Comment résoudre les conflits dans l'Église? (8) - Que faire quand un frère persiste dans son péché?
Comment résoudre les conflits dans l'Église? (8) - Que faire quand un frère persiste dans son péché?
Dans cette série d’articles, nous avons parlé de la question des péchés privés ou publics dans l’Église de Jésus-Christ, des conflits entre membres et de la façon d’y remédier en accord avec ce qu’enseigne la Bible. Cela afin que le nom du Seigneur soit respecté, que l’unité du corps du Christ soit maintenue et que par cela même le monde croie en Jésus-Christ, l’envoyé du Père. La recherche de la réconciliation entre le pécheur et l’Église, ou entre des membres en conflit l’un avec l’autre, reste le maître mot. Une réconciliation qui du reste témoigne du cœur même de l’Évangile, car celui-ci nous annonce la réconciliation des hommes non seulement avec Dieu, dont ils étaient privés de la présence, mais aussi les uns avec les autres, au sein du corps du Christ qui nourrit chacun de ses membres. Il les unit non seulement avec lui-même, lui qui en est la Tête, le Chef unique, mais il les unit aussi les uns aux autres.
Dans la prière qu’il a prononcée pour ses disciples avant son arrestation, son procès et sa crucifixion, Jésus a prié ainsi pour ses disciples :
« Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour tous ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17.20-21).
Ces paroles du Christ soulignent qu’il n’adressait pas son message à ses disciples immédiats seulement, mais à tous les hommes de tous les temps et de toutes les nations. Elles insistent aussi sur le fait que vivre l’unité au sein du corps du Christ est un signe à la portée missionnaire essentielle : « afin que le monde croie que tu m’as envoyé », dit Jésus. Raison pour laquelle la recherche de cette unité dans la vérité est si importante. Malgré les erreurs et les divisions de toutes sortes dues au péché, l’objectif reste le même et doit être poursuivi au sein de l’Église, par l’exercice d’une discipline qui tend avant toute chose à maintenir l’unité et à apporter la réconciliation là où elle est nécessaire.
Mais que se passe-t-il lorsqu’un membre de l’Église persiste dans son péché sans chercher la réconciliation avec Dieu et ses frères et sœurs dans la foi, en dépit de toutes les admonitions prodiguées par les anciens de l’Église? C’est ce dont traite l’article 76 de l’ordre ecclésial.
Article 76 : « Ceux qui rejettent avec endurcissement les admonitions du conseil de l’Église et ceux qui ont commis en public un péché grossier doivent être exclus de la table du Seigneur, c’est-à-dire du sacrement de la Sainte Cène. »
Alors, pourquoi justement cette exclusion de la table du Seigneur? Parce qu’il s’agit de l’expression par excellence de l’unité du corps, réuni autour du corps et du sang du Chef de l’Église, Jésus-Christ. Celui qui détruit sciemment cette unité par ses actes ou par ses paroles n’y a pas sa place. Car celui ou celle qui désobéit à la loi du Christ résiste à son Esprit et ne vit pas en communion avec lui par la foi. Le Catéchisme de Heidelberg, au dimanche 31, question et réponse 85, formule ceci de la façon suivante :
« Comment le Royaume des cieux est-il ouvert et fermé par la discipline ecclésiale? Réponse : Selon l’ordre du Christ, ceux qui, se prétendant chrétiens, enseignent une doctrine ou mènent une vie non chrétienne reçoivent plusieurs avertissements fraternels. S’ils ne renoncent pas à leurs erreurs et à leurs vices, ils sont cités devant l’Église, ou devant ceux qui ont été établis pour cela par l’Église. Et s’ils méprisent aussi ces exhortations, ils sont exclus, par l’interdiction des sacrements, de la communauté chrétienne et, par Dieu lui-même, du Royaume du Christ. Mais ils sont reçus à nouveau comme membres du Christ et de l’Église s’ils promettent et manifestent un réel amendement. »
Où trouvons-nous l’expression de cette privation du sacrement de la communion, donc de l’excommunication, dans le Nouveau Testament? Naturellement dans les paroles mêmes de Jésus en Matthieu 18, que j’ai abondamment citées dans les articles précédents sur le même thème et que je vous cite à nouveau afin que vous saisissiez bien le lien entre l’Évangile, d’une part, et ce qu’enseigne le Catéchisme de Heidelberg ainsi que l’ordre ecclésial :
« Si ton frère s’est rendu coupable à ton égard, va le trouver, et convaincs-le de sa faute : mais que cela se passe en tête-à-tête. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, reviens le voir en prenant avec toi une ou deux autres personnes, pour que tout ce qui sera dit soit appuyé sur les déclarations de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église. S’il refuse aussi d’écouter l’Église, mets-le sur le même plan que les païens et les collecteurs d’impôts. Vraiment, je vous l’assure : tous ceux que vous exclurez sur la terre auront été exclus aux yeux de Dieu et tous ceux que vous accueillerez sur la terre auront été accueillis aux yeux de Dieu » (Mt 18.15-18).
