Le canon de l'Ancien Testament
Le canon de l'Ancien Testament
Il n’est pas superflu de rappeler dans les grandes lignes les principes ayant présidé à la reconnaissance du canon de l’Ancien Testament, lequel fut la Bible aussi bien pour notre Seigneur que pour l’Église apostolique; elle tient une place importante dans l’enseignement du Christ et la vie de la foi des premières communautés.
L’Ancien Testament est ainsi appelé, car il couvre la première partie de l’histoire de la révélation de Dieu depuis les origines (la création) en passant par la vie des patriarches hébreux, du grand chef et législateur Moïse, toute la vie nationale du peuple d’Israël, le Royaume et l’Exil, allant jusqu’à la naissance de Jésus-Christ. Il est testament, car, plus qu’histoire, poésie ou prophétie, l’Ancien Testament est un document qui scelle l’alliance de grâce que Dieu traite avec la nation d’Israël. Une alliance dont la fermeté est constamment attestée du côté de Dieu, par tous les grands actes témoignant de sa détermination à mener à bien et à bout le dessein bienveillant qu’il avait conçu de toute éternité. Tous les faits rapportés se déroulent conformément à ce même dessein, qu’il s’agisse du déluge, de la destruction de la tour de Babel, de l’Exode des Juifs, de leur pérégrination dans le désert, de l’établissement de la royauté, de l’Exil babylonien, etc. Ce sont là des signes sûrs de l’intervention divine au cours de l’histoire ordinaire, nationale, religieuse, culturelle et politico-militaire d’Israël. Ce sont aussi des signes précurseurs de l’acte final du grand événement qui va clore l’histoire de l’humanité. Ainsi, promesse et accomplissement, attente future et réalisation font la trame de cette histoire de l’alliance de grâce, ou si l’on préfère de l’histoire de la rédemption.
Pour la petite histoire, mentionnons que, vers la fin du premier siècle de notre ère, dans la ville de Jamnia, un synode juif aurait fixé le canon de l’Ancien Testament qui consiste en la liste des 39 livres de notre canon biblique. Quelle que soit la véracité historique de ce fait, ce qui en ressort c’est que ce fut l’autorité inhérente de la Bible qui s’imposa à la synagogue juive contemporaine de Jésus, et on notera l’exclusion du canon alexandrin de la version des Septante. La synagogue juive ne soulevait aucune question quant à l’authenticité et l’autorité de ces 39 livres. Le seul problème que l’on puisse légitimement soulever est celui de leur datation. Nous savons toutefois avec certitude que le recueil de l’Ancien Testament fut composé durant environ un millénaire entier avant notre ère.
La découverte des manuscrits de la mer Morte suffit pour prouver que ces livres ont circulé comme littérature sainte, et très certainement un travail scientifique patient et rigoureux a permis leur conservation intacte jusqu’à l’époque de cette mystérieuse communauté des esséniens, lesquels, de crainte de perdre des écrits considérés à leurs yeux comme saints, le précieux dépôt de la foi de la révélation de l’Ancien Testament, cachèrent des parchemins dans des vases en terre cuite et les placèrent en lieu sûr dans des grottes des environs de la mer Morte. Ce fut par un heureux hasard qu’un bédouin à la recherche d’une chèvre fit rouler une pierre dans l’une de celles-ci et que la pierre alla heurter l’un de ces vases et le brisa, ce qui fit descendre le berger dans la grotte et lui fit découvrir l’une des trouvailles archéologiques les plus sensationnelles du 20e siècle, bientôt suivie par celle d’autres pots contenant d’autres manuscrits des livres de l’Ancien Testament.
Les 39 livres qui composent l’Ancien Testament ne sont évidemment pas la simple collection des livres hébreux existant à un moment donné, ou des livres admis à la lecture publique, mais bien la collection des livres reconnus comme autorité dans la synagogue, des livres canoniques.
La tradition la plus répandue attribue à Esdras et à la « grande synagogue » le rôle principal dans la formation du canon de l’Ancien Testament.
L’Ancien Testament parle à plusieurs reprises de collections de lois déposées dans le tabernacle (Dt 31.26; Jos 24.26; 2 R 22.8-11), mais rien ne nous permet d’affirmer qu’avant l’Exil ces ouvrages aient été réunis tous ensemble en un recueil officiel; ce n’est qu’après le retour de l’Exil qu’Esdras, le réformateur du peuple, personnalité éminente par sa piété et par ses connaissances, provoqua un grand réveil religieux qui se traduisit par un retour aux Écritures. Nul doute qu’Esdras a joué un rôle essentiel soit pour réunir en personne (comme la tradition le rapporte) tous les livres sacrés déjà en existence, soit pour attirer l’attention du peuple sur le recueil canonique et pour en recommander la lecture et la pratique.
