelles. Nous nous livrons moins au pouvoir de séduction du péché et nous donnons la preuve de notre conviction de la perfection de la rédemption. Notre vie sera moins déterminée par la réalité du péché au fur et à mesure que nous nous attacherons au Christ, le Seigneur du monde et notre Sauveur personnel.
La Bible établit une distinction entre une grande et une petite foi. Par exemple, le centenier romain de Matthieu 8 fit preuve d’une très grande foi. Il ne faudrait pas en conclure que sa foi, grande aux yeux de Jésus, lui donnait un droit inhérent à l’exaucement de sa prière. Sa foi était justement grande du fait que cet homme païen se rendit compte de sa totale indignité et s’attendit à l’exaucement de sa requête de la seule grâce imméritée de Dieu. La foi la « plus grande » est celle qui se détourne d’elle-même pour fixer exclusivement ses regards sur l’œuvre du Christ, celle qui ne compte pas sur ses propres forces, mais qui considère que tout est possible à Dieu (Mc 9.23; Mt 17.20). Sa seule raison d’être réside en l’attente de Dieu (2 Co 12.10; Ph 4.13). Il n’est légitime de l’appeler une condition du salut qu’en sa qualité d’instrument de réception de celui-ci.
On peut également parler de la repentance, de l’obéissance et des bonnes œuvres comme conditions du salut parce qu’elles sont indispensables; il n’existe pas de foi véritable sans l’obéissance qui l’accompagne et qui la signifie et sans la soumission de la foi par un sincère repentir. L’obéissance aussi s’appelle foi (Rm 1.5; 16.26) ou obéissance de l’Évangile (Rm 10.16), parce qu’elle est la réponse accordée à l’assurance offerte selon laquelle le Christ nous a sauvés de la domination du péché et qu’il n’est plus concevable de vivre dans le péché (Rm 6.2).
La pénitence, ou repentir, est indispensable pour l’enfant de Dieu et suppose la foi qui accepte la prédication de l’Évangile du salut par grâce. Par sa repentance, l’homme reconnaît son absolue indignité. Il n’existe pas d’autre justification que celle du pécheur. Une repentance par laquelle on voudrait se préparer au salut ne serait pas agréable à Dieu, car elle méconnaîtrait la perfection de l’œuvre du Sauveur. Certes, il peut exister une pénitence précédant la foi et Luther nous offre une illustration exemplaire de celle-ci. Avant sa conversion, Luther était effrayé par la loi de Dieu. Toutefois, son repentir et ses nombreuses pénitences ne le conduisirent pas au Christ; au contraire, tout cela le détourna plutôt que ne le rapprocha du Sauveur. Le moine augustinien, d’une sincérité admirable, cherchait à fonder son assurance en ses propres sentiments et sur ses pratiques religieuses. Le Sauveur a obtenu la grâce et il est devenu notre paix.
Ici même, nous réfutons l’idée selon laquelle on devrait se préparer par ses propres forces à la réception de la grâce, de même que la conception selon laquelle le Saint-Esprit devrait préparer l’homme à la grâce, ce qui équivaudrait à faire de l’application de la grâce, par l’intermédiaire de l’Esprit, le fondement même de celle-ci! Ce serait entrer en conflit ouvert avec l’Évangile de la grâce, le « sola fide » (par la foi seule). Si tel était le cas, la croix ne serait la base et la cause du salut… qu’à condition que l’Esprit prépare l’homme pécheur à la réception de la grâce. Ce serait mal saisir le rapport entre l’œuvre du Saint-Esprit et celle du Christ. La certitude du salut devrait dans ce cas reposer sur deux bases : d’une part sur l’Évangile de la croix, d’autre part sur la préparation du Saint-Esprit à la réception de la grâce. Dans ce cas, il n’est plus question de la justification du pécheur, mais de celle de l’homme préparé par le Saint-Esprit. On tombe de nouveau dans l’erreur faisant de la foi un complément subjectif à l’œuvre objective du Christ.
Si la repentance précédant la foi n’est pas indispensable, la repentance comme effet de la foi l’est; elle est la connaissance de la grandeur de l’amour de Dieu, qui ouvre nos yeux sur notre manque d’amour. La loi ne nous mène à la reconnaissance de notre indignité totale devant Dieu qu’à condition de connaître en Christ le Législateur. C’est le Rédempteur connu par l’Évangile qui nous révèle l’amour de Dieu et la raison pour laquelle le Seigneur a le droit d’attendre de nous le respect de sa loi. On ne comprend celle-ci que si on la reconnaît comme la loi de l’Alliance de grâce.
Si on accepte par la foi le Christ, la foi mènera nécessairement à la repentance et à la nouvelle obéissance. Nous n’approfondirons pas ici la nature et les implications de la repentance évangélique. Un article y sera consacré plus loin1. Rappelons simplement que l’œuvre du Saint-Esprit ne constitue aucunement le côté subjectif du salut dont le côté objectif serait l’œuvre du Christ.
2. Le rapport entre la foi et la Parole←⤒🔗
Ne dissocions pas la foi de son objet, car elle est la direction de notre cœur vers le Christ. Elle nous lie intimement, voire organiquement, à celui qui a obtenu le salut pour nous. De quelle manière sommes-nous conduits vers lui? Quel est l’instrument extérieur qui réalise cela? Comment le contact de la foi s’effectue-t-il? La réponse nous est donnée dans le célèbre passage de Romains 10.17 : « La foi vient de ce qu’on entend et ce qu’on entend vient de la parole du Christ. » Il n’existe point de foi sans la révélation de Dieu.
