Démonologie du Nouveau Testament - Le vocabulaire et les noms de Satan
Démonologie du Nouveau Testament - Le vocabulaire et les noms de Satan
1. Le vocabulaire⤒🔗
« Daimonion » ou démon dans le Nouveau Testament est un terme couramment utilisé pour désigner les esprits démoniaques; il y apparaît près de 63 fois. Des termes tels que « daimoniodès » (Jc 3.15) et « daimonizomai », être possédé par le démon (Mt 4.24; 8.16,28,33; 9.32; 12.22; 15.22; Mc 1.32; 5.15,18; Lc 8.36; Jn 10.21) en sont dérivés.
« Pneuma », en grec, est essentiellement un terme neutre, désignant fréquemment les mauvais esprits (Mt 8.16; 9.33; Lc 9.39; 10.20; Ac 16.18; 1 Jn 4.1-3). Dans la vaste majorité des cas, « pneuma », ou « pneumata » au pluriel, se réfère aux démons. Des termes tels que « pneuma akatharton », esprit impur, « pneuma ponèron », esprit malin, « pneumata plana », des esprits trompeurs, « to pneuma tès planès », l’esprit de tromperie, « pneuma asthénias », esprit d’infirmité, mettent à jour la nature démoniaque de l’esprit. De même en est-il de « pneumatôn ponèrôn kai asthéneiôn », esprits malins et d’infirmités (Lc 8.2) et « pneuma alalon », esprit muet (Mc 9.17). Le même démon est décrit dans Marc 9.25 comme « to alalon kai kôphon pneuma », esprit muet et sourd. On rencontre également les expressions « pneuma pythôna », esprit de divination (Ac 16.16), « pneumata tou kosmou », esprits du monde, pneumata daimoniôn, esprits démoniaques (Ap 16.14); « o théos tou aiônos toutou », le dieu de ce siècle (2 Co 4.4), « pneuma daimoniou akathartou », esprit d’un démon impur (Lc 4.33).
En dehors des Évangiles et du livre des Actes des apôtres, le Nouveau Testament donne relativement peu d’informations au sujet des démons et de leur rôle. Dans 1 Corinthiens 10.20-22, où ils apparaissent quatre fois, les démons sont des êtres surnaturels maléfiques, que certains hommes adorent et auxquels ils offrent des sacrifices (Ap 9.20). Ils sont soumis à Satan, ils sont ses suppôts, il est leur chef (Mc 3.22; Ép 2.2).
2. Les noms de Satan←⤒🔗
Examinons à présent certains des noms les plus usuels dont le Nouveau Testament se sert pour désigner Satan. Il est appelé l’adversaire, le diable, le traître, le « ponèros » ou le malin, le prince des puissances de l’air, le prince des ténèbres, le dieu de ce monde présent mauvais, Béelzébul, Bélial, le tentateur, le vieux serpent et enfin le dragon. Ces titres le désignent parfaitement comme celui qui s’oppose au bien et cherche à promouvoir le mal.
Il est l’adversaire, ce qui traduit précisément son nom le plus ordinaire, en hébreu Satan. Il est l’adversaire par excellence. Ce titre résume parfaitement l’ensemble de ses agissements. Il est notre adversaire (1 Pi 5.8). Il est l’ange inique qui s’oppose à Dieu et à son peuple.
Cependant, bien que farouche adversaire, il ne peut dépasser les limites qui lui sont assignées. C’est Dieu qui lui permet d’intervenir, mais pas au-delà de ce qu’il lui permet. Dans un passage de l’Évangile selon Luc, le cas de Simon Pierre illustre la stratégie divine (Lc 22.31-32). En cherchant à induire à l’apostasie, Satan n’est pas libre d’agir de son entier gré. Il n’aura jamais du succès auprès des fidèles et même ses machinations se solderont par un bienfait pour le peuple de Dieu.
Il cherche à détruire chez le fidèle l’œuvre régénératrice et sanctificatrice de Dieu (1 Th 3.5). Il désire inculquer une foi tronquée, mensongère, aussi cherche-t-il sans cesse à induire les fidèles à la tentation, notamment ceux d’entre eux qui ont fait l’expérience d’une conversion superficielle. Le passage de 1 Timothée 5.15 rapporte le cas de certaines veuves engagées sur une telle voie, c’est-à-dire tournées vers Satan. Satan profite même des activités pieuses pour les pervertir et induire au péché, par exemple lors d’une abstinence sexuelle volontaire.
