Dogmatique (3) - La théologie - Introduction
Dogmatique (3) - La théologie - Introduction
Au sens étymologique, le mot « théologie » peut être défini comme la parole traitant de Dieu. Dans son aspect subjectif, ce terme désigne la connaissance de Dieu reçue par le théologien; dans son aspect objectif, il désigne la doctrine de Dieu présentée dans un livre ou un traité. Thomas d’Aquin résume ainsi le sens et la fonction de la théologie : « Theologia a deo docetur, Deum docet, et ad Deum ducit » (la théologie est enseignée de Dieu, enseigne Dieu, conduit à Dieu).
Le terme « Dieu » employé avec le mot « logos » désigne toujours l’objet, de telle sorte que le mot théologie désigne, à vrai dire, la doctrine qui enseigne Dieu (« Deum docet »). Le terme dans son sens habituel ne se trouve pas dans l’Écriture. Dans le titre de l’Apocalypse de Jean, le dernier livre du recueil du Nouveau Testament, nous lisons « Jean le théologien », mais il est certain que ce terme a été ultérieurement ajouté par des scribes et des copistes du livre. Cependant, cette suscription permet de penser que le terme a dû être familier à l’Église primitive et qu’il entra dans son vocabulaire usuel. Les écrivains païens s’en servaient pour désigner la doctrine de Dieu enseignée par leurs poètes et leurs philosophes, que certains appelaient des théologiens.
D’après J.T. Mueller, on fera un usage correct et conforme à l’Écriture du mot théologie toutes les fois qu’on lui fera désigner : (a) la connaissance particulière de Dieu que possèdent ceux qui sont appelés à exercer le ministère public, en d’autres termes la connaissance spéciale des pasteurs et des docteurs de l’Église (1 Tm 3.2); (b) la connaissance particulière de Dieu que l’on exige de ceux qui sont appelés à préparer les ministres et les docteurs chrétiens qui veulent répondre à leur vocation, en d’autres termes la connaissance spéciale des professeurs de théologie (2 Tm 2.2); (c) la connaissance générale de Dieu que possèdent tous les vrais croyants et tout particulièrement les chrétiens expérimentés dont l’intelligence des choses spirituelles s’est approfondie par une longue méditation et une grande expérience pratique, de telle sorte que, dans leur domaine limité, ils sont capables d’enseigner les autres (1 Pi 3.15; Col 3.16).
Le plus souvent, on emploie ce terme pour désigner soit la doctrine chrétienne tout entière soit la doctrine particulière de Dieu. Nous pensons qu’il faut préciser encore, malgré certaines divergences des théologiens à ce propos, que la théologie est la science qui étudie la révélation et les voies créatrices et rédemptrices de Dieu. Car, nous le verrons, Dieu a révélé son nom et sa nature. Cette définition de la théologie est certes assez large, mais elle est incluse dans les vues bibliques. Plus spécifiquement, la théologie est l’étude de l’Écriture. Bien que certains objecteront que les sujets étudiés par la théologie sont autres encore que l’Écriture, par exemple les langues bibliques, l’archéologie, la tradition, la liturgique, etc., nous estimons que l’objet propre de la théologie n’est examiné que par les quatre disciplines spécifiques que sont l’étude de l’Ancien Testament, du Nouveau Testament, de la dogmatique (ou théologie biblique) et celle de la pastorale. Les autres disciplines enseignées parallèlement sont certes nécessaires comme des auxiliaires de la théologie, mais elles ne doivent pas comme telles être tenues pour des disciplines théologiques.
Il ne faudrait pas, aussi, par excès de zèle reformé, objecter qu’en faisant de l’Écriture seule l’objet de l’examen de la théologie, on risque de compartimentaliser la vie chrétienne et de la diviser en domaine relevant de la Bible et en des domaines qui lui sont extérieurs, voire étrangers. L’excès de considérer toute la vie comme religion est aussi mauvais que tout autre excès, chrétien ou non chrétien. Il n’est pas exact qu’en considérant l’Écriture comme le seul objet de la théologie, le théologien réformé orthodoxe tiendrait les autres disciplines pour des matières appartenant au monde, à la connaissance et à la culture sécularisées. Car, si on n’y prend pas garde, un autre danger guette qui n’est point imaginaire, celui où le chrétien décidant par exemple de faire de la science, dans sa louable intention apologétique à vouloir à tout prix prouver l’acte créateur de Dieu, ne ferait en somme de sa discipline qu’une forme déguisée de théologie biblique, sans rapport avec la science qu’il se proposait de faire! Pour reprendre une image que nous avons déjà employée dans un autre contexte, serait-on meilleur boulanger chrétien parce qu’on vendrait des petits pains avec une croix dessinée ou un verset biblique tracé sur la pâte? Ne l’est-on pas plutôt du fait qu’on pétrit une pâte de première qualité et qu’on fabrique un pain sain à la consommation? L’obsession du dualisme ne devrait pas forcer le chrétien à se réfugier dans un monisme inverse.
La théologie comme étude de l’Écriture s’adonne à celle de la doctrine révélée. L’Écriture est certes claire, mais elle n’a pas la clarté et la rigueur d’un livre de grammaire ni des formules mathématiques que l’on utiliserait directement sans autres ou que l’on répéterait par psittacisme. La théologie mènera un travail patient et sanctifié pour rassembler les thèmes majeurs et les présenter de manière cohérente, afin qu’on élimine tout doute de l’esprit au sujet de supposées contradictions dans l’Écriture. La théologie ne rend pas l’Écriture plus claire, cependant à l’écoute de celle-ci, elle discerne, à côté de son message central, les thèmes divers qui le composent harmonieusement et nous informent de la richesse et de la profondeur de notre « si grand salut » et, par la foi, nous engagent à acquiescer à la divine grâce. L’Écriture ne se sert pas de la théologie pour devenir un message divin adressé à l’homme. Cependant, la théologie, humble servante de cette Parole, l’introduira et la présentera à l’Église ou au monde.
On a défini encore la théologie comme l’étude du contenu de la foi (pistologie, du grec « pistis », foi). Mais qu’est-ce que le contenu de la foi qui ne serait pas déjà révélation, accordée sur les pages de l’Écriture, et sous la direction illuminante et sûre de l’Esprit Saint, étudié raisonnablement par la dogmatique? Il convient donc d’éviter le recours à des définitions originales, par pur souci d’originalité, lesquelles présentent le risque aussi bien d’annuler des définitions précédentes que de ne point rendre clair le sens du mot et sa fonction au service de la foi. Comme toujours, sans chercher ni l’extrême ni une voie médiane, il nous faut réunir tout ce qui est positif dans des définitions classiques ou modernes pour offrir une vue cohérente de la tâche théologique.
Bien entendu, nous refuserons… le refus de ceux qui objectent que la théologie est une science humaine, et comme telle superflue pour le témoignage de l’Église, tandis que seule la simple lecture de Bible devrait faire l’objet de notre préoccupation. C’est l’erreur des écoles dites bibliques. Chaque fois que le terme de théologie est employé avec l’une des significations que nous venons d’en donner, il est utilisé correctement et en conformité avec l’Écriture sainte. Si, en revanche, elle n’est qu’un enseignement s’appuyant sur la conscience chrétienne, l’expérience spirituelle, la tradition ou l’histoire comparée des religions, elle n’est pas digne d’être considérée comme théologie biblique et chrétienne. Elle ne se fonde plus sur la révélation biblique, mais ébauche une spéculation de la raison autonome humaine et s’en nourrit.