L’Écriture annonce que Dieu s’adresse à tout homme au moyen de la révélation générale, appelée aussi révélation naturelle sans parenté avec une « théologie naturelle » (Ac 14.17; 17.26-28; Rm 1.19-20). Par sa révélation générale, Dieu appelle les hommes à son service, mais celle-ci ne suffit pas à éveiller leur foi, car « le monde avec sa sagesse n’a point connu Dieu, mais il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication » (1 Co 1.21). Pourtant, la prédication de l’Évangile n’enlève pas sa valeur à la révélation générale. La valeur de celle-ci s’exerce dans la vie des incroyants, mais elle a aussi sa valeur pour la foi qui sauve.
Dieu peut se servir de ce qu’il nous fait connaître à travers la révélation générale pour évoquer ou pour entretenir en nous la foi en l’Évangile et la vocation qui précède la foi peut avoir la fonction d’une grâce préparatoire. La prédication de la loi et de l’Évangile entendue par l’incroyant peut avoir une fonction préparatoire pour la foi éveillée plus tard. Cette dernière remarque nous signale que la vocation par la Parole ne mène pas toujours à la foi, comme nous le montre très souvent la Bible (comparons par exemple És 53.1; 65.12; Mt 11.20; 22.3,14; Mc 16.15-16; Lc 7.30; Ac 7.51; Rm 10.16; 1 Co 1.18).
On peut même ajouter que, selon la Bible, l’incrédulité est la réaction naturelle à l’Évangile. L’homme naturel est ennemi de Dieu; pour lui, l’Évangile est une folie (1 Co 1.22; 2.14; Ép 4.18). L’homme ne peut pas croire par ses propres forces. Il faut qu’il naisse de nouveau, car « ce qui est né de la chair est chair » (Jn 3.6). Dieu doit faire briller la lumière dans les ténèbres pour qu’un pécheur puisse croire à l’Évangile (2 Co 4.6). « La chair et le sang » sont un obstacle pour la compréhension de la révélation de Dieu (Mt 16.17).
L’appel extérieur que Dieu adresse à l’homme ne suffit pas pour le convertir; il faut encore que cet appel pénètre dans ce cœur détourné de lui, qu’il soit ouvert par l’Esprit (Rm 1.6; 8.30; Ép 1.18; 1 Co 1.1; 2.24; Jude 1.19; Ap 17.14). Cette action de Dieu, nécessaire pour faire accepter l’appel extérieur, est appelée vocation interne.
Celle-ci est appelée par les réformés « grâce interne ». La vocation adressée à l’homme aliéné de Dieu par sa Parole doit être nécessairement accompagnée de l’action illuminatrice de l’Esprit pour que celui-ci puisse la reconnaître et l’accepter comme telle (1 Th 1.5; 2.13).
Selon la Bible, l’activité spéciale du Saint-Esprit mène à l’acceptation de l’Évangile ceux que le Père a attirés au Christ au moyen de l’écoute de la Parole (Jn 6.37,44,65; 10.29; 17.2,9). Dieu ouvre le cœur afin de rendre attentif à la Parole (Ac 16.14). La foi n’est pas possible sans la naissance d’en haut (Jn 1.12-13; 1 Jn 5.1). Ce n’est que celui qui est de Dieu qui écoute les paroles de Dieu (Jn 8.47) et la voix du Christ (Jn 10.26-27). Dieu doit vaincre la résistance de la chair et du sang de Pierre pour lui faire comprendre l’Évangile du Christ (Mt 16.17). L’Évangile ne doit pas être prêché seulement en paroles, mais aussi avec puissance, par l’Esprit Saint (1 Co 2.4; 1 Th 1.5). L’Esprit doit créer la foi. C’est pourquoi il est appelé l’Esprit de la foi (2 Co 4.13). Seul l’Esprit peut mener à la confession que Jésus est le Seigneur (1 Co 12.3). La foi au Fils de Dieu suppose le témoignage du Saint-Esprit (1 Jn 5.9).
Certes, la parole apostolique est en soi la Parole de Dieu, mais elle n’est reçue comme telle que si elle est accompagnée d’une influence particulière du Saint-Esprit dans nos cœurs. Quand Paul dit que les Juifs ne comprennent pas l’Ancien Testament parce que leur cœur est couvert d’un voile, il rend la chose obvie (2 Co 3.14). Nous ne sommes capables de recevoir la Parole prêchée qu’à condition que Dieu envoie son Esprit dans nos cœurs pour y témoigner à notre esprit (Rm 8.16; Ga 4.6). Ce n’est que par l’Esprit qui entre dans nos cœurs et œuvre par la Parole de l’Évangile que nous reconnaissons la promesse de Dieu, nous ne résistons plus à la révélation et n’écoutons plus l’esprit malin. C’est pourquoi la foi est le don de Dieu (Ac 5.31; 1 Co 2.4-5; Ép 1.19; 2.8; Ph 1.29; 1 Th 2.13). L’appel de Dieu est efficace uniquement par sa propre grâce.
Il n’est donc point permis de séparer l’œuvre interne du Saint-Esprit de la prédication. Celui-ci doit écrire premièrement la loi dans nos cœurs pour leur faire obéir à la loi. Mais cela ne signifie pas que la prédication extérieure de la loi et de la Parole en général ne soit pas nécessaire durant la Nouvelle Alliance; plus précisément, cela veut dire que l’Esprit nous rend disponibles à l’obéissance de la Parole prêchée et que c’est lui qui crée l’amour pour la loi de Dieu. L’apôtre Paul continue à prier pour que l’activité illuminatrice du Saint-Esprit puisse être maintenue chez les Éphésiens (Ép 1.18). Sans la poursuite d’une telle œuvre, les ténèbres envelopperont l’homme en dépit même de la Parole extérieure (2 Co 4.6).
