Le Synode de Dordrecht et le sabbat
Le Synode de Dordrecht et le sabbat
Note de l’auteur
Ce qui suit est un exposé que j’ai présenté lors de la conférence Dordrecht 400 qui s’est tenue à Caruaru, au Brésil, le 22 mars 2019. La version portugaise se trouve ici. En particulier pour une partie des sections historiques, je reconnais ma dette envers l’article de Daniel Hyde, « Regulae de Observatione Sabbathi : The Synod of Dordrecht's Deliverance on the Sabbath » [Règles pour l’observance du sabbat : La décision du Synode de Dordrecht sur le jour du sabbat], publié dans le numéro 1 de 2012 du Puritan Reformed Journal.
- Le cas du pasteur Wierenga
- Le Synode de Dordrecht sur le sabbat
- Le contexte
- Un regard sur les décisions du Synode
- Pertinence pour aujourd’hui
- Conclusion
1. Le cas du pasteur Wierenga⤒🔗
C’était le dimanche 3 août 1924 à Jamestown, dans le Michigan, aux États-Unis. Cela faisait moins de quatre ans que le pasteur Henry Wierenga était ministre de l’Église chrétienne réformée de Jamestown. C’était la première Église qu’il servait. À l’époque, chaque Église chrétienne réformée avait un culte du matin et un culte du soir. Lors du culte du soir, il était de coutume d’écouter un sermon basé sur le Catéchisme de Heidelberg. Le dimanche 3 août 1924, le pasteur Wierenga était rendu à la question 103. Il prêchait sur le quatrième commandement.
Dans son sermon, le pasteur Wierenga déclara que le commandement du sabbat n’était pas applicable à l’époque du Nouveau Testament. Il affirma que le dimanche n’avait pas de statut particulier dans le Nouveau Testament et qu’il ne devait pas être considéré comme un remplacement du sabbat juif de l’Ancien Testament. Le Christ a accompli le sabbat, qui était entièrement cérémoniel. Le quatrième commandement ne comporte aucune exigence morale pour les chrétiens d’aujourd’hui. Par conséquent, les chrétiens ne sont pas obligés de considérer ce jour comme spécial. Ils peuvent toujours choisir de célébrer le culte ce jour-là, mais tous les jours sont également saints. Si l’on veut, on peut certainement travailler le dimanche ou faire tout ce que l’on peut faire n’importe quel autre jour de la semaine.
Le conseil des anciens du pasteur Wierenga n’a pas aimé ce qu’il a entendu. Les anciens n’étaient pas du tout d’accord avec leur pasteur. L’affaire fut portée devant un classis [un conseil régional composé de pasteurs et anciens délégués de plusieurs Églises locales]. Le classis a nommé un comité chargé d’enquêter. Ce comité conseilla aux anciens de Jamestown de demander au pasteur Wierenga de prêcher à nouveau sur la question 103 du Catéchisme de Heidelberg. Ils le lui demandèrent et il le fit le 7 décembre 1924. Son deuxième sermon n’était pas meilleur que le premier. Les anciens étaient toujours inquiets, tout comme le comité du classis. Le 20 février 1925, l’Église chrétienne réformée de Jamestown suspendit son pasteur pour avoir enseigné une fausse doctrine. Puis, le 6 mars 1925, il fut destitué par le Classis Zélande.
Henry Wierenga décida de faire appel de sa suspension et de sa destitution auprès du Synode de l’Église chrétienne réformée en 1926. Son appel fut cependant rejeté. Sa déposition fut confirmée. Le Synode de l’Église chrétienne réformée reconnut qu’il était juste et approprié que Wierenga ait été sanctionné pour ses opinions sur le sabbat. Au cours de toutes ces discussions, une décision du Synode de Dordrecht a été mentionnée à de nombreuses reprises. Elle était au cœur de l’affaire Wierenga.
