La naissance d'en haut - La plénitude de l'Esprit
La naissance d'en haut - La plénitude de l'Esprit
« La plénitude de l’Esprit » est encore une autre expression courante dans le langage pentecôtiste. Son examen conclura notre étude sur la régénération.
Constatons pour commencer que l’expression comme telle ne se trouve, au point de vue littéral, ni sous la plume de Paul ni nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. On en rencontrera seulement des équivalences, à vrai dire assez nombreuses et explicites.
Dans l’Ancien Testament, c’est Bézaléel qui est rempli de l’Esprit; il prend part à la construction du tabernacle (Ex 31.3). Cependant, selon Hébreux 9.8, Dieu en est le véritable architecte.
Dans les Évangiles et ailleurs dans le Nouveau Testament, il est affirmé que le Christ est rempli de l’Esprit, notamment quand il est conduit dans le désert après son baptême (Lc 4.1). Le Baptiste aussi est présenté comme étant rempli de l’Esprit, même dès le sein de sa mère (Lc 1.15). Ses parents, Zacharie et Élisabeth, sont également remplis de l’Esprit (Lc 1.41,67).
Le jour de la Pentecôte, le groupe des disciples (il s’agit sans doute des cent vingt d’Ac 1.15) est rempli de l’Esprit (Ac 2.4). Peu après, lorsque Pierre se présente devant le Sanhédrin, il est dit qu’il est rempli de l’Esprit (Ac 4.8). Tous les disciples le sont aussi selon le témoignage d’Actes 4.31.
Saint Paul, lors de son baptême par l’eau, est présenté à son tour comme étant rempli de l’Esprit, ainsi que lorsqu’il s’adressera à Élymas, à qui il infligera une cécité temporaire (Ac 9.17; 13.9). Les disciples d’Antioche en Pisidie, lors de leur tribulation, sont remplis de l’Esprit et aussi remplis de joie. Au sujet des diacres d’Actes 6, nous apprenons qu’ils sont tous remplis de l’Esprit de sagesse (Ac. 6.3). Pendant qu’il rend témoignage, Étienne, l’un d’entre eux, est rempli de l’Esprit et voit au-dessus de lui les cieux ouverts (Ac 7.55). Barnabas est un homme rempli de l’Esprit et de foi (Ac 11.24).
Tels sont les parallèles bibliques au texte de Paul dans sa lettre aux Éphésiens : « Ne vous enivrez pas de vin; mais soyez remplis de l’Esprit » (Ép 5.18).
Nous tirons de ces passages et de leur enseignement la conclusion que la plénitude ne coïncide pas forcément dans le temps avec la régénération. Celle-ci constitue l’œuvre initiale du Saint-Esprit. Sa plénitude n’apparaît que là où l’Esprit a déjà été à l’œuvre. Il existe deux aspects visibles. L’un sera l’aspect critique, exceptionnel, très spécial de la plénitude. La plénitude se manifestera à des moments exceptionnels, parfois même sous une forme peu normale. Dans de tels cas, le sujet rempli peut prononcer un discours extatique. L’aspect normal, ordinaire, de l’Esprit, est décrit comme la condition permanente de sa plénitude. Au sujet des diacres, il nous est dit non qu’ils « furent » remplis de l’Esprit, mais qu’ils « étaient » remplis de l’Esprit. Le même témoignage est rendu aussi à Barnabas. Nous apprenons aussi qu’à partir de son baptême, Paul connut un état permanent de plénitude. Cependant, à certains moments de son ministère, il connaîtra lui aussi l’aspect extraordinaire, la phase critique de la plénitude. On peut en déduire aisément que le chrétien rempli de l’Esprit en cherche aussi la plénitude.
Nous constatons également le rapport entre la plénitude de l’Esprit et certains dons exceptionnels. Ainsi, la conséquence immédiate de la plénitude, le jour de la Pentecôte, fut le don du parler en langues tel que l’Esprit l’accorda aux disciples. D’autres passages font état du fait que Pierre, Paul et Étienne, remplis de l’Esprit, prononcèrent des paroles inspirées d’une force surnaturelle et tout à fait exceptionnelle.
C’est grâce aussi à la plénitude de l’Esprit que le Christ, durant les quarante jours de sa tentation dans le désert, a pu endurer les assauts du Malin.
Nous avons déjà rappelé que si le chrétien veut atteindre un degré supérieur de vie ordinaire, il n’y parviendra pas en se plaçant sur le degré « miraculeux », mais plus simplement en cherchant la maturité spirituelle dans la vie ordinaire et dans une consécration toujours plus grande. Car, selon l’ensemble du Nouveau Testament, la transformation éthique est la preuve de la plénitude de l’Esprit. Il serait trop disproportionné d’identifier la plénitude avec ce qui est exceptionnel et miraculeux. Quel que soit le lien que certains passages du Nouveau Testament établissent entre les phénomènes extraordinaires et l’Esprit, par exemple la glossolalie ou le don de guérison, la préoccupation majeure et la plus noble du chrétien restera l’approfondissement de la connaissance de son Seigneur, la marche constante et persévérante dans la foi et la soumission qui suppose le renoncement à soi et le port de sa croix. Toute plénitude de l’Esprit doit donner ces signes dans une consécration toujours plus grande de notre vie au Seigneur de celle-ci.
