La vie éternelle
La vie éternelle
« Je crois la vie éternelle. » C’est sur cette note triomphante de joyeuse espérance que se termine, rappelez-vous, la confession de la foi de l’Église, le Symbole des apôtres.
Durant les heures les plus sombres de l’histoire de l’Église, ce jubilant cri de victoire sur la mort, ce dernier article du vieux credo a retenti comme le son du clairon. Le credo est consacré d’un bout à l’autre à l’annonce de la disparition de l’effroi causé par le péché, par l’ennemi, par la mort. Mais aussi à l’instauration de la paix. Il ancre en nous la certitude de l’espérance chrétienne.
À cause d’elle, nous pouvons louer et adorer Dieu. Dieu, notre Père en Jésus-Christ, notre Rédempteur par l’Esprit Saint le Rénovateur, remplit de sa plénitude notre cœur, ainsi que l’univers. Notre foi et la connaissance du salut dominent chacune des étapes de notre existence d’Église et de chrétien. La foi seule peut recevoir la certitude de la révélation biblique, et rien d’autre : « Je crois la vie éternelle »; j’y crois parce que mon Sauveur en personne me donne la possibilité de croire. Il promet : « Celui qui croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11.26). Si notre foi regarde Jésus-Christ, la vie éternelle est déjà maintenant une réalité présente.
Qu’apprenons-nous à son sujet? Nous le savons dès à présent. Le jour de notre mort, le Seigneur sera au rendez-vous fixé d’avance pour nous rencontrer et nous faire franchir le seuil du Royaume éternel. Aussi, notre existence, qui parfois nous paraît une énigme dramatique, ne prendra pas fin dans cet événement abrupt et effrayant qui s’appelle la mort. Nous avons choisi Dieu, le Père tout-puissant, non pas une idole, produit de nos esprits égarés. Nous croyons au Dieu de la Bible et de l’Église universelle. Nous croyons pour espérer en lui, pour l’adorer, pour l’invoquer. Nous sommes déjà placés sur le chemin de la vie éternelle. La vie éternelle ne vient pas s’ajouter comme un simple appendice sur la vie temporelle, elle est déjà présente par la qualité nouvelle qu’elle confère à notre existence actuelle. « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17.3).
Cette qualité de vie n’éclate au grand jour qu’au regard de la foi. Par conséquent, quiconque rejette l’Évangile ne peut que chercher avec passion, parfois avec désespoir, à presser la dernière goutte de plaisir, à boire jusqu’à la lie les semblants de joie offerts par la vie mondaine. Bientôt, ce sera la fin, pense l’homme en dehors de l’orbite éternelle. Goûtons aux nourritures terrestres pendant que s’approche l’heure qui nous précipitera dans la mort et l’inconnu. Celui qui a placé sa certitude en Dieu sait, ô combien, que sa vie présente n’est pas essentiellement différente de celle à venir, car elle est déjà communion avec Dieu. Selon l’expression admirable de Martin Luther, le fidèle vit « Coram Deo », en présence de Dieu, devant sa face, pour son service. L’apôtre Paul témoigne de cette réalité nouvelle dans sa célèbre confession : « Pour moi, Christ est ma vie » (Ph 1.21). « Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi » (Ga 2.20).
Mais la vie éternelle n’est pas simplement une nouvelle qualité de la vie présente. Elle est aussi celle qui nous accompagne au-delà de la mort. Pour l’instant, cette dimension est l’objet de notre espérance. Elle ne sera inaugurée pleinement qu’au jour dernier, lorsque Dieu assignera à chacun sa destinée finale, soit béatitude, soit réprobation. L’Écriture nous renseigne clairement sur les divers degrés qui caractériseront ce nouvel état de l’homme. Ainsi, le châtiment variera selon la responsabilité et la culpabilité de chacun des pécheurs impénitents (Mt 11.22). De même que la joie du ciel est inconcevable à l’esprit du mortel, de même la malédiction par le rejet divin dépasse l’imagination humaine. Le pécheur rebelle sera privé de la présence favorable de Dieu. Il subira sans arrêt la colère portée sur le péché. Le péché portera constamment devant son regard le châtiment qu’il mérite.
Quel désespoir sans remède! La colère divine est une réalité inévitable; elle nous invite dès à présent à la repentance et à la conversion. Personne plus que Jésus n’avait autant souligné la sévérité de Dieu ainsi que la rétribution à venir de nos œuvres. Il a dépeint avec des images saisissantes le sort qui attend le pécheur s’il persiste dans son incrédulité.
Mais l’Écriture nous appelle à la consolation tout en nous adressant l’avertissement redoutable. Le fidèle disciple de Jésus sera donc rassuré. Il attend le renouvellement de toutes choses, lors de l’avènement du Christ. Une terre nouvelle surgira sous des cieux nouveaux sur laquelle il habitera. Le règne parfait de Dieu sera alors installé. Il sera manifesté dans toute son étendue et dans toute sa splendeur. Alors le Christ, à qui a été donnée toute autorité, remettra celle-ci entre les mains de son Père, afin que le Dieu trinitaire soit tout en tous.
Le chrétien, affranchi des liens de la mort, connaîtra enfin la plénitude du Saint-Esprit. Sa filiation dont il avait la promesse, « Je serai son Dieu et il sera mon enfant », sera proclamée universellement. La vie éternelle est donc plénitude de vie. Jésus y fait allusion dans ses discours à plusieurs reprises. La vie éternelle est le but même de notre existence. C’est la raison pour laquelle nous venons de dire qu’elle comporte un sens plus large que celui d’une durée infinie. Il implique un bonheur inconcevable à notre raison, une plénitude résultant de la communion sans faille avec le Christ. La joie éprouvée alors ne sera pas de nature seulement intérieure. Nous prendrons effectivement part aux joies procurées par la transformation de toutes choses et par le rétablissement total de l’ordre que Dieu avait installé au début.
Notre personne sera revêtue d’un corps nouveau, spirituel et glorieux. Aucune faiblesse ni aucun vestige de péché, aucune honte ni aucun déshonneur n’entraveront ou n’altéreront le bonheur atteint. La gloire du Seigneur sera la part de chaque fidèle. La vision même de Dieu, celle à laquelle chacun des élus aspire dans son existence actuelle, et qui est impossible pour des yeux mortels, sera alors possible.
Ainsi, pour l’Église, corps de Jésus-Christ, le moment tant attendu, au milieu des épreuves et des tourments de la fournaise du monde présent, apparaîtra, apportant la vision pure, immédiate et totale. Nous verrons Dieu face à face, afin de le connaître, tel que nous avons été connus par lui.
Puissions-nous, parvenus à la fin de ce livre, confesser chacun personnellement : « Je crois la vie éternelle », parce que je crois en Dieu, le Créateur, le Rédempteur et le Rénovateur.
En définitive, c’est l’unique chose qui compte dans le temps, et nous venons de le voir, jusqu’à l’éternité.