Nous nous souvenons naturellement du Synode de Dordrecht à cause des Canons de Dordrecht. Les Canons furent la réponse du Synode aux arminiens. Cependant, on oublie souvent que ce Synode a discuté de bien d’autres choses. Il a pris des décisions sur bien d’autres sujets. Le Synode a commencé ses travaux en novembre 1618 et s’est terminé en mai 1619. Le 17 mai 1619, lors de la 164e session, le Synode de Dordrecht a publié une déclaration doctrinale sur le sabbat. Malheureusement, pour nous aujourd’hui, c’est l’une des contributions les plus négligées du Synode de Dordrecht. Cette déclaration doctrinale était toutefois bien connue dans l’Église chrétienne réformée d’Amérique du Nord (CRCNA) en 1924-1926. Elle l’était déjà auparavant. En effet, l’Église chrétienne réformée avait adopté la décision du Synode de Dordrecht sur le sabbat dès 1881.
2. Le Synode de Dordrecht sur le sabbat←⤒🔗
Voyons rapidement ce que le Synode de Dordrecht a décidé au sujet du sabbat. Nous jetterons un coup d’œil rapide maintenant sur ces décisions et nous y reviendrons plus loin pour un examen plus approfondi. Cette décision contient six points :
- Le quatrième commandement de la loi divine comporte un élément cérémoniel et un élément moral.
- L’élément cérémoniel est le repos du septième jour après la création, et la stricte observance de ce jour imposée en particulier au peuple juif.
- L’élément moral consiste dans le fait qu’un jour déterminé est mis à part pour l’adoration et le repos nécessaire à l’adoration et à la méditation sainte.
- Le sabbat des juifs ayant été aboli, le jour du Seigneur doit être solennellement sanctifié par les chrétiens.
- Depuis le temps des apôtres, ce jour a toujours été observé par l’ancienne Église catholique.
- Ce jour doit être consacré à l’adoration de telle sorte que, ce jour-là, nous nous reposons de toutes les œuvres serviles, à l’exception de celles que la charité et les nécessités présentes exigent, ainsi que de toutes les récréations qui nuisent à l’adoration.
Je voudrais d’abord expliquer le contexte de cette décision. Nous reviendrons ensuite sur la décision elle-même. Nous verrons également si elle est biblique et si elle est pertinente pour nous aujourd’hui.
3. Le contexte←⤒🔗
Après la Réforme qui a eu lieu en Europe dans les années 1500, les Églises réformées ont bien compris l’importance de la loi de Dieu, y compris le quatrième commandement. Elles ont compris que notre salut est dû à la grâce seule. Nous ne sommes sauvés que grâce à ce que le Christ a fait pour nous. Nous répondons alors à la grâce de Dieu par l’amour et la reconnaissance exprimés par une vie chrétienne. Nous répondons à l’Évangile en prenant au sérieux la loi de Dieu comme guide de notre vie. Le Saint-Esprit nous fait aimer la loi de Dieu et nous incite à la suivre.
Par exemple, le réformateur Heinrich Bullinger a prêché un sermon sur le quatrième commandement. Il a expliqué que le quatrième commandement s’applique toujours aux chrétiens d’aujourd’hui : Dieu nous ordonne de nous reposer et de l’adorer. Bullinger a expliqué que si l’on vaque à ses occupations quotidiennes le dimanche comme s’il s’agissait d’un jour normal, on pèche contre le quatrième commandement. Il a également déclaré que si l’on reste au lit toute la journée et si l’on refuse d’aller adorer Dieu, on pèche également contre le quatrième commandement1. Bullinger n’était pas le seul à le dire, c’était la manière habituelle dont les premières Églises réformées comprenaient le quatrième commandement.
Lorsque la Réforme est arrivée aux Pays-Bas, la région était contrôlée par les Espagnols. Bien entendu, cela signifiait que l’Église catholique romaine dominait la région sur le plan religieux. Cependant, la révolte hollandaise a fini par éclater. Conduits par des dirigeants comme Guillaume d’Orange, les Néerlandais se sont rebellés contre leurs souverains espagnols. Ils n’ont pas réussi à s’imposer dans la partie sud des Pays-Bas — ce que nous appelons aujourd’hui la Belgique. L’histoire a toutefois été différente dans le nord, la région que nous appelons aujourd’hui les Pays-Bas. Ce qui est important pour nous, c’est que la politique et la religion étaient liées. De nombreux dirigeants de la Révolte néerlandaise étaient réformés. Après la Révolte néerlandaise, de nombreux dirigeants politiques des Pays-Bas ont continué à être réformés.
