Exode 20 - Choisir c'est éliminer - 1er commandement
Exode 20 - Choisir c'est éliminer - 1er commandement
« Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face. »
Exode 20.3
Nous le choisirons, lui, ou bien nous nous attacherons immanquablement à la légion de faux dieux qui pullulent autour de nous et qui nous précipiteront irrémédiablement à notre ruine. Dans notre monde infernal, nous avons cédé à la tentation diabolique, donnant la qualité de dieu à ce qui n’est et qui ne sera jamais que vaine idole. Ainsi notre comportement envers Dieu est incompréhensible et notre péché absurde. Sans lui, notre cœur est vide, même si nous croyons remplir ce néant en peuplant notre existence par des objets ou par des êtres, misérables succédanés de celui qui demeure le seul fondement de notre être. Nous lui avons tourné le dos, et dès lors notre histoire n’est qu’une suite d’erreurs tragiques. Une chose pourtant demeure certaine tant que le monde existera : les hommes s’interrogeront sans fin sur l’existence et sur la personne de Dieu. Toutes nos questions se ramènent, en définitive, à celle-là; saurons-nous trouver la bonne réponse?
Les hommes, dans leur orgueilleuse folie, croient l’avoir trouvée. Rappelons-nous du cri se voulant triomphant de Nietzche : « Dieu est mort et c’est nous qui l’avons tué », et qui n’est, au fond, qu’un cri déchirant révélant une détresse infinie… L’homme moderne s’acharne à éliminer Dieu de sa vie et de sa société en se débarrassant de sa tutelle, se détournant de ce qu’il appelle « les puérilités de jadis ». Il veut ainsi faire preuve d’indépendance et de maturité. Plus de tabous, plus besoin d’un Père ni d’un Dieu dans le ciel; il ne saurait vraiment pas quoi en faire! Seul, il saura vivre et forger son avenir, organiser la société à sa guise et ne connaître qu’une loi : celle de sa technique et de sa science. Voilà le dieu qu’il lui faut! Utile, puissant, obéissant pour créer ou pour détruire, enfant bien-aimé de son intelligence et de ses efforts… Voilà une lutte bien épuisante pour des forces humaines, et quelle piètre assurance que celle de l’homme soi-disant majeur! Se voir réduit à adorer ce qu’il a forgé de ses propres mains…
Mais dans les profondeurs de son être, tentations et drames continuent à le ravager. Car le péché en général et l’idolâtrie en particulier sont les signes de son ultime défaite dans cette lutte sans merci dont son âme est le théâtre et l’enjeu. Regardons d’un peu plus près l’homme qui prétend se débarrasser de Dieu. Le voilà se ruant avec frénésie vers les devins et les pythonisses, qui se comptent par milliers non seulement dans les campagnes reculées, mais encore dans les plus grandes et les plus modernes de nos cités… Celui qui ne croit pas en Dieu consulte quand même le marc de café, et les rubriques astrologiques des journaux se lisent chaque matin comme l’Évangile du jour. Avec quel engouement des milliers et des milliers de personnes s’intéressent aux soucoupes volantes pour y discerner un signal venu d’ailleurs, d’un univers perdu dont ils ont la nostalgie.
Le mal du pays est lourd à supporter, et comme l’enfant prodigue de la parabole, qui avait quitté la maison paternelle, ils tournent leurs regards vers des horizons lointains. Leur âme est affamée d’une nourriture qui n’est pas simplement terrestre, mais pour l’instant ils se contentent des caroubes du pays d’exil, et leurs meilleures alliées, la science et la technique, ne peuvent pas les protéger devant l’inéluctable rendez-vous avec la mort.
Nous avons Dieu, le vrai, ou des idoles. L’homme ne peut pas vivre sans religion comme il ne peut vivre en dehors de sa peau. Qu’il adore l’animal, le soleil, la lune ou les étoiles, qu’il essaye de manipuler des forces occultes pour contrôler ce qui le dépasse et lui échappe, une chose demeure identique : il est un être religieux. Même celui qui se déclare athée n’a pas perdu le sens de l’infini et de l’absolu. Si les dieux que l’homme adore ne sont pas personnels, ils sont impersonnels, tels idéologie, civilisation, vie, beauté, science… Autant de dieux qui ont leurs temples et leurs autels parmi nous. Et les nouvelles formes de l’idolâtrie, athéisme, agnosticisme ou sécularisation, sont en vérité des signes évidents de la rébellion, l’apostasie et le blasphème contre Dieu. L’incroyance de notre cœur humain n’est jamais absence de foi; elle est toujours la foi, mais dirigée vers l’idole.
