Le racisme à la lumière de la Bible
Le racisme à la lumière de la Bible
- Le racisme aujourd’hui
- En quoi consiste le racisme?
-
Les données bibliques
a. Tous les hommes sont créés à l’image de Dieu.
b. Tous les hommes sont également pécheurs.
c. Tous les hommes sont unis en Christ, ou bien sont appelés à le devenir. - L’universalité de l’Église
- La tâche de l’Église chrétienne
1. Le racisme aujourd’hui⤒🔗
Phénomène plutôt récent, le racisme est actuellement le facteur principal des divisions entre humains, tandis que jadis la religion s’en chargeait pour des raisons diverses et à des degrés variés. Tout en déplorant que l’histoire religieuse de l’humanité ait été noircie par les violences que des fanatiques exercèrent au nom de leur foi, nous reconnaîtrons toutefois un facteur positif dans cette forme de recherche d’unité entre humains. Toute religion, et à plus forte raison la foi chrétienne, cherchera normalement à gagner des adeptes. Bien entendu, cela ne justifie nullement le recours à la violence, qu’elle soit physique ou psychologique, pour obtenir de « bons résultats »! Une impulsion missionnaire authentique et une approche amicale, accompagnée d’un véritable don de soi, opéreront plus efficacement que l’usage de la force ou de contraintes intolérables.
À notre époque où la foi chrétienne n’exerce pas ou plus une trop grande influence sur les esprits, il est passablement curieux, voire révélateur, de constater que des formes nouvelles de mission soient assurées par certaines théories pseudo-scientifiques. Et ce, avec quel dogmatisme outrancier! Les discriminations ne se situent plus au niveau religieux, mais à celui d’idéologies sociales ou politiques, voire au plan prétendument scientifique. Les anthropologues modernes se dépensent sans mesure pour décrire avec précision les mœurs et coutumes de peuples, ethnies et tribus pour établir des différences et par là prouver la théorie de la multiplicité des origines du genre humain. L’hypothèse de l’évolution des espèces n’a pas manqué d’apporter ses torrents d’eau polluée à ces moulins en proclamant, urbi et orbi, cette théorie-là comme un dogme intangible de l’arrogance humaine démesurée.
Or, ascendance commune à tous les hommes signifie forcément création commune et, naturellement, responsabilité unique envers Dieu. Ce que ni l’évolutionniste moderne ni l’humanité athée ne sont disposés à admettre; à leurs yeux, la race humaine n’est pas une, seule, mais plutôt une collection hétéroclite de races et groupements humains. Il est intéressant de noter qu’au moment même où les doctrines bibliques sont jetées aux orties et le Dieu de la révélation farouchement nié, le racisme lui s’impose comme un dogme scientifique, inerrant et intangible.
Ce qui paraît plus curieux encore, pour ne pas dire affligeant, c’est de constater que des traces de ce néoracisme percent dans les écrits et les idées de nombreux théologiens, sous des prétextes apparemment innocents. Sous prétexte de ne pas vouloir « exporter » vers d’autres continents ce qu’ils appellent une « mentalité blanche », ceux-ci renoncent ouvertement à la mission évangélisatrice de l’Église. Mais qu’est-ce, en fait, une « mentalité blanche »? demanderons-nous passablement surpris. Si cette mentalité réputée si abominable existe, ne serait-elle pas plutôt le fait de l’époque préchrétienne de l’Europe occidentale? Dans ce cas, ne faudrait-il pas reconnaître avec un peu de réalisme qu’aucune race (descendant toutes de notre père commun, Adam) ne possède d’histoire sainte et ne saurait prétendre à une immaculée conception, qu’elle soit blanche, noire, jaune ou peau-rouge?
Je m’empresse d’ajouter que la mentalité occidentale, elle, est le produit non pas d’une race, mais d’une culture religieuse. Les mauvais éléments qui l’ont contaminée n’étaient que les résidus des origines païennes des peuples de l’Europe, et nullement le fruit de la foi chrétienne. En revanche, ce qui est positif dans notre culture, par exemple l’idée de liberté, de droits de l’homme, de respect pour la vie humaine, etc., est sans conteste le fruit de l’influence transformatrice de la révélation biblique.
