1 Jean 2 - La victoire, déjà
1 Jean 2 - La victoire, déjà
« Je vous écris, petits enfants, parce que vos péchés vous sont pardonnés à cause de son nom. Je vous écris, pères, parce que vous avez connu celui qui est dès le commencement. Je vous écris, jeunes gens, parce que vous avez vaincu le Malin. Je vous ai écrit, jeunes enfants, parce que vous avez connu le Père. Je vous ai écrit, pères, parce que vous avez connu celui qui est dès le commencement. Je vous ai écrit, jeunes gens, parce que vous êtes forts, que la parole de Dieu demeure en vous et que vous avez vaincu le Malin. »
1 Jean 2.12-14
Une répétition en quelques lignes seulement, dans ce bref passage, a de quoi nous étonner. L’apôtre commence par « Je vous écris », et deux lignes plus loin, des mots identiques reviennent, cette fois-ci au passé : « Je vous ai écrit ». Il revient à la charge non par manque d’originalité, mais parce qu’il tient à appuyer et à insister, parce qu’il veut rappeler l’essentiel de ce qu’il leur communique à travers son billet.
En lisant d’une part cette lettre, d’autre part l’actualité journalistique traitant des affaires religieuses, j’aurai de quoi être perplexe, m’interroger au moins avec quelque raison : Qu’est-ce que de tels propos pourraient signifier pour nos contemporains; pour eux qui n’ont jamais lu la Bible, ou même qui n’en ont jamais vu un seul exemplaire! Je ne doute pas que la plupart d’entre eux ne se posent aucune question au sujet de la foi chrétienne; si la foi existe, cela est le dernier de leurs soucis. Aux yeux de ceux qui font et défont l’actualité religieuse et aux oreilles des milliers de modernes sécularisés, post-modernes, des propos tels ceux que je viens de lire ne risqueront pas de produire un quelconque « impact ».
Permettez-moi cependant la remarque suivante : bien que le sort des modernes sécularisés ou des indifférents religieux me préoccupe grandement, je m’adresse d’abord à des chrétiens. Je soupçonne que nombre d’entre eux, qui tant bien que mal vivent leur foi dans la société contemporaine, aient, eux aussi, quelques doutes sur l’à-propos des paroles de notre vieille Bible. N’y a-t-il rien de plus frappant, de plus prenant qui accroche et attire les jeunes, par exemple? Eh bien, au risque de vous décevoir, je soulignerai combien l’essentiel de notre foi consiste précisément en cet essentiel sur lequel il y a deux mille ans saint Jean insistait avec cette lourde répétition que nous avons remarquée. Telle est notre foi chrétienne. Ne vous mettez pas à la recherche de merveilleux et de miraculeux autre que ces simples propos de l’apôtre : « Vous avez connu celui qui est dès le commencement… » (1 Jn 2.13), un point c’est tout!
Et puis, avec la même force : « Vous avez vaincu le Malin » (1 Jn 2.13), et là c’est un autre point; et c’est tout aussi. Telle sera au cours de vingt siècles d’histoire chrétienne l’unique actualité qui vaudra la peine d’être réactualisée à chaque génération et répétée même avec une certaine lourdeur, afin que nul ne se sente exempté de cette connaissance salutaire et que nul ne soit privé de cette victoire et de la jubilation qu’elle engendre. L’apôtre Jean poursuit l’inventaire de nos biens, de nos biens religieux et spirituels. Par moments, il se montre averti des dangers qui menacent ses lecteurs, comme tout chrétien qui après eux lira ces mêmes lignes. Il connaît leurs points faibles et il sait quelles sont leurs imperfections.