L’apôtre Paul, dans la première lettre aux chrétiens de Corinthe, au chapitre 5, leur écrit les paroles suivantes à propos d’un péché public qui contaminait la vie de cette Église :
« Maintenant, ce que je vous ai écrit c’est de ne pas avoir de relations avec quelqu’un qui, tout en se nommant frère, serait débauché, ou cupide, ou idolâtre, ou insulteur, ou ivrogne, ou accapareur, et même de ne pas manger avec un tel homme. Qu’ai-je en effet, à juger ceux du dehors? N’est-ce pas de ceux du dedans que vous êtes juges? Ceux du dehors, Dieu les jugera. Expulsez le méchant du milieu de vous » (1 Co 5.11-13).
Paul a reproché aux Corinthiens de n’avoir exercé aucune discipline vis-à-vis de ce péché notoire (il s’agissait de quelqu’un qui vivait dans une relation incestueuse) et il leur écrit : « Il n’est pas beau votre sujet de gloire! Ne savez-vous pas qu’un peu de levain fait lever toute la pâte? » (1 Co 5.6). Avec cet exemple du levain et de la pâte, Paul met en garde la communauté contre le risque d’une contamination par le péché qui n’a pas été repris. En effet, il peut facilement se transformer en cancer qui minera bientôt le corps tout entier. Notez bien que même durant cette phase avancée de la mise sous discipline, le membre coupable ne cesse d’être invité à se repentir, à assister aux cultes et à se soumettre à la Parole de Dieu. S’il a été pris en charge par le diaconat pour un soutien matériel eu égard à sa situation personnelle, il continue de l’être. Les visites pastorales doivent continuer, peut-être plus intensément que jamais. Mais il ne peut exercer aucun office au sein de l’Église. Sa « bonne foi » — si l’on peut dire — en tant que membre à part entière du corps du Christ est mise en question. Non du reste par l’Église ou par le conseil des anciens, mais par lui-même.
Comme je l’ai dit et répété plusieurs fois, ce qui est en jeu ce n’est jamais qu’il désobéisse à l’Église ou à ceux qui la représentent, mais qu’il ne se soumette pas au joug du Christ et à sa loi, donc à sa royauté. Or, ne pas se soumettre à la royauté du Christ, c’est s’exclure automatiquement de son Royaume. Ce qui est bien autre chose que de quitter une association ou un club, ou d’en être renvoyé pour manquement au règlement. Ici, c’est la vie éternelle du pécheur qui est en jeu.
Notez bien également qu’il ne s’agit pas de placer une personne sous cette discipline spirituelle pour une période décidée arbitrairement (trois mois, ou six mois) sans qu’une repentance sincère ait été exprimée de la part de la personne en question. Car cette discipline est bien autre chose qu’une peine de prison ou une amende telle qu’une cour de justice imposerait dans le domaine civil. Là, peu importe que la personne se soit repentie de ses actes criminels ou non, elle doit subit la peine prononcée par la justice. Et le juge qui a prononcé la peine ne vient pas visiter le prisonnier dans sa cellule pour savoir s’il s’est repenti ou non. Ici, en revanche, il s’agit d’une discipline spirituelle qui a pour but un retour du pécheur sous le joug du Christ et sa réinsertion complète dans la communauté, c’est-à-dire le corps du Christ. Si le conseil des anciens est parvenu à la conclusion qu’un membre doit être excommunié, c’est-à-dire privé de l’accès à la communion, il vaut mieux que cela lui soit notifié de manière personnelle, et non par voie de lettre ou de courrier électronique, ce qui serait assez froid et impersonnel. Une telle rencontre permet du reste de commencer une nouvelle série de conversations pastorales qui porteront peut-être les fruits escomptés.
Durant tout ce processus de mise sous discipline, on doit avec précision tenir le procès-verbal de ces rencontres, tout d’abord pour s’assurer qu’elles ont témoigné d’un véritable amour vis-à-vis du pécheur qui continue dans ses voies ou qui commence à s’amender. On doit noter la réaction du pécheur vis-à-vis des admonitions prodiguées. Faire preuve d’agressivité ou de haine ce n’est jamais servir la royauté du Seigneur Jésus-Christ, c’est en fait se mettre soi-même dans la position de celui qui doit être repris fraternellement pour abus de langage ou d’attitude.
Mais il arrive le moment où l’endurcissement du pécheur nécessite une mesure plus sévère, plus drastique : l’exclusion pure et simple de la personne de la communauté. Ceci n’intervient cependant pas en une seule fois, et sans avertissement. C’est du reste ce que l’article 77 de l’ordre ecclésial stipule, et nous verrons dans un autre article de quoi il en retourne.