1 Jean 4 - Que disent-ils du Christ?
1 Jean 4 - Que disent-ils du Christ?
« Bien aimés, ne vous fiez pas à tout esprit; mais éprouvez les esprits, pour savoir s’ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde. Connaissez à ceci l’Esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n’est pas de Dieu, c’est celui de l’Antichrist, dont vous avez appris qu’il vient, et qui maintenant est déjà dans le monde. Vous, petits enfants, vous êtes de Dieu, et vous avez vaincu les faux prophètes, car celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde. Eux, ils sont du monde; c’est pourquoi leurs paroles viennent du monde, et le monde les écoute. Nous, nous sommes de Dieu; celui qui connaît Dieu nous écoute; celui qui n’est pas de Dieu ne nous écoute pas : c’est par là que nous connaissons l’Esprit de la vérité et l’esprit de l’erreur. »
1 Jean 4.1-6
Qui sont-ils et qui sommes-nous? Il y a donc d’une part leur camp et en face d’eux le nôtre, le camp chrétien. Celui-ci est bien défini pour s’opposer à l’autre. Telle est la radicale division, la seule et la vraie division permanente et durable, laquelle, depuis l’aube de l’humanité, a divisé, divise et divisera jusqu’à la fin, jusqu’au dernier instant de l’histoire, les hommes en deux camps irréductibles.
Ce que nous disons au sujet du Christ nous situe soit dans la vérité, soit nous égare tragiquement dans l’erreur. Ou bien les discours prononcés sur lui le nient, ou bien déclarent l’incontournable vérité sur sa personne. Or, si nous choisissons de nous situer dans le camp adversaire, nous ne nions pas seulement Jésus, mais nous prenons encore définitivement position pour la mort. Tel est le verdict de saint Jean, et nous ferions bien, chrétiens de notre époque, de prêter une attention particulière à cet avertissement, à cette division tranchante, si nous ne voulons pas nous tromper ni sur la personne du Christ ni nous précipiter dans la ruine.
Répondons pour commencer à une question généralement posée : Si la division est tellement grave, le camp chrétien ne pèche-t-il pas par délit d’intolérance? L’Église ne devrait-elle pas devenir le lieu où toutes les opinions se rencontrent et toutes les convictions ou idées religieuses s’affrontent sans être nécessairement exclues? La société contemporaine, comme les précédentes, n’a-t-elle pas assez souffert des totalitarismes idéologiques et des terrorismes intellectuels pour que l’Église refuse le pluralisme et exclue sans ménagement les dissidents? On ne manquera pas de citer l’exemple d’une Église qui, depuis les débuts du Moyen Âge, n’a cessé de chasser l’hérétique et de brûler le dissident. Alors, à l’ère où règnent O.N.U. et U.N.E.S.C.O., ligues des droits de l’homme et organisations antiracistes, faut-il que l’Église chrétienne persiste encore à régir les consciences avec des méthodes liberticides?
Levons ici une équivoque. Une discipline ecclésiastique qui veille sur la pensée et la foi de ses membres n’a pas nécessairement à perpétuer les pratiques inquisitoriales de jadis ni le fait que les docteurs et les bergers doivent veiller sur la pureté de la foi ne leur donne le droit d’imiter les inquisiteurs ni de rallumer les bûchers! Pasteur durant plusieurs années dans l’Ariège, au pied de Montségur, c’était toujours avec le cœur serré que je gravissais les pentes du tristement célèbre sommet pour visiter les ruines de la forteresse cathare. Fallait-il, pour défendre la foi orthodoxe, brûler les albigeois retranchés à Montségur? Comment ne pas se rappeler aussi la sinistre parole attribuée à cet ecclésiastique du midi de la France qui, à la question de Simon de Montfort demandant son avis sur ce qui convenait de faire lors de la prise de la ville qu’il assiégeait (hérétiques et chrétiens s’y trouvant ensemble) aurait répondu : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens »!
Je n’ai pas le moindre doute qu’une hérésie comme celle des albigeois et des cathares aux 12e et 13e siècles présentait un très grave danger pour la survie même de l’Église. Il fallait la combattre. Mais le souci de pureté doctrinale n’aurait jamais dû se manifester à travers les flammes des bûchers…
Saint Jean nous surprend par le ton extrêmement sévère dont il parle des faux prophètes, ceux qui propagent de fausses idées sur la personne du Christ-Jésus. L’amour de Dieu n’est pas un amour indiscriminé, nous l’avons déjà vu. Il faut éprouver les esprits : savoir ceux qui sont de Dieu et ceux qui appartiennent au camp de l’Antichrist. Il existe l’esprit de vérité et l’esprit de mensonge. Bien malin celui qui trouverait une voie médiane et tenterait un compromis… Dieu, écrit plus haut l’auteur de la lettre, n’est pas seulement amour; il est aussi lumière et vérité. En offrant sa révélation, il transmet la vérité, rien que la vérité, cette vérité nécessaire et suffisante, claire et salutaire, définitive et autorisée pour notre salut. Qu’on n’objecte pas que Dieu nous offre son Fils et non une vérité formulée en des propositions claires, car il nous communique aussi une doctrine. Nous ne saurions jamais qui est véritablement Jésus-Christ si nous ne recevions pas sur sa personne et sa mission une information correcte et autorisée. Certes, il est possible d’admettre l’existence historique de Jésus de Nazareth, le tenir pour un prophète, précurseur palestinien d’un œcuménisme religieux et politique…, voire lui vouer une certaine vénération.