Certes, les fidèles à qui il s’adresse ont des qualités aussi; on n’est pas messager de Dieu pour dénigrer systématiquement ses ouailles, et marteau en main pilonner sans merci celui qui n’a pas encore atteint la perfection. Il n’est pas un moraliste qui taillerait un costume à sa mesure et le forcerait comme habits sur le voisin. Au contraire, il les interpelle pour leur dire qu’ils ne partent pas de rien. Ils n’ont qu’à tenir ferme ce qu’ils possèdent déjà. S’ils songent à ce qui est acquis, le but ne leur paraîtra pas dépasser leurs forces. « Je vous écris […] parce que vos péchés vous sont pardonnés » (1 Jn 2.12). C’est un mot d’ordre riche de conséquences tant pour le travail des pasteurs parmi le troupeau que pour l’action des chrétiens au sein du monde.
À tous il est donc dit : « Vos péchés vous sont pardonnés à cause de son nom » (1 Jn 2.12). Et puis à la reprise : « Vous avez connu le Père » (1 Jn 2.14). Cette phrase me rappelle ce que saint Pierre, le jour de la Pentecôte, disait à son auditoire : « Repentez-vous et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés; et vous recevrez le don du Saint-Esprit » (Ac 2.38). À une autre occasion, le même apôtre déclarait : « Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon des péchés » (Ac 10.43).
Le nom de Jésus, le pardon des péchés, le baptême sont des termes indissolublement liés. Le baptême nous met au bénéfice de l’œuvre accomplie par le Christ-Jésus. Il signale et il signifie le pardon des fautes. Voilà ce qui est d’une actualité que rien d’autre ne devrait surpasser. Observez les faits autour de vous. Dans notre pays, sur 55 millions d’habitants et 40 millions de baptisés, seulement 5 millions fréquenteraient, paraît-il, avec plus ou moins de régularité, la messe catholique ou le culte protestant.
Être baptisé, se réclamer de telle grande confession chrétienne, affirmer même avec un semblant de conviction qu’on ne change pas de religion, relève de pacotilles religieuses et signale un baptême dévalué comme une monnaie d’inflation… Dans certains pays modernes, il est fort aisé de devenir des millionnaires! Une liasse de papiers dans la poche, des billets de 1 à 5 millions, et vous voilà théoriquement possesseurs de milliards. Mais si ce billet n’a pas une valeur réelle sur laquelle s’appuyer, vous savez que plus vous êtes possesseurs de millions, plus vous êtes démuni. La réalité religieuse, celle notamment relative au baptême, n’est pas différente. Si votre baptême d’enfant ou d’adulte, peu importe, ne représente pas la rémission des péchés et la connaissance de Jésus-Christ, alors il ne vaut pas plus que la monnaie de singe.
Laissons aux journalistes et autres statisticiens professionnels se livrer à des calculs arithmétiques et à pratiquer une sociologie mathématique de la religion! Ils n’auront rien compris ni à saint Jean ni au reste de l’Évangile! On peut les tromper; mais, de grâce, qu’on ne mente pas à Dieu qui, au nom de Jésus-Christ, nous offre la rémission des péchés, qui assure que son pardon accordé est réel, et il en offre même un signe visible et matériel, l’eau du baptême, déclarant que cela est d’une importance vitale pour votre sort ici-bas et votre destinée après la mort.
Vos parents, peut-être seulement votre mère, quelque peu « religieuse », ou votre grand-mère avec des idées superstitieuses, vous ont baptisé peut-être en cachette. À moins que, ainsi que la chose se pratique dans certains milieux, ce ne fût l’infirmière de service, voire le médecin, même non-pratiquant qui, à peine le nouveau-né ayant vu le jour, l’ait baptisé, pour ne pas manquer à la routine. On s’imagine, de manière superstitieuse, mettre ainsi l’enfant à l’abri et le sauver si un malheur lui arrivait! Sans aucune notion de Dieu ni de connaissance de Jésus-Christ; sans la moindre assurance du pardon divin, mais en le baptisant en catimini, de manière automatique, avec autant de désinvolture que si on lui changeait les langes! Où, en tout cela, se trouve la connaissance de Jésus-Christ? Que fait-on de la certitude que les péchés sont pardonnés en son nom?