Si la régénération est l’œuvre de l’Esprit, le fait de croire, quant à lui, est une activité humaine. La régénération, œuvre du Dieu trinitaire, n’exclut pas la foi, la repentance et la conversion; la décision personnelle n’est pas rejetée du fait que c’est l’Esprit qui fait naître de nouveau. Dieu ne nous traite pas comme des automates. « Nous sommes sauvés par grâce, au moyen de la foi » (Ép 2.8). Il s’agit de voir si la foi personnelle est suffisamment assurée du salut offert et si elle s’applique réellement dans le cas de chaque croyant.
L’homme qui entend l’Évangile et qui est invité à croire a-t-il l’assurance que le salut lui est personnellement adressé? Nous répondrons par l’affirmative. Le salut est offert universellement et individuellement. L’Évangile est une invitation à croire, une promesse et une ouverture accessible à tous. Dieu invite sans distinction. Déjà l’Ancien Testament laissait entendre que l’offre de la grâce était universelle, en dépit d’une certaine dispensation temporaire (És 45.21-22; Éz 33.11). Le Seigneur a proclamé : « Je ne désire pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive » (Éz 18.23,32). Si durant la période de l’Alliance réservée à la nation élue, l’offre du salut était réellement universelle, à combien plus forte raison le sera-t-elle à présent dans la Nouvelle Alliance, dont nous lisons qu’elle doit inclure toutes les nations?
L’intervention directe et efficace de l’Esprit accorde la foi. Ainsi, l’Évangile n’apparaît pas simplement comme l’offre du salut, mais encore comme l’appel irrésistible de Dieu, qui donne tout ce qu’il ordonne. S’agit-il dans ce cas d’attendre passivement une action providentielle? Non, car Jésus-Christ est celui qui se tient à la porte et qui frappe en sa qualité de Seigneur ayant droit sur nous; le Christ et l’Esprit qui vivifie et qui donne la vie aux morts rendent possible la réponse de notre foi.
La prédication dans certains cercles dits évangéliques fait de la conversion une œuvre de l’homme et de son libre arbitre. Présenter l’Évangile de cette façon ôte apparemment quelques inconvénients et, surtout, le scandale qui accompagne toute prédication fidèle de la croix. Si une telle prédication paraît plus séduisante que celle de la tradition réformée parce qu’elle semble résoudre certaines contradictions apparentes, elle favorise par contre un anthropocentrisme à peine déguisé qui accapare le beau rôle dans le drame du salut.
3. La nature de la foi←⤒🔗
Selon l’Écriture, les croyants de l’Ancien Testament ont été sauvés eux aussi par la foi qui caractérise ceux de l’Église. Selon Romains 4.1-17 et Galates 3.6,11, la justification par la foi s’applique déjà à Abraham. Le chemin du salut durant les deux dispensations de l’Alliance a été essentiellement le même (Jn 5.39,45-46; Ac 10.43; 15.11; Hé 10.38; 11.4).
L’Ancien Testament décrit le rapport entre Dieu et l’homme de diverses manières, ainsi que le fera plus tard le Nouveau Testament. La nature de cette relation est claire dans le verbe hébreu « aman » au hiphil (mode d’expression verbale spécifique à la langue hébraïque). La version grecque des LXX (Septante) le traduit par « pisteuein », comme le fait le Nouveau Testament. Le hiphil du verbe « aman », lorsqu’il est employé dans un sens religieux, désigne l’homme acceptant la relation d’alliance qui repose entièrement sur l’initiative de Dieu. Dieu est toujours le premier dans cette relation; il en prend l’initiative. L’homme doit simplement accepter la relation que Dieu lui propose, qu’il veut entretenir avec lui et qu’elle soit répondue par son « amen ».
Cet « amen » signifie qu’il reconnaît que Dieu reste fidèle à son Alliance (Dt 7.9). La foi détermine toute l’existence du fidèle et celui qui croit doit croire de tout son cœur. Selon Ésaïe, à cause de ce caractère de la foi, le croyant se confie totalement en Dieu; il n’a pas peur des hommes (És 51.7,12); il n’attend pas son secours d’une force humaine (És 20.5-6), mais uniquement de Dieu. Le prophète utilise le terme foi d’une manière absolue, comme cela arrive dans le Nouveau Testament. D’autres passages montrent aussi que la « emouna » (foi, fidélité) détermine la vie entière (2 Ch 19.9; Jr 7.28 et Ha 2.4). L’Ancien Testament se sert d’autres verbes encore pour désigner la relation entre Dieu et l’homme. Cependant, le verbe « hé-emin » est le plus important parmi eux et indique que l’homme ne peut lui obéir qu’une fois son cœur transformé et converti à son Seigneur. Une influence purement morale sur son intelligence et sa volonté ne suffit pas, car son cœur doit connaître une transformation radicale. Ce n’est qu’à cette condition-là qu’il acceptera la Parole de sa foi. Une vocation efficace par la Parole de Dieu implique l’œuvre irrésistible de l’Esprit. Ce changement ne repose pas sur notre collaboration, mais uniquement en l’œuvre de Dieu, qui seul peut l’emporter sur chacune de nos résistances. Aussi il n’est pas permis de séparer l’œuvre interne du Saint-Esprit de la prédication.
Le verbe « pisteuein » (croire) occupe une place centrale dans le Nouveau Testament, comme son équivalent hébreu dans l’Ancien Testament; mais la relation personnelle avec Dieu dans le Nouveau Testament est renforcée, elle s’y trouve au premier plan, ceci en rapport avec la différence de l’économie du salut. C’est pourquoi le terme y est employé plus souvent.