Dieu manifeste sa souveraineté en se servant des agissements de Satan pour promouvoir ses desseins et les réaliser. Paul avait reçu « un messager de Satan » qui lui infligeait une peine; pourtant, cette « écharde dans la chair » devint l’occasion pour Dieu de lui témoigner sa grâce toute suffisante (2 Co 12.7-10).
Lorsqu’à Corinthe un membre de l’Église fut convaincu de grosse immoralité, saint Paul donna l’ordre de livrer cette personne à Satan pour la destruction de la chair. À cet endroit, ce terme de « chair » devra, à notre sens, s’entendre comme « nature de péché », non comme le corps physique. L’intention de cet abandon entre les mains de Satan n’est autre que de limiter l’influence et l’importance de l’adversaire, aussi bien dans le cas de la personne incriminée que dans la marche de l’Église en général, « afin que l’esprit soit sauvé » (1 Co 5.5). Livrer le coupable à Satan est un remède puissant contre le mal.
Le chrétien n’ignore aucune des ruses de l’adversaire. Aussi Satan ne peut prétendre à un quelconque avantage sur lui (2 Co 2.11). Le passage cité entend que si on fait preuve d’un esprit qui ne pardonne pas, on laisse à Satan une ouverture à laquelle il n’a nul droit. Dans le cas de l’homme accusé de grosse immoralité, Satan avait reçu la permission de détruire la chair. Mais il cherche aussitôt à profiter de ce pouvoir limité pour détruire le pécheur et, avec lui, l’Église tout entière. Satan peut même se servir de la pureté ecclésiastique pour détruire l’Église spirituellement en faisant d’elle une synagogue de pharisiens légalistes dépourvus de compassion. Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, Paul observe que l’on doit refuser à Satan une telle occasion, « providentielle » si l’on peut dire, qu’il ne demande qu’à saisir pour détruire.
Face à la stratégie satanique, le chrétien devra résister pour faire fuir l’adversaire (Jc 4.7). Aussi, l’apôtre conseille-t-il de ne pas laisser prise à Satan (Ép 4.27). À une Église fondée dans une ville où foisonnaient les autels consacrés aux démons, Paul déclare que les chrétiens doivent lutter avec des armes spirituelles, non contre la chair et le sang, mais contre des influences démoniaques (Ép 6.10-20). Apocalypse 12.9-11 signale que l’adversaire sera vaincu par un témoignage fidèle. Le chrétien priera également pour résister, implorant la protection divine (Mt 6.13). Satan est placé sous contrôle divin. Il faut le prendre au sérieux, mais ne jamais le craindre.
Un autre titre, moins usuel, qui le désigne est celui de Bélial, c’est-à-dire celui qui est sans valeur (chenapan?). Dans 2 Corinthiens 6.15 et son contexte immédiat, saint Paul exhorte les membres de l’Église à ne pas entrer dans un compromis avec le monde du péché. Aussi y dresse-t-il la liste de nombreuses antithèses. La justice n’a aucun rapport avec l’iniquité, de même que la lumière n’est pas compatible avec l’obscurité. Les forces de la justice et de la lumière ont leur propre prince, comme les forces de l’iniquité ont le leur. L’apôtre rend le contraste encore plus personnel. Il ne se contente pas de termes abstraits, mais oppose le Christ à Bélial. L’antithèse devient plus aiguë si on se souvient que, dans les livres apocryphes et les écrits pseudépigraphes, Bélial dénote non seulement le premier ange déchu et l’accusateur du peuple de Dieu, mais encore l’Antichrist.
Dans notre passage, nous avons d’un côté le Christ, c’est-à-dire l’Oint de Dieu, l’Élu, le Bien-aimé, en qui se trouve la somme de toutes les valeurs, qui est digne du prix le plus élevé. Dieu l’a oint et l’a rempli de son Saint-Esprit. Le Christ s’attache à la justice (Ps 45.7). En comparaison du Christ, toute autre valeur doit être considérée comme nulle (Ph 3.7-8). À l’opposé se trouve Bélial. L’Ancien Testament se sert du terme pour désigner des personnes iniques, s’étant rendues coupables de grosse immoralité et de rébellion contre l’autorité divinement établie. Le terme possède le sens général de nullité, sans intérêt, dépourvu d’utilité. Dans notre passage, Paul l’emploie comme l’équivalent de Satan, le modèle de toute iniquité et injustice. Le Christ et Bélial sont d’irréconciliables antagonistes.
