Pastorale de la famille (8) - Le coeur et la maison
Pastorale de la famille (8) - Le coeur et la maison
1. Le cœur, un sanctuaire⤒🔗
« Ces commandements que je te donne aujourd’hui seront dans ton cœur. Tu les inculqueras à tes enfants, tu en parleras quand tu seras dans ta maison. […] Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes » (Dt 6.6-7, 9).
Voilà un verset qui sert magnifiquement notre sujet. Le cœur et la maison sont liés. Le cœur vient en premier.
Comme cela a déjà été dit, les commandements dont il est question ne sont pas de simples recommandations, de simples consignes. Ce sont des paroles d’alliance qui lient l’Éternel à son peuple et le peuple à l’Éternel. Il est remarquable que juste après avoir donné à Moïse les tables de la loi (Ex 24.12), Dieu lui ordonne de construire le tabernacle : « Ils me feront un sanctuaire et j’habiterai au milieu d’eux » (Ex 25.8). Et cette présence de Dieu était notamment représentée par « le témoignage » : « Tu mettras dans l’arche le témoignage que je te donnerai » (Ex 25.16), c’est-à-dire les tables de la loi1.
Nous avons du mal à prendre conscience aujourd’hui qu’il n’est pas du tout évident (en fait, il est impossible) que Dieu puisse habiter en dehors d’un lieu saint! Or, Dieu désire habiter au milieu de son peuple (1 Ch 22.19). C’est ce qui explique tout à la fois l’amour que Dieu manifeste à l’égard de ce peuple, mais aussi son exigence, voire sa sévérité2 (Éz 44.7). L’enjeu, c’est que Dieu puisse résider au milieu d’eux et, ainsi, sur cette terre. Le tabernacle était le lieu de « la rencontre » (Nb 17.4). David exprimera son ardent désir de vivre lui-même cette rencontre avec le Seigneur, dans sa maison.
« Je demande à l’Éternel une chose, que je désire ardemment : Je voudrais habiter toute ma vie dans la maison de l’Éternel, pour contempler la magnificence de l’Éternel et pour admirer son temple » (Ps 27.4; voir Ps 84.2-5, 11).
Beaucoup seraient tentés de penser que la dimension du cœur comme un temple (une habitation consacrée à Dieu) n’est révélée qu’après la venue de Jésus. Ce n’est pas entièrement faux; ce n’est pas tout à fait vrai non plus. La loi de Dieu dans le cœur (Dt 6.6), c’est déjà cette dimension, confirmée par les prophètes ensuite :
« Voici l’alliance que je ferai avec la maison d’Israël, après ces jours-là, dit l’Éternel : Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai dans leur cœur, et je serai leur Dieu. Et ils seront mon peuple » (Jr 31.33; Hé 8.10).
En fait, la dimension du cœur est évoquée très tôt, touchant le péché et l’amour fraternel, celui-ci étant inséparable de l’amour pour Dieu : « Tu aimeras l’Éternel ton Dieu de tout ton cœur » (Dt 6.5). « Tu ne haïras point ton frère dans ton cœur; tu auras soin de reprendre ton prochain, mais tu ne te chargeras point d’un péché à cause de lui » (Lv 19.17; voir 1 Jn 2.10)3.
On se souvient de la recommandation du livre des Proverbes : « Garde ton cœur plus que tout autre chose, car de lui viennent les sources de la vie! » (Pr 4.23). Comment ne pas penser aux paroles de Jésus à la femme samaritaine : l’eau vive de la vie et l’adoration en esprit et en vérité (Jn 4.13-14, 24).
Le cœur comme sanctuaire est une réalité amplement dévoilée dans le Nouveau Testament. Paul le dit (1 Co 3.16-17; 2 Co 6.16) sans désigner explicitement le cœur; mais nous savons que c’est là que l’amour de Dieu est déversé par le Saint-Esprit (Rm 5.5), que l’Esprit de Dieu témoigne à notre esprit que nous sommes ses enfants (Rm 8.16). Comme dans l’Ancien Testament, le cœur est le lieu d’où part le désir de s’approcher de Dieu (Ps 84.3). C’est aussi le lieu que Dieu désire : « Mon fils, donne-moi ton cœur » (Pr 23.6). « Croyez-vous que l’Écriture parle en vain? C’est avec jalousie que Dieu chérit l’esprit qu’il a fait habiter en nous » (Jc 4.5).
2. La maison, un lieu à préserver←⤒🔗
La maison, comme le cœur, est un lieu à préserver : repos, sécurité, prière, écoute de Dieu, disposition à servir, hospitalité… naissent et se développent dans les cœurs et dans les maisons. On se souvient de ce qu’a dit Job : « J’avais fait un pacte avec mes yeux… » (Jb 31.1).