Les amateurs de Jésus n’ont jamais manqué au cours des âges. Nonobstant, ils ne nous apprendront rien de bon et de vrai à son sujet, car ou bien nos idées se conformeront à la révélation relative à la personne historique du Christ et à sa mission rédemptrice, ou bien nous nous forgerons nos propres idées et produirons une caricature à la place du portrait authentique. La question fondamentale du christianisme se résume en cela. Toutes les divergences, la multiplicité des interprétations, les théories et les hypothèses, ainsi que les doctrines ecclésiastiques de la foi n’ont trait qu’avec ce point essentiel. Saint Jean affirme que la vérité à son sujet procure la vie, que l’erreur, elle, cause la mort. C’est donc une question de vie et de mort. Pas moins que cela.
Si au nom d’une tolérance qui dénie le droit à la vérité nous laissions le champ libre à toutes les opinions religieuses, je devrais même dire à toutes les divagations des esprits farfelus, et il y en a toujours eu légion, nous nous priverions de la substance même de la vie, du Pain descendu du ciel, de l’Eau vive qui, seule, peut désaltérer nos âmes. Nous nous condamnerions à disparaître par rapport à la spécificité chrétienne; nous ne posséderions rien de solide à quoi nous accrocher ici-bas dans notre fragilité et dans l’épreuve de nos multiples et irrémédiables misères.
Qui est-il, le Jésus d’Eugen Drewerman, ce prêtre théologien et psychanalyste catholique romain d’origine allemande? Je dois conclure, d’après ses ouvrages, qu’entre la naissance des dieux de l’antiquité et celle du Christ il n’existe pas de différence substantielle, et que nous en sommes réduits à choisir entre le symbolisme évangélique et les légendes et mythes gréco-païens. Pauvres chrétiens qui, disciples et martyrs, auraient sacrifié en grand nombre leur vie et leur bonheur terrestre pour ne conserver que le souvenir d’un personnage emblématique nourrissant leur foi par des symboles creux.
Qui est encore le Christ, pour cet auteur protestant qui disserte avec moult éloquence et érudition sur « Jésus le Méditerranéen, de la clique du roi Hérode, adepte d’une politique socio-religio-politique universaliste »… Depuis le Credo d’Athanase, la Confession de foi de Nicée-Constantinople et le Symbole des apôtres, chrétiens mes amis, nous nous serions tragiquement trompés depuis deux millénaires. Les docteurs en théologie, les experts en archéologie palestinienne, les spécialistes de l’exterprétation moderne et autres amateurs des alchimies modernes de la foi seraient-ils les bien-pensants modernes renvoyant aux orties les credo millénaires de la foi? Le pluralisme tant célébré ne serait-il bon que pour des moutons de Panurge modernes, et non pour les disciples et les martyrs du Christ?
Lucide et réaliste, saint Jean nous informe que des erreurs relatives au Christ agissent dans le monde et y répandent leur domination. Rien d’étonnant à leurs conquêtes. Ceux qui les propagent « sont du monde », c’est pourquoi ils parlent d’après le monde et le monde les écoute. Leur message est adapté aux goûts des esprits et aux désirs des cœurs non régénérés. La vérité ne peut pas plaire aux hommes, mais la fausse doctrine, qu’elle flatte leur amour-propre ou exprime leur angoisse, sera reçue comme une « vérité » qu’ils aimeront parce qu’elle sort d’eux-mêmes.
Vérité naturelle, elle sera acceptée tout naturellement. Dans cette course, les chrétiens ont apparemment un mauvais départ. L’avantage n’est pas de leur côté. Être du côté de Dieu serait-il un mauvais tremplin?
Mais saint Jean écrit que cela importe peu, car celui qui connaît Dieu nous écoute. Vous souvenez-vous de la parabole que le Christ racontait au sujet d’un semeur qui sortit ensemencer son champ? Certains grains tombèrent à côté du chemin, d’autres sur un terrain rocailleux, d’autres furent étouffés par les épines et d’autres encore servirent de nourriture aux oiseaux. Pourtant, il y eut des grains qui tombèrent sur le bon terrain et produisirent du fruit au centuple. De la même manière, l’Église fidèle est le petit troupeau auquel Dieu a remis le Royaume selon son bon plaisir.
La supériorité numérique des fidèles ne fait pas la vérité. Le Nouveau Testament ne se présente jamais comme la simple relation historique des faits constitutifs du christianisme, mais il donne toujours une interprétation théologique et spirituelle de ceux-ci, ce qui est le propre du témoignage chrétien. Cet homme, disent les évangélistes et tous les auteurs du Nouveau Testament, est le Fils de Dieu. Mais les falsificateurs disent : Dieu est présent dans le monde en cet homme. Or, ainsi que l’a dit quelqu’un, « tout le Nouveau Testament sent à plein nez la divinité du Christ venu en chair ».
« Et vous, qui dites-vous que je suis? » (Mt 16.15), demandait Jésus à son entourage. Ils l’avaient entendu dire avec autorité : « Je suis », une autorité qui revient seulement à Dieu. Jésus n’a pas laissé les siens dans le doute ou l’équivoque. C’est pourquoi Pierre put confesser : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16.16). Telle est aussi, à présent, la confession de Jean dans cette lettre, et telle sera jusqu’à la fin la confession de l’Église apostolique, une et universelle, qui s’accroche uniquement au témoignage des témoins de la première heure, qui ont confessé le Christ venu en chair comme leur Seigneur et leur Dieu.