La naissance d'en haut - Le baptême de l'Esprit
La naissance d'en haut - Le baptême de l'Esprit
- Le baptême de l’Esprit d’après le pentecôtisme
- Que dit le Nouveau Testament au sujet du baptême de l’Esprit?
1. Le baptême de l’Esprit d’après le pentecôtisme1 ⤒🔗
La grande bataille entre les tenants du pentecôtisme et ceux de la théologie biblique et réformée se livre principalement autour du thème du baptême en l’Esprit. D’après le pentecôtisme, ce baptême constitue la deuxième bénédiction, une bénédiction spéciale accordée au chrétien après sa conversion et qui assurerait le don de la glossolalie, le parler en langues, comme preuve irréfutable de celle-là. Ceci revient à affirmer que, si on n’a pas le don de la glossolalie, même si on est converti, on n’a pas reçu l’Esprit ni été baptisé par lui; par conséquent, on n’a pas reçu sa plénitude. Et même si certains chrétiens ont reçu l’Esprit, cela ne signifie pas qu’ils en ont été baptisés, tout comme avant la Pentecôte les disciples avaient reçu l’Esprit, mais n’en avaient pas encore été baptisés.
Dans le Nouveau Testament, le baptême de l’Esprit appartient à cette catégorie d’expressions qui assurent que le Saint-Esprit habite effectivement le fidèle régénéré. Cette habitation de l’Esprit est aussi vitale que l’union mystique du croyant avec le Christ (dont elle est par ailleurs l’équivalent). En dépit du fait que chez certains pentecôtistes l’expression soit devenue un nouveau « shiboleth », nous ne cherchons ni à en ignorer la réalité ni en en amoindrir l’importance. À l’appui de sa thèse, la théologie pentecôtiste se réfère à sept pas menant à la réception de l’Esprit et à son baptême.
MacLeod rappelle que ce fut l’américain Ruben Torrey, éminent représentant d’un pentecôtisme en gestation au siècle dernier, qui élabora ce septuple pas.
Le premier pas consisterait en l’acceptation de Jésus comme Sauveur. L’auteur américain soulignait l’importance, et nous n’objectons rien à cela, du fait que le salut se fonde sur l’œuvre achevée du Christ, notre réconciliation et notre adoption étant les fruits de sa médiation. Nul ne devrait prétendre recevoir l’Esprit, et encore moins en être baptisé, à moins d’avoir auparavant été mis au bénéfice de la rédemption.
Mais curieusement, Torrey ne se contente pas de cette affirmation, en somme tout à fait biblique. Il ajoute encore que la foi en la rédemption à elle seule ne suffit pas comme condition pour recevoir l’Esprit, ce qui nous paraît être une grave entorse à la doctrine biblique, c’est-à-dire, le rejet pur et simple du « sola fide » de l’Écriture et de la Réforme. Selon Torrey, il serait tout à fait possible d’être justifié par la foi seule sans avoir aussi et simultanément reçu l’Esprit Saint, être revêtu du Christ sans être assuré du don de son Esprit, certain de son adoption par Dieu sans la moindre garantie d’avoir été aussi scellé par son Esprit! Une telle affirmation détruit tout simplement la doctrine du salut gratuit qu’elle cherche apparemment à défendre de toutes ses forces.
Monté sur l’arbre de l’Évangile, le prépentecôtisme de Torrey scie la branche même sur laquelle il s’est installé. Pourtant, aussi bien l’Écriture que la saine et sainte tradition ecclésiastique montrent qu’il est impossible de séparer arbitrairement le Fils de l’Esprit sans porter une grave atteinte au dogme de la Trinité. Dès lors, il ne faut pas s’étonner de voir actuellement parmi des pentecôtistes d’outre-Atlantique, comme cela se devait, des écoles et des chapelles unitariennes rejetant ouvertement le dogme de la sainte Trinité. Une telle attitude est significative; elle traduit tout le mécanisme « spirituel » et la psychologie athéologique, pour ne pas dire antithéologique, du mouvement. L’Église primitive avait taxé d’hérésie toute tentative en vue de séparer les trois personnes de la Trinité, à quelque titre que ce soit.
