Les dix commandements (9) - Le septième commandement
Les dix commandements (9) - Le septième commandement
« Tu ne commettras pas d’adultère. »
Exode 20.14
Je poursuis la série de méditations sur le Décalogue, c’est-à-dire les dix commandements, avec le septième commandement : « Tu ne commettras pas d’adultère. »
Ce commandement nous parle avant tout de la maîtrise de notre corps dans l’exercice de la sexualité. Cette dimension intime de notre personne, qui s’exprime physiquement en vue de notre épanouissement et celui de notre conjoint, a été voulue et créée par Dieu. Elle est poétiquement célébrée sur les toutes premières pages de la Bible, lorsqu’Adam, mis en présence d’Ève, entonne ce chant : « Cette fois, c’est l’os de mes os, la chair de ma chair. C’est elle qu’on appellera femme, car elle a été prise de l’homme » (Gn 2.23). Et, ajoute le livre de la Genèse : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair » (Gn 2.24). Dans la Bible, un livre entier, le Cantique des cantiques, est l’expression du chant d’amour entre deux amants.
Pourtant, après la chute, cette relation se trouve faussée et obscurcie de plusieurs manières. La maîtrise du corps et l’épanouissement du couple humain dans la sexualité sont changés en simple assouvissement, puis en asservissement, souvent en impossibilité de communiquer. La relation d’alliance exclusive au sein du couple est souvent remplacée par une quête effrénée et jamais assouvie d’expériences qui semblent d’abord gratifiantes, mais qui en fait contribuent à détruire la personne qui s’y adonne. Destruction souvent physique, toujours morale et spirituelle. Certains éprouvent l’impossibilité de trouver un conjoint; d’autres refusent de chercher un conjoint; d’autres encore sont déçus par rapport aux aspirations nourries dans une première phase du mariage. Chacun se met alors en quête de solutions de rechange, dans l’oubli ou le rejet de l’ordre établi par le Créateur au commencement. Cet ordre est le plus souvent nié. « Que chacun agisse comme il lui plaît, dans le domaine de la sexualité comme dans tous les autres; ni Dieu ni maître », voilà le slogan en vigueur. Trahisons, violences, abus, dégradation physique et morale sont les fruits de cet état d’esprit en révolte contre Dieu le Créateur.
Mais, me demanderez-vous, la maîtrise du corps est-elle vraiment possible? Le septième commandement, qui souligne le cadre dans lequel Dieu ordonne que notre sexualité s’exerce, n’est-il pas tout simplement impossible à observer, si l’on prend en compte la constitution humaine et l’instinct sexuel? Paul écrit ce qui suit aux chrétiens de Thessalonique :
« Ce que Dieu veut, c’est que vous meniez une vie sainte : que vous vous absteniez de toute immoralité; que chacun de vous sache gagner une parfaite maîtrise de son corps pour vivre dans la sainteté et l’honneur, sans se laisser dominer par des passions déréglées, comme le font les païens qui ne connaissent pas Dieu » (1 Th 4.3-5).
Ce passage nous aide à comprendre la portée du septième commandement. Le contraste avec un style de vie déréglé, celui de ceux qui ne connaissent pas Dieu, nous permet de comprendre le cadre de ce commandement. Un autre passage du Nouveau Testament, dans la lettre aux Hébreux cette fois, nous donne un autre éclairage sur cette question : « Que chacun respecte le mariage et que les époux restent fidèles l’un à l’autre, car Dieu jugera les débauchés et les adultères » (Hé 13.4).
On ne peut comprendre le septième commandement sans considérer que la relation d’alliance dans le couple reflète l’alliance entre Dieu et les hommes. De même que le peuple de Dieu, c’est-à-dire les croyants rassemblés dans l’Église, voue une adoration et un amour exclusifs au Dieu qui l’a créé et sauvé par Jésus-Christ, de même les époux se doivent une fidélité mutuelle qui exclut toute autre partie.
Dans l’ensemble du Nouveau Testament apparaît l’image du Christ comme l’époux, et de l’Église comme l’épouse. Paul l’énonce de cette façon dans sa lettre aux chrétiens de la ville d’Éphèse :
« Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église : il a donné sa vie pour elle afin de la rendre digne de Dieu après l’avoir purifiée par sa Parole, comme par le bain nuptial. Il a voulu ainsi se présenter cette Église à lui-même, rayonnante de beauté, sans tache, ni ride, ni aucun défaut, mais digne de Dieu et irréprochable. Voilà comment les maris, eux aussi, doivent aimer leur femme comme si elle était leur propre corps; ainsi celui qui aime sa femme s’aime lui-même. Car personne n’a jamais haï sa propre chair; au contraire, chacun la nourrit et l’entoure de soins, comme le Christ le fait pour l’Église, parce que nous sommes les membres de son corps » (Ép 5.25-30).
