La crainte du Seigneur
La crainte du Seigneur
La crainte de Dieu constitue l’essentiel, le cœur de la piété chrétienne et réformée. Tant l’Ancien que le Nouveau Testament en relèvent et soulignent l’exceptionnelle importance pour la pratique de la foi comme élément de toute éthique.
« La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse » (Pr 9.10; Ps 111.10). « La crainte du Seigneur est le commencement de la connaissance » (Pr 1.7). Connaissance ou sagesse, l’une et l’autre prennent, selon l’Écriture, leur origine dans le sentiment d’une respectueuse dépendance appelé crainte du Seigneur. Aucune note biblique n’est aussi caractéristique de la piété comme la crainte du Seigneur (voir Jb 1.8).
Pour éviter que la piété de l’Ancien Testament ne se place sur un niveau inférieur par rapport à celle du Nouveau (qui lui serait supérieure selon certains), il suffit d’examiner attentivement les données que nous trouvons dans celui-ci pour corriger une conception aussi erronée. Il suffirait seulement de relire le Magnificat de Marie (Lc 1.50). En outre, y a-t-il quelque chose de plus décisif que les paroles apostoliques, telles que dans 2 Corinthiens 7.1; Colossiens 3.22; 1 Pierre 2.17? Le fait que la crainte du Seigneur soit associée à la consolation du Saint-Esprit, ainsi qu’elle est caractérisée dans la vie de l’Église naissante, est d’une importance considérable à cet égard (Ac 9.31).
Que l’intégrité éthique se fonde sur la crainte de Dieu et en soit le fruit n’a pas besoin d’être démontré. La référence explicite la plus originale faite à la crainte du Seigneur se trouve dans Genèse 20.11; Abraham savait que les règles éthiques devaient être régies par un tel sentiment, par exemple dans des rapports conjugaux; car là où la crainte du Seigneur fait défaut, tout est en désordre. Pour le grand patriarche, il était clair que l’absence de ce sentiment engendrerait un ordre éthique totalement chaotique, voire malhonnête (voir Lv 19.14; 25.17,36; Pr 8.13; 16.6). La relation de la crainte du Seigneur avec l’observation du commandement de Dieu est indiquée dans Ecclésiaste 12.15. Les responsabilités, même mondaines, les plus pratiques s’inspirent et reçoivent leur stimulation de la crainte du Seigneur (2 S 23.3; Col 3.22). L’on gravira les sommets de la sanctification à condition de cultiver un tel sentiment (2 Co 7.1).
L’insistance avec laquelle l’Écriture rappelle le devoir de craindre le Seigneur rend clair l’étroit rapport organique, conviendrait-il de dire, entre la religion et l’éthique. Car la crainte de Dieu est essentiellement un concept religieux; il se réfère à l’idée même que nous nous faisons de Dieu et de l’attitude du cœur et de l’esprit en raison de cette idée.
Il existe au moins deux sens dans lesquels l’expression « crainte » est utilisée dans l’Écriture. Elle se réfère fréquemment à la peur, ou angoisse, ressentie devant une personne ou une chose, ou encore en face d’une situation ressentie comme complexe ou menaçante. Deutéronome 2.25 désigne bien clairement la peur. Le Psaume 105.38 le fait également.
Cependant, Lévitique 19.3 offre un autre sens que celui de la terreur; il entend plutôt la vénération et l’honneur dus au Seigneur (Jos 4.14). Il existe, certes, une terreur causée par la présence et la révélation de Dieu, mais il existe aussi cette crainte respectueuse, motivée par la foi en lui. Il y a une crainte qui inspire espérance et apporte réconfort. Selon Genèse 3.10, Adam a peur de Dieu.
On peut se demander si l’on doit avoir peur de Dieu, s’effrayer en sa présence? La seule réponse valable est qu’elle relève assurément de l’essence de l’impiété. Ne pas être effrayé de lui alors qu’on a toutes les raisons de l’être, quelle impiété! L’Écriture nous éveille à un tel sentiment, négatif certes, mais quand même salutaire dans son rôle. Car si nous sommes aliénés de lui, avec une juste raison nous encourrons son juste jugement (Dt 17.13 et 21.21).
