Exode 20 - La protection de la vie - 6e commandement
Exode 20 - La protection de la vie - 6e commandement
« Tu ne commettras pas de meurtre. »
Exode 20.13
Ainsi, Dieu appelle à la vie. Autrefois, il avait sauvé de la mort un peuple tout entier, et il décide maintenant de détruire la mort elle-même. Ceux qu’il a arrachés aux griffes de cette dernière ne doivent pas contribuer à la destruction ni augmenter la corruption et la peine des hommes. Ils ne doivent pas non plus distordre la nature.
Par cet ordre, nous apprenons, une fois de plus et d’une manière implicite, ce que Dieu fit pour protéger les siens après les avoir délivrés. Il décrète la fin de la mort, jamais celle de la vie. Il met fin à la vanité et à l’absurde. Le monde des hommes ainsi que les événements semblent avoir pris un tournant mortel à cause de la décision absurde des hommes; tous courent avec frénésie vers leur perte. Pourtant, bien que toutes choses autour de nous montrent un visage malade et mauvais, Dieu ne laisse pas le dernier mot à la mort. « Tu ne commettras pas de meurtre » implique donc : Je suis l’inventeur de la vie et son généreux dispensateur. Mais j’en demeure aussi le garant vigilant.
Afin de nous prouver ses intentions et de mettre en exécution son plan pour notre vie, Dieu s’est engagé personnellement dans un combat décisif. « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jn 3.16). Cette déclaration explique le commandement de Dieu. La loi et l’Évangile sont en réalité un, et renferment non pas un système de moralisme étriqué, mais la Bonne Nouvelle. Nous n’y lisons pas un conseil banal qui nous aiderait, avec un coup de pouce supplémentaire, à avancer un peu mieux.
Sur le mont Sinaï, la loi annonce combien la vie de l’homme est précieuse aux yeux de son Créateur. Sur le mont Calvaire, Dieu atteste la valeur qu’il lui accorde en payant un prix inestimable pour son rachat et pour sa libération. La plus grande vie, la vie la plus précieuse qui puisse exister, a été sacrifiée pour sauver nos vies. Nous qui avons fait bon marché de la vie de notre prochain, qui courons vers notre propre mort et qui sommes incapables d’arrêter les autres sur cette pente, nous pouvons savoir que Jésus-Christ a versé son sang pour que nous ne soyons plus jamais menacés par aucune mort.
Chose paradoxale, celui qui, le premier, a compris le pourquoi de la mort de cet innocent n’était pas un innocent, mais un meurtrier. Il s’agit de celui que parfois on appelle « le bon larron »… Vous en connaissez, vous, de bons larrons? Moi pas… Quant à celui dont nous parle l’Évangile, nous savons parfaitement qu’il était plus qu’un brigand ordinaire; c’était un agitateur politique violent, un terroriste, dirions-nous de nos jours, qui venait de tuer avec la complicité d’autres partisans ceux qui s’opposaient à leur plan. Un homme de sang, que ce compagnon de la croix… Mais il a été le premier à faire, avant d’expirer, la confession publique de la mort vicaire de Jésus-Christ. Il avait compris que le Fils de Dieu mourait à sa place. Aussi, sa haine fut-elle changée en amour. « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne », dit-il pendant qu’il agonisait (Lc 23.42). La vie de Jésus était offerte pour celui qui venait d’ôter la vie à d’autres. Or, Dieu qui ordonne de ne pas tuer est le même qui pardonne au meurtrier. « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (Lc 23.43).
Il nous faut insister sur cette initiative de Dieu; il nous faut d’abord prêcher le véritable défenseur de l’homme, c’est-à-dire Jésus-Christ. Lorsque nous expliquons les dix commandements de la loi de Dieu, nous ne voulons pas tout d’abord cerner les problèmes humains dans leur extrême complexité, mais nous voulons, avant tout, prêcher la mort et la résurrection de Jésus, Fils de Dieu.