L’ensemble du témoignage du Nouveau Testament assure que nous sommes « complets » en Christ (Col 2.10). Le Seigneur c’est l’Esprit, déclare saint Paul (2 Co 3.17). Si le Christ est en nous, il est normal que son Esprit le soit aussi et, dans ce cas, nous ne devrions pas douter un seul instant de notre baptême dans l’Esprit.
Le second pas consisterait à renoncer au péché. Une rupture totale et définitive avec l’esprit profane de l’homme serait indispensable pour obtenir le don du baptême. Nous sommes cependant surpris d’apprendre que, pour étayer cette thèse fragile, on propose comme fondement biblique des passages hors propos comme Actes 2.38 où il serait implicitement question du renoncement au péché. On se souviendra qu’en effet l’apôtre Pierre invitait ses auditeurs à se repentir. Toutefois, nous constatons qu’à cet endroit les pentecôtistes ont glissé du sens initial du terme vers un autre, fabriqué ex nihilo!
On a transformé le terme repentance, la « métanoia », qui signifie un changement de mentalité, en renoncement au péché. L’exhortation apostolique ne comportait pourtant aucune allusion à ce second sens, pas plus d’ailleurs qu’elle ne suppose ou ne justifie la doctrine romaine de la pénitence. Mais comment peut-on renoncer au péché sans au préalable recevoir l’Esprit? Si un tel renoncement était possible en dehors de lui, pourquoi ne pas y renoncer carrément? Sa présence serait superflue si nos propres forces étaient en mesure de nous arracher au péché; si nous pouvions nous passer de l’Esprit dans ce domaine initial, alors, logiquement, nous devrions également nous épargner son intervention dans les phases suivantes de la croissance spirituelle…
En réalité, derrière une telle idée se dissimule la vieille tentation perfectionniste, ce vieux démon qui ne cesse de hanter les sphères de la spiritualité méthodiste dont sont issus les pentecôtismes et les charismatismes modernes, en tout cas ceux qui s’apparentent au protestantisme. Mais la Réforme a démontré une fois pour toutes, sur une base strictement biblique, que le perfectionnisme ne pouvait se concevoir que sur un terrain exclusivement extrachrétien. Il ne saurait par conséquent s’intégrer à une expérience chrétienne authentique (Ga 2.11; Rm 7.23; 1 Jn 1.8).
Toutes les versions anciennes ou modernes du perfectionnisme égarent le malheureux spiritualiste dans les eaux troubles et même marécageuses d’une mystique sans parenté avec la spiritualité biblique, ce qui ne peut dans aucun cas édifier la piété chrétienne; elles ne sont pas davantage capables de baptiser le candidat du Saint-Esprit, mais sont assurément bien placées pour le noyer dans un désespoir total!
Le troisième pas consisterait en une confession publique renonçant au péché et acceptant le Christ. Nous reconnaissons volontiers que, sans une confession publique de la foi, la vie chrétienne serait impensable. Toutefois, elle ne constitue pas la preuve et surtout pas la porte d’entrée vers un niveau plus élevé de vie spirituelle; elle est simplement l’attitude que le Seigneur attend de la part de tout chrétien (Rm 10.9). La raison pour laquelle les chrétiens confessent publiquement leur foi est qu’ils sont, sans distinction aucune, les bénéficiaires du don de l’Esprit. Le baptême dans l’Esprit est précisément l’expérience de celui qui confesse publiquement le Christ comme Seigneur et Sauveur. Dans ce sens-là, il est accordé à tout chrétien. La confession publique n’est pas la condition de la réception, elle n’en est que le signe.