Ne vous étonnez donc pas, mes amis, si votre hebdomadaire et ses experts en matière religieuse vous informent que le christianisme est sur le point de disparaître, que Dieu le Père, s’il n’est pas mort, il a cessé d’intéresser le grand public; comparé à lui, le père Noël remporte, une fois l’an au moins, un succès éclatant. Si seulement Dieu pouvait imiter ce personnage de l’univers merveilleux, quoique chimérique, des enfants!
Il est intéressant de noter qu’après avoir parlé des œuvres de la foi dans les quelques lignes précédentes, l’apôtre attire ici l’attention à la grâce du Christ, ce qui montre que les œuvres n’ont pas de centralité dans le salut. Vos péchés vous sont pardonnés. Sans la rémission des péchés, il n’y aurait qu’une vaine apparence de religion. Si nous la laissions de côté ou en arrière, pour insister sur les autres parties de la vie religieuse, nous bâtirions sans fondement. Et c’est une méchante calomnie que d’accuser le chrétien évangélique d’insister uniquement sur la grâce qui, prétend-on, le conduirait à l’indolence. Pourtant, l’effet de la grâce c’est de nous conduire à la reconnaissance et, par là, au lieu de refroidir notre zèle, il nous stimulera pour honorer Dieu. La cause matérielle de la grâce c’est le Christ et sa croix; ne cherchons donc pas d’autres moyens pour nous réconcilier avec Dieu. Le Christ a payé la rançon. Rien d’autre qu’elle ne nous rachètera, et non une infinité de satisfactions et d’expiations humaines. Oublions donc et laissons de côté tous les autres noms pour nous accrocher au seul nom du Christ.
Au baptême, le baptisé devait, s’il était adulte, réciter l’oraison dominicale, le « Notre Père ». Il connaissait ou reconnaissait la paternité divine. Par le baptême, le pécheur entre dans une relation toute nouvelle avec Dieu. « Connaître celui qui est dès le commencement », c’est savoir qu’en Christ, une vie nouvelle commence, une vie inaltérable, indestructible, que rien, même pas la mort, n’est capable de compromettre.
La jeunesse ne pense pas à la mort. L’avenir est devant elle, elle lutte pour réaliser ses aspirations. Mais les années s’écoulent, s’accumulent et l’existence de l’homme, une fois le sommet passé, redescend lentement, régulièrement, vers l’instant du trépas sans qu’il soit possible de la retenir. Au fur et à mesure que l’homme avance dans la vie, le trajet qu’il avait devant lui diminue, les forces déclinent, l’horizon se rétrécit, pour ne devenir que ce point sans cesse grandissant auquel on ne peut échapper : la mort.
Mais non! Celui auquel vous êtes profondément unis est le grand Novateur, le puissant Recréateur, qui ouvre la voie sur l’éternité. Parce que votre vie est arrachée à la menace de la disparition, vous pouvez, forts de cette certitude, aller de l’avant. Nul ne peut vous ravir la vie nouvelle que le Christ a conquise pour vous de haute lutte. À la fin de la vie, vous êtes des hommes du commencement. Il vaut la peine de tenir ferme ce que vous avez afin de ne pas vous priver de la couronne de vie.
Vous êtes aux prises avec le Malin, vous vous battez bravement; prenez garde, vous conseille-t-on; le combat n’est pas décidé. Au lieu de cela, l’apôtre écrit : Le triomphe est déjà obtenu; vous êtes partis vainqueurs et il ne fait aucun doute que vous le resterez. « Vous êtes forts, et la Parole de Dieu demeure en vous » (1 Jn 2.14). Dieu donne la force de suivre le chemin indiqué et cette progression est un succès. Cette force ne vient jamais de nous-mêmes. Elle n’est pas une ressource de notre cœur. Elle fait irruption du dehors. La source en est Dieu, celui du commencement et de la fin. La parole est en nous. Mais elle entre en nous par le témoignage écrit de ceux qui ont vu le Christ et qui ont vécu avec lui. Ce langage écrit n’est pas lettre morte, mais parole vivante dès que l’Esprit s’en empare pour le faire vivre en nous.