Homilétique (5) - La priorité du texte de la prédication
Homilétique (5) - La priorité du texte de la prédication
- Les centres d’intérêt du prédicateur et de la communauté
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Quel texte choisir?
a. Un lectionnaire
b. La prédication thématique
c. La prédication-exposition
1. Les centres d’intérêt du prédicateur et de la communauté⤒🔗
Le prédicateur est inévitablement tenté de choisir des textes qui se rapprochent de ses centres d’intérêt personnel. Dans tous les cas, il doit :
- Veiller à ne pas imposer ses propres préoccupations au texte.
- Avoir conscience que ses propres préoccupations ne correspondent pas forcément aux besoins de la communauté.
Le prédicateur ne peut pas nier son propre vécu. Il est probable qu’il doive apporter (témoigner de) quelque chose qu’il a lui-même reçu pour lui, peut-être récemment. En un sens, il est le premier destinataire du message, le premier touché. Il en était ainsi des prophètes de l’Ancien Testament. Le prédicateur est peut-être en train de devenir un maître, mais il demeure aussi un disciple!
Il est évident que le prédicateur doit avant tout tenir compte des préoccupations et des besoins de la communauté, besoins qui peuvent être différents des siens1. Ce n’est pas au prédicateur que l’Église doit ressembler, c’est au Seigneur. Ainsi, une maman peut préparer un plat qu’elle n’aime pas, si elle estime que sa famille en a besoin. Les besoins de la communauté ne seront accessibles au prédicateur que s’il est proche des gens. Est-il à l’écoute de ce qu’ils ont à dire? Les rencontre-t-il sur leurs lieux de vie? Jésus a vécu avec les personnes à qui il s’adressait. Il ne s’est isolé que pour mieux revenir au contact, ensuite.
Une communauté, grande ou petite, est composée d’hommes et de femmes fort divers. Certains sont chrétiens depuis longtemps, d’autres sont en train de le devenir. Certains sont jeunes, d’autres âgés. Certains traversent une période heureuse de leur vie, d’autres une période éprouvante… Comment apporter un message qui soit utile pour chacun et pour tous2?
C’est probablement là un des caractères propres du pasteur, du prédicateur : tout en étant attentif à chacun, il lui est donné aussi de voir l’assemblée comme s’il s’agissait d’une personne. Elle en est là de son cheminement (1 Co 3.2), elle est habitée par telle ou telle souffrance, tel ou tel refus, telle ou telle soif; elle a besoin d’entendre ceci ou cela, en tant que communauté. Dans le même sens, les prophètes et Jésus lui-même pouvaient s’adresser à des villes comme on s’adresse à une personne.
Nous l’avons déjà dit : avant de faire l’exégèse du texte biblique, le prédicateur doit procéder à une sorte d’exégèse de l’assemblée, ce qui nécessite un regard attentif, une grande sensibilité, un grand amour du Seigneur et des frères et sœurs3. Que sert-il, en effet, de dire avec force de grandes vérités si ce n’est pas ce que cette assemblée a besoin d’entendre? Le prédicateur doit aller à la rencontre de ses auditeurs, mentionner fréquemment les enfants, les garçons, les filles, les fiancés, les mamans, les papas, ceux et celles qui sont seuls, les personnes âgées…
2. Quel texte choisir?←⤒🔗
Plusieurs pasteurs pourraient confier que le choix du texte biblique pour la prédication est un des exercices les plus difficiles qui soient. Il n’est pas évident que le premier texte qui vient à notre esprit soit le texte qui convient. Comment savoir? Nous avons déjà évoqué ce qui a touché le prédicateur, ce qui correspond aux besoins reconnus (peut-être collégialement) de l’assemblée. Certaines pratiques peuvent être mentionnées.
a. Un lectionnaire←↰⤒🔗
Les Églises anciennes utilisent souvent un lectionnaire lié à un calendrier liturgique. Ce calendrier propose des lectures bibliques pour chaque jour et pour toute l’année. Cette discipline a plusieurs avantages :
Elle permet à un grand nombre d’Églises de se pencher sur les mêmes textes le même jour.
Elle permet de couvrir la totalité de la Bible en quelques années.
