Jésus nous régénère (2)
Jésus nous régénère (2)
Jésus-Christ, en tant que le Régénérateur de nos personnes, est la conviction à la base même de toute espérance chrétienne. L’idée même de sainteté, l’effort de sanctification à laquelle nous sommes appelés, en dépendent, en tirent l’inspiration et en puisent leur force.
Dans notre méditation précédente, nous avons affirmé qu’un Christ qui ne serait qu’inspirateur, sans être un Christ Sauveur, ne nous serait pas d’un grand secours. Dans cette partie de notre exposé, nous tenons à présenter l’autre face de la même vérité. Si le Christ ne devenait pas le Modèle de notre vie, il serait inutile de nous accrocher à un Sauveur dont l’autorité ne s’exercerait pas sur nos existences, dont la lumière n’illuminerait pas notre parcours, dont la vérité n’orienterait point notre recherche et dont le nom ne serait jamais invoqué comme Guide et comme Docteur. Un Christ Seigneur qui ne serait pas aussi notre Inspirateur remettrait en question l’authenticité même de notre foi.
Une preuve a contrario de ce que nous énonçons se trouve dans le fait que les hommes connaissent parfaitement ce qu’ils doivent faire, mais laissés à eux-mêmes ils sont incapables de mettre en pratique ce qui est juste et convenable. Saint Paul nous offre de nouveau l’émouvant exemple de l’homme qui sait à quoi il est tenu moralement, mais qui est incapable de donner suite à sa connaissance. Dans sa lettre aux Romains, il fait l’aveu déchirant que voici : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas » (Rm 7.19). Oserais-je parler à cet endroit de schizophrénie spirituelle, celle qui nous atteint tous, hommes et femmes, depuis les origines, depuis la chute, parce qu’ayant ravagé notre cœur et disqualifié notre esprit à agir selon le bien suprême? Ce n’est pas la connaissance du bien et du mal qui nous fait défaut, mais la volonté et la force de mettre en pratique ce que nous savons presque instinctivement être le bien, nous soumettre à la volonté de Dieu, choisir la vie selon Dieu et vivre de sa plénitude. Tel est notre problème.
Qui d’entre nous n’a jamais résolu, souvent en début d’année et mû par de bons sentiments, de se conduire autrement que durant les 52 semaines écoulées? Pour aussitôt se retrouver, pas plus tard que le 10 janvier, dans l’ancien cercle, malheureux, ayant échoué, incapable de faire le moindre progrès… Qui n’a pas alors soupiré sincèrement sur son échec, se lamentant sur la fragilité même de son esprit? Le pire des hommes sait tout au fond de lui ce qu’est le bien, et il le discerne du mal. Une étincelle divine dans son âme lui indique l’existence de ces deux réalités fondamentales et leur irréductible opposition. La conscience, bien que parfois émoussée, l’alerte de la transgression, si aisée à commettre, ainsi que du devoir qu’il faut accomplir. En effet, notre problème n’est pas celui de la connaissance, car nous ne sommes pas si bêtes que ça, nous ne sommes surtout pas des bêtes; ce qui nous fait défaut, c’est une volonté soumise. Et même, pour prendre l’exemple contraire, même le meilleur des hommes sait qu’il échoue invariablement en deçà de la ligne qu’il aurait dû pourtant, selon ses connaissances et sa vive conscience, dépasser.
Ici intervient alors la puissante transformation qu’opère le Christ, car il fait plus que de nous instruire. Il nous refaçonne. Tel est l’avantage du glorieux Évangile chrétien qui insuffle en nos membres engourdis, paralysés, moribonds, une dynamique céleste. En Christ Jésus, nous ne possédons pas une simple vision du bien, un appel clair, mais insuffisant à escalader le sommet. En lui, nous découvrons la source de la puissance qui inonde et qui nous emporte par des flots de régénération.
Avez-vous remarqué la fréquence avec laquelle ce terme de « puissance » revient sur les pages du Nouveau Testament à propos du Christ des Évangiles? « Le Royaume de Dieu, est-il écrit quelque part, ne consiste pas en paroles, mais en puissance » (1 Co 4.20). « Je n’ai pas honte de l’Évangile, déclare saint Paul, c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rm 1.16). De son côté, l’Évangile selon saint Jean rapporte : « Tu lui as donné pouvoir sur toute chair, afin qu’il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés » (Jn 17.2). Saint Matthieu écrit : « Les foules, saisies de crainte, glorifièrent Dieu qui a donné aux hommes un tel pouvoir » (Mt 9.8). « Sa parole était avec un pouvoir », écrit saint Luc (voir Lc 4.32,36). « Le royaume de Dieu vient avec puissance », affirme saint Marc (Mc 9.1). Saint Pierre rend ce témoignage : « Nous vous avons fait connaître la puissance de notre Seigneur Jésus-Christ » (2 Pi 1.16). L’épître aux Hébreux fait cette déclaration frappante : « Il soutient toutes choses par sa parole puissante » (Hé 1.3). « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre », déclare Jésus en personne, avant de prendre définitivement congé de ses disciples (Mt 28.18).