Remarquons en outre qu’une telle interprétation de la confession publique de la foi renverse l’ordre biblique établi. La confession de notre foi ne possède pas un droit méritoire qui, telle une bonne œuvre, nous procurerait le baptême de l’Esprit tellement convoité. Elle en est le résultat, non la cause. À examiner de près l’expérience de la Pentecôte, on s’aperçoit que les disciples furent tout d’abord remplis de l’Esprit, et qu’ensuite seulement ils se mirent à proclamer l’Évangile. L’incident survenu chez Corneille (Ac 10), premier converti païen, montre le même ordre. Tandis que l’apôtre Pierre prêche, l’Esprit survient sur lui et sur ceux qui l’accompagnent comme sur Corneille et sa maison; alors ceux-ci se mettent aussitôt à magnifier les grandes œuvres de Dieu.
Tout cela est conforme à la prédiction et à la promesse faites par le Christ. Le don de l’Esprit n’a pas été promis comme une récompense, comme un satisfecit après seulement que les disciples eussent témoigné de lui, mais en tant que générateur de vie nouvelle et inspirateur de la mission permettant aux apôtres de porter témoignage à la personne et à l’œuvre du Sauveur. On se rend compte de quelle manière le rôle si important de la confession de la foi est déformé par une telle interprétation. Une confession envisagée en ces termes n’est qu’une confession devant… soi-même; elle dit que nous avons renoncé au péché, et rien de plus. Aussi devient-elle une forme déguisée d’orgueil sur notre stature spirituelle. Selon le Nouveau Testament, toute confession publique de la foi concerne exclusivement la personne et l’œuvre du Christ. Elle n’est jamais envisagée comme un moyen, comme le dernier stade à partir duquel nous pourrions entreprendre l’ascension finale, c’est-à-dire recevoir le don de l’Esprit. Le Christ demeure au centre de notre expérience spirituelle; il lui est vital. Si nous avons renoncé au péché, c’est grâce au Christ qui nous a libérés de son joug.
Le quatrième pas consisterait en notre obéissance; à ce propos, on invoque le passage d’Actes 5.32. À notre avis, ce texte devrait être lu en liaison avec 1 Jean 3.23-24. Le don de l’Esprit est accordé à ceux qui obéissent à l’ordre missionnaire, mais les pentecôtistes sont d’un autre avis. L’épître de Jacques, entre autres, est catégorique au sujet de l’obéissance; une entière soumission à tous les commandements y est envisagée. Si on en transgresse un seul, on les transgresse tous. Et qui peut prétendre, aussi perfectionniste soit-il, avoir parfaitement obéi à tous les commandements?
Selon les pentecôtistes, la soumission à la loi de Dieu précéderait et fonderait même la réception de l’Esprit. De nouveau, on est en droit de s’interroger. Pour quelle raison aurions-nous encore besoin de l’Esprit si nous étions en mesure d’observer les commandements et de nous y soumettre entièrement? Ne cultiverions-nous pas la pensée d’être parvenus à la perfection grâce à nos efforts spirituels, sans qu’il soit absolument nécessaire d’avoir recours à l’Esprit? Sans qu’il nous soit donné comme un surplus, comme un don gratuit? À quoi nous servirait l’Esprit s’il n’était qu’un ouvrier de la onzième heure arrivant au champ après que nous ayons accompli nous-mêmes le plus gros de la tâche? Seule une pensée chrétienne complètement irréaliste peut s’imaginer parvenir à un degré absolu de soumission sans la régénération. Si la condition pour recevoir le baptême de l’Esprit était notre soumission préalable, nous serions en droit de nous demander si Dieu ne se moque pas de nous en exigeant l’impossible…
Le cinquième pas se réfère à Jean 7.37-39. On affirme que cette condition consiste à ressentir une profonde soif de la réception de l’Esprit. De nouveau, ce passage biblique est subordonné à une idée de mérite, à une attitude et à un sentiment exprimant la centralité de l’homme dans sa régénération. Comme dans le catholicisme romain, on rencontre dans les milieux pentecôtistes le fameux « point de contact » en l’homme, permettant à Dieu et à son Esprit d’y atterrir afin de pouvoir intervenir en sa faveur! La simple lecture du texte nous apprend que la soif en question n’est ni plus ni moins que la foi en Christ. L’Esprit sera accordé à celui qui croit en lui. Ce célèbre passage nous offre l’équivalent de la doctrine paulinienne de la justification par la foi seule. Nous devons rappeler, tant les esprits peuvent être oublieux, l’article fondamental de toute la doctrine biblique du salut et de celle qui concerne l’accueil de l’Esprit. Contrairement au « sola fide » (par la foi seule) de la Bible et de la Réforme, la théologie conditionnaliste des pentecôtistes cherche un supplément, un apport personnel, pour être en mesure de bénéficier du salut gratuit! La soif ressentie pour la réception de l’Esprit devient un effort religieux méritoire. Au lieu de s’attendre à la promesse de Dieu et à son accomplissement, on prépare soi-même le terrain et, grâce à ses bonnes dispositions intérieures et à sa collaboration, l’œuvre divine peut alors être appliquée au sujet.
