Démonologie - Le ministère de guérison - Guérison et miracle
Démonologie - Le ministère de guérison - Guérison et miracle
Les termes bibliques désignant la guérison sont une partie intégrante du salut. La mort, la maladie et le péché sont mis au défi et finalement surmontés. La résurrection de Jésus a signalé l’écrasement du pouvoir de la mort et du péché. Cette guérison-salut n’est pas encore définitive, mais seulement temporaire. Tandis que nous vivons la dispensation présente, nous nous trouvons dans l’état incomplet du salut offert, et le diable, nous l’avons déjà dit, peut toujours rugir tel un lion cherchant qui dévorer, ou bien affliger ceux qui sont au bénéfice de la grâce. Il peut empêcher que les dons soient employés au service du prochain, imposer le pouvoir du péché, infliger des maladies au corps comme à l’esprit.
Dans son discours prononcé chez Corneille (Ac 10), l’apôtre Pierre rappelle ce que nous appellerons le motif démonologique de la guérison opérée par Jésus. Le terme grec de « iasthai » a un sens assez large qui dépasse celui de la guérison; cependant, il peut parfaitement s’appliquer aux délivrances de l’oppression et de la possession diabolique. L’action de Satan sur le corps est réelle. Or, Jésus et le Royaume de Dieu se sont opposés au pouvoir apparemment universel de Satan. Dans les limites du Royaume et de l’Église, un aspect de la maladie disparaît, car ceux qui sont ajoutés à l’Église échappent à la puissance de Satan et à la maladie si elle vient de lui. Rappelons-nous l’essentiel de ce que nous énoncions à propos des guérisons effectuées par Jésus.
Jésus guérit également les maladies qui sont infligées comme châtiment du péché. Il a pris effectivement nos infirmités sur lui, d’après Ésaïe 53.4-5 (voir Mt 8.17). Celui qui est l’objet du pardon de Dieu accordé par le Christ est à l’abri de la maladie comme châtiment. Remarquons toutefois que le châtiment disciplinaire ne sera pas épargné au membre fidèle de l’Église. Dieu nous châtie pour notre bien, de même que nos pères dans la chair nous mettaient sous discipline (Hé 12.4-11). Selon 1 Corinthiens 11.30, si l’on s’est conduit indignement, on peut se voir affligé d’une infirmité, voire être frappé de mort. Mais, inversement, notre appartenance au Christ aura son incidence sur notre santé.
Un troisième motif des guérisons opérées par le Christ consiste à confirmer son message et sa mission. Selon Jean 5.36 et 10.25, ce sont ces œuvres qui rendent témoignage de lui (voir également Ac 2.22). Certains des miracles de Jésus ont une fin démonstrative, que signalaient les termes de Pierre dans le passage cité du livre des Actes : « dunamis » (puissance), « téras » (prodige), « sèméion » (signe). Il ne faut pas conclure que tous les malades qui s’approchèrent de Jésus furent guéris. Ce n’est que la miséricorde divine qui guérit, qui décide de guérir ceux qui s’approchèrent de son Fils.
Ailleurs, le miracle a pour effet de remplir les témoins d’émerveillement (Jn 5.20), ou de manifester la compassion du Christ (Mt 20.34), ou encore, elle a lieu comme exaucement de la prière de la foi (Mt 8.3-13; 9.29; 15.28). A contrario, Jésus n’accomplira pas de miracle lorsqu’il constatera l’absence de foi (Mt 13.58).
L’un des motifs les plus puissants de la guérison miraculeuse est la glorification du nom de Dieu. Il est manifeste dans le célèbre épisode de Jean 9.3, de même lors de la résurrection de son ami Lazare, en Jean 11.
Ces divers motifs ont le mérite de nous signaler que, malgré quelques exceptions, les guérisons dans les Évangiles sont la règle. Durant la période de l’incarnation du Fils et de son ministère terrestre, Dieu intervint de manière exceptionnelle pour manifester sa puissance, accorder la preuve de son amour, fortifier la foi et, par là, glorifier son saint nom. Comme dans le passé, au cours de l’histoire d’Israël, Dieu intervient pour arracher puissamment les hommes à la servitude.
L’ordre de Jésus à ses disciples consistait à prêcher, à enseigner, à guérir et à chasser les démons (Mt 10.7-8). Il donna aux douze des pouvoirs spéciaux, en particulier le pouvoir de chasser les mauvais esprits (Mc 3.14-15; 6.7). Ce pouvoir était essentiel à leur mission, car celle-ci prolongeait l’œuvre de Jésus annonçant le Royaume et s’opposant à la puissance des démons. Selon Marc 6.13, les disciples chassaient les démons, ils oignaient d’huile des malades et les guérissaient.