D’après le Nouveau Testament, ceux qui croient en Dieu doivent aussi croire en Christ (Jn 14.1). L’objet de la foi n’est donc plus seulement l’Écriture de l’Ancien Testament, mais encore les paroles de Jésus. La foi doit également accepter le témoignage des apôtres, car, selon l’apôtre Paul, l’acceptation de la prédication apostolique fait partie d’une foi correcte (Rm 10.17) dont le contenu est Jésus le Christ, l’envoyé du Père, le seul Seigneur. L’histoire du salut au cours de laquelle Dieu agit en Christ doit devenir objet de la foi. On croit à la prédication à cause de l’autorité divine dont elle est revêtue. Aussi en grec on peut parler de « hupakoè pisteos », l’obéissance de la foi (Rm 1.5).
La foi est également la reconnaissance des événements qui constituent notre salut comme réels et authentiques; elle conduit à la confession de Jésus comme le Seigneur et à une vie de communion avec le Père. Selon 1 Pierre 1.8, la foi est accompagnée de l’amour, l’espérance et la joie. Par la foi et par l’espérance, le fidèle vit sur la base des promesses reçues. Elle implique une certitude qui détermine toute la vie. Selon Jacques, il faut se méfier d’une conception intellectualiste de la foi, car une telle foi n’influence pas la vie courante et ne produit pas d’œuvres. Jean, quant à lui, insiste sur la foi qui implique l’acceptation de la doctrine du Christ et de ses apôtres et qui est capable d’influencer toute l’existence. Croire signifie accepter le Christ. Jean, pas plus que ses autres collègues, n’est un intellectualiste. Certes, d’après lui, ceux qui connaissent Dieu ont déjà la vie éternelle, mais une telle connaissance n’est pas acquise grâce à l’intelligence naturelle; elle se manifeste en observant les commandements de Dieu. Il ne peut pas y avoir de communion avec Dieu et avec le Christ si la foi ne se traduit pas dans l’obéissance et dans l’amour. D’ailleurs, comment la foi pourrait-elle être possible sans amour, puisqu’elle est essentiellement la réponse à la révélation de l’amour de Dieu en Christ?
Contre les judaïsants légalistes, Paul affirme que la foi est le contraire des œuvres méritoires qui prétendent détenir un droit au salut. Contre la tendance gnostique, Jean affirme que les chrétiens possèdent déjà maintenant la vie éternelle. Ils ont la vraie connaissance de Dieu, celle de la foi liée à la Parole.
Que le terme « croyant » soit employé comme équivalent de chrétien (1 Th 1.7) et que celui de « croire » comme une autre description du fait de devenir chrétien (Ac 13.48; 16.34) montre combien l’existence chrétienne est déterminée par la foi.
Pour l’Ancien Testament aussi bien que pour le Nouveau, la foi est la reconnaissance de l’acte divin du salut, la réponse accordée à la révélation divine, qui est essentiellement la révélation de sa miséricorde et de sa volonté de vivre avec l’homme dans un rapport d’Alliance. Elle est digne de notre foi parce qu’elle nous vient de Dieu.
Le Dieu de l’Alliance s’est fait connaître à ceux qui ne se trouvaient pas parmi les premiers témoins de la révélation par l’intermédiaire du témoignage des apôtres, notre Écriture sainte canonique; il ne serait pas possible de croire en Dieu sans connaître la nature de la vérité dont témoigne l’Écriture, c’est-à-dire la communion que Dieu veut établir entre lui et les hommes. Celui qui reconnaît cette vérité doit entrer personnellement dans cette communion (1 Jn 1.1-4). Étant la reconnaissance de l’assurance du salut, la foi doit inclure la certitude du salut personnel (Jn 20.31; 1 Jn 5.13).
Selon Calvin, la foi est une ferme connaissance ou reconnaissance des bénéfices issus de l’œuvre divine. Le réformateur ne nie pas que la foi puisse reconnaître l’autorité de tout ce que la Bible nous enseigne, mais il fait ressortir le fait que le contenu central de la Bible est la promesse de Dieu faite en Christ, que tout ce que la Bible nous enseigne est en rapport organique avec cette promesse. La définition de Calvin n’identifie pas la foi avec un savoir purement intellectuel, car la foi est davantage affaire de cœur que d’une froide intelligence; elle est une connaissance dans laquelle l’homme s’engage tout entier et qui transforme sa vie2.
Ce n’est pas seulement Calvin, mais l’Écriture elle-même qui décrit par moments la foi comme connaissance ou comme reconnaissance. La véritable connaissance de l’Évangile de Dieu implique nécessairement la reconnaissance, car elle change toute la situation de l’homme et lui permet de mener une vie selon la volonté de Dieu.
On peut également définir la foi comme étant la connaissance de la promesse de Dieu et la confiance que l’on y met. Le mot confiance explique dans ce cas la manière dont il faut comprendre le terme connaissance dans la définition que nous venons de lui donner. Si nous employons cette dernière description de la foi, nous ne devons pas oublier que la connaissance et la confiance forment essentiellement une même chose et non deux réalités juxtaposées. Il s’agit d’une confiance connaissante et d’une connaissance confiante.
La théologie réformée reconnaît à la foi une triple fonction : connaissance précise, conviction certaine, confiance joyeuse. Elle est connaissance parce qu’elle sait en quoi consiste le salut dont elle bénéficie. Elle s’occupe de choses graves qui concernent aussi bien la vie que la mort, la liberté que la perdition, Dieu et son Christ.
Trop souvent elle a pris le visage d’une vague croyance vide de contenu, d’un sentiment sans ossature, ce qui explique la confusion actuelle au sujet du ministère de l’Esprit et des dons dits charismatiques qui lui sont attribués. De peur de tomber dans un intellectualisme aride, on ampute la foi de sa charpente naturelle. Le fidéisme, puisqu’ainsi se nomme cette attitude, a sévi déjà au Moyen Âge et, du côté protestant, il a trouvé son parfait représentant, en vérité son père, en la personne du théologien allemand de la fin du 18e et des débuts du 19e siècle, Friedrich Schleiermacher.