« J’ai été élevée dans une famille où on ne pouvait jamais parler de Dieu, mais lorsque j’ai grandi, j’ai compris qu’il n’était pas possible d’exister sans Dieu dans son cœur. » C’est là le témoignage simple, mais émouvant, de la fille de l’un des athées les plus violents de notre époque, le dictateur de toutes les Russies, Joseph Staline.
On a beau combattre avec une farouche détermination toute forme de croyance, nier Dieu et persécuter les chrétiens, tôt ou tard on est « pris au piège », et c’est souvent dans sa propre famille que quelqu’un fait l’expérience vivante et émouvante de la présence de Dieu.
Les Dagon et les Chemosh, les Baals et les Astartés qui pullulaient sur le sol envahi par Israël ont simplement changé de visage. Quelles sont donc vos idoles? On est peut-être tenté de sourire avec condescendance en écoutant parler du grossier paganisme qui survit ailleurs et qui resurgit parmi nous. Il est même possible que, dans un élan de générosité, on veuille contribuer à l’offrande missionnaire pour extirper toute survivance des religions qui abêtissent et oppriment l’être humain, ici et là dans le vaste monde…
Sommes-nous certains d’être à l’abri d’une idolâtrie plus subtile et de ne pas servir des dieux qui rivalisent avec le Véritable? « L’esprit de l’homme est une boutique perpétuelle, et de tout temps, pour forger des idoles », écrivait, dans son vieux français, l’un des plus grands connaisseurs d’hommes, ainsi que l’un des chrétiens les plus remarquables de son temps, le Français Jean Calvin.
Les idoles c’est tout ce qui prend la place du Dieu vivant dans le cœur et dans la vie. C’est tout ce qui s’interpose entre lui et nous : des idées, des choses, des symboles et des images, des personnes et des institutions… Les mêmes réalités, les mêmes symboles, les mêmes personnes, qui en tant qu’idoles volent Dieu et finissent par le supplanter, peuvent, quand elles sont modestement tenues à leur place, devenir des biens précieux et même des symboles de la bonté de Dieu. Toutes deviennent fallacieuses et dangereuses dès qu’on fait d’elles des absolus ou des dieux et qu’on les place sur un autel pour leur offrir nos hommages et notre allégeance.
Dieu foule aux pieds toutes ces idoles. Il les démasque et il secoue leur joug insupportable. Il dénonce leur imposture, le mensonge du diable et la duperie dont nous sommes les auteurs. Un jour, au temple de Dagon, dieu philistin, des hommes durent ramasser les débris de leur divinité qui encombraient piteusement le sol. Pendant la nuit, Dieu avait renversé et brisé ce rival de néant. Cependant, lorsque Dieu défend ainsi son honneur, il se met à notre service. Dès le début de notre histoire, il a voulu être le compagnon et le guide de tous. Il a voulu protéger l’homme contre les pièges de Satan et les caprices de son propre cœur. L’homme a rejeté ce service de Dieu, comme Israël le rejeta plus tard et comme à notre tour nous le refusons avec une obstination insensée. Car à nos yeux, le scandale le plus grand est de savoir que Dieu condescend jusque là et s’abaisse pour nous. Mais Dieu ne cesse de poursuivre son dessein. Il a accepté de souffrir et de mourir à notre place, pour nous délivrer de toutes les servitudes inutiles.
La crise de la croix dénonce l’égoïsme, l’orgueil et la sensualité de l’homme, et veut mettre fin à ses égarements coupables. Le Christ crucifié est le cœur palpitant de l’humanité nouvelle. Il nous presse maintenant de faire le choix; nul ne peut servir deux maîtres, dit-il, car il aimera l’un ou il haïra l’autre. Le Maître véritable est celui qui offre sa vie comme sacrifice. Il faut choisir, mais choisir Dieu c’est éliminer les idoles.
Dans notre monde infernal où nos chaînes portent la marque diabolique, le mystère le plus grand reste celui de Jésus-Christ. « Il n’a point régné, dit Pascal, mais il a été humble, patient, saint à Dieu, terrible aux démons. » Dans son amour infini, il nous invite :
« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est aisé et mon fardeau léger » (Mt 11.28-30).