Jean 4 - La source d'eau vive
Jean 4 - La source d'eau vive
« Le Seigneur sut que les pharisiens avaient appris qu’il faisait et baptisait plus de disciples que Jean. Toutefois, Jésus ne baptisait pas lui-même, mais c’était ses disciples. Alors, il quitta la Judée et repartit pour la Galilée. Or il fallait qu’il traverse la Samarie. Il arriva donc dans une ville de Samarie nommée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph son fils. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C’était environ midi. Une femme de Samarie vint puiser de l’eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire. Car ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres. La femme samaritaine lui dit : Comment toi qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une Samaritaine? — Les Juifs, en effet, n’ont pas de relations avec les Samaritains. — Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire! C’est toi qui lui aurais demandé à boire, et il t’aurait donné de l’eau vive. »
Jean 4.1-10
Le quatrième chapitre de l’Évangile selon Jean nous présente une scène de dialogue tout à fait unique dans tous les récits évangéliques : Jésus, traversant la province de Samarie, se trouve vers midi auprès d’un puits, après une longue marche, et c’est là qu’il rencontre une femme d’un village voisin venue puiser de l’eau. La conversation qui va s’engager ne portera pas sur un sujet trivial, mais sur quelque chose d’essentiel : la soif et l’eau qui peut la désaltérer. Mais de l’élément matériel qui peut abreuver une soif physique, cette eau qui se trouve au fond du puits, Jésus va passer à l’eau qui peut jaillir du fond même de l’être humain et aboutir à la vie éternelle. Remarquons tout de suite que le thème de l’eau est commun au passage qui précède celui-ci, par le biais du baptême dont il vient d’être question.
L’humanité de Jésus apparaît dans ce récit (comme dans bien d’autres) par le fait que nous le voyons avoir soif, réellement soif : il a beaucoup marché, il est fatigué et de plus il est midi et il doit faire très chaud. Jésus n’est pas un surhomme que rien n’atteint ou ne peut faire broncher. Même s’il a conservé toute sa divinité en sa personne, il a revêtu une nature humaine semblable à la nôtre et connaît la faim, la soif, la fatigue ou la souffrance physique. Raison pour laquelle l’auteur de la lettre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament, peut écrire à ses lecteurs :
« Car nous n’avons pas un souverain sacrificateur incapable de compatir à nos faiblesses; mais il a été tenté comme nous à tous égards, sans commettre de péché » (Hé 4.15).
Pourtant nous verrons que lorsque la conversation avec la femme samaritaine s’engage, Jésus oublie sa soif pour se concentrer sur le message qu’il lui annonce.
Quant à l’attitude initiale de cette femme, elle nous est expliquée par l’évangéliste qui signale l’hostilité traditionnelle entre Juifs et Samaritains, fruit d’une longue histoire. En règle générale, les Juifs évitaient de traverser la région de Samarie quand ils voulaient se rendre soit du sud au nord du pays, soit du nord au sud, quitte à prendre une route plus longue. Mais l’évangéliste a dit : « Or il fallait qu’il traverse la Samarie. » Pourquoi : il fallait? Jésus ne s’embarrasse pas des préjugés communs à ses frères de sang, et, bien qu’il ait déclaré qu’il était venu pour annoncer la bonne nouvelle du Royaume en priorité aux Juifs, nous le voyons ici s’écarter de cette mission pour annoncer par là que toutes les nations seraient bénéficiaires de cette bonne nouvelle, même celles qui vivaient en état d’hostilité déclarée avec le peuple d’Israël. Quoi qu’il en soit, cette hostilité apparaît dès la première réplique de cette femme : « Qui es-tu, toi, pour me demander de l’eau à boire? » Comme si elle rendait la pareille à Jésus et lui renvoyait le mépris dont les Juifs couvraient ordinairement les Samaritains, auxquels ils reprochaient d’avoir corrompu la vraie religion en la mélangeant avec toutes sortes d’éléments bâtards. Elle avait beau jeu de refuser de l’eau à cet ennemi héréditaire.