Pour l’apôtre, il n’est pas un simple symbole, mais une personne. On ne peut par conséquent s’en défaire comme s’il appartenait à une mythologie archaïque ou n’avait été qu’une personnification littéraire. Il est éminemment personnel, en mouvement, il agit, il connaît, il parle, il ourdit des complots, il désire, il trompe, il se querelle, il ressent des émotions, il tente, il promet, il commet le péché, il s’engage dans nombre d’autres activités de nature personnelle.
Cependant, il est plus qu’une personne normale. Il est l’existence « futile » représentant les ténèbres et les malices. Créé et placé dans une position élevée, il n’a pas conservé son rang et, dans sa chute, il a perdu toute importance. Quand il est tombé, un tiers des étoiles sont tombées avec lui. Dans le langage biblique, « étoile » peut désigner une autre réalité que les corps célestes et, dans un sens symbolique, elle désignera des principautés et des anges du monde infernal. Aussi est-il devenu le malin, le calomniateur, l’adversaire, l’accusateur, le destructeur, le prince du monde des ténèbres, le menteur et le meurtrier, l’ange de l’abîme sans fond, le lion rugissant, le dragon rouge, le vieux serpent. Il ne représente rien qui soit constructif, profitable ou bon.
Notre passage le décrit comme l’opposant foncier du Christ et de tout ce que celui-ci représente. À aucune condition Bélial ne peut se trouver en accord avec le Christ. Il manifeste son antagonisme en agissant dans des vies individuelles, aussi bien corps qu’esprit, dans le monde de la nature, dans les relations sociales, les relations interpersonnelles, dans le domaine des activités intellectuelles, s’ingérant dans le domaine de la politique, voire jusque dans celui de la religion en instituant des sectes pernicieuses, détournant de la voie les adhérents de la vérité. Aucune facette de l’existence ne sera à l’abri de ses assauts. Néanmoins, il n’est rien d’autre qu’une personne sans valeur et sans importance, parce que sans rapport avec le Christ; il est un véritable « Bélial ».
« Abaddon » en hébreu, « Apollyon » en grec, sont encore une autre désignation de Satan que nous traduisons par « destructeur ». Examinons l’un des principaux passages du Nouveau Testament, le seul d’ailleurs qui se sert de ce titre, Apocalypse 9. Satan y est présenté sous les traits du chef des hordes démoniaques, relâchées pour exécuter le jugement sur Jérusalem; leur œuvre consiste à détruire de manière terrible; ténèbres, terreur et désolation en résultent. D’une manière générale, elles produisent l’obscurité et les malices, lorsqu’elles ont la permission d’exécuter un jugement au cours de l’histoire. Dans le désespoir qui en résulte, les hommes préfèrent la mort à la vie (Lc 23.27-30). L’influence des armées sataniques sur les humains peut devenir redoutable. Jamais Satan ne construira quoi que ce soit; au contraire, il cherchera à priver les hommes et la nature de la bonté de la vie en se servant des forces négatives de la rébellion, du désordre, de la tromperie et d’innombrables maladies.
C’est le nom d’Apollyon qui décrit parfaitement dans notre passage l’œuvre et la mission satanique. « Abaddon » en hébreu est l’adjectif qualificatif du Hadès (Jb 26.6; 28.22; Ps 88.12; Pr 15.11; 27.20), signifiant « destruction ». Job 28.22 le personnifie comme tel, ce qui fait du passage d’Apocalypse un texte bien pertinent à ce propos. Satan y est décrit comme l’ange de l’abîme sans fond. En grec, la personnification de l’enfer en Satan prend la forme d’Apollyon, participe du verbe détruire. Satan est bien le destructeur par excellence (1 Co 10.10; Hb 2.14). Toutes ses intentions sont purement négatives et il n’accomplira rien qui soit beau, vrai ou bon.
L’examen des données bibliques nous a clairement indiqué les multiples aspects de son œuvre négative. Nous n’y reviendrons pas. Il a le pouvoir de dominer certaines circonstances (1 Th. 2.18). Par la persécution politique, il fait jeter les chrétiens en prison (Ap 2.10). Il anime la bête de manière politique (Ap 13). L’avènement de « l’homme d’iniquité », autre figure politique, est la conséquence de l’agissement de Satan (2 Th 2.9). La ville de Pergame était le centre du culte impérial romain. Les membres de l’Église subissaient une terrible contrainte pour confesser César comme Seigneur. Selon l’auteur de l’Apocalypse, qui rapporte les paroles du Seigneur exalté s’adressant à l’Église de Pergame, la ville est devenue le lieu de séjour et le trône, le siège de Satan (Ap 2.13). C’est ici qu’a eu lieu le martyre d’Antipas. Satan produit sans cesse l’iniquité et la corruption dans le domaine politique.
