La stérilité - Une souffrance dont on ne parle pas
La stérilité - Une souffrance dont on ne parle pas
Ce matin, alors que je m’occupais de ma lessive, je songeais à la grande dimension de ma laveuse. Nous l’avons achetée lorsque nous nous sommes mariés, pensant qu’il serait préférable d’acheter un grand format parce que nous en aurions besoin lorsque les enfants arriveraient. Mais ce matin, sept ans plus tard, ma laveuse sert toujours à une maisonnée de deux personnes.
Il est facile de s’imaginer que le fait d’avoir des enfants est seulement une étape naturelle dans la vie : se marier, puis avoir des enfants. Cependant, tout comme nous, plusieurs découvrent que ce n’est pas si simple.
Au premier coup d’œil, la stérilité ne semble pas être un problème répandu, puisque la plupart des gens ont des enfants. Cependant, cela ne signifie pas que la stérilité (c’est-à-dire l’incapacité de concevoir après un an de relations sexuelles ciblées en vue d’une grossesse) soit rare. La plupart des couples qui font face à ce problème finissent par pouvoir mettre un enfant au monde. De plus, certains font face à un problème de stérilité secondaire, c’est-à-dire la stérilité après avoir donné naissance à un enfant ou plus. Plusieurs font aussi de nombreuses fausses couches.
Parce que la stérilité est un problème assez commun, mais dont on ne parle pas, il y a plusieurs couples dans les Églises qui luttent seuls avec ce problème. Je veux encourager les couples qui luttent avec ce problème. Je veux leur dire qu’il y a de l’espoir lorsque nous nous accrochons à Jésus. Je désire également aider les Églises à comprendre la lutte qui se déroule derrière les portes fermées. Habituellement, les Églises réformées mettent beaucoup l’accent sur la famille, mais ne savent pas trop comment inclure et épauler les couples sans enfants.
Avant de décrire notre périple rempli de chagrin sur le chemin de la stérilité, je dois tout de suite dire que je suis consciente que mes luttes entourant la stérilité ne sont pas terminées. Je suis certaine que mes larmes n’ont pas fini de couler. Cependant, j’écris parce que, tout au long du chemin que Dieu nous a fait parcourir, nous avons senti la main de Dieu qui nous enseignait avec douceur. Peut-être que, par sa grâce, certaines des choses qu’il nous a enseignées pourront en encourager d’autres et les aider à faire face à ce problème.
1. Le périple silencieux⤒🔗
Le début de notre périple était rempli d’excitation. La décision était prise : nous allions avoir un bébé! Puis, les menstruations sont revenues. Mais rappelez-vous les statistiques : pour la plupart des gens, une période d’environ six mois s’écoule avant que la femme devienne enceinte. Alors, il n’y avait pas de raison de s’inquiéter.
Au milieu de toute l’excitation, des pensées de noms, de dates, de rêves, de plans surgissent, mais au retour des menstruations le rêve s’évanouit.
Après six mois d’essai, mon beau-frère et sa femme ont annoncé qu’elle était enceinte. Nous étions mariés depuis un an de plus qu’eux. J’ai pleuré. Je me suis demandé si Dieu était fâché contre moi ou si j’étais punie. Ça me semblait injuste.
Mais les larmes s’intensifient lorsque vous commencez à vous demander si quelque chose ne fonctionne pas. Le déni est un bon refuge pendant un certain temps. « Je ne suis certainement pas stérile… N’est-ce pas? C’est une perspective terrifiante et je préfère ne pas penser à tout ce que cela pourrait impliquer. »
Mais finalement, après dix-huit mois, nous avons dû faire face à la réalité et consulter un médecin. Nous pensions être un peu au courant de ce qui se passait, mais la rencontre s’est terminée par : « Vous êtes tous les deux en bonne santé, faites l’amour souvent et prenez des médicaments pour être certaine que vous ovulez. »
Ceux qui ont quelque chose qui ne va pas physiquement préféreraient généralement n’avoir aucun problème physique. Ils se sentent abattus. D’un autre côté, moi j’aurais désespérément voulu avoir un diagnostic. Quand on sait ce qui ne va pas, on peut y voir et trouver des solutions. C’est ce qu’on fait avec les choses endommagées, n’est-ce pas?