Cela ne signifie pas pour autant que le Royaume des Pays-Bas était réformé. En 1587, les membres de l’Église réformée ne représentaient que 10 % de la population des Pays-Bas. En 1622, après le Synode de Dordrecht, ils étaient encore moins de 25 %. Comme vous pouvez l’imaginer, le fait d’être une minorité signifiait que les Églises réformées n’étaient pas toujours en mesure d’influencer la société comme elles le souhaitaient.
Il en va de même pour le respect du quatrième commandement. La plupart des Néerlandais n’en tenaient pas compte. Et les gouvernants ne faisaient rien ou presque pour y remédier. Avant le Synode de Dordrecht, le dimanche était un jour comme les autres dans la plupart des villes néerlandaises. En fait, certains prédicateurs réformés conservateurs ont commencé à l’appeler « jour du péché » (Zondendag) au lieu de « dimanche » (Zondag). Les Églises réformées étaient préoccupées par le fait que la société dans laquelle elles vivaient ne se souciait pas de la bonne loi de Dieu et que leurs dirigeants, même s’ils étaient réformés, ne faisaient aucun effort pour la changer.
Cela nous amène à 1619 et au Synode de Dordrecht. Le sujet du sabbat a été abordé assez tardivement au cours du Synode. Il a été mentionné le 1er mai 1619, lors de la 148e session. Les Canons de Dordrecht avaient déjà été adoptés. Le texte révisé de la Confession des Pays-Bas avait été adopté. Enfin, ce jour-là, le Catéchisme de Heidelberg a été discuté et tous les théologiens ont convenu qu’il était biblique. Ce qui est intéressant, c’est que les actes officiels du Synode de Dordrecht ne mentionnent pas qu’il ait été question du sabbat au cours de cette session. Notre information à ce sujet provient d’une correspondance envoyée par un membre de la délégation britannique au Synode.
Comme vous le savez, le Synode de Dordrecht avait un caractère international. Parmi les pays représentés, il y avait la Grande-Bretagne. L’un de ses délégués était Walter Balcanqual. Il envoyait des rapports à Sir Dudley Carlton, ambassadeur britannique aux Pays-Bas. Vers la fin du Synode, il envoya simplement les notes de son secrétaire à l’ambassadeur. Dans ces notes de la 148e session, nous lisons que les délégués britanniques avaient publiquement constaté que le sabbat était négligé dans la ville de Dordrecht. Ils s’en offusquèrent devant le Synode. Ils exhortèrent le Synode à demander aux magistrats civils d’interdire les affaires le jour du Seigneur ou le jour du sabbat. Rien dans ces notes ne nous permet de savoir s’il y a eu d’autres discussions à ce moment-là. Cela nous apprend cependant que les Actes officiels du Synode de Dordrecht ne rapportent pas absolument tout ce qui a été discuté. Il y a parfois des lacunes.
D’autres ont soulevé la question par la suite. Il n’y avait que 17 anciens au Synode de Dordrecht. Ce faible nombre s’explique en partie par le fait que tous les travaux du Synode se faisaient en latin et que la plupart des anciens ne parlaient pas cette langue. L’un des anciens délégués par le Classis Zélande était Josiah Vosberg. C’était un avocat, un homme instruit, et il parlait donc le latin. La Zélande était une province des Pays-Bas où la controverse sur le sabbat était la plus intense. Josiah Vosberg était du côté orthodoxe. Il proposa que le Synode se saisisse de la question et fasse une déclaration à ce sujet. À noter que, outre les Canons de Dordrecht, il s’agit de l’une des réalisations les plus importantes du Synode. Et la motion n’émanait pas d’un théologien ou d’un ministre éduqué, mais d’un ancien consacré à Dieu.