Nous avons déjà parlé du sang sur le linteau des portes, en Égypte (Ex 12.3, 7). Nous voyons les commandements gravés sur les portes des maisons (Dt 6.6). Il n’est pas difficile de voir qu’en Israël, la maison se situe à bien des égards entre le cœur et le temple. Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, la maison est associée à la vie même de l’homme : il en est de la maison du méchant comme du méchant, de la maison du juste comme du juste (Pr 3.33; Mt 7.24). Quand Jésus dit à Zachée qu’il veut entrer dans sa maison, ne parle-t-il pas alors de sa vie, de son cœur? (Lc 19.5-6). Et quand Jésus dit que celui qui prie devrait quitter le coin des rues et se cacher dans sa chambre, porte fermée (Mt 6.5-6), n’associe-t-il pas la maison et le cœur? Et si le cœur doit être préservé, la maison ne le sera-t-elle pas aussi?
Cela est dit quand les expressions « selon le Seigneur », « comme à Christ » ou « dans la crainte du Seigneur » sont employées alors qu’il est question des relations dans le couple, entre parents et enfants, entre maîtres et serviteurs (Ép 5.22; 6.1, 4, 5; Col 3.18, 22; 4.5). Cela est dit quand il est question du lit conjugal qui doit être préservé de souillures (Hé 13.4).
3. La maison, lieu des premières œuvres←⤒🔗
Le magnifique Psaume 131 fait des bras maternels la première école du repos de la foi. « Je suis comme un enfant sevré qui est auprès de sa mère » (Ps 131.2; voir És 66.13). Je dis « école », car David y a appris que c’était « sortir de la foi » que d’avoir « des regards hautains et de s’occuper de choses trop grandes » pour nous (Ps 131.1). Plus tard, en charge de lourdes responsabilités, il se souvient de cette leçon et en parle au présent!
Si Dieu fait naître la foi dans le cœur (Lc 24.25; Rm 10.8, 10; 2 Tm 2.22; Hé 10.22), c’est sans aucun doute dans la maison que doivent paraître les premiers fruits, les premières œuvres bonnes (Jc 2.14-18). « Va d’abord te réconcilier avec ton frère » (Mt 5.24), dit Jésus à celui qui va apporter son offrande à l’autel. Le frère, ici, c’est le membre du peuple de Dieu; mais à combien plus forte raison cela s’applique-t-il aussi à celui qui habite la même maison4.
De Jésus, il est dit qu’enfant, « il croissait et se fortifiait en esprit. Il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui » (Lc 2.40). Son attitude en témoignait : âgé de 12 ans, « il descendit avec ses parents et il leur était soumis » (Lc 2.51). L’épître aux Hébreux nous dit qu’il a appris l’obéissance (Hé 5.8); il l’a apprise dans sa famille premièrement, avant d’être en mesure de la vivre ensuite pour notre salut (Ph 2.8; 1 Ti 5.4; Hé 10.7-10).
Le livre des Proverbes dit et redit cela. « L’enfant laisse déjà voir par ses actions si sa conduite sera pure et droite » (Pr 3.12). La maison peut devenir un lieu de relâchement, un lieu de moindre effort. Mais les habitudes prises dans le milieu familial risquent d’avoir de la peine à évoluer ensuite. C’est pourquoi il est écrit : « Instruis l’enfant selon la voie qu’il doit suivre; quand il sera vieux, il ne s’en détournera pas » (Pr 22.6). Ce verset important rappelle qu’il ne faut pas remettre à plus tard l’éducation de l’enfant. Quant à la femme vertueuse, « elle veille sur ce qui se passe dans sa maison » (Pr 31.27) et elle est louée aux portes de la ville (Pr 31.31).
Quand il est dit que les anciens doivent bien diriger leur propre maison pour pouvoir prendre soin de l’Église de Dieu (1 Tm 3.4-5), on comprend que la maison vient d’abord, premièrement. Cela est dit également pour les diacres : « Qu’on les éprouve d’abord, et qu’ils exercent ensuite leur ministère » (1 Tm 3.10).
C’est probablement une contribution importante de la Réforme protestante du 16e siècle que d’avoir placé sous le regard de Dieu la vie dans sa totalité, dans sa globalité. Dieu n’est pas d’abord « à l’Église ». Il est d’abord dans le cœur de ceux et celles qui l’ont reçu; il est ensuite dans la maison où ils dorment, où ils vivent, où ils lisent sa Parole et prient; où ils enseignent leurs enfants et accueillent ceux qui ont besoin d’être accueillis.
Notes
1. Commentant Ex 25.16, la Bible annotée écrit ceci : L’arche n’avait d’autre but que celui de renfermer et de conserver les tables de la loi. De là son nom d’arche du témoignage (Ex 25.22; 30.6, etc.). C’est pourquoi, au lieu de dire : devant l’arche, on dit parfois : devant le témoignage (Ex 30.36).
2. « Vous avez introduit dans mon sanctuaire des étrangers incirconcis de cœur et incirconcis de chair, pour profaner ma maison; vous avez offert mon pain, la graisse et le sang à toutes vos abominations, vous avez rompu mon alliance » (Éz 44.7).
3. Noter l’équivalence entre les termes « frère » et « prochain », dans ce verset.
4. La même logique de priorité est indiquée par Paul pour ce qui concerne la communauté chrétienne et le reste des hommes. « Ainsi donc, pendant que nous en avons l’occasion, pratiquons le bien envers tous, et surtout envers les frères en la foi » (Ga 6.10). Le mot grec malista (surtout) a un sens très fort.