Nous avons eu un été terrible. Trois couples nous ont annoncé qu’ils attendaient un bébé, y compris mon beau-frère qui nous a annoncé que sa femme attendait leur second enfant. « S’il n’y a rien qui ne va pas physiquement, alors Dieu doit m’avoir oubliée. C’est lui qui donne la vie et il ne permet pas que je devienne enceinte, alors c’est quoi son problème? » J’étais en colère contre Dieu. Je me sentais écrasée. Je me sentais tellement abattue, toute seule et prisonnière d’une vie dont je ne voulais pas. Cet été-là, j’ai pleuré comme jamais auparavant.
Quand le désespoir s’installe (et ça prend plus ou moins de temps selon chacun), les personnes en lutte semblent avoir un certain nombre de choses en commun. Bien que ces choses ne soient pas constantes — ce ne sont pas toutes les journées qui sont mauvaises —, elles sont pourtant très réelles.
Quand une personne en est rendue là, son esprit est rapidement envahi par des mensonges. « C’est évident que je ne mérite pas d’avoir un bébé. » « Simon, tu aurais dû marier quelqu’un d’autre qui aurait pu te donner des enfants. » « Mes parents ne veulent pas passer de temps avec nous parce que nous ne pouvons pas leur offrir de petits-enfants. »
Certaines femmes disent qu’elles ont l’impression d’être brisées — leur corps ne fonctionne pas. Ça nous touche au plus profond de notre être. « Qui suis-je? De toute évidence, je ne suis pas ce que je devrais être. Où est ma place dans ce monde? Si je ne suis pas une maman, alors que suis-je? »
À tous ces bouleversements émotifs, il faut ajouter les rendez-vous réguliers chez le médecin. Votre vie sexuelle devient propriété publique, discutée avec de nombreux professionnels de la santé. Votre vie tourne autour de rendez-vous, de tests sanguins et de tableaux de température. Les résultats des tests reviennent et vous ne savez pas si vous devez être contents ou tristes — pas de nouvelles ne signifie pas nécessairement de bonnes nouvelles.
Pour certains, l’intimité sexuelle n’a plus qu’un seul but : avoir des bébés. C’est un stress qui cause des tensions dans le mariage.
La foi est en crise. « Dieu se soucie-t-il vraiment de moi? M’aime-t-il? S’il m’aime, alors pourquoi ne me donne-t-il pas un bébé? Est-ce que je n’en mérite pas un? »
Souvent, la personne vit cela toute seule. La stérilité est une source de souffrance dont on ne parle pas. C’est difficile à partager parce que c’est très personnel et souvent lorsque vous finissez par le partager, les gens ne savent pas quoi dire. Alors ils évitent le sujet par des réponses du genre : « Tu es encore jeune » ou « Je suis certain que ça va se produire bientôt, détends-toi seulement! » Puis, ils n’abordent plus jamais le sujet.
J’ai été tellement bénie d’avoir une famille et des amis qui me soutenaient. Ils me demandaient souvent comment je me sentais et comment ils pouvaient m’aider, mais même tout cela ne peut empêcher toute souffrance…
Un jour, de retour d’un voyage en Inde de trois semaines, mes menstruations ont retardé. Après quelques jours, nos défenses sont tombées et nous nous sommes permis de laisser nos pensées vagabonder. Tout était clair, Dieu voulait seulement que nous allions en Inde avant d’avoir des enfants! Nous avons fait des blagues sur les noms. Nous avons imaginé comment annoncer la nouvelle aux gens. Après presque quatre ans de déception, j’hésitais encore à y croire. Mais au bout de huit jours, nous avons une fois de plus senti le poids écrasant de la déception. Nous avons pleuré ensemble.
À ce moment, nous aurions simplement voulu être avec des gens qui nous aimaient dans notre détresse. Cependant, tous nos amis avaient de jeunes enfants. La douleur était trop grande pour que nous recherchions leur présence à ce moment-là et nos parents demeuraient loin de chez nous. Alors, nous nous sommes assis près d’une rivière pendant un certain temps, puis nous sommes retournés chez nous, désespérément seuls et le cœur brisé. Même lorsque nous recevons beaucoup de soutien, il y a des moments où nous nous sentons complètement seuls.