Conviction, la foi ne se restreint pas aux seules dimensions d’une connaissance correcte, tout académique, de la vérité. Elle est également la conviction intime qu’une telle connaissance engendre une certitude objective concernant les faits, les propositions et toute la vérité révélée concernant notre rédemption. Si, par exemple, nous reconnaissons que la foi est le don de l’Esprit, nous ajouterons aussitôt qu’elle se fonde sur des événements historiques précis, dont la connaissance objective concerne directement le croyant. La communication de l’Évangile ne se fait pas dans le vague ni dans les cercles ésotériques. Elle n’est pas enrobée d’un mystère que seuls quelques initiés pourraient explorer. Au contraire, « leurs voix se font entendre partout ». Le sujet peut s’approprier personnellement cette connaissance. En tant que conviction, la connaissance cesse d’être un simple assentiment concernant le Christ pour devenir une reconnaissance exacte de la correspondance entre la personne du Christ et la vérité au sujet de sa personne.
La confiance semble être la plus répandue des caractéristiques de la foi et la plus connue de ses fonctions. Nous dirons à son sujet qu’elle joue le rôle d’unificateur des deux autres. Elle établit et maintient l’équilibre entre la connaissance et la conviction. Elle offre la preuve que la foi n’est ni une simple croyance ni une expression d’une conviction forte, mais dépourvue d’âme. La confiance s’abandonne entre les mains du Christ Sauveur. Aussi la théologie et la piété réformées en ont-elles parlé avec prédilection, car elle exprime de façon claire toute la nature de l’expérience chrétienne et témoigne de l’union effective du Christ avec son disciple.
L’essentiel de la prédication consistera donc à conduire l’homme directement et en toute confiance vers l’unique Sauveur, contrairement à ceux qui introduisent entre Dieu et l’homme des intermédiaires humains. L’efficacité de la foi ne se trouve pas en elle-même. Ce n’est pas la foi en Christ qui nous sauve, mais c’est le Christ en qui nous croyons. La foi regarde hors d’elle-même pour tourner son attention vers son objet; elle est ainsi une foi authentiquement biblique.
4. La justification par la foi←⤒🔗
La grande vérité du salut par la grâce au moyen de la foi est sans cesse menacée par le danger d’une religion des œuvres, d’un salut effectué par l’homme. Ce danger n’est pas nouveau, puisque l’expérience religieuse d’Israël en a donné l’illustration la plus désolante : elle représente parfaitement l’homme qui cherche à se doter d’une religion qui puisse lui aller comme un gant.
Placé au centre de « sa religion », l’homme découvre à son grand désappointement qu’il se trouve sans cesse en deçà des exigences religieuses et de leur impératif catégorique. Le désespoir de l’homme est plus total lorsqu’il réalise que le jugement l’attend non pas uniquement dans son iniquité, mais encore jusque dans son œuvre religieuse.
Le pharisien propre juste est une autre illustration tragique de l’homme qui, méticuleux et légaliste, vit une religion et tente une expérience spirituelle autonome par rapport à l’objet de la vraie religion. L’Église primitive n’avait pas échappé à ce danger d’autojustification; à peine des communautés locales étaient-elles établies que des légalistes les parcouraient déjà pour y propager une pratique syncrétiste incompatible avec l’annonce du salut par grâce, ajoutant la loi à l’Évangile comme un complément indispensable.
La Réforme a dénoncé avec une vigueur exceptionnelle toute forme et toute variété d’autojustification religieuse. Plus près de nous, la théologie protestante libérale, du christianisme social aux multiples engagements sociopolitiques actuels, offre encore l’image de l’homme adonné passionnément au sauvetage de l’homme, ce qui revient à une tentative, une de plus, d’obtenir le salut par les œuvres.
Qu’il suffise aussi de rappeler le comportement de l’homme dit « sécularisé » cherchant son salut soit dans le progrès, soit dans ses multiples expiations masochistes.
Sur un chemin étroit n’aboutissant qu’à l’impasse, Luther découvrait la vérité essentielle : « le juste vivra par la foi » (Rm 1.17). La justification par la foi constitue le principe matériel de la foi réformée, le principe formel en étant l’autorité souveraine de l’Écriture sainte. Le passage de la lettre aux Romains fut pour le moine allemand la fenêtre du ciel s’ouvrant sur lui et l’inondant de la lumière de l’Évangile gratuit et gracieux.
Le caractère d’actualité permanente de la lettre de Paul aux Romains a été bien souvent affirmé pour que nous y revenions et le développions ici. Résumons-en cependant l’essentiel.
Le péché est hostilité contre Dieu et celui-ci ne demeure pas indifférent à son égard. « Sa colère se révèle du ciel contre toute iniquité » (Rm 1.18). Le péché n’est pas « défaut », mais inimitié contre Dieu et rébellion éthique, désobéissance à sa Parole et à ses ordres. Le pécheur est privé de la gloire divine. Dans cette situation sans issue intervient cependant la justice de Dieu pour justifier l’homme impie. La justification par la foi n’est pas l’équivalent d’un exercice spirituel accompli par le pécheur « bien disposé ». Elle ne se confond pas davantage avec la sanctification, autre confusion théologique propre au catholicisme. Cette dernière justification serait une « infusion de la grâce » rendant l’homme juste, bon et saint.