La participation des délégations internationales s’est terminée le 9 mai 1619. Tous les délégués internationaux sont retournés dans leur pays d’origine, mais le Synode a continué ses travaux. Sans les délégués étrangers, le Synode de Dordrecht s’est concentré sur plusieurs questions qui ne concernaient que les Églises réformées des Pays-Bas. L’un de ces sujets était le sabbat. Puisqu’il avait été soulevé comme question, le Synode décida de l’examiner comme il se doit.
La question soulevée par le Synode comportait deux aspects. Il y avait la question politique et la question théologique. La question politique a été abordée en premier. Lors de la 163e session, le 17 mai, le Synode décida de demander au gouvernement néerlandais d’adopter une nouvelle législation plus stricte concernant le sabbat. Le Synode n’a pas précisé ce qu’il entendait par « plus stricte ».
En ce qui concerne la question théologique, le Synode a décidé ce qui suit :
« Lorsque la formulation concernant la suppression du déshonneur du sabbat [a été discutée], une question a été soulevée concernant la nécessité d’observer le sabbat, qui commençait à soulever de l’agitation dans les Églises de Zélande : les professeurs ont été priés d’examiner cette question avec les frères de Zélande dans une conférence amicale, et de voir si certaines règles générales pouvaient être préparées et énoncées d’un commun accord, dans les limites desquelles les deux parties impliquées dans cette question pouvaient attendre jusqu’à ce que la question puisse être examinée plus en détail par le prochain Synode national. »
Nous pouvons noter que ces « règles générales » étaient censées être une réponse temporaire. Ils espéraient que la question puisst être réexaminée subséquemment lors d’un autre synode. Or, il s’est avéré qu’il n’y a pas eu de nouveau synode national aux Pays-Bas pendant de très nombreuses années.
Les professeurs Johannes Polyander, Franciscus Gomarus, Anthonius Thysius, Sibrandus Lubbertus et Antonius Walaeus furent désignés pour rencontrer les délégués zélandais. Ce qui est étonnant, c’est la rapidité avec laquelle ils ont travaillé. Le Synode s’est interrompu pour déjeuner. Lorsqu’il revint pour sa 164e session dans l’après-midi du même jour, un ensemble de règles avait été proposé. Nous ne savons pas combien de temps a duré la discussion cet après-midi-là au sein du Synode, mais nous en connaissons le résultat. Les règles pour l’observation du sabbat ou du jour du Seigneur ont été officiellement adoptées par les Églises réformées néerlandaises.
4. Un regard sur les règles adoptées au Synode←⤒🔗
Je voudrais maintenant examiner de plus près ce que le Synode de Dordrecht a décidé. Chacune des règles est courte, mais elle en dit long. Je vais passer en revue chacune d’entre elles, les expliquer et faire quelques commentaires.
1. Le quatrième commandement de la loi divine comporte un élément cérémoniel et un élément moral.
En théologie, on parle d’une triple division de la loi. Il s’agit d’une division ancienne, reconnue bien avant la Réforme. Dans la loi de Dieu, il y a des aspects cérémoniels, moraux et civils. La loi cérémonielle était destinée à Israël et annonçait d’avance le Christ. Elle comprenait des éléments tels que les sacrifices pour le péché. Après que le Christ eut accompli la loi cérémonielle, nous pouvons encore en tirer des enseignements, mais elle ne s’applique pas à nous comme elle s’appliquait à Israël. La loi civile est similaire : elle s’appliquait à Israël en tant que nation dans son propre contexte. Il existe des principes généraux qui sont toujours importants pour nous, mais les détails ne sont pas toujours normatifs pour nous. En revanche, la loi morale est toujours normative. La loi morale est résumée dans les dix commandements. Lorsque nous parlons du quatrième commandement, il y a des aspects cérémoniels, mais aussi des aspects moraux. Seuls les aspects moraux sont normatifs pour les chrétiens d’aujourd’hui.
2. L’élément cérémoniel est le repos du septième jour après la création, et la stricte observance de ce jour imposée en particulier au peuple juif.
