Se préparer pour prêcher (2) - Le prédicateur Quelques principes élémentaires
Se préparer pour prêcher (2) - Le prédicateur Quelques principes élémentaires
- Exercice
- Les trois exégèses
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L’humilité et le courage
a. L’humilité
b. Le courage
c. Le désintéressement - Solitude et communauté
- Divers types de prédications
- Quelle autorité?
- La prière dans la vie du prédicateur
- Annexe : Caractères et qualités d’un bon prédicateur
1. Exercice⤒🔗
Tracer une ligne droite verticale au milieu d’une feuille de papier. Dans la colonne de gauche, inscrire les caractéristiques d’une mauvaise prédication, puis les effets, les conséquences. Faire de même dans la colonne de droite avec une bonne prédication.
2. Les trois exégèses←⤒🔗
a. L’exégèse est l’étude attentive d’un texte pour en comprendre au mieux le sens. C’est une part essentielle du travail de préparation si je ne veux pas prêcher n’importe quoi. Mais aussi importante soit-elle, cette étape ne suffit pas.
b. Il y a aussi, pour le prédicateur, l’exégèse de son propre cœur. Qu’est-ce qui y est clair, qu’est-ce qui y est obscur, en chantier, en bataille, en refus d’entendre ce que Dieu dit. Tout cela va impacter grandement la prédication. Il ne s’agit pas pour le prédicateur d’être parfait, il s’agit d’être clair, d’écarter toute dissimulation, d’être vrai. Cela suppose un réel engagement dans la prière, et au-delà de la prière. L’enjeu, c’est le travail de Dieu dans le cœur et la vie du prédicateur, de chaque chrétien présent.
c. Il y a enfin l’exégèse de l’assemblée qui se trouve devant, si on peut dire. La prédication, en effet, n’est pas qu’une étude de texte, aussi bien faite soit-elle. La prédication est la présentation de la pensée révélée par Dieu dans un passage biblique donné, dans un lieu donné, à un moment donné, c’est-à-dire aux personnes qui sont ici maintenant et non à d’autres (Rm 13.11).
La manière de communiquer dépendra grandement de la qualité de ces trois exégèses : le choix des mots, l’expression du visage, de la voix… Mais il y a plus que cela : l’action de l’Esprit Saint est concernée également par les trois exégèses.
Le prédicateur va-t-il éclairer le sens du texte ou le rendre plus confus?
3. L’humilité et le courage←⤒🔗
a. L’humilité←↰⤒🔗
L’Encyclopédie du protestantisme1 dit : « En tradition protestante, la prédication consiste en une lecture actualisée d’un passage de l’Écriture. » Le mo « lecture » dit l’humilité du prédicateur, la sobriété, la retenue. Pas de bavardages, pas de légèreté, pas de mots inutiles. Parfois, une simple lecture du texte biblique suffirait, semble-t-il, comme au temps d’Esdras (Né 8.3, 9).
Paul se dit dans une faiblesse extrême quand il prêche (1 Co 2.1-5), n’usant d’aucun artifice de sagesse humaine, de telle sorte que la foi des auditeurs s’appuie entièrement sur Dieu et sur rien d’autre. Ailleurs, il se présente comme le premier des pécheurs (1 Tm 1.15). Ailleurs, il demande qu’on prie pour lui pour qu’il puisse ouvrir la bouche avec hardiesse (Ép 6.19). Dans ce sens, l’excès d’assurance ou d’autorité ne convient pas. Paul parle de mesure (2 Tm 1.17).
b. Le courage←↰⤒🔗
Il faut en même temps passer beaucoup d’obstacles pour oser se présenter devant une assemblée et apporter la Parole de Dieu : choisir le texte, choisir la pensée qu’on doit retenir, choisir la manière de la présenter, choisir les illustrations, choisir les implications pratiques, sans égard pour personne et en ayant égard à tous. Dans ce sens, la timidité ne convient pas (2 Tm 1.7). Mettre à terre les motivations ambiguës (1 Th 2.3), dépasser de multiples craintes, tout cela peut prendre des heures. En un sens, cela prend toute la vie.
