2 Corinthiens 5 - Le chrétien face à la mort
2 Corinthiens 5 - Le chrétien face à la mort
« Nous savons, en effet, que si notre demeure terrestre, qui n’est qu’une tente, est détruite, nous avons dans les cieux un édifice qui est l’ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n’a pas été faite par la main des hommes. Aussi nous gémissons dans cette tente, désireux de revêtir notre domicile céleste par-dessus l’autre, si du moins nous sommes trouvés vêtus et non pas nus. Car tandis que nous sommes dans cette tente, nous gémissons, accablés, parce que nous voulons, non pas nous dévêtir, mais nous revêtir, afin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie. Et celui qui nous a formés pour cela, c’est Dieu, qui nous a donné les arrhes de l’Esprit. Nous sommes donc toujours pleins de courage et nous savons qu’en demeurant dans ce corps, nous demeurons loin du Seigneur, — car nous marchons par la foi et non par la vue, — nous sommes pleins de courage et nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur. C’est pour cela aussi que nous mettons notre point d’honneur à lui être agréables, soit que nous demeurions (dans ce corps), soit que nous le quittions. Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal du Christ, afin qu’il soit rendu à chacun d’après ce qu’il aura fait dans son corps, soit en bien, soit en mal. »
2 Corinthiens 5.1-10
Plus que dans ses autres épîtres, c’est dans sa deuxième lettre aux Corinthiens que l’apôtre Paul fait part de ses expériences tissées de labeurs et nourries de détresses pour nous donner un aperçu de sa carrière d’ambassadeur du Christ. Troubles à l’intérieur et conflits à l’extérieur, menaces, dangers, blessures et déceptions, voilà son lot quotidien.
Pourtant, malgré les vicissitudes d’une telle existence, l’homme chrétien qu’est Paul contrôle l’expression de ses détresses pour s’occuper surtout d’exhortation. Il ne se livre donc pas à une litanie de griefs, mais nous invite à communier à son espérance et à partager ses certitudes.
Je ne voudrais pas non plus m’arrêter sur l’aspect personnel de son ministère, mais vous inviter à saisir le secret d’une solide espérance chrétienne au milieu de tant de peines. Bien que l’homme extérieur se détruise, son être intérieur se renouvelle et l’affliction qui, à vue humaine, pourrait sembler sans mesure est bien légère en comparaison de la gloire qui l’attend. Il ne regarde pas, il ne s’attarde pas sur ce qui est visible, mais à ce qui est invisible, permanent et éternel. Tel Moïse dans l’antiquité, il attend la récompense du futur. Tel Abraham, son ancêtre, il séjourne dans une tente provisoire, avant de voir apparaître la cité de Dieu, celle qui est indestructible. Patient alors que l’homme extérieur se détruit, il n’appelle pas la mort, mais soupire à cause du fardeau de l’existence présente; il espère de tout son être que la mortalité sera engloutie par la vie. Non qu’il ne ressente pas d’aversion en face de la mort, car il aurait vivement souhaité rencontrer le Seigneur de son vivant.
Combien il est encourageant pour nous de savoir que le plus grand combattant chrétien, l’apôtre Paul, pourtant si familier avec la mort, répugne à l’idée de mourir! Il exprime un sentiment si profondément humain que nous le sentons tout proche de nous. Mais au lieu de s’attarder à ses propres sentiments, il contemple Dieu. La répugnance qu’il ressent à l’approche de la mort se retrouve reléguée au second plan. Seule la foi chrétienne peut surmonter les terreurs de la mort. Suivons de près l’argument de l’apôtre jusqu’au bout. Ce texte célèbre, un classique de la littérature biblique, nous apprend que la vie présente n’est pas entièrement satisfaisante pour le chrétien. Nous soupirons dans cette tente, affirme l’apôtre, nous campons en attendant d’être revêtus et d’être logés définitivement dans notre demeure permanente.
Une grande partie de l’expérience chrétienne se résume dans cette phrase de Paul : « Malheureux que je suis! Qui me délivrera de ce corps de mort? » (Rm 7.24). Ce corps mortel, corps d’humiliation, corps de mort, parce que corps de péché, attend son affranchissement. Cette idée pourrait apparemment contredire une attitude chrétienne fondamentale, celle de la reconnaissance et du contentement. Mais la vraie reconnaissance est motivée par la grâce du Christ, non par une attitude subjective ou par la philosophie stoïque. Si, ailleurs, l’apôtre Paul se dit satisfait de son sort, cette confession n’ôte rien à l’aveu légitime, justifié d’une profonde insatisfaction à l’égard de soi-même.
Serait-il possible d’examiner avec beaucoup de rigueur nos sentiments? Nous sommes souvent profondément insatisfaits de nous-mêmes. Serait-ce parce que nous sommes loin du Christ, ou bien parce que notre situation est contraire à nos préférences? Si nous traversons la peine, n’est-ce pas parce que Dieu, dans sa sagesse et dans sa patience, veut nous conduire à la repentance totale? Si l’apôtre Paul fait état de son insatisfaction, cela est dû au fait qu’il souhaiterait ardemment se trouver en compagnie du Christ. Il attend avec impatience de se réunir à lui lors de son retour sur terre.
