Matthieu 3 - La prédication du Baptiste
Matthieu 3 - La prédication du Baptiste
« En ce temps-là parut Jean-Baptiste, il prêchait dans le désert de Judée. Il disait : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. C’est lui dont le prophète Ésaïe a dit : C’est la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Jean avait un vêtement de poils de chameau et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de toute la région du Jourdain, venaient à lui, et ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain en confessant leurs péchés. Comme il voyait venir au baptême beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens, il leur dit : Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir? Produisez donc du fruit digne de la repentance; et n’imaginez pas pouvoir dire : Nous avons Abraham pour père! Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà, la cognée est mise à la racine des arbres : tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la repentance, mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne mérite pas de porter ses sandales. Lui vous baptisera d’Esprit Saint et de feu. Il a son van à la main, il nettoiera son aire, il amassera son blé dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint pas. »
Matthieu 3.1-12
(Marc 1.1-8; Luc 3.1-18; Jean 1.26-28)
Pour commencer, Marc donne un titre à son premier paragraphe. Il l’intitule « commencement de l’Évangile de Jésus-Christ » (Mc 1.1). On ne trouve pas, dans les pages suivantes, un nouveau titre qui marquerait clairement le passage du « commencement » à un événement subséquent.
Dans son titre, notre évangéliste nous révèle le contenu du message qu’il va apporter et dont il veut tout d’abord raconter les débuts. C’est le « message de salut de Jésus-Christ ». Il s’agit donc d’un message de Dieu aux hommes, non d’une religion ou d’une philosophie, ni de directives pour apprendre aux hommes à s’assurer la disposition de Dieu et de sa puissance par le moyen du culte, d’une doctrine ou d’une morale, ni de pensées pieuses ou sages sur l’essence de Dieu et sur le sens de la vie et du monde. En réalité, c’est Dieu qui parle ici, le Dieu dont l’existence n’a pas besoin d’être démontrée, qui est tout simplement, en qui tous les hommes vivent et que tous doivent craindre. Ce Dieu parle aux hommes en un message de salut. Il ne se dresse pas contre eux en une juste colère, il se tourne vers eux avec bienveillance; sa grâce étonne et confond. Et c’est en Jésus-Christ que se révèlent cette bienveillance et cette grâce.
La figure de Jean-Baptiste fait partie du commencement de l’Évangile. Cet homme prêchant dans le désert devait annoncer un événement inouï, qui place son message bien au-dessus de ce que les autres serviteurs de Dieu n’ont jamais eu à prononcer. Il annonce la fin de toutes choses, qui se manifestera en ceci : Dieu lui-même va faire une entrée royale dans le monde.
Jean-Baptiste, dernier des prophètes, est « plus qu’un prophète » (Mt 11.9), parce qu’il les résume tous et qu’il touche à l’accomplissement des prophéties. Mais son ministère appartient encore à l’Ancienne Alliance et ne s’accomplit qu’en disparaissant dans celui du Christ.
L’Évangile selon Luc, lui, situe l’histoire de Jésus, et comme corollaire celle du Baptiste, dans le cadre de l’histoire universelle et de l’histoire juive. À partir d’ici s’ouvre la scène sur laquelle se dérouleront les événements du Nouveau Testament. L’histoire évangélique s’est passée à un moment déterminé de l’histoire du monde. L’apparition du Sauveur n’est pas un événement intemporel. Il est étroitement inséré dans la trame de l’histoire et peut être daté aussi bien que n’importe quel événement de ce monde.
Marc, avons-nous dit, place le précurseur au début du ministère de Jésus. Le Baptiste surgit dans une époque terriblement agitée. Le tournant des siècles où le Fils de Dieu est apparu dans le monde ressemble étrangement au temps présent. Israël, sous la forte poigne étrangère, en proie à de violentes dissensions intérieures, soupirait. Les aigles romaines trônaient au faîte de la ville sainte, la perte de la liberté politique pesait lourdement sur l’âme de ce peuple, profondément sensible aux questions nationales. La vie économique, durement grevée par les impôts, s’anémiait. L’arbitraire, les actes de violence sans cesse répétés de la soldatesque irritaient les esprits.