Quelqu’un m’a dit récemment que la peine profonde causée par la stérilité ressemble à celle causée par la perte d’un enfant. Ça aide à comprendre que la douleur associée à la stérilité est réelle et profonde. C’est comme si nous recevions la permission de pleurer et de ressentir la douleur. Chaque fois que les menstruations reviennent, c’est un rêve qui s’écroule. C’est une désolation qui n’a pas de fin. Elle persiste parce que le rêve se réalisera peut-être un jour.
Comme pour toute douleur, il n’y a pas de bon ou de mauvais moment pour en ressentir les effets. Différentes choses déclenchent la douleur à des moments et à des endroits étranges. Pour certains, ce sera lors d’un baptême, d’une réunion de famille ou d’un souper en compagnie d’une jeune famille. C’est correct d’être triste. C’est correct de pleurer, mais, comme pour toute douleur, nous devons prendre conscience qu’elle peut être une occasion de grandir ou de sombrer.
2. S’accrocher en s’abandonnant←⤒🔗
Il y a tant de conseils pratiques qu’il est possible de donner pour aider quelqu’un à faire face au problème de la stérilité. J’aimerais cependant me concentrer plus particulièrement sur la manière de faire face à l’alternance de l’espoir et de la déception qui nous épuise, tant sur le plan émotionnel que spirituel.
Longtemps, j’ai espéré avoir un bébé qui viendrait combler mes rêves et ma vie. En m’accrochant désespérément à l’espoir d’avoir des enfants, j’ai dû vivre déception après déception.
Cela m’amène à comparer la vie à une coupe. Nous désirons que son contenu soit à notre goût et qu’il puisse nous satisfaire et nous combler. Nous espérons de tout cœur recevoir une coupe pleine, sans quoi nous nous sentons amèrement déçus et insatisfaits. Lorsque nous ne pouvons avoir d’enfants, c’est comme si notre coupe était vide.
Cependant, en observant mes amis avec leurs enfants, j’ai réalisé que la vie de parent est également remplie de déceptions. Il y a des moments où la joie d’avoir un enfant se perd dans le manque de sommeil, les crises de colère et la prise de conscience de ses échecs en tant que parent. Ce n’est pas la bénédiction d’avoir des enfants qui remplit notre coupe jusqu’au bord. Il y aura toujours des déceptions. Même les enfants ne peuvent remplir ma coupe.
Avec le temps, j’ai dû admettre que ni les choses ni les gens ne peuvent me satisfaire et me combler. C’est lorsque nous sommes en relation vivante avec notre Créateur que nous sommes comblés. C’est ainsi que Dieu nous a créés.
C’est un concept qui fait peur. Il implique que je détourne mon regard du bébé dont je rêve et que je me tourne vers Jésus, persuadée que c’est lui qui me comblera. Cela signifie que je dois admettre que je ne suis pas maître de ma vie et de ma fertilité et que je me réjouis de m’en remettre à Dieu. C’est accepter de ne plus m’accrocher à mon rêve et être prête à laisser Dieu m’utiliser selon sa volonté.
Prendre conscience de cela conduit à la paix, mais le processus est difficile. Pour ma part, cela signifie que j’ai dû dire ma peine à Dieu, lui demander « pourquoi moi? » Cela signifie que j’ai dû faire face à la question difficile : « Qui est-ce que je désire le plus, Jésus ou un bébé? » Une fois que j’ai réalisé que je désirais souvent davantage un bébé, j’ai dû prendre le temps de lire et d’étudier qui est réellement Jésus, afin d’en venir à voir qu’il est plus merveilleux qu’un bébé et qu’il me comble davantage qu’un bébé. Lorsque je souffrais, je devais me rappeler dans mon cœur de la réalité des promesses de Dieu et de qui est Dieu, afin d’envisager la vie selon sa perspective.
Je dois apprendre à me réjouir des choses qu’il me donne, plutôt que de m’attrister des choses qu’il ne me donne pas. Comme nous n’avons pas d’enfants, nous partageons les hauts et les bas de la vie avec plusieurs jeunes gens. Nous avons davantage de temps et d’énergie à consacrer à l’Église et à l’exercice de l’hospitalité.