Souvenons-nous cependant du cas de Naaman (2 R 5). Pour être purifié de la lèpre, le général syrien avait été prié de se rendre au Jourdain et de s’y baigner sept fois, simplement de s’y baigner! L’illustre malade s’offusqua d’une thérapeutique aussi simple et, de surcroît, gratuite! Il chercha à faire plus qu’on ne lui proposait par une solution aussi simpliste…
Il nous semble que les pentecôtistes, à leur manière, ne se contentent pas de l’œuvre parfaite du Christ et cherchent à y ajouter un complément. Dans le passé et même actuellement, l’Église s’est vue affligée par de nombreuses théologies de complément du genre « le Christ… plus ». C’est ainsi qu’elle a succombé aux « Christ plus Marie », « Christ plus l’Église », « Christ plus la tradition », « Christ plus l’histoire » et, actuellement avec le mouvement charismatique, « Christ plus le Saint-Esprit ». Cependant, la Réforme a rejeté avec raison, et à quel prix, tout élément humain parasitaire ayant la moindre velléité de compléter l’œuvre parfaite du Sauveur.
Le sixième pas consisterait à faire la demande de la réception de l’Esprit. Il faudrait prier afin d’obtenir des bénédictions précises. Luc 11.13 sert d’appui à cette nouvelle thèse. Il semble cependant arbitraire de choisir ce texte, car ce passage ne renferme pas la moindre idée du baptême de l’Esprit. Il y est plus simplement question de recevoir l’Esprit. Une fois de plus, on assiste, affligé, à cette manifestation obsessionnelle du mérite. Le sens du passage saute pourtant aux yeux : demander l’Esprit revient à croire en Dieu et en ses grâces miséricordieuses. Le pentecôtisme, lui, y voit plus qu’une simple demande, de sorte qu’une fois de plus l’attention se détache du don de Dieu pour se fixer sur la personne du croyant demandeur. Ce n’est pas le don gratuit qui est honoré, mais la demande. Nous sommes persuadés, quant à nous, que le don de l’Esprit ainsi que la totalité de son ministère sont d’une importance vitale pour la vie et la survie de la foi individuelle autant que pour celle de l’Église. Si le fidèle doit en faire la demande, la raison se trouve en la promesse reçue de la part de Dieu et non en la personne même de celui qui demande.
Il y a enfin un septième pas pour la réception de l’Esprit. Il faut avoir la foi. Nous nous étonnons qu’on ait réservé cette condition, primordiale au regard de l’Écriture, pour la fin seulement. À nos yeux, elle trahit une classification arbitraire dans cette septuple condition. « Pauvrette foi », dirions-nous en paraphrasant une formule célèbre, « que de sottises ne commet-on pas en ton nom… » En outre, la définition que les pentecôtistes donnent à la foi est, elle aussi, d’une nature étonnante. Elle ne semble pas être essentiellement et premièrement la confiance en Christ, mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification, mais plutôt l’attente que Dieu nous accordera tout ce que nous lui demanderons. Ne va-t-on pas de la sorte vers une grossière superstition se parant des oripeaux d’un spiritualisme sans garantie biblique? Cette confiance naïve risque de dégénérer rapidement en pure magie.