Au sein même du peuple, les partis et les factions s’affrontaient avec une haine mortelle. Dans le parti sympathique aux Romains, on trouvait les publicains, auxquels les circonstances politiques avaient procuré d’immenses avantages matériels et qui, pour cette raison, n’étaient pas hostiles à la domination étrangère. En face d’eux se dressaient les fidèles de la loi, les pharisiens pieux jusqu’au fanatisme, qui évitaient toute relation avec les païens. Quant à l’ordre des esséniens, qui l’emportaient encore sur les pharisiens par leur rigueur légaliste, c’était une ligue secrète d’hommes à tendance ascétique, qui allaient jusqu’à exiger le célibat et la communauté de biens. Ajoutons encore le groupe peu nombreux, mais très influent, des sadducéens, coterie de trois cents familles de haut rang et pour la plupart sacerdotales; mondains, ils ne s’entendaient nullement avec les pharisiens; ils s’accommodaient habilement des Romains et se déclaraient satisfaits tant qu’on ne portait pas atteinte à leur tranquillité ni au culte du temple.
Il y avait, enfin, quantité de patriotes désespérés et exaltés, les zélotes, sicaires et hommes d’épée qui s’étaient groupés en sociétés secrètes; lorsqu’il le fallait, ils ne reculaient pas devant l’insurrection armée ou devant la suppression violente de leurs ennemis, voire de leurs compatriotes.
En somme, à cette époque, beaucoup d’âmes déchirées pressentaient quelque chose du « grand bouleversement des temps », et sentaient qu’un changement devait fatalement se produire, tout simplement parce que le monde ne pouvait continuer de marcher ainsi. L’agitation de l’âme populaire explosait de temps en temps : des hommes s’attroupaient, on fomentait des émeutes, il surgissait des messies, Theudas et Judas. Dans ces mouvements, les aspirations politiques et religieuses se trouvaient toujours singulièrement mêlées. Il s’agissait toujours de la délivrance d’Israël du joug romain et, en même temps, de l’instauration du règne de Dieu sur la terre. Chacun pensait que ce règne de Dieu ne pouvait s’établir que par l’absolue prépondérance politique d’Israël.
C’est la quinzième année du règne de Tibère César; cette mention fournit une date précise. L’empereur romain Tibère succéda à Auguste, mort le 19 août de l’an 767 depuis la fondation de Rome, soit 14 ans après Jésus-Christ. La quinzième année de Tibère correspond ainsi à l’année 28 à 29 de notre ère. Jésus devait donc avoir une trentaine d’années au moment de son baptême. Le passage de Luc 3.23 lui attribue « environ trente ans ».
La parole de Dieu fut adressée à (littéralement : « vint sur ») Jean, fils de Zacharie. Elle désigne une communication directe de Dieu, véritable ordre de marche, que Jean reçoit dans la solitude où il s’était retiré (Lc 1.80).
Jean sort alors des contrées voisines de la mer Morte. Le lieu où il exercera son ministère se situera non loin de l’embouchure du Jourdain. Il s’adresse aux habitants des villes prospères des environs, entre autres Jéricho; on alla en foule écouter le prédicateur itinérant.
Jean-Baptiste annonce le Messie attendu, mais, alors qu’on croyait que le Messie serait immédiatement un libérateur glorieux, Jean-Baptiste parle avant tout d’un jugement et d’une repentance qui concernent d’abord les Juifs. Il dénonce la religion où l’on se forge « des dieux qui personnifient nos désirs ». Il courbe les hommes devant les exigences du vrai Dieu.
Précurseur, il dit « le Seigneur vient », et la seule façon de se préparer à sa venue est de se repentir et d’en recevoir le signe dans le baptême; accepter sur soi-même (et non sur autrui) le jugement de Dieu.