Le même Paul, dans un autre passage de ses écrits, développe cette idée que nous sommes les membres du Christ, à propos de la question de l’immoralité :
« Ignorez-vous que vos corps sont des membres du Christ? Vais-je donc arracher les membres du Christ pour en faire ceux d’une prostituée? Sûrement pas! Ou bien ignorez-vous qu’un homme qui s’unit à une prostituée devient un seul corps avec elle? Car il est écrit : Les deux ne feront plus qu’un. Mais celui qui s’unit au Seigneur devient, lui, un seul esprit avec lui. C’est pourquoi fuyez les unions illégitimes. Tous les autres péchés qu’un homme peut commettre n’impliquent pas intégralement son corps, mais celui qui se livre à la débauche pèche contre son propre corps. Ou bien ignorez-vous que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui vous a été donné par Dieu et qui, maintenant, demeure en vous? Vous ne vous appartenez donc pas à vous-mêmes. Car vous avez été rachetés à grand prix. Honorez donc Dieu dans votre corps » (1 Co 6.15-20).
À la lumière de ces textes, on comprend mieux l’importance et la signification du septième commandement. Notre conduite sexuelle n’est pas seulement une affaire privée, mais elle reflète aussi nos intentions vis-à-vis de Dieu et notre participation au corps de Christ, dont nous sommes les membres.
Comme de nos jours, dans l’Antiquité grecque et romaine, l’immoralité sexuelle était une chose couramment acceptée et pratiquée comme normale. La pédophilie était même reconnue comme une forme supérieure d’amour et de sexualité, bien au-dessus du mariage qui, lui, ne servait qu’à perpétuer la société par la procréation. Pour d’autres, le corps humain n’avait aucune valeur, il faisait partie du monde de la matière, considéré comme mauvais. Seule la dimension dite spirituelle de la vie humaine comptait. On pouvait donc faire ce qu’on voulait de son corps, cela n’avait aucune importance puisque le corps était destiné à disparaître. C’est le monde dans lequel vivaient Paul et les jeunes Églises auxquelles il écrivait ses lettres. Il leur enjoignait de couper radicalement avec ce monde-là et démontrait que le corps humain a beaucoup d’importance aux yeux de Dieu qui l’a créé.
Dans le même passage de sa première lettre aux Corinthiens, Paul écrit encore :
« Ne vous y trompez pas : il n’y aura point de part dans l’héritage de ce Royaume pour les débauchés, les idolâtres, les adultères, les pervers ou les homosexuels, ni pour les voleurs, les avares, pas plus que pour les ivrognes, les calomniateurs ou les malhonnêtes. Voilà bien ce que vous étiez, certains d’entre vous. Mais vous avez été lavés, purifiés du péché, vous avez été déclarés justes au nom du Seigneur Jésus et par l’Esprit de notre Dieu » (1 Co 6.9-11).
Mais revenons à la question que je posais au début : Est-il possible de vivre en plein accord avec le septième commandement, dans toutes ses implications? Le Catéchisme de Heidelberg, à la question 108, pose la question : « Que m’ordonne le septième commandement? » et y répond comme suit : « Toute souillure étant maudite de Dieu, nous devons la haïr de tout cœur et vivre avec pureté et sobriété soit dans le saint mariage, soit hors de cet état. »
Comme c’est le cas pour l’obéissance aux autres commandements, il s’agit d’un processus de croissance : aucun être humain n’est parfait. Seul Jésus-Christ, le Fils éternel de Dieu devenu homme, a été parfait en tous points, et a accompli parfaitement la loi de Dieu afin que ceux qui croiraient en lui soient mis au bénéfice de son obéissance et de sa perfection. Il est celui qui intercède, qui prie auprès de son Père pour ceux qui croient en lui. Il est le Grand-Prêtre qui nous permet de nous approcher de Dieu. L’auteur de la lettre aux Hébreux écrit ceci pour fortifier ses lecteurs lorsqu’ils sont en proie à une tentation quelconque :
« Nous n’avons pas un grand-prêtre qui serait incapable de se sentir touché par nos faiblesses. Au contraire, il a été tenté en tous points comme nous le sommes, mais sans commettre de péché. Approchons-nous donc du trône du Dieu de grâce avec une pleine assurance. Là, Dieu nous accordera sa bonté et nous donnera sa grâce pour que nous soyons secourus au bon moment » (Hé 4.14-16).
Il est impossible qu’au cours de sa vie l’on ne subisse aucune tentation d’une manière ou d’une autre. (Il existe bien d’autres tentations que celle de l’immoralité sexuelle.) C’est uniquement dans la prière et la confiance en ce Grand-Prêtre divin qu’est Jésus-Christ que l’on peut combattre, rester ferme, se sentir porté par la grâce et l’amour divins, voire être remis sur le chemin de l’obéissance à la loi parfaite de Dieu après lui avoir désobéi. Voilà pourquoi l’auteur de la lettre aux Hébreux peut encore écrire :
« Ainsi, puisque nous avons en Jésus, le Fils de Dieu, un grand-prêtre éminent qui, après avoir traversé les cieux, est auprès de Dieu, demeurons fermement attachés à la foi que nous reconnaissons comme vraie » (Hé 4.14).