L’auteur de la lettre aux Hébreux nous exhorte à avoir peur du jugement à venir afin de persévérer et d’être diligents (Hé 4.1; 10.27,31). Le Dieu de la Bible est saint et parce qu’il est saint sa colère demeure sur le péché. Des termes très forts sont utilisés pour exprimer l’intensité de l’indignation de Dieu (Ex 15.7; Nb 25.4; És 42.25; 51.17,20,22; 63.6; Jr 4.8; 6.11; 42.18; Jon 3.9; Na 1.6; Rm 2.9; 2 Th 1.8-9; Ap 20.10,14,15).
Si ceux qui sont l’objet de cette colère ont cessé de ressentir la peur de Dieu, la raison en est qu’ils ont cessé d’être des personnes normales…
Les considérations qui précèdent peuvent nous aider à comprendre comment cette espèce de peur est une nécessité dans le cœur et la vie du peuple de Dieu. Ne soyons pas surpris quand le psalmiste confesse : « Ma chair frissonne de l’effroi que tu m’inspires, et je crains tes jugements » (Ps 119.120). Mais aussi : « L’Éternel est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je crainte? L’Éternel est le soutien de ma vie : de qui aurais-je peur? » (Ps 27.1; voir Ps 3.6).
Mais la crainte de Dieu qui est l’âme de la piété ne consiste pas en la terreur, en l’angoisse mortelle causée par la colère et le jugement de Dieu. Elle est le fondement de notre piété. Dans la déclaration biblique « tu craindras le Seigneur ton Dieu », il s’agit d’une telle crainte, du sens que l’on a de la majesté et de la sainteté de Dieu, du profond respect et de sincère vénération qu’on lui doit. Elle découle du sens qu’on a acquis de sa présence (Ps. 139.7-10), du sens également de la dépendance que l’on a vis-à-vis de lui (Ps 139.1-6,13-16,23-24; Ac 17.26-28; Rm 11.36; 1 Co 8.6; Hé 2.10; Ap 4.11).
L’Écriture nous décrit de manière très vive la crainte de Dieu ressentie par Hénoc, l’homme pieux par excellence, celui « qui a marché avec Dieu » (Gn 5.22,24, voir aussi 6.9; 17.1).
Le rapport de la crainte de Dieu à l’éthique apparaît dans l’attitude d’Abraham selon Genèse 13.8-9. L’obéissance est le secret principal de l’intégrité. Ensuite vient la foi en la promesse divine, obéissance instantanée au commandement de Dieu telle que démontre Abraham selon Jacques 2.21-22 et Genèse 22.2.
Le malentendu largement répandu au sujet du sens véritable de la crainte de Dieu est responsable de l’affaiblissement de la piété et de l’hésitation à lui obéir. Nous avons cessé d’appeler l’homme pieux « celui ou celle qui craint Dieu » parce que nous avons… peur du ridicule. Ne nous étonnons pas que non seulement l’expression pieuse de la vie s’affaiblit, mais encore que la foi elle-même se détériore. Si nous connaissons vraiment Dieu tel qu’il se révèle sur les pages de l’Écriture, nous serons aussitôt saisis par le sentiment de sa glorieuse et transcendante majesté. Alors notre attitude consistera à nous prosterner devant sa sainte présence avec vénération et dans le respect.
La crainte du Seigneur est, en réalité, aussi bien au cœur de la religion que de la morale chrétienne. Il suffit de la ressentir pour connaître toute la doctrine de Dieu. Notre conscience ne sera pas bibliquement instruite à moins d’être conditionnée par la crainte du Seigneur. Mais rappelons aussi que l’amour parfait chasse la crainte! (1 Jn 4.18; voir aussi Ap 15.3-4).
Une telle crainte pourrait n’être rien d’autre que l’âme de la rectitude. C’est l’appréhension de la gloire qui contraint la crainte de son nom. C’est la même gloire qui commande notre engagement total en sa faveur, pour le Royaume, en cherchant la gloire de son nom (Mc 12.30). Sa perfection transcendante, le fait que Dieu soit là et nul autre à sa place, validera sa sainte exigence. La crainte de Dieu traduira correctement notre appréhension de Dieu et de sa volonté. Car les commandements de Dieu sont l’expression concrète de sa gloire éclatante et de sa sainte, sage et parfaite volonté. Si nous lui appartenons vraiment, alors inévitablement nous aimerons et observerons ses commandements. Sa crainte et notre amour pour lui seront les deux aspects essentiels de la foi, de la réponse reconnaissante et exultante, qu’avec humilité nous accorderons à sa sainteté et à sa gloire (Dt 6.1-5,13; Ps 19.9-11).