Le lectionnaire a aussi l’avantage d’amener le prédicateur à prêcher sur un texte qu’il n’a pas choisi lui-même. Il se soumet; il le reçoit, en quelque sorte, avant de l’apporter.
Cela lui apporte aussi une protection : il peut parler avec d’autant plus d’assurance qu’il n’a pas choisi ce texte pour dire ce qu’il voulait.
Cela lui impose une discipline : naturellement, il aurait évité ce texte trop connu ou trop difficile.
Enfin, le fait de connaître à l’avance le texte sur lequel on va prêcher permet de le méditer, de chercher des illustrations de la vie courante, des applications pratiques.
b. La prédication thématique ←↰⤒🔗
La prédication thématique peut être pratiquée de temps en temps. Le prédicateur choisit un thème, élabore un plan et étaye les points de son message par différents versets (textes-preuves). La prédication thématique n’exclut pas la dimension exégétique, afin d’éviter de citer des textes qui semblent proches, mais qui ne le seraient pas véritablement (ne pas se fier seulement aux mots-clés). Elle nécessite aussi une bonne théologie biblique. Le prédicateur peut traiter un thème avec une série de prédications. Il devra éviter de se répéter et donnera à l’assemblée le sentiment de progresser d’étape en étape.
c. La prédication-exposition←↰⤒🔗
Certaines Églises recommandent fortement la « prédication-exposition » qui consiste à prêcher le texte biblique de manière suivie, séquence après séquence. Jean Calvin pratiquait la prédication-exposition4, et de nombreux pasteurs presbytériens considèrent que c’est la seule manière d’annoncer « tout le conseil de Dieu » (Ac 20.27). Cette manière de faire a ses avantages5 :
- Le contexte est nécessairement pris en compte.
- Le prédicateur sait à l’avance sur quels textes il va prêcher.
- Les questions sensibles peuvent être abordées sans que personne ne se sente visé.
- Les prédications précédentes nourrissent la prédication suivante6.
Pratiquer la prédication-exposition peut donner l’impression de donner la priorité au texte sur l’assemblée. Cependant, la prédication doit demeurer une prédication et pas une étude biblique : tout en expliquant ce texte-là — mis en parallèle avec d’autres textes abordant le même thème —, le prédicateur doit l’appliquer avec précision en s’adressant directement à ses auditeurs de manière aussi pratique que possible7.
Il est recommandé de ne pas passer trop de temps sur une même série8. De nombreux pasteurs proposent des séries de sept à huit semaines. Il ne semble pas raisonnable d’aller au-delà de douze semaines.
Notes
1. Nous pouvons noter l’opportunité de choisir collégialement les sujets de prédication, à certains moments en tout cas.
2. Il est important, pédagogiquement, pastoralement, que le prédicateur mentionne assez fréquemment les diverses catégories de personnes qui composent l’assemblée : enfants, petites filles, petits garçons, collégiens, collégiennes, lycéens, lycéennes, étudiants, jeunes adultes, fiancés, jeunes mariés, jeunes parents, personnes seules, malades, etc.
3. Si le prédicateur est sensible à l’action du Saint-Esprit, il est probable que des « paroles de connaissance » émailleront son message, qu’il en soit conscient ou pas. Mais cela ne dispense aucunement du travail d’observation attentive. Pensons à Paul à Athènes (Ac 17.23) et à ce qu’il a souvent écrit dans ses lettres.
4. Calvin a dû quitter Genève pour Strasbourg durant trois ans, pour se protéger. Revenu à Genève, il a repris le cours de ses prédications là où il s’était interrompu trois ans plus tôt.
5. Voir l’article de Douglas Kelly, Prêcher le dessein de Dieu dans sa totalité. Voir aussi le chapitre III. de ce cours, intitulé La théologie biblique de la prédication.
6. Il faut cependant veiller à ce que chaque prédication de la série ne soit pas trop dépendante des précédentes, afin que les visiteurs ne se sentent pas frustrés.
7. « La prédication est une lecture actualisée d’un texte biblique. »
8. Les séquences peuvent s’appuyer sur des textes de longueur variable. Un chapitre de la Bible peut ainsi être divisé en deux, trois, quatre ou cinq séquences, voire plus.