Si nos attitudes ne sont pas inspirées par l’Esprit et éclairées par la Parole, nous ne tarderons pas à franchir le pas qui nous emportera loin de la vraie foi et nous fera sombrer dans un océan de hasard, de superstition et d’occultisme. On découragera alors aussi le chrétien ordinaire, qui se jugera incapable de remplir les conditions nécessaires pour obtenir le baptême de l’Esprit et sera désespéré de ne pas obtenir une réponse. Il s’imaginera manquer de foi ou ne pas savoir formuler correctement sa demande…
Il peut, à la rigueur, s’adonner à des techniques savantes et à des méthodes subtiles afin de capter l’objet de sa convoitise. Parfois, naufragé spirituel, il pensera qu’il en a trop dit ou qu’il n’en a pas assez dit. De toute manière, promettre que celui qui s’attend à recevoir l’Esprit le recevra sans autre, c’est promettre plus qu’il ne convient; selon les paroles du Christ, ils seront nombreux au dernier jour ceux qui prétendront avoir droit d’accès au Royaume, mais qui s’en verront lamentablement exclus (Mt 7.21).
Il faut s’interroger avec un sérieux extrême. Qui a le droit à une telle bénédiction? Sur quoi se fonde-t-on pour formuler une doctrine comme celle-ci? Est-ce sur sa propre assurance en tant que telle, sur les sentiments qu’on cultive ou bien sur un fait objectif, extérieur au sujet? Selon l’Écriture, l’assurance chrétienne se fonde exclusivement sur la promesse de Dieu, qui est une réalité extérieure à l’expérience personnelle. Or, la promesse est faite à tout croyant indistinctement. Malheureusement, le système pentecôtiste est un échafaudage à la fois subtil et fragile de perfectionnisme, qui ne se fonde nullement sur un terrain biblique. En dépit de ses affirmations contraires, le pentecôtisme est un système éminemment élitiste.
2. Que dit le Nouveau Testament au sujet du baptême de l’Esprit?←⤒🔗
Ce qui a précédé démontre suffisamment que le baptême de l’Esprit est étroitement associé avec la naissance d’en haut et la conversion, mais que le pentecôtisme estime pour sa part que ces deux étapes sont différentes de la réception de l’Esprit. Nombre de chrétiens seraient ainsi privés de la plénitude de l’Esprit et de son célèbre « baptême ».
L’examen du vocabulaire grec du Nouveau Testament nous permettra de dissiper l’équivoque et de nous prononcer sur la distinction éventuelle entre la réception de l’Esprit et le « baptême de l’Esprit ». Une lecture même rapide des passages du Nouveau Testament montre que les expressions « réception de l’Esprit », « baptême » et « plénitude » sont simplement des expressions interchangeables; elles désignent et décrivent une seule et même réalité.
Dans Actes 1.5, l’auteur annonce l’avènement de la Pentecôte et, à ses yeux, cela ne fait aucun doute, cela signifie le baptême de l’Esprit. Dans Actes 2.4, la même expérience est décrite en termes de « plénitude de l’Esprit ». Entre réception de l’Esprit et plénitude de l’Esprit, il n’existe aucune différence de nature. Selon Actes 1.8, le Saint-Esprit surviendra sur les disciples. Dans Actes 2.38, l’Esprit est reçu. Les deux expériences ne sont pas dissemblables. Recevoir l’Esprit, avoir reçu l’Esprit, être rempli de l’Esprit, être baptisé par, en, ou dans l’Esprit, désignent tous un seul et même fait. L’Esprit accomplit un seul acte; cet acte est tantôt désigné par « réception », tantôt par « baptême » et ailleurs comme sa plénitude.