Nous examinerons plus loin l’élément miraculeux dans l’expérience chrétienne qui, dans le cas des premiers disciples, fut de nature passagère, confinée aux temps apostoliques. Actuellement, là où l’Évangile est prêché pour la première fois, le miraculeux n’est pas indispensable pour discerner la présence et l’opération de l’Esprit. Aujourd’hui, aussi bien l’Église que le champ de mission bénéficient d’un dépôt de tradition spirituelle et théologique tel qu’il est superflu de rechercher les manifestations miraculeuses de l’Esprit pour communiquer l’Évangile. Par conséquent, aussi bien l’Église que les nouveaux convertis à la foi chrétienne seront constamment exhortés à marcher dans l’obéissance ordinaire et à rechercher sans cesse la voie la plus excellente, celle de l’amour.
Que dit l’apôtre dans le passage aux Éphésiens? La phrase grecque est « plerousthai en pneumati ». Le contexte montre, et notre idée au sujet du double aspect ou des deux types de manifestations de la plénitude l’ont démontré, qu’il s’agit non d’une manifestation exceptionnelle de plénitude, de celle que nous avons appelée « plénitude de crise », mais du cours normal et ordinaire de la vie chrétienne. Rien dans ce passage ne laisse supposer que l’apôtre avait en vue la manifestation d’actes miraculeux. D’ailleurs, son exhortation à chanter des psaumes, des hymnes et des cantiques n’a rien comme telle de ce qu’on appelle miraculeux… Il s’agit plutôt de s’oublier soi-même pour s’occuper d’autrui.
Nous remarquons encore que le verbe original grec « plerousthai » est au présent continu. Il invite à une course normale, à une habitude saine et sainte, et non à des efforts en vue de cette expérience exceptionnelle que nous avons appelée critique. Il s’agit surtout de prendre possession des richesses spirituelles acquises grâce à la croix, de marcher de façon permanente dans la plénitude divine, dans l’humilité et dans la reconnaissance, la modestie, la tempérance et l’amour désintéressé étant les signes à la fois ordinaires et exceptionnels d’une vie de plénitude.
Remarquons aussi que le grec « en pneumati » (en Esprit) a valeur de « soyez remplis de l’Esprit, en qui vous êtes déjà ». Vous êtes en l’Esprit et dans ce cas, demeurez-y. Prenez-en soin de telle sorte que vous demeuriez par grâce dans cette relation de foi et de soumission, afin que l’Esprit qui est en vous ne s’éteigne pas, mais qu’au contraire il puisse jaillir en abondance et inonder votre être tout entier. Vous pourrez alors vivre à l’endroit même où le fleuve vivant prend sa source, de sorte que votre personne tout entière, aussi bien votre conduite extérieure que votre être intérieur, seront conduits par l’Esprit divin.
Telle est, nous semble-t-il, l’interprétation correcte de la plénitude de l’Esprit, et des passages tels que Romains 6.13 et Romains 8 corroboreront notre conviction. L’apôtre invite constamment ses lecteurs à se soumettre à l’Esprit comme à une puissance qui se trouve réellement en eux, mais qui devra prendre toujours davantage possession de leur existence. Il n’encourage nulle part les Églises à rechercher ce qui est spasmodique, orageux, de nature critique. Tous les passages du Nouveau Testament relatifs à la plénitude de l’Esprit laissent clairement entendre que le fidèle devra laisser irriguer ses affections les plus chères, ses pensées les plus intimes et chacun de ses actes par le fleuve puissant de l’Esprit. Alors seulement il pourra atteindre sa maturité spirituelle.
Comme dans d’autres passages, l’exhortation est accompagnée de la promesse : Comportez-vous non comme des chrétiens appartenant à une classe supérieure, mais comme des membres ordinaires de l’Église. On voit comment l’implication éthique est valable pour tous, pour l’époux et pour l’épouse, le serviteur et le maître, les anciens de l’Église et les membres ordinaires. Tous, sans exception, démontreront dans leurs rapports qu’ils vivent effectivement de la plénitude de l’Esprit, ce qui a des conséquences profondes pour la marche ordinaire quotidienne du chrétien.
Cette constatation nous guérira définitivement de la maladie qui consiste à classifier arbitrairement les chrétiens en diverses catégories. Il existe une infinie variété de chrétiens, mais il est inutile de les classifier de manière rigoureuse. Rien ne nous autorise à dire que certains ont eu la plénitude de l’Esprit et que d’autres ne l’ont pas encore parce qu’ils n’auraient pas participé à l’expérience de la Pentecôte. Si de tels chrétiens existent, il faut sans trop tarder commencer à leur prêcher l’Évangile, au lieu de discourir devant eux sur la plénitude de l’Esprit!
