Genèse 1 - La bonne création de Dieu
Genèse 1 - La bonne création de Dieu
« Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait, et voici : c’était très bon. »
Genèse 1.31
Y avez-vous déjà songé? Dieu approuve ce qu’il vient d’achever. La création inanimée, puis celle du monde végétal et animal comme plus tard celle de l’homme créé « à son image et ressemblance », reçoit l’approbation divine. Désormais, nul ne devrait percevoir autrement les œuvres de Dieu. Il ne nous est pas permis de contester ce qu’il approuve, mais d’y souscrire. Dieu a pris plaisir en chacune de ses œuvres séparément et les a approuvées. Cela n’était-il pas suffisant? Il semble que non, puisqu’après avoir répété six fois le même propos et peut-être pour réprimer notre audace à contester et à contredire, lors de la récapitulation finale il est ajouté : « Et voici : c’était très bon ». C’est comme la dernière touche pour polir et agencer, pour donner cette perfection souveraine, équilibrée et achevée dans tout ce que Dieu accomplit. Personne ne peut rien y ajouter.
Vous me direz peut-être que tout ceci est bien surprenant et en flagrante contradiction avec la réalité telle que nous la connaissons, telle que nous l’apercevons et telle que parfois la Bible elle-même nous la dépeint. Ne décrit-elle pas, de manière réaliste et parfois insoutenable, les côtés sombres de notre monde, de l’histoire des hommes ainsi que de toute existence humaine? Devant nous défilent les portraits d’hommes et de femmes dégradés et avilis par le mal, des existences tourmentées et gâchées, une nature parfois brutale et brutalisée, des ressources gaspillées…
L’émerveillement de Dieu sur sa très bonne création est à peine annoncé que nous voyons déjà, quelques paragraphes plus loin dans le récit de celle-ci tel que la Bible nous le rapporte, le poids de la malédiction tombée sur le monde. Et pourtant, nous pouvons et devons accepter la bonne création de Dieu comme un motif fondamental de l’Écriture et de la foi.
Mais comment comprendre et expliquer cet autre motif, fondamental lui aussi, c’est-à-dire la chute, et comment le concilier avec la perfection des œuvres divines? Il s’agit d’une chute dans le mal qui n’épargne rien ni personne, puisque le genre humain tout entier y est engouffré et que la corruption est devenue universelle; une malédiction qui recouvre toute la terre et qui ne s’arrête pas aux « ronces et aux épines » qu’elle produit aussitôt, mais débouche encore sur cette crise gigantesque que nos contemporains appellent « la crise écologique ».
Et lorsque nous tournons le regard vers l’homme, cette « image de Dieu », où voyons-nous donc sa perfection? Quelle trace d’harmonie, de bonté ou d’ordre voyons-nous dans sa vie? Il suffirait de se rappeler des horreurs qui se sont produites au 20e siècle, les violences et les crimes, le mensonge et la haine entre homme et homme, entre nation et nation, entre classes sociales, entre différentes ethnies, pour perdre toute illusion… Oui, je n’ignore pas ces faits, et n’importe quel croyant est prêt à les reconnaître; notre vie chrétienne manquerait de crédibilité si elle oubliait un seul instant la chute et ses effets désastreux. Mais notre foi commence par constater et par confesser que Dieu fit toutes choses à merveille. Et nous devons nous garder de faire de la foi une forme de « sinistrose » qui n’aurait qu’une vue cataclysmique des choses, uniquement attentive à la somme de statistiques qui s’occupent du mal, des désastres, de la misère, de l’échec et de la fin misérable des hommes.
Certains chrétiens ont commis l’erreur de ne placer au centre de leur réflexion que ce qui vient de l’homme; ils ne voient que sa misère, sa révolte et les conséquences de ses actes. Auraient-ils oublié que la Bible commence par l’œuvre de Dieu, la bonne création dont il est l’auteur, et qu’elle se termine par la récapitulation et la recréation de toutes choses? Le point de départ de la foi chrétienne est et sera toujours Dieu en personne.