Le baptême paraît être une création originale de Jean. La loi juive ne prescrivait que de simples ablutions, et la secte juive des esséniens exigeait qu’elles fussent répétées quotidiennement, en dehors de toute condition morale. L’entrée des prosélytes dans le judaïsme était conditionnée par des ablutions (jointes à la circoncision et à un sacrifice d’action de grâces au Temple). Mais ces pratiques n’ont pas grand-chose de commun avec le baptême de Jean. L’image de l’eau avait été employée par les prophètes (És 1.16; Éz 36.25; Za 13.1) pour désigner le renouvellement du cœur. En légitime successeur des prophètes, qui recouraient volontiers à des actes symboliques pour souligner leur prédication, Jean actualise son message dans un geste. Comme le ministère tout entier de Jean, son baptême a une signification messianique : c’est en tant que précurseur qu’il baptise, en vue de l’accomplissement de la rémission des péchés par le Messie. Celui-ci seul effacera la corruption totale et accomplira le renouvellement complet dont le baptême de Jean est le signe.
C’est à Ésaïe 40.3-5 que Jean emprunte textuellement la citation qui le présente comme celui qui prépare la venue du Seigneur. L’image est claire; le ministère de Jean doit consister à faciliter, dans le cœur du peuple, la venue du Messie. Par la prédication suivie du baptême, suivi lui-même d’exhortations, Jean prépare des âmes redressées, qui doivent offrir un chemin d’accès aisé au Seigneur.
Sa prédication se trouve résumée dans cette simple apostrophe : « Repentez-vous, car le Royaume des cieux est proche » (Mt 3.2). Ceux qui l’entendent n’ont pas besoin qu’on leur explique longuement ce que cela signifie. Les Juifs « sondent les Écritures »; ils savent ce que les prophètes ont annoncé lorsqu’ils ont parlé de la venue de ce Royaume. Mais ce qu’il y a d’inouï, de bouleversant dans ce message, c’est la proximité de ce qu’il annonce. Il n’y a pas de délai entre sa prédication et la venue de « celui qui vient ». « Il est au milieu de vous » (Jn 1.26), exactement comme les mages ont annoncé à Jérusalem en émoi que la naissance du « roi des Juifs » était un fait accompli! L’aspect extérieur de Jean le désigne d’ailleurs comme « le prophète Élie » qui doit venir, celui qui est annoncé par Malachie 3.23, et que le livre des Rois décrit en effet comme un homme vêtu de poil et ayant une ceinture de cuir autour des reins (2 R 1.8).
Pour ceux qui lisent les Écritures, l’apparition de ce personnage dans le désert de Judée ne peut donc que provoquer un grand trouble, car il ne peut être considéré que comme le précurseur du « grand jour de l’Éternel », marqué par les grands jugements de Dieu, mais aussi par la « consolation d’Israël » et le rétablissement du règne de David!
Pour comprendre l’effet produit par Jean-Baptiste et le retentissement de sa prédication, il faut avoir présente à l’esprit la façon dont les prophètes de l’Ancienne Alliance décrivent la venue de ce « jour de l’Éternel ». Rien ne peut échapper à la justice de Dieu. Il ne s’agit pas de « fuir la colère à venir », mais de « craindre l’Éternel » en reconnaissant que l’on tombe sous le coup de sa justice. Se repentir, c’est s’avouer à soi-même et à Dieu tel que l’on est, c’est-à-dire passible du jugement de Dieu. C’est pourquoi ceux qui accourent auprès de Jean-Baptiste sont invités à « confesser leurs péchés ».
On ne peut saisir la signification du baptême de Jean en dehors de son appel à la repentance. « Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la repentance, mais celui qui vient après moi […] lui vous baptisera d’Esprit Saint et de feu » (Mt 3.11). Être baptisé par Jean ne peut donc signifier autre chose qu’être appelé, conduit à la repentance; c’est se préparer à subir le baptême du Saint-Esprit, baptême de feu, le seul qui purifie parce qu’il « convainc de péché », consume toute iniquité et anéantit tout ce qui est indigne d’avoir part au Royaume des cieux.
Or c’est précisément ce que refusent les pharisiens et les sadducéens, que Jean-Baptiste voit venir en grand nombre à son baptême (Mt 3.7). Pour la première fois apparaissent, sur la scène de l’Évangile, ces personnages qui seront les grands adversaires de Jésus et les cibles de ses violentes critiques. Les pharisiens sont les stricts observateurs de la loi; par leurs observances scrupuleuses et leur trésor de traditions et de pratiques pieuses, ils cultivent l’assurance que leur donne leur descendance d’Abraham, gage de leur élection.