Cet élément de pouvoir est primordial dans l’annonce et la transmission de la Bonne Nouvelle adressée à l’homme pécheur. Sans cet élément, il n’aurait pas offert plus qu’un Socrate, un Platon, un Confucius ou un Mahomet. Ce pouvoir lui confère une place unique, incomparable. L’éliminer de la proclamation de son nom et de sa mission signifierait acculer les hommes, responsables de leurs passions et de leurs vices, victimes d’habitudes suicidaires, à un désespoir total. Mais grâce à cet élément, c’est-à-dire au pouvoir transformateur du Christ, nous ferons appel à l’alcoolique à se tourner vers le Christ pour trouver la guérison; au drogué pour qu’il brise ses chaînes; au criminel pour qu’il se repente et trouve le pardon des offenses et une existence entièrement renouvelée; à l’homme dont l’apparence inspire le respect, mais qui, à sa manière, est enchaîné à de secrètes passions inavouées, afin qu’il s’adresse au Sauveur tout-puissant et accueille enfin sa libération. L’élément de puissance en Jésus-Christ est source de joie et d’assurance; le plus malheureux des êtres humains sera le témoin de l’anéantissement de tout pouvoir usurpateur, il remportera la victoire sur un mal dont il est devenu l’esclave.
Nous nous sommes égarés sur des voies spacieuses et nous nous sommes retrouvés perdus ou bloqués dans des impasses. Nous nous sommes dévoyés en nous fiant uniquement à notre culture et à nos lumières intellectuelles, en nous confiant aussi en nos prouesses techniques, nous vantant de nos idéologies de pointe, arrogants enquêteurs inquisiteurs, jusque dans notre subconscient…
Nous ne devons pas sous-estimer, certes pas, l’apport de la culture ni les bienfaits du progrès de l’esprit. Faudrait-il cependant rappeler leur insuffisance face aux abîmes de notre âme et devant les blessures mortelles de notre cœur? Si par culture de l’esprit nous entendons le développement harmonieux de nos aptitudes pour la gloire de Dieu, mises au service de notre prochain, voire — pourquoi pas? — de notre propre bien-être et de celui des nôtres, soit; nous pourrons bénéficier de tous ses apports et de tous ses fruits agréables. Mais si science, culture et éducation ne sont que l’équivalence d’une recherche et d’un salut par nos propres efforts et le prétexte de jeter à la face du Dieu Sauveur notre mépris et notre suprême arrogance, ainsi que nos infantiles présomptions, alors, mieux vaut entrer dans le Royaume de Dieu simples en esprit et amputés de toute culture que de charrier dans l’au-delà des poids qui nous enfonceraient davantage encore dans le néant d’un enfer éternel. Pour reprendre une image employée par le Christ, nous ressemblerions à ces coupes nettoyées seulement de l’extérieur, et dont l’intérieur grouille d’immondices… Nous serions pareils à ces sépultures blanchies qui renferment la putréfaction et conservent la mort. Nous serions parmi ceux qui, insensés et irréalistes, cherchent à cueillir des figues sur des chardons.
Mais le Christ, dont l’Esprit et la Parole transforment notre caractère et régénèrent nos esprits, illumine aussi nos intelligences en vue d’une culture authentique et d’une éducation dans la vraie sagesse. Puissions-nous alors l’invoquer de toutes nos forces et le prier avec humilité et foi.
Christ, Agneau de Dieu, Fils éternel du Père, Sauveur, nous te louons pour ton offrande et pour ta toute-puissance; pour le sacrifice de ta divine personne et ton autorité universelle. En toi notre passé a été enseveli avec ses blessures et avec chacune de nos macules. Notre présent est illuminé chaque jour par ta présence indéfectible. Notre avenir même devient certain. Puissions-nous, Seigneur de nos vies et du monde, vivre de tes grâces, obtenir ton pardon, nous laisser inonder par ta puissance. Merci, tout simplement merci, d’être devenu l’Architecte de notre vie nouvelle.