Au siècle dernier, un pape bien intentionné disait que « spirituellement parlant nous sommes tous des Sémites ». Le bon pape oubliait sans doute que sous le terme de « sémite », il ne fallait pas placer seulement les Juifs, mais encore d’autres peuples… qui sont aussi des Sémites! Nous pensons justement que notre culture européenne n’est le produit ni le privilège d’aucun peuple particulier, même si elle a emprunté des éléments à certains d’entre eux. Cependant, ce qu’il y a de positif dans notre culture, nous l’avons reçu de la vérité biblique et non des ancêtres grecs ou gallo-romains. La Bible n’est pas la propriété des descendants d’un peuple particulier, mais la révélation et le don de Dieu qui choisit qui il veut et qui rejette quiconque se rebelle.
À l’heure actuelle, pour se montrer large d’esprit et généreux de cœur, on parle, jusque dans les Églises chrétiennes, de « mentalité blanche », « d’âme africaine », « d’intelligence asiatique », etc.
Bien qu’il faille reconnaître que les mœurs, la religion et la culture façonnent profondément les êtres humains, il convient de discerner dans une telle phraséologie une note raciste, parce qu’elle laisse supposer que les races possèdent une logique et un raisonnement particuliers qui ne seraient pas ceux que Dieu a créés pour tous, universellement, quoiqu’entamés et corrompus par les effets dévastateurs de la chute primitive. Aussi, je crains que chez ceux de nos contemporains qui s’opposent à partager l’Évangile avec les pays du Tiers-Monde sous prétexte qu’il s’agit d’un « produit » des races blanches, il n’y ait rien de moins qu’un orgueil mal dissimulé, voire un racisme version nouvelle, revue et corrigée.
Ce même néoracisme apparaît dans nombre d’ouvrages littéraires et religieux dans lesquels les facteurs ethniques, géographiques ou nationaux tiennent plus de place que la communication de l’Évangile elle-même. On a forgé récemment un autre terme savant (un de plus) qui désigne cette nouvelle approche sous le vocable de « mission contextualisation ». Or, voici que la « contextualisation » ne s’est pas bornée à élaborer quelques idées aussi généreuses que naïves; très vite, elle a engendré un discours humain se substituant à la rédemption divine, et pour finir a fabriqué, après la « théologie noire » ou la « dogmatique asiatique » ou « la théologie de la violence », une missiologie où la communication de l’Évangile s’efface au profit de méthodes « caméléon », pour ne communiquer plus rien de l’Évangile, selon l’Évangile.
Je persiste à penser que ce nouveau racisme est présent dans de telles approches. Il est même présent dans certaines versions bibliques modernes qui, pour mieux s’accommoder aux gens d’une autre culture, vont parfois jusqu’à ne plus respecter ni l’esprit ni la lettre de l’Évangile. Ainsi, après avoir lu la Bible en français courant, aurons-nous peut-être l’occasion de feuilleter l’Évangile en titi-parisien, des épîtres écrites dans l’argot des bas-fonds, ou une Bible dans un baragouin quelconque de notre vaste monde francophone. Je crains que là où l’Église pratique ces méthodes-là, il y ait davantage d’orgueil et de prétention, de confiance dans ses propres méthodes, que de confiance en l’autorité infaillible de l’Écriture sainte et dans l’œuvre du Saint-Esprit.
2. En quoi consiste le racisme?←⤒🔗
Le terme de race est essentiellement un concept biologique. La Bible traite surtout du concept de « nation » et de « peuple » et de la diversité des peuples comme faisant partie de la réalité existante, concrète. Les termes hébreux de « peuple » et de « nation » (‘am, goi) apparaissent près de 2444 fois dans l’Ancien Testament. Au singulier, le mot « peuple » désigne Israël, et au pluriel, les nations païennes. Parmi les termes habituels ou occasionnels du Nouveau Testament pour peuple et nation (laos, ethnos, phulè, genos, glossa, demos, ecclesia), « laos » et « ethnos » sont les plus importants. Ils apparaissent près de 303 fois. Tous les deux sont employés au sens de national ou d’ethnique, mais également dans un sens religieux. Au sens religieux, « peuples » et « nations » sont appelés à louer et à glorifier Dieu à cause des grandes œuvres qu’il a accomplies. C’est avec en arrière-plan le péché et la faillite spirituelle des nations qu’apparaît la vocation d’Abraham à devenir le père d’une multitude de nations. Ajoutons que selon deux passages (Dt 32.8 et Ac 17.26), c’est Dieu en personne qui désigne le lieu de séjour des nations; d’où l’outrage qui lui est fait lorsqu’on déporte des populations entières de leur territoire national, ce qui ne relève pas simplement d’une injustice humaine, mais encore d’une grave entorse au commandement de Dieu.