Les sadducéens, eux, trouvent leur justice non dans le légalisme superstitieux des pharisiens, mais dans leur sagesse et l’austérité de leur vertu. Partisans d’une moralité sévère et scrupuleuse, ils se déclarent détachés de maintes croyances populaires et se considèrent comme une élite cultivée. Les premiers voient dans le baptême de Jean un rite purificateur, une précaution de plus à prendre pour se garantir de la colère de Dieu; les seconds y découvrent sans doute une ascèse originale dont l’attrait pourrait peut-être s’expliquer par une sorte de dilettantisme ou de snobisme religieux!
Prendre ainsi le baptême sans accepter l’appel à la repentance, c’est lui ôter toute sa portée. Jean-Baptiste discerne dans leur geste une entreprise démoniaque : « Race de vipères! Qui vous a appris à fuir la colère à venir? » (Mt 3.7; Lc 3.7). C’est toujours Satan qui apprend à l’homme à esquiver les exigences de Dieu et à rendre inoffensive sa parole. Les « justes qui n’ont pas besoin de repentance » sont bien de la race de vipères, c’est-à-dire de la race séduite par le serpent qui leur a fait croire qu’ils étaient capables de « devenir comme des dieux », et qu’ils portent en eux-mêmes leur justification et leur droit à la vie éternelle.
Ils ont confiance en leur racine qui plonge d’ailleurs dans un passé glorieux. Ils se rassurent sans comprendre que déjà la cognée est mise à la racine de l’arbre, parce qu’il ne produit pas de bons fruits. Ils cultivent soigneusement leur arbre sans s’apercevoir qu’il est stérile, qu’il occupe la terre inutilement, qu’il est condamné dans sa racine même et qu’il va être coupé et jeté au feu. Le fait même de se croire juste, le refus de se repentir, c’est là le signe manifeste du péché qui tombe sous le coup du jugement qui vient. Toute cette justice propre à l’homme, incarnée dans les pharisiens et les sadducéens, va être balayée et jetée comme la paille au feu destructeur.
Pour Jean-Baptiste, il ne fait pas de doute que celui qui vient après lui va apparaître comme le Juge dont le jugement puissant et souverain va opérer le grand et décisif triage. C’est pourquoi il combat cette fausse sécurité dans laquelle le peuple, en tant que descendant d’Abraham, s’endort. En revanche, il annonce la liberté de Dieu qui, tout en restant fidèle à ses promesses, peut cependant rejeter son peuple. Car sa puissance créatrice peut susciter à Abraham une nouvelle lignée au cas où l’ancienne se montrerait indigne de la promesse. C’est l’Église qui est annoncée dans ses paroles : c’est la greffe des païens dans l’olivier d’Israël dont parle Paul dans sa lettre aux Romains (Rm 11.16-21). La promesse n’est pas une garantie qu’on peut revendiquer, mais une libre grâce. Dieu ne dépend jamais de nous, mais nous sommes toujours dépendants de lui. C’est pourquoi ni le grand succès de la prédication du Baptiste ni la visible disposition du peuple à la repentance ne peuvent adoucir la sévérité de l’accusation.
Le texte de Luc introduit une question du peuple : « Que ferons-nous donc? » (Lc 3.10). Jean-Baptiste y répond par des conseils adaptés à chaque catégorie sociale. S’il fallait entendre par là que l’accomplissement de ces devoirs suffit à assurer le salut, nous serions en plein légalisme et fort éloignés de l’Évangile. Mais Jean-Baptiste annonce la repentance, le changement de cœur, et rapporte tout son message à Jésus-Christ. Dès lors, les conseils qu’il donne au peuple sont l’annonce des fruits très concrets qu’engendrent nécessairement la nouvelle naissance et la foi, lorsqu’elles sont réelles. L’amour est le premier de ces fruits. Les exemples particuliers qui suivent montrent à propos de cas précis le contenu concret de cette repentance. Elle est de caractère uniquement moral et n’implique pas des actes extraordinaires, mais une stricte obéissance à la morale des prophètes d’Israël. C’est par la pratique fidèle des vertus élémentaires du peuple de Dieu qu’Israël échappera à la colère à venir.