Par tous les moyens, il s’efforce de faire commettre le péché (1 Co 7.5; 1 Th 3.5), d’où son titre de tentateur. Mais l’Esprit Saint accorde un cœur nouveau au chrétien, aussi Dieu œuvre-t-il dans son existence, provoquant aussi bien le vouloir que le faire pour son bon plaisir (1 Co 12.6; Ép 3.20; Ph 2.13; Col 1.29). À l’opposé, Satan s’adresse au cœur du vieil homme. Parce qu’il agit chez les enfants de la rébellion, ces derniers marchent selon ses directives et se placent sur ses voies de perdition (Ép 2.1-2). Les incroyants sont les fruits de son œuvre négative (Mt 13.28). Il prend un plaisir pervers à essayer de détruire le Royaume de Dieu. Il met directement le péché dans l’esprit des réprouvés. Le cas de Judas en est l’illustration la plus frappante (Jn 13.27), de même que celui d’Ananias et de Saphira (Ac 5.3). En sa capacité d’auteur de la désobéissance, il produisit la conséquence de celle-ci, à savoir la mort. D’où le passage d’Hébreux 2.14, qui associe la mort et sa terreur à l’activité satanique de destruction. Car, pas plus que la destruction et le péché, la mort ne fait partie des desseins divins.
L’activité de Satan s’étend dans la sphère de la pensée et de la réflexion. Aussi l’Écriture le désigne-t-elle comme « menteur » (Jn 8.44), car il déforme la parole divine (Ga 4.8-9), il cherche à en anéantir l’efficace lorsqu’elle est fidèlement prêchée (Mt 13.19). Il lui substitue la doctrine des démons (1 Tm 4.1). Les non-croyants manquent de véritable connaissance de la vérité parce qu’ils sont pris dans les filets de Satan (2 Tm 2.26). L’une de ses tâches principales consiste à tromper le monde (1 Jn 2.22; 4.1-3; Ap 12.9). Il corrompt l’esprit ou l’intelligence (2 Co 11.3), il l’égare. Il aveugle l’intelligence de l’incroyant et empêche que la lumière de l’Évangile ne l’éclaire (2 Co 4.4). La personne irrégénérée servira alors Satan comme son dieu (Rm 1.18-25). Par ses mensonges, il devient meurtrier (Jn 8.44).
L’œuvre de destruction qu’il entreprend dans le monde est particulièrement dangereuse, car il fait paraître la rébellion et le mensonge comme étant la vérité et la lumière! Il cherche à imiter Dieu, se déguisant en « ange de lumière » (2 Co 11.14). Sa subtilité est insurpassable lorsqu’il s’infiltre pour masquer la vérité avec des erreurs doctrinales en les occultant sous forme raisonnable. Une autre de ses activités destructrices est la calomnie qu’il jette sur le peuple de Dieu (Ap 12.10). Il accuse faussement pour amener la mort spirituelle. Dans ce sens-là aussi, il est un meurtrier.
Ses intentions dépassent le domaine spirituel pour se manifester jusque dans celui des corps des fidèles témoins de Dieu, car il les livre à la mort violente. Il déclenche la persécution des croyants. Sachant que son temps est bref, il agit « avec une très grande fureur » (Ap 12.12). Aussi, face à ses opérations meurtrières, le chrétien redoublera de vigilance.
À propos de 1 Pierre 5.8, il faut noter que c’est sa démarche et non sa personne qui est comparée au lion qui rugit, car Satan n’est pas un lion. Dans l’Ancien Testament, un lion rugissant symbolisait les ennemis de quelqu’un. Or, il est bien connu que les lions ne rugissent pas lorsqu’ils s’apprêtent à attaquer leurs proies pour une raison évidente, à savoir ne pas les effrayer. Ils ne rugissent que lorsqu’ils cherchent à semer la frayeur et à démontrer leur nature féroce. Le rugissement était métaphoriquement employé pour signaler la colère d’un monarque (Pr 19.12; 20.2). L’apôtre Pierre avertissait les fidèles également de la fournaise ardente qui allait s’abattre sur eux (1 Pi 4.12). Il nous faut rapprocher ces deux passages et y voir l’activité infernale de Satan.