Jésus, lui, ne se laisse pas désarçonner, il ne se met pas en colère, il n’insiste pas. Au contraire, de personne en position de faiblesse dépendant de la bonne volonté d’une femme, qui plus est d’une femme appartenant à une nation hostile à la sienne, il se présente immédiatement comme celui qui seul peut pourvoir à ses besoins les plus profonds : « Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire! C’est toi qui lui aurais demandé à boire, et il t’aurait donné de l’eau vive. » Voilà vraiment quelque chose d’admirable. Non seulement Jésus essuie la rebuffade de cette femme, mais il lui présente immédiatement l’Évangile de vie : celui qui lui demande à boire, c’est justement lui le don de Dieu, celui qui possède l’eau vive dont tout homme et toute femme a besoin et vers lequel chacun devrait accourir. Cette eau vive n’est d’ailleurs autre que le Saint-Esprit lui-même, car déjà dans l’Ancien Testament l’image de l’eau lui est appliquée. Comme l’écrit Jean Calvin dans son commentaire sur l’Évangile de Jean : « Car nous sommes comme une terre sèche et stérile : il n’y a ni suc ni vigueur en nous, jusqu’à ce que le Seigneur nous arrose de son Esprit. »
Mais écoutez le ton incrédule et railleur par lequel elle lui répond :
« Seigneur, lui dit-elle, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond; d’où aurais-tu donc cette eau vive? Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux? »
Il est clair que, tout comme ses compatriotes, la femme samaritaine se déclare descendre de Jacob, donc elle ne doute pas un instant de son pedigree de véritable israélite. Ne pensons pas qu’en appelant Jésus « Seigneur », elle le reconnaisse comme le Seigneur divin; en fait, elle utilise simplement une formule courante pour s’adresser à un homme qui n’est plus un enfant. Au fond, elle lui dit qu’il se prend un peu trop au sérieux avec son histoire d’eau vive.
Jésus reprend en déclarant maintenant clairement la nature spirituelle de cette eau vive, en contraste avec l’eau du puits :
« Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boit de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. »
On retrouvera la même affirmation au chapitre 7 de l’Évangile selon Jean lorsque Jésus se trouvera à Jérusalem pendant la fête juive des tentes. Je vous cite les versets 37 à 39 de ce chapitre :
« Le dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus debout s’écria : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture. Il dit cela de l’Esprit qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui; car l’Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié » (Jn 7.37-39).
Ce qu’il nous faut surtout remarquer c’est que l’eau vive dont parle Jésus a un caractère éternel, elle n’est pas destinée à apaiser temporairement une soif passagère, comme l’eau du puits. Cela ne veut pas dire que l’on ne connaît pas tout au long de sa vie de soif spirituelle, comme si l’on buvait le premier jour de cette eau spirituelle et l’on ne souhaitait plus en boire après cela. Au contraire, le vrai croyant est toujours animé d’une soif spirituelle, mais il trouve tout au long de sa vie à se désaltérer de cette eau vive dont la source est intarissable : il s’agit de l’Évangile de Jésus-Christ appliqué en son for intérieur par le Saint-Esprit. Une fois découvert, cet Évangile ne le quitte plus, il y revient constamment, chaque jour de sa vie, au milieu de circonstances adverses ou favorables, peu importe. Plus le croyant désire ardemment croître dans la foi, plus il a soif de Jésus-Christ, plus le Saint-Esprit lui applique l’Évangile et le fortifie dans cette foi. C’est en ce sens que Jésus dit : « L’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. » La source ne tarit en effet jamais, elle débouche sur la vie éternelle. Comme l’écrit Calvin dans son commentaire :
« Ainsi, la grâce du Christ ne découle pas sur nous pour un peu de temps, mais se répand jusqu’à l’immortalité bienheureuse. Car elle ne cesse de découler, jusqu’à ce que la vie incorruptible, qui est commencée en nous, soit accomplie de toutes parts. »
Nous continuerons dans un prochain article notre méditation sur le quatrième chapitre de l’Évangile selon Jean, et nous verrons comment la femme samaritaine se laisse toucher par les paroles de Jésus, jusqu’à finalement l’accepter comme le Messie et son Sauveur.