À ceux qui possèdent le double de ce qui est nécessaire pour vivre, Jean ordonne de donner au prochain ce dont il ne peut pas se passer. Qu’il s’agisse des vêtements ou de nourriture, l’exigence se situe au niveau des nécessités élémentaires. Jean ne prône pas une quelconque supériorité de l’état de pauvreté; il exige que ceux qui en ont les moyens permettent aux autres de vivre.
Aux péagers, chargés de percevoir pour le compte de l’État les taxes sur les marchandises, il dit : Appliquez le tarif honnêtement, sans profiter indûment de l’ignorance des gens ni de la complexité ou de l’insuffisance des règlements. Aux soldats (non les Romains, mais des hommes appartenant sans doute aux corps de police juive), Jean ordonne aussi de ne pas abuser de leur situation.
L’appel à la repentance a été plus que rude : il a été foudroyant.
« Quand on a affaire à des gens qui sont coutumiers de mentir à Dieu et se flatter eux-mêmes, et lesquels au lieu de vraie affection apportent des mines et une belle apparence, il les faut presser de plus près et les manier au vif, pour les amener à la repentance. Car il y a une merveilleuse obstination et un endurcissement en tous hypocrites. Et pourtant, jusqu’à ce qu’on les écorche par force, ils demeurent toujours en leur peau, et ne changent point » (Calvin).
« Jean n’est rien en regard du “plus grand que lui” dont il proclame la venue et auquel il ne se juge pas digne de rendre les plus infimes services. Ce n’est que comme messager de celui qui vient qu’il a trouvé place dans l’Évangile. Il rend témoignage en accomplissant en sa personne l’antique prédiction biblique; ses paroles annoncent expressément le Christ. Il lui rapporte même son œuvre la plus personnelle, le baptême, lorsqu’il proclame que l’eau claire n’est que l’imparfaite image du Saint-Esprit qui va venir » (Günther Dehn).
Le ministère de Jean-Baptiste a réveillé l’attente messianique du peuple, Jean le détrompe en ce qui concerne sa propre personne. Le Messie va venir, et devant lui Jean n’est même pas à la hauteur de l’esclave antique qui déchausse son maître.
Luc ne fait que résumer le message du Baptiste, et il le caractérise comme un Évangile (Lc 3.18), c’est-à-dire une bonne nouvelle, car malgré ses menaces, Jean apporte essentiellement la promesse de la venue du Sauveur. Il s’est présenté comme une sentinelle à l’entrée de l’Évangile. Il était sur le pas de la porte, à la fois lumineux et sévère. Déjà, nous le voyons inondé de la joie dont il est le précurseur. Il a cherché à conduire ses auditeurs de la fausse obéissance au véritable accomplissement de la loi.
Pourtant, sa préoccupation majeure n’était pas le relèvement de la morale. Il ne cherchait pas à transformer des êtres volages en hommes vertueux, car il aurait alors dû se garder d’appeler les pharisiens « race de vipères ». La conversion dont il s’agit ne consiste pas dans la reconnaissance d’une belle loi morale, mais dans une solide préparation en vue du grand jour du Messie.
« Jean décrit le Christ comme le Seigneur et le Juge. Le moissonneur a rentré sa récolte. Le blé des collines vient d’être battu. Il est amoncelé dans l’aire, exposé à tous les vents. Il est jeté à grandes pelletées : les grains lourds tombent à terre, sont amassés dans les sacs, tandis que la balle est emportée. Elle s’amoncelle et n’est bonne que pour le feu. Ainsi le jour du Messie est un jour de tempête. C’est lui, le Messie, qui lance les grains au vent violent. La signification du jour messianique se manifeste pour le peuple dans la crise, le jugement et la séparation. À ceux qui sont sûrs d’eux-mêmes, Jean déclare que le jour du salut tant désiré sera un jour de jugement plein d’effroi. Mais à celui qui s’interroge dans la crainte et le tremblement, il présente le jour du jugement comme le jour du salut » (H. Gollwitzer).