Tout chrétien est une « personne exceptionnelle », car il est habité par l’Esprit et vit la vie même du Fils de Dieu. Certes, il mène une existence de médiocrité par rapport aux injonctions de la loi sainte de Dieu; il n’a aucun mérite. Pourtant, étonné et reconnaissant, il constate que Dieu l’accueille, l’adopte et lui accorde son Esprit. Est-il possible d’en avoir une certitude absolue? Certainement, et nous devons préciser que d’autres thèmes bibliques ne vont pas plus de soi que la plénitude de l’Esprit en nous. Rappelons-nous que nous sommes déclarés « justes » alors que nous nous savons des pécheurs (« simul justus ac peccator »). Nous sommes appelés « saints » et nous n’avons pourtant qu’un petit début de sanctification. La sainteté des Corinthiens n’est pas mise en question; et pourtant, ils commettent des péchés même dans leur corps, qui est le temple de l’Esprit.
La bonne nouvelle de la plénitude de l’Esprit nous montre à la fois le privilège d’avoir été scellés de l’Esprit et la responsabilité que nous avons de marcher d’une manière digne de l’Évangile. Le baptême de l’Esprit n’est nullement prescrit comme remède aux maux qui affligent l’Église ou les chrétiens. La Parole de Dieu nous appelle à une humble repentance; elle nous invite à mettre en pratique des bonnes œuvres. Notre sainteté ne signifie pas une transformation subite, car c’est avec crainte et tremblement que nous rechercherons la sanctification, sans laquelle personne ne verra Dieu. Nous aurons à mortifier la chair et à imiter le Christ. Ce n’est pas parce que la joie fait partie des fruits de l’Esprit que nous chanterons nécessairement jour et nuit. Le baptême de l’Esprit ne résout pas automatiquement tous les problèmes de la vie des chrétiens. L’Écriture ne nous promet pas nécessairement des guérisons instantanées, la sainteté absolue ou la joie parfaite. À notre tour, nous éprouverons aussi la crainte, l’angoisse et des regrets, et peut-être sombrerons-nous dans la tristesse. Nous gémirons et pleurerons. Peut-être adresserons-nous des reproches à Dieu.
Nous n’avons pas de garantie que le baptême de l’Esprit nous assure une vie triomphant sur toutes les épreuves. Nous avons cependant une certitude sereine : Dieu nous a accueillis, nous autres hommes et femmes misérables. Il nous a donné les arrhes de son Esprit; il nous relève de nos chutes et guérit nos blessures; il nous transforme chaque jour de gloire en gloire, dans l’attente du jour où nous serons refaits à l’image de son Fils, Jésus-Christ notre Sauveur, qui est Esprit. « Par un seul Esprit nous avons été tous baptisés en un seul corps » (1 Co 12.13). Notre devoir est d’ouvrir des avenues et des régions larges du cœur de vie, pour être remplis de plus grandes plénitudes encore. Selon Paul, le secret en est la foi; la foi non pas en un fait extraordinaire, mais celle qui accueille la promesse; la foi qui prend le Seigneur au mot; la foi au Dieu qui tient Parole et qui ouvre les portes intérieures comme il a ouvert l’entrée principale avec la clé de sa promesse. C’est à cette seule condition que nous serons remplis de joie et de paix. En croyant et en abondant dans l’espérance par la puissance de l’Esprit Saint (Rm 15.3), nous marcherons sur la voie qui témoignera en nous des œuvres de justice et nous serons remplis par la connaissance de sa volonté (Ph 1.11; Col 1.9).
Malgré ses intentions louables, il nous semble que la théologie pentecôtiste, avec cette interprétation étrangère à la lettre et à l’Esprit de l’Écriture, n’assure pas une vie triomphante; malgré les slogans répandus dans de tels milieux, c’est une humeur abattue et découragée qui la caractérise très souvent. Le chrétien qui ne peut pas atteindre les hauteurs prescrites par le pentecôtisme se lamentera sans cesse et se sentira un chrétien de seconde zone.
La contradiction entre notre médiocrité actuelle et la perfection à laquelle nous sommes déjà promus sera résolue si nous nous rappelons aussi d’autres doctrines, comme celle qui nous affirme que Satan est déjà lié. Mais comment l’admettre lorsqu’on subit sans cesse toute la virulence de ses assauts? Tout simplement par la foi qui nous donne cette certitude.
Notre sainteté, celle qu’abordera un prochain chapitre, n’est pas une transformation subite, mais une longue marche « avec crainte et tremblement », dans l’assurance aussi que celui qui a commencé en nous cette bonne œuvre, c’est-à-dire notre régénération, notre justification et notre adoption, la rendra parfaite sans faillir à sa tâche, pour sa seule gloire et pour notre plus grand bonheur.