L’Écriture ne laisse nulle part supposer que Dieu prépare un terrain favorable pour ensuite bâtir dessus. Il n’existe pas en l’homme de point de contact laissant à Dieu un champ d’action en sa faveur. La justification biblique est tout d’abord la déclaration selon laquelle le pécheur sera désormais tenu pour juste à cause des seuls mérites du Christ. Dieu fait intervenir un nouveau facteur dans sa relation avec l’homme, le tiers facteur, et, au lieu de traiter directement avec le pécheur, il passe à travers son Fils, Victime et Médiateur.
La nouvelle justice accordée à l’homme est celle de Jésus-Christ le Sauveur, l’homme parfait. La justice de Dieu ne reste pas au stade déclaratif, mais elle permet une relation nouvelle avec le Sauveur, favorisant l’accueil de toute sa grâce. La justice du Christ est attribuée (imputée) à l’homme qui a la foi. Dieu ne peut plus se dérober — s’il est permis d’utiliser cette expression — et ne pas accepter la justice du Christ en faveur de l’impie. Dans l’exemple d’Abraham, cité en Romains 4, l’apôtre démontre encore que le rôle de la foi n’est pas celui d’agent de la justification, mais de l’instrument à travers lequel elle est accordée. L’Écriture ne connaît pas de justification « à cause de la foi », mais uniquement « par la foi ».
Une justice qui serait inhérente à la nature de l’homme ne saurait anéantir l’iniquité du passé; par conséquent, elle n’annulerait ni le jugement ni la sentence. Mais l’acte gratuit de Dieu pardonne au pécheur aussi bien pour le passé que pour l’avenir. L’expérience chrétienne connaît une double tension « temporelle »; elle vit entre le « alors » (passé) et le « maintenant » (présent), entre le « maintenant » et le « alors ».
La justification par la foi offre l’image d’une cour de justice étonnante dans laquelle, par une transaction légale inouïe, sur la base d’un échange, le Juge déclare le coupable innocent. « Celui qui n’a pas connu de péché, il l’a fait devenir péché » (2 Co 5.21).
Ainsi, l’impossible est devenu possible. À la sentence effrayante « la colère de Dieu se révèle du ciel contre toute iniquité » (Rm 1.18), répond l’annonce « il n’y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Rm 8.1).
L’homme n’est pour rien dans ce changement de sa condition. La confession même de ses fautes ne pourrait déboucher que vers l’agonie et ne jamais produire le miracle. Celui-ci est le fait de la grâce, car « l’Évangile est la puissance de Dieu pour quiconque croit » (Rm 1.16). Dieu a fait à notre place et en notre faveur ce qui nous était totalement impossible d’accomplir. Dans sa lettre aux Romains, Paul n’ignore pas le péché et ne l’atténue pas. Il n’essaie pas davantage de raccourcir la distance infranchissable séparant le ciel de la terre. Son jugement est sévère; l’hostilité qu’il exprime dans la première partie est vive. Porte-parole de Dieu, il fait part du réquisitoire sans concession prononcé contre l’accusé; il ne concède aucun mérite ni n’admet aucune circonstance atténuante. Rien ne laisse présager à l’homme un acquittement facile. Rien ne lui permet de quitter sa prison par ses propres moyens. Cependant, Dieu a voulu conclure la paix et, grâce à la mort et à la résurrection de son Fils unique, le Christ notre Sauveur, il a rendu finalement possible ce qui n’est qu’une impossibilité absolue pour nos forces : sa justice a triomphé; entre nous, poussière et cendre, et Dieu, les hostilités ont pris fin. L’irréconciliable a été réconcilié. À présent, nous savons que cette situation porte un nom, elle s’appelle « la justification par la foi seule ».
Depuis saint Paul, depuis deux mille ans de prédication, en saisissons-nous encore l’importance essentielle? Rappelons-nous pourtant qu’elle a été la note dominante de l’appel de clairon qui a retenti aux moments décisifs de la vie de l’Église; souvenons-nous qu’elle a accordé aux croyants sortant de la longue nuit des siècles des heures lumineuses. Elle a été posée comme le portique principal de l’édifice, l’entrée qui mène droit vers le cœur, à la présence même de Dieu, là où la grâce attend le coupable pour le régénérer. Elle annonce l’acquittement et le rétablissement des rapports avec Dieu, puisqu’elle déclare que son cœur paternel nous a définitivement adoptés en Christ.
Pourtant, que faisons-nous de cette déclaration? Nous l’ignorons, ou pire, nous la récusons. À sa place, nous persistons à inventer la doctrine de la morale légaliste, le joug d’une expérience religieuse parasitaire. Comme si Jésus-Christ n’était pas mort pour l’impie; comme si Dieu n’avait pas déclaré la cessation des hostilités en rendant caduque toute œuvre d’autojustification; comme s’il n’avait pas signé un pacte nouveau sur la chair et par le sang de l’Agneau… Nous nous imaginons pouvoir forcer l’accès vers Dieu par d’autres moyens ou d’autres issues; nous voulons nous introduire subrepticement auprès de lui par des ouvertures… imaginaires. Quant à lui, il nous attend devant l’autel, là où il a sacrifié la victime sans tache, Jésus, dont le sang est supérieur à celui des béliers et des boucs et dont le sacrifice est suffisant une fois pour toutes.
Il est venu nous arracher aux prisons qui portent le nom funeste de péché, dont les matériaux sont souvent composés de bons sentiments, voire de sentiments religieux. Il est venu nous acquitter, nous justifier, nous réhabiliter là où nous nous débattons sans force, sans nous l’avouer, en nous dérobant à son regard, parfois dans la déchéance totale.
Comment nous approcher de Dieu? Comment oser lever le regard vers lui? C’est la question primordiale que devrait se poser tout homme. Qu’il cesse de formuler ses questions secondaires, toutes fausses d’ailleurs. Qu’il se mette personnellement en question, puisque Dieu le met en question, et alors Dieu le secourra et le préservera de sombrer dans le désespoir sans fin de l’échec de ses autojustifications, pour le transformer par la puissance de l’Évangile et proclamer jusqu’à la fin des siècles que le juste vivra par la foi seule.