Nous ne devons jamais oublier que le crime le plus odieux a été la mise à mort du Fils de Dieu. Ce sixième commandement prend maintenant pour nous une résonnance tout autre. En Jésus de Nazareth, les hommes tuèrent l’image parfaite de Dieu, et nous sommes tous coupables de ce meurtre, car ce furent nos péchés qui le clouèrent sur la croix; nos péchés, à nous autres croyants, aussi bien que les péchés des hommes violents et sanguinaires. Cependant, par la décision mystérieuse et souveraine de Dieu, nous sommes placés devant le seul chemin qui mène à la vie. « Je suis la vie », déclare Jésus dans l’Évangile (Jn 14.6). Lui seul pourra nous arracher aux démons qui nous asservissent. Lui seul saura extirper les instincts de violence qui nous agitent et réprimer notre tendance à convoiter le pouvoir et la domination.
Il nous arrive d’être abasourdis devant la criminalité des adolescents, en progression constante. Peut-être avons-nous oublié l’exigence profonde de l’ordre de Dieu. « Les meurtres procèdent du cœur », disait encore Jésus. Nos colères et nos haines sont chargées d’un authentique potentiel de meurtre. Et l’apôtre Jacques pose à son tour cette question : « D’où viennent les luttes, et d’où viennent les querelles parmi vous, sinon de vos passions? » (Jc 4.1). « Quiconque a de la haine pour son frère est un meurtrier » (1 Jn 3.15). Au fond de nous-mêmes, nous sommes des criminels tant que le Dieu d’amour n’intervient pas dans nos cœurs. En présence de Jésus-Christ, seul homme innocent, il n’est plus permis de tracer une ligne de démarcation entre ceux qui ont toujours bonne conscience sans jamais se repentir, et les autres, ceux dont les noms figurent parfois à la une des journaux charognards.
C’est aussi en face de Jésus-Christ et avec son aide que le sixième commandement peut être appliqué avec toutes ses implications, aussi bien à l’échelle individuelle qu’à l’échelle universelle. Une morale sociale valable découle de cet ordre-là. Il n’est pas un Sauveur désincarné qui se désintéresserait de la tragédie qui frappe notre monde, lui qui a obéi parfaitement à l’ordre de Dieu et qui a le pouvoir de nous protéger contre l’homme devenu un loup pour son prochain. Il nous presse de nous élever contre des calamités de tout ordre, de lutter contre des exploitations de toute nature, d’empêcher les abus dont sont victimes les faibles, d’atténuer la souffrance, de combattre la débauche, la dissipation et toute cette immoralité qui portent atteinte à la dignité de l’homme et compromet sa protection.
Son amour nous presse de courir au secours de ceux qui se trouvent dans la détresse et qui crient avec désespoir : « Mieux vaut la mort que la vie! » « Tu ne commettras pas de meurtre » devient pour nous l’ordre à la lumière duquel nous devons considérer toutes nos attitudes pour lutter contre la mort, la mort par accident, par suicide, par l’avortement et par les guerres d’agression. C’est surtout là que cet ordre devrait retentir. Pouvons-nous désormais considérer la guerre comme la solution inévitable, « normale », à certains conflits? Est-il permis de demeurer indifférent en face des plans de destruction massive qu’élaborent des hommes sans Dieu et sans loi?
En écoutant cet ordre, oserions-nous nous retrancher derrière une casuistique confortable et accepter sans broncher que les nations, même celles qui n’ont pas de quoi nourrir leurs citoyens, dépensent des sommes astronomiques pour toutes sortes d’armements?
« Tu ne commettras pas de meurtre. » À la limite, ce commandement est la permission positive à vivre dans une totale plénitude; à posséder et à user les avantages de la bonne création de Dieu; à abandonner une attitude morose dans la vie et à résister aux suggestions démoniaques; à donner à notre tour une réponse personnelle en disant oui à la vie que Dieu nous accorde. Son Royaume est déjà au milieu de nous. Devant lui, la mort recule. Elle est encore inévitable, mais ses jours sont comptés. Dieu prépare l’heure où sa lumière se lèvera totalement. Alors, l’homme à l’image de Dieu n’aura plus aucun besoin de notre défense. Il n’y aura plus aucune larme. Les mères qui pleurent la disparition de leurs enfants seront consolées.
« Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes! Il habitera avec eux, ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses auront disparu » (Ap 21.3-4).