Le cas de Corneille prouve cette identité des opérations attribuées à l’Esprit. La description est significative et elle donne amplement raison à notre position. Luc y voit un parallèle avec Actes 2 : chez Corneille, la promesse du Christ s’accomplit; « vous serez baptisés du Saint-Esprit ». En décrivant cet événement, l’auteur du livre des Actes n’a pas recours à l’expression « plénitude » ou « baptême ». Plus simplement, il affirme que le Saint-Esprit survint sur eux (Ac 10.44). L’Esprit fut accordé comme un don (v. 45). Il est encore plus important de noter qu’ils l’ont reçu (v. 47). Si l’on veut se fonder sur le Nouveau Testament, il nous semble très difficile d’établir une distinction comme l’ont fait les pentecôtistes.
Outre le vocabulaire biblique qui confirme notre position, d’autres preuves directes nous soutiennent également. Les récits bibliques laissent clairement entendre que tous les croyants concernés ont reçu l’Esprit. Rappelons de nouveau, quitte à lasser le lecteur, que le don de l’Esprit est déclaré don universel. La Pentecôte fut effectivement l’accomplissement de la prophétie de Joël 2.28-32.
Selon le récit de Luc, tous les croyants furent baptisés de l’Esprit ce jour-là. Le « tous », est-il besoin de le souligner, indique clairement qu’il n’y eut point d’exception à cette règle. Dans Actes 1.13-26, l’Église tout entière se trouvait réunie au Temple. Tous sont d’un commun accord et, lorsque survient l’Esprit, il survient sur chacun d’eux. En se rappelant encore la prophétie de Joël, on aurait de la peine à conclure que Luc cherche à établir deux classes de chrétiens, la première dotée de dons extraordinaires, celui de l’Esprit venant en tête, et l’autre formée de chrétiens de seconde zone, n’ayant pas l’honneur de bénéficier d’un don ayant pourtant été promis à tous.
Selon Actes 2.38, tous ceux qui répondront à l’appel de Pierre sont assurés du don de l’Esprit. Aux yeux de Pierre, la réception de l’Esprit ne devenait pas une expérience supplémentaire, surajoutée à la réalité fondamentale du salut. Le don est accompagné, il précède, faudrait-il dire, la conversion : « Repentez-vous et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour le pardon de vos péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit. » Tout est lié et se produit simultanément. Quelques lignes plus loin, on lira que « ceux qui acceptèrent sa parole furent baptisés » (v. 41). Nous concluons que la condition unique du baptême de l’Esprit est la réception joyeuse de l’Évangile. Chaque converti, chaque pécheur pardonné, est baptisé de l’Esprit.
La même idée revient dans 1 Corinthiens 12.13 : « C’est dans un seul Esprit que nous tous, pour former un seul corps, avons été baptisés. » Certains font remarquer qu’à cet endroit il s’agit non pas de l’Esprit, mais du baptême de l’Esprit. Nous ne voyons pas davantage la raison d’une telle distinction. Au point de vue grammatical, l’expression est exactement la même que celle qu’on trouve dans Actes 1.5. Si l’apôtre avait voulu exprimer l’idée du baptême par l’Esprit et pour ne laisser aucune ambiguïté de sens, au lieu d’écrire « de l’Esprit », ou « dans l’Esprit », il aurait employé la préposition grecque « hupo » (par) au lieu de « en » (dans). Dans ce cas, il se serait contredit et il aurait contredit toute la doctrine du Nouveau Testament. Or, invariablement dans le Nouveau Testament, c’est le Christ qui baptise. Dans Matthieu 3.11, le Baptiste déclare : « Il vous baptisera d’Esprit Saint ». Dans Actes 2.33, Pierre fait une déclaration semblable. Le Seigneur exalté répand son Esprit. L’Esprit ne baptise personne. Il est celui « en qui » ou « dans qui » on est baptisé. S’il en avait été autrement, il ne pourrait plus y avoir de distinction entre le baptême en Esprit et le baptême d’eau, et non par l’eau, ou « dans » le feu et non « par » le feu!