C’est la raison pour laquelle il ne voudrait pas mourir, mais le rencontrer de son vivant. Cette page nous aide à mieux comprendre que pour le chrétien la mort n’est pas un phénomène naturel que l’on accepte dans la résignation ou avec héroïsme. Le chrétien devrait éprouver, plus que tout autre, une grande aversion pour elle. Mais éprouver de l’aversion et être glacé de terreur ne sont pas chose identique. Mais Jésus-Christ l’a vaincue et, à cause de lui, au-delà de la mort immédiate et délivrés de son angoisse, nous vivons dans le réconfort constant de l’union avec le Christ que la mort rendra possible. Le Christ a brisé l’aiguillon de la mort dissipant la terreur qu’elle inspire.
Certes, elle demeure la séparation douloureuse par excellence, d’autant plus qu’elle est en premier lieu la séparation de notre propre corps, l’organisme physique de notre personne duquel nous sommes dévêtus durant tout l’état intermédiaire, jusqu’à la résurrection finale.
L’état intermédiaire, ou le délai entre notre mort physique et la résurrection des corps, est un état encore imparfait, mais il n’est pas définitif. De toute manière, durant cette période, nous serons avec le Seigneur. Dans ce sens, notre salut est parfait et notre sanctification achevée, car il n’y a plus « d’avancement » possible après la mort. Si nous n’atteignons pas encore l’état de perfection et le bonheur éternel, il n’y aura pas, dans le séjour des morts, de progression ni de purification quelconque à travers la souffrance ou au moyen du feu. C’est une grave erreur que de laisser les hommes dans l’illusion d’une possible amélioration entre l’état intermédiaire et le ciel, où Dieu accordera la plénitude du bonheur et de la vie éternelle.
Louons plutôt Dieu de ce que nous nous savons sauvés par la foi au moment où nous fermons les yeux pour les rouvrir de l’autre côté du rivage. Aussi, malgré notre répugnance naturelle vis-à-vis de la mort, nous savons qu’il est préférable de mourir afin de connaître aussitôt le bonheur d’être réunis avec le Seigneur, et de prendre part à la gloire céleste. On peut désirer cet état intermédiaire tel le marin, qui, arraché aux tempêtes et à l’orage, cherche un havre sûr.
Quand la fin du voyage aura sonné, les amis et les visages familiers de nos bien-aimés nous accueilleront de l’autre côté. Le Père céleste ouvrira ses portes et la maison permanente nous abritera pour toujours. Nous connaîtrons alors ce qu’est le bonheur de vivre en la présence du Dieu Sauveur.
Quitter le corps terrestre peut être une expérience très douloureuse, même pour le chrétien. Cependant, elle semble être l’unique condition pour entrer dans une parfaite communion avec le Sauveur.
Est-ce donc étonnant que ces propos de l’apôtre aient adouci tant de douleurs, dissipé tant d’appréhensions et consolé les plus craintifs ou les plus découragés d’entre les fidèles? Ils vérifient l’assurance de ce qu’un jour de mise à mort inoubliable le compagnon d’infortune du Sauveur crucifié recevait de la bouche de ce dernier : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (Lc 23.43).
Cette promesse fonde la certitude inébranlable et joyeuse de tous ceux qui, ballottés à gauche et à droite, trouvent enfin non pas des théories sur l’au-delà, des tentatives d’explication métaphysiques ou un agnosticisme aussi malheureux que coupable, mais une personne vivante, Jésus-Christ, celui qui fixe un rendez-vous et qui ne manque jamais à sa Parole.
Lui qui, descendu dans la tombe et ressuscité des morts, a frayé un accès que personne ne peut plus fermer et reste le capitaine indomptable qui nous mène à bon port.
Écoutons encore saint Paul nous rappeler une autre leçon capitale. Dans cette attente, écrit-il, nous nous efforçons aussi de plaire au Seigneur. Voilà donc un homme qui traite du ciel, du paradis, des réalités à venir, et qui a les pieds solidement sur terre. Nous essayons de plaire à Dieu, alors même que nous gémissons sous la tente présente, car il nous faut comparaître devant le tribunal du Christ. Il ne suffit pas de contempler l’héritage glorieux promis et réservé à tout croyant; il y a encore des tâches à assumer, des œuvres à accomplir tant que la lumière éclairera la terre et conduira nos pas.
Plaire au Seigneur est le seul motif valable pour la vie et l’unique préparation appropriée pour envisager la mort.
Puisse l’Esprit nous sanctifier totalement, de sorte que, lorsque nous aurons abandonné notre séjour terrestre pour nous retrouver de l’autre côté, ce ne soit pas pour être remplis de désespoir, mais pour entrer dans la douce lumière du séjour préparé par le Sauveur dans la Cité céleste, dont l’Architecte, le Temple et la Lumière sera Dieu lui-même pour toute éternité.