Prêcher demande une écoute docile. Prêcher implique aussi un travail (Ac 6.4; 1 Tm 4.16; 5.17).
c. Le désintéressement←↰⤒🔗
Une autre disposition accompagne les deux précédentes : le désintéressement. Cela ne signifie pas que l’on ne s’intéresse pas à ce que l’on fait, mais qu’on ne le fait en aucun cas dans la recherche d’un intérêt personnel (1 Tm 3.3; 1 Pi 5.2; Jc 2.1-4).
4. Solitude et communauté←⤒🔗
a. En un sens, celui qui prêche est seul : une mission lui est confiée, il ne peut se dérober. Seul devant Dieu, seul devant le texte, seul devant l’assemblée.
Jésus a commencé son ministère au désert et son enseignement a été ponctué par de nombreux moments de solitude. Cela est nécessaire. Celui qui ne sait pas être seul (Mt 6.6), quelle est sa prière, qu’aura-t-il à dire?
De même, ceux qui écoutent seront invités également à être seuls devant Dieu, oubliant tout le reste, « entrant en eux-mêmes » comme le fils prodigue avec les pourceaux (Lc 15.17). Cette solitude, c’est le contraire de la distraction, de la comédie, des faux raisonnements.
b. En même temps, celui qui prêche parle au nom de Dieu et au nom de l’assemblée. Dieu est avec lui, le premier concerné; l’assemblée est (normalement) avec lui, participante, partie prenante. Le prédicateur n’est qu’un envoyé, un serviteur. Il n’est pas seul. Ce qu’il dit n’a pas à être original ou particulier : il dit ce que l’assemblée devrait dire elle-même et qu’elle redira après lui. Il ne fait que le rappeler à un moment donné, le plus clairement possible.
Les chrétiens auditeurs n’imaginent généralement pas à quel point la qualité du message dépend d’eux aussi. La consécration du prédicateur est capitale; celle de l’assemblée tout autant. Selon le cas, le prédicateur a devant lui un mur, des broussailles ou un chemin.
5. Divers types de prédications←⤒🔗
La prédication peut revêtir plusieurs aspects qui ne seront pas tous présents au même moment :
a. Elle est une proclamation (kerygma) : « Il se mit à publier dans toute la Décapole… » (Mc 5.20). « Jésus parcourait la Galilée, enseignant dans les synagogues, prêchant la bonne nouvelle du Royaume » (Mt 4.23). L’attention est fixée sur le cœur du message.
b. Elle est une exhortation (paraklêsis) : « Que celui qui exhorte s’attache à l’exhortation » (Rm 12.8). « Applique-toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement » (1 Tm 4.13). L’attention est fixée sur le vécu des auditeurs.
c. Elle est un enseignement (didaskalia) : « Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres » (Ac 2.42; 1 Tm 4.3). L’attention est fixée sur le fondement et l’équilibre.
d. Elle peut prendre la forme d’un entretien (homilia) dont l’objet est le texte biblique et son implication dans la vie chrétienne. « Paul parla longtemps encore, jusqu’au jour » (Ac 20.11,20). On voit cette forme prendre place notamment dans de petits groupes, dans les maisons. L’attention est fixée sur le contact, la compréhension personnelle.
Ces quatre dimensions sont importantes et légitimes et ne devraient pas être oubliées. Le prédicateur, le texte, le lieu, les circonstances permettront d’accentuer telle ou telle d’entre elles.
