Comment résoudre les conflits dans l'Église? (3) - Le pouvoir des clés du Royaume
Comment résoudre les conflits dans l'Église? (3) - Le pouvoir des clés du Royaume
Pour ce troisième article consacré à l’enseignement du Christ sur la résolution des conflits au sein de l’Église et la recherche du pardon en raison des offenses que l’on a provoquées, il n’est pas inutile de citer à nouveau le passage que l’on trouve au chapitre 18 de l’Évangile selon Matthieu. Je vous cite ce texte fondamental où le Seigneur Jésus indique les étapes à suivre pour obtenir la réconciliation entre croyants et, lorsqu’elle ne peut avoir lieu en raison de l’endurcissement du cœur d’un pécheur, comment l’Église doit faire face à cette situation de péché non résolue :
« Si ton frère s’est rendu coupable à ton égard, va le trouver, et convaincs-le de sa faute : mais que cela se passe en tête-à-tête. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, reviens le voir en prenant avec toi une ou deux autres personnes, pour que tout ce qui sera dit soit appuyé sur les déclarations de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église. S’il refuse aussi d’écouter l’Église, mets-le sur le même plan que les païens et les collecteurs d’impôts. Vraiment, je vous l’assure : tous ceux que vous exclurez sur la terre auront été exclus aux yeux de Dieu et tous ceux que vous accueillerez sur la terre auront été accueillis aux yeux de Dieu » (Mt 18.15-18).
Dans l’article précédent, nous avons vu que les dernières paroles de Jésus dans ce passage indiquent que le pouvoir des clés du Royaume a été confié à l’Église fidèle du Christ, c’est-à-dire seulement celle qui obéit à ses paroles. Écoutez à nouveau :
« Vraiment, je vous l’assure : tous ceux que vous exclurez sur la terre auront été exclus aux yeux de Dieu et tous ceux que vous accueillerez sur la terre auront été accueillis aux yeux de Dieu » (Mt 18.18).
Cette déclaration est à mettre en parallèle avec la parole de Jésus à son disciple Pierre après que celui-ci l’eut confessé comme le Christ, le Fils du Dieu vivant :
« Je te donnerai les clés du royaume des cieux : tous ceux que tu excluras sur la terre auront été exclus aux yeux de Dieu, et tous ceux que tu accueilleras sur la terre auront été accueillis aux yeux de Dieu » (Mt 16.19).
Notez bien que ce n’est que sur la base de la confession correcte de Pierre sur la personne de Jésus que cette promesse est donnée, et pas sur sa personne en tant que telle. Jésus a en effet commencé par lui dire : « Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce n’est pas de toi-même que tu as trouvé cela. C’est mon Père céleste qui te l’a révélé » (Mt 16.17). En effet lorsque juste un peu après Pierre tente de dissuader Jésus d’aller à Jérusalem pour y accomplir sa mission — qui passera par sa souffrance et sa crucifixion —, Jésus assimile ses paroles à celles de Satan : « Arrière de moi Satan! Éloigne-toi de moi! Tu es un obstacle à ma mission, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu; ce sont des pensées toutes humaines » (Mt 16.23). On pourrait en dire de même de l’attitude de Pierre que Paul a dénoncée en public comme étant hypocrite, lorsqu’il a eu honte d’apparaître en public avec des chrétiens d’origine non juive, par peur d’une certaine catégorie de croyants d’origine juive.
Dans le premier article consacré à notre thème, nous avons vu le rapport de cet incident tel que Paul le rapporte au chapitre 2 de sa lettre aux chrétiens galates. Là, Pierre ne pouvait aucunement prétendre à être cette pierre sur laquelle Jésus bâtirait son Église, car il était justement en train de nier l’essence même de ce qu’est l’Église universelle du Christ! Mais chaque fois que l’Église confesse Jésus-Christ comme le Christ, le Fils du Dieu vivant, et qu’elle cherche à obéir fidèlement à l’enseignement de celui qui est sa tête, alors oui, elle exerce le pouvoir des clés. Ce n’est pas tant qu’elle détient ce pouvoir, qui n’appartient qu’à Jésus-Christ lui-même, mais elle l’exerce avec autorité, car il le lui a confié. Lorsqu’elle s’éloigne de l’enseignement véritable du Christ, elle n’exerce plus le pouvoir des clés, mais son propre pouvoir tyrannique. C’est comme si Jésus lui criait alors au visage : « Arrière de moi Satan! Éloigne-toi de moi! Tu es un obstacle à ma mission, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu; ce sont des pensées toutes humaines. »
Que nous enseigne le Catéchisme de Heidelberg sur le pouvoir des clés et comment il doit être exercé en particulier lorsque des conflits ou des offenses surgissent au sein de l’Église? Le 31e dimanche du catéchisme pose la question suivante : « Comment s’exerce le pouvoir des clés? » Et répond de la manière suivante : « Par la prédication de l’Évangile et la discipline ecclésiastique. Ainsi le Royaume des cieux est ouvert aux croyants et fermé aux incrédules. »