La deuxième partie du verset confirme également notre position. « Nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit » (1 Co 12.13). Le verbe de l’original grec est « épotisthèmen », qui signifie avoir été arrosé. Cette métaphore souligne l’idée de la puissance et de la pléthore (comme des plantes arrosées). Le but du baptême est défini par la phrase « en un seul corps ». Paul se sert de la préposition idiomatique dans le sens de « en vue de ». Nous avons tous été baptisés, immergés, irrigués, dans le même Esprit afin de former ou de devenir un seul corps. Cette vue apostolique ne laisse aucune possibilité à une interprétation élitiste du baptême. Tous les croyants sont membres du même corps. Comme tels, ils ont été baptisés et même irrigués par le même Esprit. Ils ont également les mêmes dons spirituels qui sont essentiels au fonctionnement du corps afin que nul ne se croie supérieur à autrui, ni d’ailleurs inférieur. Cet argument de l’apôtre, qui cherche à fonder la relation et la dépendance mutuelle entre tous les membres, n’aurait pas de force si le corps était divisé par une distinction aussi tranchante que celle que nous voyons chez les pentecôtistes et qui ne peut manquer d’aboutir à ce que l’apôtre cherche précisément à éviter à tout prix, c’est-à-dire à l’apparition de groupes schismatiques (1 Co 12.25).
Prétendre qu’on peut être régénéré sans avoir été baptisé de l’Esprit est une entreprise hasardeuse que rien dans le Nouveau Testament ne nous permet d’affirmer. Tous les croyants sont unis au Christ; par conséquent, ils le sont aussi à son Esprit. Si ce n’était pas le cas, il faudrait aussi renoncer à croire en la Trinité, dont les personnes sont à la fois ontologiquement et fonctionnellement unies de manière indissociable. Le Fils et l’Esprit sont un avec le Père. Leur union est tellement intime que l’un se retrouve en l’autre sans pour autant se confondre, de telle sorte que la mission du Paraclet n’est pas étrangère à celle du Fils Rédempteur. Ce sont les discours d’adieux dans l’Évangile selon Jean qui nous ont permis de saisir toute l’importance de ces liens d’unité que, dès l’antiquité, la théologie appelait la co-inhérence des personnes de la sainte Trinité. D’après cette idée théologique capitale non seulement pour l’intelligence du dogme de la Trinité, mais encore par ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, à savoir l’œuvre de la troisième personne de la Trinité, si un chrétien reçoit le Fils, il reçoit simultanément l’Esprit qui n’est pas étranger au Père ni séparé de lui, car il procède de lui comme il procède du Fils. Le rapport avec l’une des personnes de la Trinité entraîne et établit la relation avec les deux autres (voir Ép 3.16-19).
Être en Christ veut dire être en communion avec lui et avec tout ce qu’il représente, et le don le plus précieux qu’il fait aux siens est précisément celui de son Saint-Esprit. Il ne le donne pas avec parcimonie. Devenus membres de son corps, nous participons à la vitalité émanant de la Tête. Sa vie spirituelle coule dans nos veines régénérées, ce qui nous permet de déclarer à la suite de Paul : « Christ vit en moi » (Ga 2.2). Nous sommes véritablement ancrés en lui (Col 2.7). Nos racines descendent et plongent dans le sol fertile qui est le Christ, de telle sorte que sa plénitude de l’Esprit devient aussi la nôtre. L’Esprit est le don ineffable (2 Co 9.15), la promesse par excellence du Père, le sceau inévitable placé sur notre adoption filiale (Ép 1.13). Participer à l’expérience du Christ est avoir atteint le sommet de la bénédiction que le Père accorde à notre foi (2 Co 13.13).