Peut-on dire que la mission des douze se limita à faire la chasse au démon? Non, car l’essentiel de leur mission consista à prêcher l’Évangile du Royaume et à annoncer le pardon des offenses. Cependant, on peut remarquer le rapport étroit entre la prédication et leur ministère de guérison, car là où l’Évangile du Royaume est prêché avec puissance, là le pouvoir de Satan recule.
L’Église apostolique a également témoigné de nombreuses guérisons. Elles prolongent les privilèges donnés aux apôtres et aux disciples. Les mêmes termes de « téras » et de « sèméion », prononcés durant le ministère de Jésus, le sont pour celui de Pierre, de Jean et d’autres apôtres (Ac 4.22,29-30). Ce n’est point automatiquement que ces derniers accomplissent ces mêmes signes.
Il est important de noter que les guérisons sont justement des signes et non une faveur accordée de manière automatique. En outre, les miracles doivent servir à l’utilité commune de l’Église. D’après Jacques 5.14-15, l’onction d’huile semble être devenue une pratique courante. Ce texte nous fait également connaître que la maladie dans le Nouveau Testament n’est pas une sanction exercée contre le péché individuel. Toujours selon Jacques, la prière pour le péché peut devenir source de guérison. À propos de vin et d’huile, G. Crespy fait l’observation suivante :
« La maladie est à tel point une perturbation religieuse pour la Bible que la thérapeutique ordinaire en Israël utilise principalement deux médicaments à signification sacrale, l’huile et le vin. Les vertus antiseptiques de l’alcool et les vertus émollientes de l’huile ne sont pas assez évidentes pour justifier leur choix presque exclusif comme médicaments. Il est possible que leur valeur religieuse les ait désignés à l’attention des anciens, avant même que l’expérience ait confirmé leurs facultés curatives. Il est vraisemblable que, si ces remèdes avaient été nocifs, on aurait fini par s’en rendre compte empiriquement et on les aurait éliminés. Mais le souci de l’efficacité thérapeutique de l’huile et du vin est aussi peu évident que le prétendu souci d’hygiène qui fit condamner la viande du porc. Ce sont là des rationalisations modernes. On sait, du reste, l’origine magique ou deutéro-religieuse de la plupart des remèdes de bonne femme dont certains ont fini par enrichir la pharmacopée, et que le succès toujours confirmé des “jouvences de l’abbé un tel” ou des “herbes merveilleuses” des moines de telle abbaye doit davantage à l’association inconsciente de la guérison et du sacré qu’aux examens de laboratoire et au patronage de la Faculté. L’huile est le liquide par excellence. Elle sacralise l’autel, le prêtre, le roi. Elle est source de joie et signe de bénédiction. Son usage comme émollient en prolonge la valeur religieuse. Le vin est ordinairement associé à l’huile. »
L’Église chrétienne commence à saisir de nouveau l’importance de la guérison comme « dunamis », « téras » et « sèméion ». Elle fait partie de son ministère global. La théologie et la piété réformées reconnaissent que Dieu répond à nos prières, y compris celles pour la guérison des malades. Par conséquent, l’Église prendra au sérieux le don de la guérison. Ceci veut dire que le ministère de guérison appartient à tous les membres de l’Église; c’est un ministère holistique, ainsi qu’on peut le qualifier (du grec « holos », total, global). Des exemples de guérisons ont en effet lieu dans des ministères spécifiques ou à travers des dons accordés par le Saint-Esprit, en dépit des excès et des pratiques non bibliques.
On doit, certes, éviter ces excès et éviter d’encourager une mentalité pour qui la guérison serait le fruit d’une foi réelle, tandis que la non-guérison, la preuve de l’absence de la foi!
Nous exprimions plus haut notre conviction que tous les chrétiens devraient avoir leur part dans un tel ministère. Si certains possèdent des dons que d’autres n’ont pas, nous savons toutefois que la source principale de toute guérison est la proclamation de la Parole, à condition qu’elle soit proclamée correctement.
Ce qui est décisif, c’est de savoir et d’accepter que le Christ, le Seigneur vivant, est venu nous sauver aussi bien de la mort que du péché, et parfois, nous délivrer même de nos maladies. Car « c’est lui qui pardonne toutes tes fautes, qui guérit toutes tes maladies » (Ps 103.3). Bien que la mort du corps demeure la conséquence inévitable du péché, nous sommes assurés que nous hériterons d’un corps éternel, incorruptible, lequel prend déjà forme au cours de l’âge présent. En effet, notre salut intégral comporte une santé en voie de restauration.