Quel est donc l’aspect cérémoniel du quatrième commandement? Le Synode de Dordrecht a reconnu qu’il comportait deux parties. Le premier est le jour de la semaine où le sabbat a été fixé à l’origine. À l’origine, il s’agissait du septième jour, c’est-à-dire du samedi. Bien sûr, cela se reflète même dans le nom portugais de ce jour (sabado). Ce jour était le jour où Dieu s’est reposé de son travail de création, établissant ainsi un modèle. Le deuxième aspect cérémoniel est la « stricte observance » de ce jour dans l’Ancien Testament. Par exemple, Exode 35.3 ordonne aux Israélites de ne pas allumer de feu le jour du sabbat. Il s’agit là d’une « stricte observance ».
3. L’élément moral consiste dans le fait qu’un jour déterminé est mis à part pour l’adoration et le repos nécessaire à l’adoration et à la méditation sainte.
Ensuite, le Synode a identifié l’aspect moral permanent du quatrième commandement. Ici, trois choses doivent être mentionnées. Il y a le principe du « jour déterminé ». Un jour par semaine doit être mis à part, ou considéré comme saint. Deuxièmement, ce jour déterminé doit être réservé à l’adoration. C’est un jour d’adoration. Troisièmement, c’est aussi un jour de repos. Nous avons donc un jour déterminé pour le repos et l’adoration. Ce jour nous lie de manière permanente.
4. Le sabbat des juifs ayant été aboli, le jour du Seigneur doit être solennellement sanctifié par les chrétiens.
Cette partie de la décision traite du progrès de l’histoire de la rédemption. Le Synode a reconnu que le sabbat des juifs (c’est-à-dire le repos strict et l’adoration du septième jour) a été aboli. Le jour à honorer est désormais le premier jour de la semaine — c’est le « jour du Seigneur », comme l’appelle l’Écriture dans Apocalypse 1.10. C’est le jour où le Christ est ressuscité des morts. C’est le jour qui a tout changé, y compris le calendrier. Nous « sanctifions solennellement » ce jour en son honneur. La manière dont nous le faisons est mentionnée dans le sixième point.
5. Depuis le temps des apôtres, ce jour a toujours été observé par l’ancienne Église catholique.
L’histoire et la tradition sont importantes pour les croyants réformés. Bien qu’elles ne soient pas normatives pour nous, nous reconnaissons que, s’il existe une longue tradition de pensée sur une question théologique, nous ne devrions pas la rejeter sans y avoir bien réfléchi. Nous devons comprendre pourquoi les croyants dans l’histoire ont pensé comme ils l’ont fait. Nous devons comparer leur pensée avec ce que dit la Bible. En ce qui concerne le quatrième commandement, le Synode de Dordrecht a souligné que, depuis l’époque des apôtres, l’Église a observé le dimanche comme le jour du Seigneur. Il existe une longue tradition selon laquelle le quatrième commandement s’applique toujours à nous aujourd’hui, mais il s’applique désormais au premier jour de la semaine et non plus au septième.
6. Ce jour doit être consacré à l’adoration de telle sorte que, ce jour-là, nous nous reposons de toutes les œuvres serviles, à l’exception de celles que la charité et les nécessités présentes exigent, ainsi que de toutes les récréations qui nuisent à l’adoration.
La dernière partie de la décision du Synode traite de la manière de mettre à part le jour du Seigneur. L’accent doit être mis sur l’adoration. Cela fait écho à l’approche de la première partie de la question 103 du Catéchisme de Heidelberg. Le Catéchisme l’appelait « le jour du repos » (en allemand : « le jour festif du repos »). Mais à part cela, le Catéchisme ne disait rien de plus sur le repos physique. Le Synode l’a fait. Pour que toute la journée (et pas seulement les services religieux) soit centrée sur Dieu, nous devons nous reposer « de toute œuvre servile ». Que sont les « œuvres serviles »? Il s’agit d’un terme qui a une histoire ancienne dans l’Église chrétienne. Il a été utilisé dans la traduction latine de la Vulgate de Lévitique 23.7. À l’origine, il désignait les travaux physiques effectués par les serviteurs. Dans l’histoire, si vous aviez des serviteurs, le travail servile signifiait souvent toute sorte de travail. On demandait à ses serviteurs de faire à peu près tout. Une version anglaise (ESV) de Lévitique 23.7 traduit l’expression hébraïque par « travail ordinaire », et je pense que cela rend bien compte de ce que sont réellement les « travaux serviles ». Il s’agit d’un travail ordinaire. C’est le travail que nous pouvons être appelés à faire à n’importe quel autre moment. Traditionnellement, il s’agit d’un travail physique, mais à notre époque, cela va naturellement s’étendre à tous les types de travail.