Le racisme se fonde sur l’idée que la biologie héréditaire déterminerait les différences entre les groupes ethniques, que les variations culturelles seraient prédéterminées et immuables et que les traits socioculturels propres à une race ou à un groupe donné seraient forcément inférieurs à ceux de l’ethnie ou du groupe conquérant. D’une telle et fausse théorie dérivent directement les préjudices raciaux et, pour finir, le racisme viscéral et haineux.
Pourtant, c’est un fait qu’il n’existe pas de race pure. Bien que certaines différences physiques apparaissent entre peuples et groupes ethniques, on ne peut cependant établir avec une précision tranchée que ces différences-là constituent une particularité raciale pure. Même les Juifs, qui forment certes un groupe ethnique, ne sont pas une race à part en tant que telle. Dans les pays nordiques on verra un grand nombre de ressortissants juifs aux cheveux blonds et aux yeux bleus, tandis que dans les contrées méridionales, ils seront plutôt basanés et aux cheveux plus ou moins crépus comme en Afrique du Nord.
Des facteurs sociaux, politiques, biologiques, climatiques et culturels contribuent à la particularité d’un groupe. Par conséquent, on ne peut pas prétendre que ce sont les traits biologiques, et eux seuls, qui déterminent les différences. Les grands mouvements de population dans le passé ont contribué sur une très grande échelle au mixage, mais ils ont été aussi, hélas!, cause de préjudice racial. Tel ou tel groupe, au cours de l’histoire, s’est considéré comme la norme et a tenu ceux de l’extérieur, les étrangers, pour des inférieurs.
Dans l’antiquité déjà, les Grecs tenaient les non-Grecs pour des « barbares ». (Rappelons à ce point que, dans le passé, le racisme n’était pas le fait des peuples de race blanche envers les peuples de couleur, mais de groupes ethniques, avec leurs particularités culturelles et religieuses, à l’égard d’autres peuples, de la même race ou pas, ne les partageant pas.) Et nous apprenons par la Bible que les Juifs eux-mêmes, qui auraient dû rester principalement un groupe religieux, un peuple saint, l’Église de Dieu de l’époque, se sont considérés comme une race supérieure. Ce fut contre ce nationalisme étroit et farouche que fut adressé souvent le message prophétique. Jésus, aussi bien que les apôtres, dénonça cet esprit exclusiviste.
L’oppression raciale est une attitude qui résulte soit de la peur ou du mépris, soit de l’appât du gain et de la volonté d’exploiter. On connaît suffisamment les conséquences de tels traitements pour que j’en donne des illustrations concrètes. Qu’il suffise de rappeler qu’ils anéantissent l’équité et font violence à la justice. Le racisme sous toutes ses formes est une abomination. Dû à la nature humaine entachée de péché, on ne peut pas s’attendre à ce que tout un chacun éprouve de la sympathie envers tel ou tel groupe ethnique, social ou tribal… Nous ne sommes pas non plus tenus d’apprécier nécessairement tous les traits, us et coutumes d’autrui. Là n’est pas la question. Mais de là à vouloir maltraiter ceux et celles dont la couleur de la peau, la forme du nez, la texture des cheveux ou les habitudes diffèrent des nôtres, c’est commettre — et le terme est fort, mais ce n’est pas nous qui l’avons inventé, c’est le Christ en personne — l’équivalent d’un assassinat moral.
N’oublions pas que ce même Jésus, Fils de Dieu et Seigneur universel, est venu chercher aussi les exclus, les méprisés, les déshérités, ceux qui à vue humaine n’ont aucun espoir. Les chrétiens au moins, dans la société moderne, devraient se le rappeler et se comporter selon l’esprit du Christ et marcher sur ses pas.
3. Les données bibliques←⤒🔗
Après avoir évoqué la situation actuelle ainsi que les multiples et souvent violentes manifestations du racisme, nous voulons offrir un rapide survol des données bibliques sur la notion du « peuple nation Église », qui nous permettront d’orienter notre réflexion sur le sujet et d’inspirer notre attitude.
L’Écriture ignore le racisme, qu’il fût mode ancienne ou version nouvelle. La philosophie biblique et chrétienne est foncièrement antiraciste. Elle prêche l’universalité du salut, c’est-à-dire qu’aucune race ou aucun peuple n’en sera a priori, il faudrait dire ad hominem, exclu.