6. Quelle autorité?←⤒🔗
a. Le principe d’autorité, dans la Bible, est lié au principe de délégation, comme le montrent les paroles du centenier de Luc (Lc 7.7-8). Le prédicateur ne s’est pas envoyé lui-même. Il est appelé à accomplir une tâche : par le Seigneur, par l’assemblée. C’est là le double fondement de sa légitimité, de son autorisation, de son autorité. Il peut parler avec une certaine autorité (ce qui n’implique pas de parler avec une grosse voix), car il ne le fait pas de sa propre initiative : il accomplit une mission. C’est pour cette raison que Jésus parlait « avec autorité » (Mt 7.28-29).
b. La notion d’autorité, contrairement à ce qui est généralement perçu, est donc liée à celle de service. Jésus est venu « non pour être servi, mais pour servir » (Mt 20.28). La notion de service rend l’autorité pure et bienveillante. Jésus est décrit par Ésaïe comme le Serviteur souffrant (És 53). Matthieu précise : « Pour donner sa vie en rançon » (Mt 20.28). La notion d’autorité inclut celle de sacrifice : l’importance de la mission et l’intérêt des bénéficiaires priment sur le confort et même la vie de l’envoyé. C’est ce que Jésus a vécu. (Noter que c’est ainsi que les maris doivent aimer leur épouse).
c. Le degré d’autorité est lié au degré de soumission et de fidélité. Autrement dit, personne ne peut s’attribuer lui-même tel ou tel niveau d’autorité. Ce sont les autres qui le reconnaissent. L’aventure des fils de Scéva (Ac 19.13-17) le démontre : on peut tromper les hommes, mais pas les démons. L’autorité est compatible avec l’humilité.
d. Personne ne s’attribue telle ou telle autorité lui-même. Par contre, chacun devrait évaluer sa réelle autorité et parler en conséquence. Il est préférable de ne pas se dévaluer soi-même ni de se surévaluer. Si mon autorité est à 3, je dois parler au niveau 3, c’est-à-dire avec mesure, avec précautions. Si mon autorité est 7, je peux m’exprimer d’une manière un peu différente. L’humilité est de mise dans tous les cas.
7. La prière dans la vie du prédicateur←⤒🔗
« Le pasteur prie comme le chrétien ordinaire, au risque de ne pas en être un, et davantage s’il ne veut pas se voir disqualifié pour le ministère. Le pasteur fidèle apporte à son maître toutes ses responsabilités sans exception dans la prière. »
« Dès qu’il pense à son travail, qu’il y soit engagé ou non sur le moment, il fait monter les flèches de ses saints désirs vers le ciel. »
« Les bienfaits d’une formation théologique n’égalent pas la préparation d’une communion régulière avec Dieu. Tout en formant son serviteur sur le tour, le grand Potier le façonne par la prière. Toutes les bibliothèques et toutes les études ne se comparent pas à cette vie personnelle de prière d’où viennent la croissance et la puissance spirituelles.2 »
Prier « quand le message est encore sur l’enclume ». Dans la prière, la vérité se fait dans le cœur du prédicateur et sur les besoins du peuple de Dieu. Beaucoup de passages bibliques refusent leurs trésors à qui n’utilise pas la clé de la prière. Prier pendant la prédication. En un sens, si le cœur est prêt, le message le sera aussi. Prier aussi après la prédication, pour éviter la satisfaction facile ou le découragement.
Nous devons réfléchir et faire preuve d’intelligence, mais celui qui attendrit son cœur augmente son intelligence. Les connaissances psychologiques ont leur place, mais celui qui a sondé les profondeurs et les méandres de son propre cœur connaît la nature humaine mieux que personne.
8. Annexe : Caractères et qualités d’un bon prédicateur←⤒🔗
« Voici les qualités et caractères que doit avoir un bon prédicateur. Premièrement, être capable d’enseigner les gens avec une belle rigueur et une belle méthode. Deuxièmement, avoir la tête bien faite. Troisièmement, être éloquent. Quatrièmement, avoir une bonne voix. Cinquièmement, une bonne mémoire. Sixièmement, savoir s’arrêter. Septièmement, être sûr de son fait et y mettre tout son zèle. Huitièmement, risquer sa santé et sa vie, son bien et son honneur. Neuvièmement, se laisser tourmenter et tourner en ridicule par n’importe qui.3 »
Notes
1. Labor et Fides, 2006, page 1112.
2. Ces citations sont de Charles Spurgeon, Je vous ferai pêcheurs d’hommes. Une sélection des « Causeries à mes étudiants ». Europresse, 2002.
3 . Martin Luther, Propos de table, chapitre 18.