Voyez de quelle manière tous les credo et toutes les grandes confessions de la foi chrétienne universellement admises commencent invariablement par reconnaître Dieu et le confesser comme le seul Créateur. Peu de place est accordée aux œuvres de l’homme, et lorsque celui-ci est mentionné, c’est pour annoncer sa libération, sa réhabilitation et sa restauration à l’image de Dieu. Sur le terrain biblique et sur celui de la confession de la foi, nous sommes bien loin de la maladive préoccupation de l’homme pour lui-même, cette maladie propre à celui qui vit loin de Dieu, mais qui atteint, hélas, bien des chrétiens et bien des Églises. Pourtant, l’expérience nous enseigne que plus on parle de l’homme et plus on s’apitoie sur ses maux, et plus on contribue à l’enfoncer dans sa misère et ses contradictions. Dieu seul peut prendre soin de lui de manière adéquate et totale en tant que son Père et son Maître; il est le seul qui nous connaisse parfaitement, lui qui nous a créés à son image et pour qui nous sommes.
Qu’il soit bien clair, redisons-le sans nous cacher la vérité, que nous ne nous laisserons pas bercer par un optimisme irréaliste. Notre foi en la bonne création de Dieu ne doit pas dissimuler les côtés sombres de l’existence humaine. L’innocence totale y est introuvable et la bonté rare; les quelques tentatives de réforme que l’on s’efforce à appliquer ici ou là ne changeront rien de façon radicale ou définitive. Toutes les révolutions, grandes ou petites, n’ont contribué, la plupart du temps, qu’à l’avènement d’une plus grande tyrannie là où elles ont triomphé. Le mal est beaucoup trop profond pour pouvoir y remédier par des mesures superficielles.
C’est au sein de ces constatations que nous persistons à croire et à proclamer avec la Bible que la création est très bonne. Dieu est encore Dieu, le savoir nous suffit, nous réconforte et nous permet d’aller de l’avant, de reprendre notre souffle, de persévérer et même de chanter. Au lieu de fuir le monde, nous pouvons y assumer notre condition humaine, au lieu d’abîmer notre existence, y entreprendre une œuvre positive. Parce que Dieu est le Créateur du monde, nous avons le privilège et le droit d’user de notre bien en lui rendant le témoignage de notre gratitude. Il doit exister un sain pragmatisme qui ne refuse pas les biens que la bonne création de Dieu nous procure pour notre joie et pour notre équilibre.
Notre Dieu est le Créateur, ce qui veut dire qu’il est responsable de la vie et de toutes choses, et derrière chaque événement, chaque réalité belle et saine, nous pouvons apercevoir sa main et nous réjouir de sa bonté.
Lorsque le soleil est caché par les nuages, nous savons qu’il n’est pas éteint, mais qu’il continue à briller; lorsque la terre lui tourne le dos pour plonger dans les ténèbres de la nuit, le soleil ne disparaît que de son horizon, mais pas de l’univers. Dans sa bonté, Dieu préserve la vie sur terre, permet le cycle des saisons et des moissons; il veille sur la vie animale et végétale.
Accordons donc notre attention à cette première et grande vérité de Dieu. À notre tour, nous serons émerveillés comme Dieu le fut au soir de la première journée de la création. Vous avez des raisons très valables d’être déçu, aigri, révolté… Mais écoutons encore une fois, voulez-vous, cette première déclaration de la Bible : « Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait, et voici : c’était très bon. »
D’autant plus que cette déclaration n’est pas réservée uniquement à un heureux, mais bref commencement; elle nous annonce surtout la fin triomphante de la même bonté divine. Alors, vous pourrez, comme l’auteur du Psaume 34, chanter ses louanges : « Je bénirai l’Éternel en tout temps; sa louange sera toujours dans ma bouche… » (Ps 34.2).