L’Ancien Testament dénonçait déjà avec une grande vigueur la suprématie des peuples étrangers à Israël qui l’opprimaient, tels que les Égyptiens, Assyriens, Babyloniens, Madianites, Édomites, Philistins, Ammonites… Le prophète Ésaïe prononçait de lourdes sentences contre ceux-ci et ailleurs il annonçait comment Dieu se vengerait d’eux. N’était-il pas le Libérateur qui arrache à des mains assassines un peuple d’opprimés?
Résumons donc les données bibliques de la manière suivante :
a. Tous les hommes sont créés à l’image de Dieu.←↰⤒🔗
C’est là l’enseignement biblique capital sur l’anthropologie chrétienne (Gn 1.26,27; 5.1; 9.7; Pr 14.31; 17.5; Jc 3.9). La question des rapports entre diverses races est plus simplement une question de relations humaines. Il s’agit de reconnaître partout et en chaque être humain l’image de Dieu dont il est porteur et de lui reconnaître ce qui lui est dû, comme un don accordé par Dieu : à savoir justice, dignité, liberté, respect et travail, outre, bien entendu, la proclamation de l’Évangile du salut.
b. Tous les hommes sont également pécheurs.←↰⤒🔗
La vie de tout homme est entachée et corrompue par le mal. Selon le récit de la Genèse, non seulement les rapports entre Dieu et l’homme furent profondément altérés, mais encore la chute entraîna la détérioration des rapports entre l’homme et ses proches (Gn 3.6,7; 4.9,17,19). À partir de ce moment-là, le péché et le mal sont tissés au plus intime de tout individu et de toute société. Il serait absurde de prétendre que leurs manifestations divergent suivant la couleur de la peau.
Les métaphores bibliques sur le bien et sur le mal n’évoquent jamais la couleur de l’épiderme, mais parlent du contraste entre la lumière et les ténèbres, la vie et la mort, le jour et la nuit. Le péché est une affaire de notre nature et de notre caractère et non pas de la pigmentation de notre peau (1 S 16.7; Mc 7.20-23). L’un des résultats de la discrimination raciale peut être l’accroissement de la criminalité, mais dans ce cas il s’agit d’un phénomène social et non plus racial. Nous n’avons pas à nous attendre à un meilleur comportement chez les Blancs que chez les Noirs ou les Peaux-Rouges! Ils sont tous atteints par le même mal.
c. Tous les hommes sont unis en Christ, ou bien sont appelés à le devenir.←↰⤒🔗
En principe, aucun mur ne devrait les séparer, quelle que soit leur origine ethnique (Ép 2.11-21; Ga 3.28; Ac 10.34,35; Ap 5.9,10; 7.9,10). Dans le Nouveau Testament, l’unité en Christ s’exprimait dans une vie organique unique. L’apôtre Jacques condamne avec vigueur toute discrimination (Jc 2.1-7; voir aussi 1 Jn 2.2; Gn 12.2; Mt 28.19). Le but ultime de l’humanité rachetée est de se rassembler en un seul corps, en un seul peuple formé de plusieurs nations, races et langues (Ap 7.9).
En ce qui concerne le mariage entre membres de races différentes, le Nouveau Testament ne donne pas de directives précises. Pourvu que le mariage se fasse « dans le Seigneur », conclu par la foi. Toutefois, ne sous-estimons pas un certain nombre de considérations secondaires, telles que les différences des us et coutumes ou les convenances sociales et familiales. Quoiqu’elles aient leur importance, l’essentiel se trouve ailleurs.
4. L’universalité de l’Église←⤒🔗
La Bible, Ancien et Nouveau Testament, souligne la présence de Dieu et celle de son Royaume au milieu des hommes.
La Bible est un document de nature exclusivement religieuse, c’est-à-dire qu’elle n’est nullement un texte de sociologie, d’économie ou de politique. En tant que le livre de la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu, elle déclare que Dieu cherche l’homme aliéné de lui et veut son salut. Elle annonce qu’il vient le libérer, le racheter et faire de lui un membre du nouveau peuple qu’il crée, qui lui appartient, à qui il adresse la vocation la plus grande et la plus noble.