Nos Bibles classent les livres de l’Ancien Testament en quatre grands groupes : le Pentateuque, les livres historiques, les livres poétiques, les livres prophétiques. La Bible hébraïque, elle, comprenait trois parties principales : la Loi (« Torah »), les Prophètes (« Nebiim »), les Écrits (« Ketoubim »). Les trois parties marquent les trois périodes de formation du canon de l’Ancien Testament.
1. La Loi⤒🔗
Les livres désignés par « la Loi » ne sont autres que ceux du Pentateuque. Les Juifs, en effet, donnaient le nom de Loi non pas seulement au Décalogue ou aux ordonnances proprement dite, mais à l’ensemble des cinq premiers livres de la Bible, dont l’idée centrale est celle de la loi, de l’alliance.
L’alliance de Dieu avec Abraham, renouvelée avec Isaac, avec Jacob, avec Moïse, tel est le thème de tout le Pentateuque. N’est-ce pas là ce que résume l’admirable prière des Lévites, après la lecture de la loi :
« C’est toi, Éternel Dieu, qui as choisi Abram, qui l’as fait sortir d’Our des Chaldéens et qui lui as donné le nom d’Abraham. […] Tu es descendu sur le mont Sinaï, tu leur as parlé du haut des cieux. […] Tu leur as prescrit par l’intermédiaire de Moïse, ton serviteur, des commandements, des prescriptions et une loi » (Né 9.7,13-14).
À la fête des Tabernacles de l’année 444, la loi tout entière est lue au peuple pendant sept jours, et le 24e jour du 7e mois, une alliance nouvelle est traitée avec l’Éternel sur la base de ce code. Dès ce moment, la loi est, non plus seulement de droit, mais aussi de fait, l’autorité absolue. Des hommes désignés à cet effet, les scribes ou docteurs de la loi, sont chargés de l’étudier, de la copier, de la traduire en langue vulgaire, pour ceux qui ne comprenaient plus l’ancienne langue des pères, et de la faire connaître au peuple par le moyen de la lecture publique et de l’enseignement dans les synagogues.
2. Les Prophètes←⤒🔗
Ce groupe se subdivisait en deux parties : les premiers prophètes, ou prophètes antérieurs (Josué, Juges, les livres de Samuel et des Rois); les derniers prophètes ou prophètes postérieurs (Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel et les douze petits prophètes).
À la lecture de la loi s’est ajoutée tout naturellement celle de l’histoire et de la prophétie. Cette Bible incomplète, mais déjà si riche et si glorieuse, les déportés l’emporteront avec eux à Babylone, dans laquelle ils puiseront leur consolation et leur espérance.
Après l’Exil, Esdras recueillit soigneusement tous les documents du passé auxquels vinrent par la suite se joindre les écrits d’Aggée, de Zacharie et de Malachie.
3. Les Écrits saints ou hagiographes←⤒🔗
Ce groupe se divise en trois parties : tout d’abord, les Psaumes, les Proverbes et Job; puis le Cantique des Cantiques, Ruth, Lamentations, Ecclésiaste et Esther, formant les cinq rouleaux appelés Meguilloth; enfin, Daniel, Esdras, Néhémie et Chroniques.
Ce fut sans doute Esdras qui réunit tous les Psaumes, ceux de David, ceux d’Asaph, ceux de l’Exil et d’après l’Exil, constituant cet admirable recueil tout vibrant de foi et de douleur.
Plus tard, les autres écrits, perpétuant le souvenir de la période de l’Exil, de l’humiliation du peuple et de sa foi en une restauration définitive furent recueillis comme autant de joyaux de grande valeur aux yeux du peuple.
4. Appendice : les apocryphes←⤒🔗
Malgré leur réelle valeur historique et une certaine valeur morale ou religieuse, les apocryphes ne peuvent être comparés aux écrits canoniques. Les Juifs ont compris que l’inspiration prophétique avait pris fin avec Malachie.
Presque tous les livres de l’Ancien Testament sont cités dans le Nouveau Testament et cités comme ayant une autorité indiscutable, souvent désignés sous ce terme : « l’Écriture » ou « ainsi qu’il est écrit ». En revanche, il est frappant de constater, que les auteurs du Nouveau Testament ne citent pas les apocryphes, qu’ils connaissaient pourtant fort bien, car extracanoniques, ils ne possédaient pas l’autorité normative en matière religieuse.
Flavius Josèphe, dans son fameux discours contre Appion (chap. 1), déclare :
« Depuis Artaxerxès jusqu’à nos jours, plusieurs livres ont été écrits, mais on n’a pas estimé qu’ils fussent dignes d’une confiance semblable à celle qu’on accordait aux livres qui les ont précédés, parce que la succession des prophètes a été interrompue. Telle est la preuve du respect que nous avons pour nos Écritures. Bien qu’un long intervalle nous sépare du temps où elles ont été closes, personne n’a osé y ajouter ou en ôter ou en transformer une syllabe; tous les Juifs, dès le jour de leur naissance, comme par un instinct, considèrent les Écritures comme l’enseignement même de Dieu, prêts à y rester fidèles et, s’il le faut, à donner joyeusement leur vie pour elles. »