Il y a toutefois deux exceptions. Il y a d’abord les œuvres de charité. Si vous devez travailler pour aider quelqu’un le dimanche, vous n’enfreignez pas le quatrième commandement — en fait, vous devriez le faire! C’est ce qu’a enseigné notre Seigneur Jésus dans Matthieu 12.9-13. Il a dit qu’« il est permis de faire du bien le jour du sabbat ». Il y a aussi les œuvres de nécessité. Nous avons besoin de pasteurs pour prêcher, de policiers pour faire respecter la loi, d’infirmières et de médecins pour soigner les malades. Ils doivent faire ce travail également le jour du Seigneur. Ce n’est pas un péché. Enfin, nous pouvons noter que le Synode a déclaré que toutes les activités récréatives qui interfèrent avec l’adoration sont également exclues. Par exemple, vous pouvez vous promener le dimanche, mais vous ne pouvez pas vous promener lorsque Dieu vous appelle à être au culte en Église.
Permettez-moi de faire deux observations plus générales sur ces règles. Premièrement, le Synode de Dordrecht n’est pas entré dans les détails exhaustifs de tous les aspects de l’interprétation du quatrième commandement. Il y a encore de la place pour de petites divergences d’opinions. Par exemple, nous savons que deux des professeurs impliqués dans la rédaction de ces règles avaient des points de vue différents sur l’origine de l’observation du sabbat. Thysius n’était pas sûr de son origine, tandis que Gomarus insistait sur le fait qu’il ne provenait pas de la création et du paradis, mais de l’époque d’Israël dans le désert2. Ces règles sont concises, mais pas trop précises.
Cependant, deuxièmement, elles sont précises là où elles doivent l’être et là où nous devons l’être. Elles distinguent et identifient précisément les aspects cérémoniels et moraux du quatrième commandement. Elles identifient le jour du Seigneur comme un jour à mettre à part pour le repos et l’adoration. Ces règles parlent clairement de travaux exceptionnels : des travaux de charité et de nécessité. Ce sont des règles sages et bibliques pour l’Église du Christ.
5. Pertinence pour aujourd’hui←⤒🔗
Les Églises réformées sont-elles aujourd’hui liées à cette décision doctrinale du Synode de Dordrecht? Les Églises réformées s’en tiennent aux Canons de Dordrecht. Elles s’en tiennent aux décisions du Synode de Dordrecht qui ont été prises à l’encontre des arminiens ou des remonstrants. Toutefois, cela ne signifie pas qu’elles adhèrent à toutes les autres décisions prises par Dordrecht.
Revenons un instant à l’Église chrétienne réformée d’Amérique du Nord. En 1881, un synode de l’Église chrétienne réformée a décidé d’adopter la décision de Dordrecht sur le sabbat. À partir de ce moment, la décision de Dordrecht leur appartient officiellement. Ils considèrent cette décision comme une interprétation officielle de la question 103 du Catéchisme de Heidelberg. Non seulement tous les responsables, mais aussi tous les membres étaient liés à cette décision. À ma connaissance, aucune autre Église n’a agi de la sorte. Puisque la CRCNA a fait cela, lorsque le pasteur Henry Wierenga a commencé à enseigner faussement le quatrième commandement, elle a pu très facilement le suspendre et le destituer.
Aujourd’hui, en tant qu’Églises réformées, nous pourrions adopter la décision de Dordrecht si nous le voulions. Si le besoin ou le désir s’en faisait sentir, une Église pourrait proposer de la reprendre et de se l’approprier. Mais nous pourrions aussi simplement la recevoir comme faisant partie de notre histoire et de notre tradition. Nous pouvons et nous devons la lire, l’étudier et en tirer des enseignements. Les pasteurs peuvent l’utiliser comme guide pour leur enseignement et leur prédication — c’est certainement ce que j’ai fait dans mon ministère. Comme je l’ai mentionné, il s’agit d’une bonne et solide déclaration de la pensée réformée sur le quatrième commandement.