Sous l’Ancienne Alliance, Dieu avait élu un peuple particulier, Israël, pour qu’il devienne cette nation élue, afin qu’elle l’adore et le serve. Dans la Nouvelle Alliance, qui est établie et scellée en Jésus-Christ, Dieu se réconcilie tous les peuples et toutes les races de la terre. En outre, il rassemble ceux qu’il a appelés dans son Église universelle en leur confiant la même mission. Ce nouveau peuple ne servira que lui seul, et nul autre maître; il est constitué d’hommes, de femmes et d’enfants rassemblés du milieu de toutes les nations dispersées sur la surface de la terre; il est appelé à devenir un moyen de bénédiction jusqu’à la fin des temps.
Cela dit, gardons-nous bien de nous servir de la Bible et de son message comme d’un document qui contiendrait la solution à tous nos problèmes de nature sociale, politique, économique ou culturelle. Nous n’y trouverons pas le modèle déposé du parfait gouvernement politique ni des règles rigides pour régir les rapports entre classes et races.
Cette nouvelle compréhension de la nature de nos rapports avec Dieu et avec notre prochain, dans le cadre du Royaume et de l’Église en tant qu’instrument de ce dernier, nous impose une vocation qui est certainement très élevée, mais aussi très coûteuse. Toutefois, c’est elle qui dictera nos attitudes et inspirer notre conduite. Israël avait été appelé par Dieu en vue de devenir une bénédiction pour toutes les nations de la terre; il avait été destiné à devenir un peuple de sacrificateurs pour servir Dieu et pour officier en son honneur parmi les nations. Il espérait même très fermement le salut universel, lorsque toutes les nations de la terre allaient enfin adorer le Dieu révélé tout d’abord à lui.
Dans la nouvelle dispensation, l’Église est encore moins limitée à une seule nation ou à une seule localité géographique, que ce soit Rome ou Genève, Byzance ou Addis-Abeba. Elle comprend, sans distinction raciale ou ethnique, tous ceux qui par la seule foi en Jésus-Christ deviennent membres du peuple fidèle de Dieu. Tout croyant, quelle que soit son origine ethnique ou raciale, est membre du peuple de Dieu, à savoir de l’Église de Jésus-Christ.
Cette foi, nous la confessons dans les mots du Credo apostolique en déclarant : « Je crois l’Église universelle. »
Ceci nous amène à parler d’un autre trait de l’Église, c’est-à-dire de sa qualité de communauté constituée par des gens réconciliés. Réconciliés avec Dieu par sa grâce, ils sont devenus un peuple d’adorateurs, participants à cette grâce. Bénéficiaires de sa paix, ils sont devenus capables de persévérer dans la foi, de servir ensemble leur prochain.
Une telle Église est désormais une fenêtre ouverte vers le nouveau monde de Dieu. En tant que la création de Dieu et le champ des puissantes opérations du Saint-Esprit, l’Église tournera les regards vers l’avenir. Ses divisions n’y seront pas acceptées comme normales. L’amour y triomphera sur l’inimitié et sur la haine. Désormais, elle est une par le Dieu trinitaire auquel elle croit et qu’elle confesse.
Les premiers chrétiens, appartenant à des races et à des cultures différentes (Juifs, Grecs, Scythes, barbares, Asiatiques ou Africains, Romains ou Gallois, Arméniens ou Éthiopiens, affranchis ou esclaves), forment cette unité qu’est l’Église, le corps du Christ, le Temple du Saint-Esprit, l’Épouse du divin Sauveur. Les différences de tout ordre s’estomperont afin de manifester cette unité fondamentale. L’Église pratiquait au commencement un seul baptême, partageait un seul pain, buvait d’une seule coupe, avait une vocation unique et rendait un témoignage exclusif au seul Nom donné sous les cieux et sur la terre, celui de Jésus-Christ, en qui tous les sauvés sont appelés à former un corps unique. Cette unité était, est, et restera, la plus profonde, la plus élevée et la plus vaste; unité plus glorieuse que toutes celles d’inspiration, d’origine et de nature terrestre et humaine. C’est elle qui lie véritablement ensemble tous les peuples appelés par le Père, libérés par le Fils, sanctifiés par l’Esprit.
Certes, une telle unité n’oblitère nullement des divergences d’ordre naturel. Si en Christ « il n’y a plus ni Juif ni Grec, […] ni homme ni femme » (Ga 3.28), cela ne veut pas dire que l’homme et la femme sont désormais interchangeables dans leur constitution sexuelle, que les différences de la couleur de la peau ou du degré de la culture soient oblitérées. Cependant, il est impératif qu’une telle unité se manifeste, qu’elle soit concrètement visible; visible dans le domaine qui nous occupe ici, à savoir dans les rapports entre les races.