Même dans l’Ancien Testament, le salut n’aurait pu se concevoir sans la réception de l’Esprit. Le baptême en l’Esprit fait intégralement partie de notre salut, car la foi et le don de l’Esprit y sont indissolublement liés. L’apôtre Paul posait la condition sine qua non aux chrétiens des Églises de Galatie : il faut croire (voir aussi Ép 1.13 et Ga 3.14). C’est par la foi que l’Esprit nous sera accordé. Ce dernier passage présente un intérêt particulier du fait de l’analogie qui existe entre la promesse de l’Esprit et la bénédiction d’Abraham. En d’autres termes, le don de l’Esprit était le noyau même de la bénédiction promise dans l’Ancienne Alliance. Nous ne saurions être bénéficiaires de celle-ci et en être en même temps privés! L’Alliance visait précisément la réception de l’Esprit. « Christ nous a libérés de la malédiction de la loi […] afin que nous recevions la promesse de l’Esprit par la foi » (Ga 3.13-14). La foi nous met en rapport avec le Christ et nous incorpore à lui. La maturité est alors atteinte (Col 2.10).
Notons à cet endroit que les pentecôtistes font apparaître une nouvelle distinction, qui ne peut se justifier sur le terrain biblique, entre être sauvé et être prêt pour le service. Une nouvelle violation est faite au texte biblique. Si tous sont disponibles pour le service, la raison en est qu’ils ont reçu l’Esprit. Selon le sermon sur la montagne, chaque disciple devra être prêt pour le service (Mt 5.13). Selon l’apôtre Paul, il serait absurde de prétendre qu’il y a des chrétiens qui ne peuvent servir… parce qu’ils n’auraient pas reçu l’Esprit. Dans Romains 6.18, l’apôtre appelle tous les chrétiens « des serviteurs de la justice ». Tous porteront les fruits de l’Esprit (Ga 5.22). L’apôtre Pierre n’est pas moins explicite : « Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin d’annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 Pi 2.9). Tout chrétien est appelé à proclamer les vertus et les grâces du Dieu souverain Libérateur. La première lettre de Pierre rappelle les formes de service qu’on attend de chaque chrétien. Nous devrions nous accrocher fermement à notre confession (Hé 4.14), à la Parole de vie (Ph 2.16), donner la raison de l’espérance qui est en nous (1 Pi 3.15). Ceci nous ramène à Actes 1.8. L’Esprit a été promis et accordé en vue de la mission. Le témoignage et le culte qu’on rend à Dieu sont partie intégrante de la mission spécifique dont est chargé le chrétien.
Les Églises auxquelles s’adresse Paul en Galatie, à Corinthe, à Colosses, à Éphèse, à Laodicée avaient toutes de graves problèmes à résoudre, comme la discorde, l’hérésie, l’immoralité, la mondanité, l’absence de zèle pour l’évangélisation… Toutes semblent dépourvues de maturité spirituelle. À propos de Laodicée, les pentecôtistes pourraient penser qu’elle manquait du feu du baptême de l’Esprit. Saint Paul, quant à lui, envisage la situation sous un angle différent. L’acuité des problèmes n’est pas due à l’absence de l’Esprit, mais au fait qu’on a manqué de reconnaître les implications éthiques de la vérité (Rm 6.2; 1 Co 6.2; Ga 3.3). Le fait qu’elles aient toutes reçu l’Esprit faisait que leur faiblesse et leurs hérésies, ou encore leur sectarisme, étaient bien plus intolérables que si elles n’en avaient pas été bénéficiaires. Le baptême en l’Esprit est un élément fondamental de la foi et de l’expérience chrétiennes; il est l’initiation même de notre vie dans la foi. Sans lui, nous ne pouvons pas exister dans celle-ci.
Note
1. Nous reprenons ici à notre compte les grandes lignes de la série d’études du théologien réformé écossais Donald MacLeod, professeur au Free College d’Édimbourg, études parues dans le Monthly Record dont il est l’éditeur, durant les années 1984 et 1985 et consacrées au baptême de l’Esprit.