5. La foi et sa certitude←⤒🔗
De ce qui précède, il est clair que la foi implique non seulement la certitude des vérités extérieures, mais encore celle de notre propre salut et de notre relation personnelle avec le Sauveur. Nous en apercevons les traits dans plusieurs passages du Nouveau Testament (Mt 21.21; Rm 4.20; 2 Co 1.20; Hé 10.19; Jc 1.6). La foi n’est pas toujours aussi sûre et ferme que nous le souhaiterions, puisqu’elle est sans cesse menacée par le doute. Toutefois, la certitude dont nous parlons ne concerne pas la foi comme telle, mais plutôt les promesses divines qui sont sûres et fermes (2 Co 1.20).
Il existe un rapport entre notre certitude d’enfants de Dieu et l’opération de l’Esprit. Le croyant a appris que sa foi, ainsi que toute sa vie, est la manifestation de la présence en lui de l’Esprit Saint de Dieu, sceau et gage du salut parfait qui nous sera accordé dans le Royaume céleste (2 Co 1.22; Ép 1.14). Notre communion avec Dieu est une certitude parce que l’Esprit opère en nous (1 Jn 3.24). Cela n’exclut pas le rapport entre notre certitude et les promesses de l’Évangile, mais du fait même de ces promesses, nous possédons l’assurance que l’Esprit nous est donné. Cette connaissance et cette expérience fortifieront notre foi.
Pour reconnaître que l’Esprit nous est donné et qu’il opère en nous, nous avons à croire en ce que la Parole écrite nous annonce (1 Jn 4.6). Ceci nous mettra en garde contre une assurance qui ne serait fondée que sur notre expérience subjective. Sans la lumière de l’Écriture, nous ne saurions distinguer entre l’opération de l’Esprit Saint et celle d’un « autre » esprit. En outre, souvenons-nous que l’influence du péché sur nous demeure encore réelle et parfois même très forte. Nous n’oserions pas croire en la réalité de la communion avec Dieu si la promesse de Dieu ne disait pas que le commencement du renouvellement que nous constatons dans notre vie est le gage d’une défaite totale du péché opérant encore dans notre vie. À la question 61, le Catéchisme de Heidelberg répond de la manière suivante :
« Pourquoi dis-tu que tu es justifié seulement par la foi? Ce n’est pas que je plaise à Dieu à cause de la dignité de ma foi, mais parce que la satisfaction de Jésus-Christ, sa justice et sa sainteté seulement sont ma justice devant Dieu et que je ne puis les accepter ni me les appliquer autrement que par la foi seule. »
Ainsi, le fidèle ne se confie pas partiellement en Christ et partiellement en sa foi, mais, par le moyen de sa foi, il reçoit la certitude de son salut éternel, qui repose entièrement sur la perfection de l’œuvre du Christ. Le croyant se confie dans les promesses de Dieu contenues dans la Bible et qui affirment que le salut en Christ est sûr et certain. Par la foi, il sait être gardé par Dieu comme son enfant. Personne ni rien ne le ravira des mains du Seigneur. Rien ne le séparera de l’amour de Dieu manifesté en Christ. C’est là la certitude du croyant, de celui qui veut servir Dieu. Il reconnaît sa responsabilité à l’égard de Dieu. Il persévère dans la foi, aussi a-t-il la certitude de son salut.
Sans une vie chrétienne, la certitude du salut n’est pas possible. Celui qui prend garde de ne pas tomber possède une telle certitude. Il en va de même pour celui qui affirme sa vocation en son élection et qui peut dire « je ne broncherai point » (2 Pi 1.10). La certitude chrétienne est fondée sur la communion avec le Christ. On ne saurait accepter la promesse de la victoire complète et certaine du Christ sans vivre aussi conformément aux exigences de la promesse. La certitude que Dieu opère et continuera à opérer en nous le vouloir et le faire devra se montrer dans le travail en vue de notre salut avec crainte et tremblement. Que Paul ait la certitude de ne pas être séparé de l’amour de Dieu ne l’empêche pas d’écrire aussi « je traite durement mon corps… » (1 Co 9.27). Ceci ne va pas à l’encontre de la certitude du salut. Un tel passage confirme seulement que Dieu ne veut donner cette certitude qu’à celui seulement qui l’accepte par la foi et qui vit dans l’obéissance, quoique l’obéissance manifestée dans la vie nouvelle ne soit pas le fondement du salut ni de sa certitude.
Selon notre propre expérience confirmée par la Bible, nous connaissons de nombreuses chutes. Notre vie dans la foi pourrait-elle être interrompue par de telles chutes ou par une chute totale? Un enfant de Dieu peut-il revenir dans la situation dans laquelle il se trouvait avant sa naissance d’en haut? Selon la pensée réformée, une telle éventualité est exclue du fait de la promesse divine qui a promis de garder ses enfants, mais il faut que le croyant se garde aussi. Les enfants de Dieu sont ceux que nul ne ravira de ses mains. Certes, par faiblesse due à la chair, ils connaissent parfois des chutes retentissantes. Ils pourraient même parvenir au point où il leur semble que tout sentiment de la grâce leur fait défaut. Pourtant, la grâce, elle, demeure. Même dans sa colère, Dieu n’oublie pas sa miséricorde. Aussi le croyant ne pourra jamais entrer dans une situation antérieure à sa régénération.
Ceci n’implique pas que son péché ne puisse être grave. Au contraire, plus on est près de Dieu plus on risque de mépriser son amour. Néanmoins, le péché n’occupera plus jamais la position antérieure. Nous dirons que l’enfant de Dieu, s’il pèche, le fait par faiblesse, non par incrédulité ou apostasie.