C’est un homme indifférencié que Dieu a créé à l’origine selon son image et sa ressemblance. En dépit de la chute et des divisions consécutives à celle-ci, l’Écriture regarde en arrière vers l’acte de la création de l’homme par Dieu comme l’acte ultime qui fonde la valeur et la dignité de toute personne humaine. Cet acte d’amour et la valeur qui lui est conférée sont réaffirmés par l’acte de rédemption. L’élection initiale d’Abraham ne visait pas à la formation d’un peuple particulier pour qu’il le reste indéfiniment, mais pour qu’à partir de lui se forme un nouveau peuple rassemblé de toutes les nations de la terre.
C’est par pure grâce, par une grâce imméritée, et non à cause d’une dignité qui lui était inhérente, que Dieu a tout d’abord choisi Israël comme serviteur du salut. Une préservation stricte de son identité lui était imposée durant cette étape de la dispensation, comme barrière de sécurité pour empêcher son assimilation physique, et par là la disparition spirituelle, par les peuples païens qui l’entouraient. Cette barrière était donc morale et non nationaliste. Israël devait se garder des abominations des païens, mais, au cours de son histoire, il devait accueillir dans sa communauté les convertis venus des nations païennes.
L’amour de Dieu se manifeste également sans discrimination raciale dans le ministère du Christ. Aucun peuple ni nation ne peut plus être assimilé au peuple d’Israël dans son statut de l’Ancienne Alliance, même pas le peuple juif actuel, qui a perdu toutes ses prérogatives de nation élue de Dieu. Actuellement, c’est-à-dire depuis le Christ, le salut est obtenu par tous et par chacun aux mêmes conditions que les païens d’autrefois. Rappelons-nous encore que toutes les nations et tous les peuples de la terre sont issus d’un seul homme, à savoir Adam.
Cette idée de l’unité fondamentale de la race humaine est d’une importance incalculable lorsque nous examinons le concept biblique de la dignité de l’homme, dignité qui précède toute diversité nationale ou raciale. Aussi les différences de race et de couleur ne jouent-elles plus aucun rôle dans la condition religieuse du genre humain. La proclamation de l’Évangile comme message est destinée à tous universellement.
5. La tâche de l’Église chrétienne←⤒🔗
Examinons brièvement le devoir du chrétien et celui des Églises.
Le racisme est un péché très grave. Aucun chrétien ni aucune Église ne peuvent l’approuver et encore moins le pratiquer, car il prive l’être humain de sa dignité fondamentale, de ses obligations morales et de ses droits élémentaires. Le racisme doit être rejeté et opposé dans toutes ses manifestations, car il conduit vers une oppression totalement incompatible avec l’esprit d’amour qui devra régir les rapports humains selon la Parole de Dieu.
Distinguons premièrement deux devoirs différents : le devoir du chrétien en sa qualité de citoyen d’un État; le devoir du disciple du Christ ayant reçu la mission d’évangéliser.
Ce qui a été affirmé jusqu’ici n’ignore nullement l’existence de différences ethniques ni non plus la multiplicité des nations. Néanmoins, c’est précisément dans cette multiplicité-là qu’apparaîtra l’unité fondamentale de ce peuple unique qu’est l’Église du Christ.
Même dans le monde moderne, où les rapports entre peuples et nations sont d’une extrême complexité, l’Église refusera tout racisme, quelle qu’en soit la forme, pour œuvrer en vue d’améliorer et de favoriser les rapports entre les peuples. Elle s’occupera de la justice et elle veillera sur l’observation de lois qui soient justes et bonnes, afin que l’ordre et l’égalité de droits règnent dans chaque pays. Elle évitera surtout de se laisser guider par les slogans lancés par les humanistes athées au sujet d’égalitarisme et de libertés. L’Église ne reçoit de directives que de son seul Seigneur à travers sa Parole et son Esprit, non des sources polluées d’hommes pécheurs, enclins à l’erreur, jusque dans leur générosité même.
Enfin, sa tâche principale consistera à amener toute pensée captive à l’obéissance de Jésus-Christ, à faire des disciples qui partagent la foi en l’unique Sauveur. Le disciple de Jésus-Christ sait que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Qu’il ne s’engage donc pas dans une action qui lui ferait oublier ou négliger sa foi et sa soumission à Jésus-Christ, Seigneur et Maître de toutes les races et de toutes les nations.