Satan est véritablement le destructeur dans le monde de la nature, dans celui des activités politiques, dans l’aire spirituelle, dans les sphères de l’esprit et de la réflexion intellectuelle, dans l’exécution de la justice, dans les rapports sociaux. Tout ce qui entre en contact avec lui subit son effet destructeur. Peu avant le retour du Christ, il sera relâché pour œuvrer et poursuivre son entreprise de destruction avec une intensité plus grande encore (Ap 20.7-10). Il cherchera à tromper avec la même efficacité dont il jouissait avant l’incarnation du Christ. Il opposera les rois et princes du monde contre le Messie et son Église. Mais ce sera une période brève contrastant avec la longue ère durant laquelle l’Évangile aura été proclamé.
Bien que Satan sera relâché pour poursuivre son entreprise, certains interprètes pensent que Satan est déjà et depuis toujours le prince de ce monde. Plus loin, nous examinerons les implications de l’autorité souveraine actuellement exercée par le Christ et de l’une de ses implications les plus immédiates et évidentes : la fin de Satan. Si avec l’Écriture il faut nous attendre à ce retour en force de Satan pour exercer son influence néfaste, il ne faut pas perdre de vue le fait qu’il sera relâché par le Dieu souverain. À vrai dire, il ne s’agit pas d’une escalade de violence satanique à long terme, mais d’un dernier soubresaut avant son élimination totale et définitive de la scène cosmique, où durant longtemps il a pu exercer, toujours sous surveillance divine, des ravages meurtriers. Même en tant que destructeur, il est une créature aux pouvoirs limités.
Qu’il suffise ici de signaler que le terme « monde » ne devrait jamais être pris au sens géographique, mais plutôt éthique, moral. Le pouvoir de l’adversaire s’exerce sur un monde de désobéissance morale contre Dieu. Ainsi que nous l’expliquions plus haut, selon la Bible, le monde représente les hommes et leur société aliénés de Dieu, le monde d’opposition, d’impiété, la génération perverse dont la sagesse ne connaît ou ne reconnaît pas Dieu. C’est dans ce sens-là qu’il faut comprendre l’exhortation de 1 Jean 2.15-17. Du point de vue de l’éthique religieuse biblique, ce monde-là est une classe inférieure d’humanité. Il dénote une sphère éthique, non pas une dispensation temporelle. Il est le contraire de la réalité rénovée, régénérée par l’opération de l’Esprit.
Les qualificatifs « dieu de l’âge présent » et « prince de ce monde » signifient que Satan est le chef des impies. Il aveugle les intelligences des incroyants (2 Co 4.4), il les entraîne vers le domaine des ténèbres, il déforme constamment leurs pensées religieuses. Néanmoins, ce faisant, il ne représente nullement une véritable autorité, il n’est que le chef d’une humanité détruite, athée et impie, le prince du royaume des ténèbres éthiques, de la mort spirituelle.
Examinons enfin un autre titre courant qui lui est attribué dans l’Écriture : celui de Béelzébul, ce qui signifie le seigneur des mouches. Il est réellement Béelzébul (Mt 12.24; Mc 3.22; Lc 11.15). Grâce à un jeu de mots, les Juifs avaient changé Béelzébul, le dieu des mouches des Philistins, en Baalzeboub, c’est-à-dire « seigneur des excréments » (2 R 1.2-16). Ils affichaient un mépris foncier pour Satan, que cette expression péjorative rend clair. Dieu a créé toutes choses bonnes et agréables; Satan s’est mis à défaire cette œuvre. Aussi ce titre de Baalzeboub lui convient-il parfaitement. Prince des ténèbres, cause de désespoir, instigateur de tromperie, origine de mort, son œuvre de destruction parmi les enfants de la rébellion peut parfaitement être qualifiée à l’aide du titre de « prince du monde de l’âge présent ». Cependant, ce titre doit être interprété à la lumière de Béelzébul. Il n’est le chef que des déchets d’une humanité apostate. Dans Colossiens 1.13 et Philippiens 3.8, Paul rendait parfaitement compte du fait que lorsqu’on parvient à l’admirable lumière du Christ, tout le reste n’est que perte et déchet. Le domaine du déchet et son prince, c’est bien Satan, Béelzébul.