En parlant de la continuité de la régénération, gardons à l’esprit qu’elle ne va pas de soi. La vie nouvelle comme telle pourrait mourir comme elle est née. La continuité, quant à elle, repose sur la grâce conservatrice de Dieu. L’assurance de cette continuité se fonde sur la pensée qu’exprime Luc 22.32, où il est question de la prière de Jésus en faveur de Pierre. La relation entre Dieu et l’homme est une communion de foi. La conséquence semble être que la continuité de cette communion est celle de la foi, une persévérance dans la foi, parce que la puissance de la grâce demeure toujours plus grande que la force du péché. Le cœur de l’homme reste ouvert pour Dieu bien que la foi puisse devenir tellement faible que l’homme ne se rend plus compte de la grâce dont il reste l’objet ainsi que de la force de la grâce. L’exercice de notre foi peut être interrompu au point où on ne puisse parler de vie dans la foi.
Il ne nous est pas aisé de dire de quelle manière existe le résultat permanent de la grâce. Nous parlerons de la manière inscrutable par laquelle notre « implantation en Christ » est conservée. La certitude d’une telle permanence nous est accordée grâce à la prière du Christ en faveur des siens et par le fait qu’ils ont été scellés par son Saint-Esprit.
La vie chrétienne n’est pas seulement une vie conduite dans la foi et la charité, mais encore dans l’espérance. Le chrétien, comme la création tout entière, attend avec un ardent désir la révélation du Fils de Dieu. Nous attendons la glorification qui aura lieu au moment du retour du Christ et qui repose entièrement sur son œuvre réconciliatrice et rédemptrice.
Les bienfaits ou les dons que reçoivent les croyants, comme les fruits de l’œuvre du Christ, ne sont pas énumérés dans la Bible dans un ordre rigoureux, et cela nous rappelle que nous ne les recevons pas successivement l’un après l’autre. Par la foi, nous recevons en principe tous les dons que le Christ a obtenus pour nous et qu’il accorde par pure grâce. La foi est totalement réceptive. Nous sommes invités à croire et nous ne pouvons accuser Dieu de notre propre incrédulité si son offre ne nous conduit pas à la foi et à la repentance.
La relation entre Dieu et l’homme ne devrait pas se concevoir de manière déterministe ou indéterministe. Ces deux systèmes ne laissent aucune place à la souveraineté de Dieu, ni même à la responsabilité humaine qui lui est complémentaire. Le croyant admettra définitivement que le fait de croire est le don de Dieu et que la défaillance de la foi ne peut pas être considérée comme la défaillance de la grâce. L’appel de Dieu rend l’homme responsable de la manière dont celui-ci y répond. Selon la Bible, c’est la faute de l’homme si l’Évangile n’est pas accepté comme puissance de Dieu et opère comme odeur de mort donnant la mort (2 Co 2.16).
Il s’agit par conséquent d’une certitude acquise par la foi et réservée à ceux qui se repentent, croient et produisent des bonnes œuvres, fruits de la foi. Rappelons-nous encore que la foi et la repentance ne sont nullement des facteurs subjectifs dont dépendrait notre foi. Selon l’Écriture, la nécessité de l’obéissance, des bonnes œuvres et de la persévérance sont évidentes pour toute expérience chrétienne authentique. Aussi l’obéissance s’appelle-t-elle « obéissance de la foi » (Rm 1.5) ou « de l’Évangile » (Rm 10.16), parce qu’elle est la réponse accordée par l’homme à l’assurance qu’il reçoit de Dieu, selon laquelle en Christ il est « mort au péché » (Rm 6.2). En termes bibliques, elle n’est rien d’autre que la reconnaissance de l’indignité totale de l’homme. La foi naît à la suite de la régénération et elle est l’activité normale de l’homme régénéré qui agit en conformité avec sa nouvelle nature.
L’amour chrétien a son origine dans la foi en la rédemption. Les œuvres de la foi sont possibles et nécessaires parce que le Christ ne nous a pas seulement sauvés de la culpabilité, mais encore de la servitude du péché. La justification devient ainsi la base de la sanctification. Il n’existe point de justification en dehors de la sanctification. Cependant, l’amour chrétien n’est pas la base de la justification. Celui qui croit reçoit le renouvellement de son cœur.
Le salut que le Saint-Esprit nous applique comporte aussi une dimension physique, puisque notre corps mortel sera vivifié par l’Esprit qui habite en nous; ce renouvellement de l’homme extérieur est, lui aussi, l’objet de l’espérance chrétienne. En principe, le croyant est passé de la mort à la vie. C’est pourquoi il sait que toutes choses concourent à son bien et que même la mort ne peut plus le priver de la vie éternelle, lorsqu’il reste en communion avec le Christ; celle-ci est considérée comme un gain si le Christ est sa vie.
Il s’agit, par conséquent, d’une certitude acquise par la foi et réservée à ceux qui se repentent, qui croient et qui produisent de bonnes œuvres, fruits de la foi. Rappelons-nous encore que la foi et la repentance ne sont nullement des facteurs subjectifs dont dépendrait notre foi. Selon la Réforme, le salut par la foi est précisément ce qui s’oppose à la rédemption par les œuvres. Être sauvé signifie que l’homme dépend entièrement de la promesse sûre et certaine de Dieu. L’Évangile assure que l’œuvre du Christ est suffisante pour lui personnellement, à cause de la confiance qu’il témoigne envers celle-ci.
Notes
1. Voir mon article intitulé L’appel à la sanctification — La repentance et le renouveau.
2. J. Calvin, Institution, II.6.4; III.2.7-8.