Il y a encore une chose que je voudrais dire sur la pertinence de cette décision. En Amérique du Nord notamment, on entend parfois parler de deux conceptions différentes du sabbat. On dit qu’il y a la vision puritaine du sabbat, qui est très stricte, et la vision continentale du sabbat, qui est plus souple. Daniel Hyde a fait une bonne étude sur ce sujet et a comparé la décision du Synode de Dordrecht avec la pensée de certains puritains sur le quatrième commandement. Il a conclu que « Dordrecht peut être considéré comme une position modérément puritaine sur le sabbat3 ». Je suis d’accord. D’un point de vue historique, ce que l’on appelle le « point de vue continental » est beaucoup plus strict que ne le pensent de nombreuses personnes modernes. Et je dirais qu’elle est biblique.
6. Conclusion←⤒🔗
J’ai grandi au Canada. Je me souviens d’une époque où tous les magasins étaient fermés le dimanche. Il existait une loi appelée « Loi sur l’observance du dimanche ». Elle reflétait l’héritage chrétien du Canada. Lorsque les incroyants ont commencé à faire pression sur le gouvernement pour qu’il supprime la Loi sur l’observance du dimanche, de nombreuses Églises et de nombreux chrétiens ont protesté. J’ai même chez moi un article écrit par Billy Graham qui défend la sainteté du dimanche, en le gardant comme jour de repos et d’adoration. En 1985, la Cour suprême du Canada a annulé la Loi sur l’observance du dimanche. Elle a déclaré qu’elle était inconstitutionnelle, qu’elle portait atteinte à la liberté de religion. Une chose étrange s’est produite par la suite. De nombreux chrétiens ont commencé à faire leurs courses le dimanche, à travailler le dimanche et à assister à des événements sportifs professionnels le dimanche. Très vite, de nombreuses Églises chrétiennes ont enseigné que le quatrième commandement ne s’appliquait qu’aux Juifs. Voyez-vous ce qui s’est passé? De nombreuses Églises ont changé. Pourquoi? Parce qu’elles avaient une meilleure connaissance de la Bible? Non, parce que ces Églises sont devenues semblables à la culture. Elles ont alors modifié leur explication de la Bible pour l’adapter à leur culture. Lorsque cela se produit, une Église perd son sel et sa lumière.
Cela a un impact sur la prédication de l’Évangile. Le philosophe français Voltaire a dit un jour que si l’on voulait détruire le christianisme, il fallait détruire le sabbat. Les Français ont essayé de le faire à l’époque de la Révolution française, mais ils ont échoué. Quelle ironie que les chrétiens eux-mêmes essaient de détruire quelque chose qui conduira à la destruction même de notre foi! Si le dimanche n’est plus sanctifié comme jour de repos et d’adoration, les Églises où l’Évangile du salut est proclamé seront constamment vides. Les gens trouveront toujours quelque chose de mieux à faire que d’aller régulièrement au culte en Église.
Frères et sœurs, Dieu nous a donné dix commandements, pas neuf. Le Synode de Dordrecht nous a rappelé que le quatrième commandement demeure la volonté de Dieu pour notre vie en tant que peuple de Dieu. Écoutons la loi de Dieu : elle est bonne pour nous, elle est bonne pour la société, elle est bonne pour l’Évangile et elle sert à la gloire de Dieu.
1. Bullinger, Decades (vol. 1), 262.
2. Voir Leiden Synopsis, vol. 1, 521.
3. Daniel Hyde, « Regulae de Observatione Sabbathi : The Synod of Dordrecht's Deliverance on the Sabbath » [Règles pour l’observance du sabbat : La décision du Synode de Dordrecht sur le jour du sabbat], Puritan Reformed Journal, vol. 4, no 1, 2012, p. 180.