Dieu m’a enseigné cette vérité à travers le Psaume 84.12 : « Car l’Éternel Dieu est un soleil et un bouclier, l’Éternel donne la grâce et la gloire, il ne refuse pas le bonheur à ceux qui marchent dans l’intégrité. » Dieu accorde de bonnes choses à ses enfants, y compris à moi, même si ces choses ne sont pas toujours faciles. Il me donnera tout ce dont j’ai besoin pour grandir en lui et pour le glorifier. En lui, je ne manquerai de rien malgré la stérilité. Le fait de ne pas pouvoir être mère ne fait pas non plus de moi un échec. C’est simplement que les « bonnes choses » que Dieu me donne ont un aspect un peu différent de celles qu’il donne aux autres. Cependant, les deux servent le même but : la gloire de Dieu.
Notre espérance, à Simon et à moi, n’est pas dans les enfants. Elle est en Jésus. Par l’Esprit de Dieu, il nous aide à lui faire confiance afin que nous gardions le désir d’avoir des enfants dans nos cœurs, sans insister et sans être accablés par ce désir. Nous serions totalement ravis si Dieu nous donnait des enfants. Nous continuons à prier Dieu qu’il le fasse, mais s’il ne le fait pas, nous pouvons quand même être comblés par Dieu.
Tout au long de mon périple, Dieu a utilisé son peuple pour m’enseigner et m’encourager. Il a été difficile de nous ouvrir aux gens parce qu’ils disent parfois des choses irréfléchies. Nous avons tout de même besoin du peuple de Dieu, de l’Église, même s’ils ne nous comprennent pas toujours parfaitement. Ils n’ont pas besoin de connaître tous les détails de nos vies, mais nous devons nous ouvrir à eux, et pas seulement à ceux qui n’ont pas d’enfants. Nous devons apprendre à recevoir les bénédictions que Dieu nous accorde à travers les gens de notre Église locale et nous devons également apprendre à être nous aussi une source de bénédiction pour eux.
3. À l’Église←⤒🔗
Il existe plusieurs façons pratiques d’apporter votre soutien à ceux qui luttent avec le problème de la stérilité. En premier lieu, il est important de commencer par écouter patiemment plutôt que de tout de suite chercher à donner des réponses. Aimez-nous, même lorsque nous sommes complètement abattus. Priez pour nous.
En tant qu’Église, il y a de nombreux gestes qui communiquent aux couples sans enfants qu’ils ont de la valeur et qu’ils sont aimés. En voici quelques-uns :
- Permettez-nous de faire partie de votre famille et de jouir de la compagnie de vos enfants.
- Invitez-nous à nous joindre à vous et à d’autres familles à l’occasion d’un pique-nique familial.
- Soyez compréhensifs si nous refusons parfois parce que c’est trop difficile.
- N’oubliez pas de nous désigner par le mot « famille », car nous sommes une famille constituée de deux personnes.
- Ne présumez pas que nous pouvons nous impliquer dans tout dans l’Église du fait que nous sommes sans enfants. Nous avons besoin de passer du temps ensemble nous aussi!
- Accordez-nous votre soutien lorsque nous pleurons pour la millième fois parce que nous sommes sans enfants (et sans penser : « Et c’est reparti encore une fois! »).
- Du fait que nous sommes sans enfants, nous avons davantage de temps et d’énergie à notre disposition; encouragez-nous à utiliser ce temps et cette énergie pour nous réjouir en Dieu et le servir de manière créative. Évitez les commentaires du genre : « Comme ça doit être bien d’avoir plus de temps et d’argent ». Ça ne fait que nous amener à nous sentir coupables plutôt que bénis dans les circonstances dans lesquelles Dieu nous place.
- Parlez-nous de votre vie, même si c’est au sujet des couches, de l’école et du taxi que vous devez faire pour les enfants.
- Posez-nous des questions sur notre vie, même si elle ne tourne pas autour des couches, de l’école et du taxi à faire pour les enfants.
S’il vous plaît, partagez votre vie avec nous. Être une Église signifie que nous sommes une famille. Simon et moi avons de nombreux enfants, c’est juste qu’ils ne sont pas nos enfants biologiques. Parce que nous faisons partie d’une Église, nous pouvons partager notre vie avec de jeunes gens, enseigner la Parole de Dieu aux enfants et même nous faire inviter à des remises de diplômes. Lorsque nous sommes ouverts les uns aux autres, il n’y a pas de meilleure place pour être sans enfants que dans l’Église!