Notons bien que selon le catéchisme il n’existe pas de pouvoir des clés que n’importe qui peut s’attribuer à lui-même sans que l’Évangile soit prêché avec fidélité et sans que l’Église soit constituée selon l’ordre du Christ. Toute fausse attribution de ce genre (avec les abus qu’elle ne manquera pas d’engendrer) n’est en fait qu’une infâme caricature de ce qu’est l’Église du Christ. Le plus souvent, c’est d’ailleurs pour assouvir un désir malsain de domination spirituelle, ou encore pour assouvir les besoins de son estomac à travers les dons de fidèles qu’on recherche. Mais le Catéchisme de Heidelberg poursuit dans sa lancée et pose ensuite deux questions (84 et 85) en reprenant les deux aspects mentionnés à la question et réponse 83 :
« Comment le Royaume des cieux est-il ouvert ou fermé par la prédication de l’Évangile? » Réponse : « Selon l’ordre du Christ, celle-ci annonce et atteste publiquement à tous les fidèles en général, et à chacun en particulier, que lorsqu’ils saisissent avec une vraie foi sa promesse, tous leurs péchés leur sont véritablement pardonnés par Dieu à cause des mérites du Christ; et au contraire, elle déclare aux incrédules et aux hypocrites que la colère de Dieu et la damnation éternelle demeurent sur eux aussi longtemps qu’ils ne se convertissent pas. C’est selon ce témoignage de l’Évangile que Dieu jugera les uns et les autres dans cette vie et dans celle qui est à venir. »
La question 85, elle, est formulée de la manière suivante :
« Comment le Royaume des cieux est-il ouvert et fermé par la discipline ecclésiale? » Réponse : « Selon l’ordre du Christ, ceux qui, se prétendant chrétiens, enseignent une doctrine ou mènent une vie non chrétienne reçoivent plusieurs avertissements fraternels. S’ils ne renoncent pas à leurs erreurs et à leurs vices, ils sont cités devant l’Église, ou devant ceux qui ont été établis pour cela par l’Église. Et s’ils méprisent aussi ces exhortations, ils sont exclus, par l’interdiction des sacrements, de la communauté chrétienne et, par Dieu lui-même, du Royaume du Christ. Mais ils sont reçus à nouveau comme membres du Christ et de l’Église s’ils promettent et manifestent un réel amendement. »
Comme vous l’avez constaté, cette section du Catéchisme de Heidelberg a très directement rapport avec le thème de notre série d’articles. Il s’agit de corriger les péchés qui sont soit de l’ordre d’une vie d’inconduite, soit de l’ordre de doctrines contraires à l’Évangile, propagées comme si elles étaient la vérité.
Quelque 60 ans après la rédaction du catéchisme par une équipe de théologiens réunis dans la ville de Heidelberg, en Allemagne, un grand Synode d’Églises néerlandaises se déroulait entre 1618 et 1619 dans la ville de Dordrecht, aux Pays-Bas. Entre autres textes très importants, il allait sortir de ce Synode un ordre ecclésiastique inspiré des écrits du réformateur français Jean Calvin, et prenant pour base confessionnelle le Catéchisme de Heidelberg, ainsi que certains autres textes issus de la Réforme. Cet ordre ecclésiastique sera ensuite adopté par un grand nombre d’Églises réformées de par le monde; il est d’ailleurs toujours aujourd’hui en vigueur au sein de bien d’entre elles. Comprenant dans sa version actuelle quelque 86 articles, il consacre une section très importante à la question de l’ordre à suivre par rapport à ce qu’énonce le Catéchisme de Heidelberg au dimanche 31 (que nous avons cité), le tout fondé sur la voie prescrite par Jésus-Christ en Matthieu 18. Je voudrais vous citer, pour terminer cet article, le début de cette section, à partir de l’article 71 :
Article 71 : « La discipline ecclésiastique est spirituelle; donc — en dehors des peines prononcées par l’autorité civile — la censure spirituelle est nécessaire pour préserver l’honneur de Dieu, pour réconcilier le pécheur avec l’Église et avec son prochain et pour ôter toute offense de l’Église du Christ. »
Article 72 : « Si donc quelqu’un pèche par rapport à la pureté de la doctrine ou à la piété de son comportement personnel, il faut s’en tenir à la règle clairement prescrite par le Christ en Matthieu 18, pour autant que cela reste caché et ne donne lieu à aucune offense en public. »
Article 73 : « Les péchés secrets dont le pécheur s’est repenti après avoir été repris par une personne en privé, ou bien en présence de deux ou trois témoins, ne doivent pas être rapportés au conseil de l’Église. »
Article 74 : « Si quelqu’un, après qu’il ait été repris par deux ou trois personnes avec amour à propos d’un péché caché, ne veut rien entendre ou s’il commet un péché connu publiquement, l’affaire doit être soumise à l’attention du conseil de l’Église. »
Je vous invite à consulter l'article suivant de cette série.