Méfions-nous de chercher le don de guérison et d’exorcisme sans chercher tout d’abord le divin Guérisseur. Notre attention sera accordée non pas tant aux dons qu’au divin Donateur. C’est lui qui nous fera connaître si c’est sa volonté de nous guérir ou encore que nous exercions les dons qu’il nous accorde. Si nos vies restent ouvertes à l’Esprit Saint, il nous remplira de sa plénitude autant que de ses dons et de ses talents, librement accordés.
Tout ministère de guérison devrait servir celui de la Parole, car la guérison divine est signe et témoignage du salut accordé en Christ. La mission principale de l’Église est la proclamation de l’Évangile; la guérison peut être aussi bien le fruit du salut qu’un pas vers celui-ci… La fin dernière de tout ministère de guérison est d’amener des hommes à la foi en Jésus-Christ. Aussi, avant toute autre chose, le ministère de la Parole accordera tout d’abord son attention à la guérison spirituelle de l’homme pécheur. À vrai dire, la clé d’une guérison totale se trouve dans la régénération de l’homme tout entier.
Dieu intervient dans tous ces aspects. Le chrétien ne sera qu’un instrument entre les mains de celui qui restaure l’homme aussi bien à la santé qu’au salut. Lorsque l’homme s’arroge le pouvoir de guérison, il se place alors dans le domaine de la magie.
Des passages bibliques offrent précisément la réponse chrétienne à la maladie. À côté d’autres aspects de l’absence de bien-être, la maladie devra naturellement inviter les conducteurs à regarder le malade de manière intégrale.
La notion de miracle est difficile à définir. En un sens étroit, le terme est employé en référence à des événements ou à des actes de Dieu qui ne peuvent s’expliquer en termes de nature. Théologiquement parlant, cette définition peut être contestée sous prétexte que la Bible n’établit pas de distinction entre le miracle et le reste des activités de Dieu. La distinction dernière devient facilement une chose entre ce que Dieu fait et ce qui advient de manière naturelle, tandis que la Bible, elle, voit tous les événements comme des actes dus à l’intervention de Dieu.
Le terme de miracle est encore utilisé en un sens plus large pour dénoter quelque chose d’extraordinaire et d’étonnant, par exemple échapper par miracle à un accident. Cet emploi est plus proche de la catégorie des œuvres merveilleuses ou puissantes familières à la Bible. Celles-ci peuvent être ou ne pas être miraculeuses dans le sens étroit. Elles ne sont pas différentes des actes divins accomplis lors d’événements moins spectaculaires. Ce qui les distingue c’est qu’elles sont extraordinaires et en rapport simultané avec l’accomplissement de son dessein salutaire pour son peuple dans le salut et le jugement qu’il prononce. Et c’est ce sens-là du miracle que nous retiendrons.
La question est de savoir comment, aujourd’hui, nous devons nous attendre aux miracles. S’ils ont lieu, ils sont certainement exceptionnels. Dans les miracles bibliques, la distinction et la tension entre l’âge présent et l’âge à venir ont été provisoirement surmontées. Mais le renouveau physique et le jugement sont essentiellement réservés au dernier jour, et occasionnellement seulement anticipés durant l’âge présent. Ainsi, même dans les Évangiles, les miracles ne sont pas une affaire banale et quotidienne. Aussi bien les Évangiles que les épîtres attestent la réalité du miracle.
Nous n’avons donc aucune raison ni aucun droit d’être sceptiques lorsque le témoignage biblique affirme que Dieu accomplit aujourd’hui des œuvres puissantes; nous devrions même nous attendre avec impatience à de telles interventions de sa part. L’Église devrait s’attendre à ce que l’Esprit lui accorde une foi capable de transporter les montagnes, ce qui ne signifie pas, loin de là, qu’il faille se laisser prendre au piège d’une crédulité superstitieuse ou naïve. Le miracle reste toujours un événement de nature imprévisible. Il n’a pas lieu selon des règles établies avec précision; il n’est même pas tributaire de la prière ou du jeûne. Il a lieu par la grâce souveraine de Dieu. Dans ce sens, nous ne pouvons pas nous attendre à des miracles, mais simplement nous adresser au Seigneur et lui dire : « Ils n’ont plus de vin » (Jn 2.3); alors, avec la patience que commande la foi, nous nous attendrons à son intervention. Il faut nous adresser également à ceux qui ont reçu le don d’accomplir des miracles (1 Co 12.9-10) pour voir si à travers eux et dans telle situation, Dieu agira pour sa gloire.
L’Église locale est une société thérapeutique au sens pastoral du terme, avons-nous dit, la communauté de ceux qui s’occupent du prochain. C’est elle plutôt que l’individu qui est successeur du ministère de guérison du Christ; ministère sans cesse effectué au service de la Parole, des sacrements et des soins pastoraux, ministère des uns envers les autres.