La nature du culte biblique et réformé
La nature du culte biblique et réformé
- Introduction
- Le Dieu adoré
- L’homme chrétien qui adore
- L’arrière-plan et les horizons du culte
- L’édifice
1. Introduction⤒🔗
Contentons-nous modestement de reprendre, sans vaines redites, l’essentiel de ce qui a été enseigné depuis toujours au sujet du culte chrétien. Nous le ferons en suivant la ligne néotestamentaire et en restant fidèles à celle que, depuis, la Réforme a réussi à prolonger jusqu’à nous. Laissons à d’autres le soin et le plaisir de faire du culte l’occasion « où l’on danse et on se déchaîne en inventant des tas de mots nouveaux… » (dixit une femme pasteur).
Ici, encore moins qu’ailleurs, en dépit de l’acharnement qu’y mettent beaucoup de gens, nous ne saurions innover quant à la nature et à l’essence du culte. Celui-ci peut se décrire comme l’attitude mentale d’adoration de Dieu et l’expression extérieure dans et par un discours et des actes en commun. Reconnaissance de la sainteté de Dieu, de sa bonté et de son amour, le culte le lui dit, dans un respect total, en faisant de lui son unique objet. Outre le fait qu’il est divinement ordonné (Mt 4.10), il possède une raison intérieure. Si Dieu est la perfection ultime, absolue, il devra être loué.
Le culte chrétien épouse la forme liturgique et devient, raisonnablement, un rite. Cela n’implique nullement que nous devons nous en tenir uniquement à des formes fixes, à des livres liturgiques ou à des rites officiellement établis et en usage à cet effet. À l’origine de l’Eglise, « liturgie », du grec « leitourgia » (fonction publique) et de « leitourgos » (fonctionnaire public, serviteur, administrateur), prit le sens chrétien de service de Dieu et de serviteur de Dieu. Ainsi comprise, la liturgie devient l’expression de la foi de l’Église dans la célébration de son culte public. Elle en précise la signification et règle la place accordée aux divers éléments de celui-ci (aux éléments dits fixes, ainsi qu’aux éléments dits variables).
« Le culte est l’acte de la foi et de l’obéissance dans lequel l’Église de Jésus-Christ, sous l’action du Saint-Esprit, écoute le message que Dieu lui fait entendre par la Parole et le sacrement, et y répond par la liturgie au moyen de symboles, de chants et de prières » (Jean Bosc).
La liturgie, elle, est l’heure durant laquelle l’Église, par ses chants, ses prières, sous l’action du Saint-Esprit, répond à la grâce que Dieu lui dispense dans la Parole et les sacrements. Il s’agit bien d’une réponse à la grâce, c’est-à-dire au salut que Dieu offre, et non d’un moyen humain par lequel l’homme prétendrait y avoir un droit et la mériter.
Essentiellement, il n’existe pas de différence entre le culte célébré dans l’Ancienne Alliance et celui de l’Église chrétienne. Si le premier, centré principalement autour des sacrifices, pouvait laisser entendre une certaine initiative de l’homme pour s’approcher de Dieu, il ne suit en réalité que « les ordonnances et les règles » fixées par Dieu en personne.
Nous nous tournerons donc, pour commencer, vers les normes bibliques. Nous nous limiterons à l’examen des textes et des idées du Nouveau Testament, en suivant dans ses grandes lignes R. Ward, dans son étude consacrée précisément au culte dans le Nouveau Testament. L’auteur rappelle qu’une abondante littérature théologique moderne cherche les fondements d’une liturgie chrétienne; mais dans cette littérature, il s’agit davantage d’études « d’introduction » que d’une véritable théologie du culte.
Les termes grecs de « latreuo », « latréia », « proskunéo » et « leitourgia » sont les termes « techniques » du culte. Dans l’ancienne Athènes, « leitourgia » signifiait le service public qu’un citoyen particulier accomplissait à ses propres frais.
Deux parties sont en présence dans le culte chrétien : Dieu et l’adorateur.
2. Le Dieu adoré←⤒🔗
a. Il est le Dieu vivant (Hé 7.25; 9.14)←↰⤒🔗
Celui qui s’approche de lui doit croire qu’il existe (Hé 11.6). Il faut noter le contraste absolu entre les vaines idoles et le Dieu vivant (1 Co 8.4). Et que « c’est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant » (Hé 10.31; voir également 1 Th 1.9; Ac 14.15).
b. Il est le Seigneur←↰⤒🔗
Nous avons affaire dans le culte avec un « lui » et non pas avec un « ça » impersonnel. Il détient une autorité absolue qui n’est pas un pouvoir despotique acquis de façon immorale ou exercé de façon arbitraire. Son autorité est fondée sur son être et sur sa nature. Il règne sur ses adorateurs, sur l’univers créé et sur toutes les affaires des hommes. Même la liberté de l’homme n’échappe pas à son contrôle (Ac 4.27-28). Parlant de sa personne, il se désigne comme le « Kurios », le Seigneur.
Dans la bataille de la tentation et la victoire sur l’adversaire, Jésus a démontré puissamment et clairement qui sera l’unique objet du culte que doit rendre l’homme (Mt 4.10 et Lc 4.8, où apparaît le verbe adorer). Celui siégeant désormais sur son trône de gloire, ainsi que son Agneau, seront servis éternellement (Ap 22.3). Pareillement, dans Hébreux 8, le culte est en rapport avec le « trône », et le langage employé est celui de l’adoration. Dans Philippiens 2.9-11, le Christ exalté reçoit un nom au-dessus de tout nom, celui de Seigneur digne; les hommes plient le genou devant lui, le confessent et l’adorent.
c. Il est le Dieu Créateur←↰⤒🔗
Israël connaissait Dieu comme le Seigneur avant même de le connaître comme Créateur. Mais il n’a pas tardé à le connaître et à le confesser aussi comme son Créateur. Cette idée et cette conviction se transmirent à l’Église chrétienne. Il est à noter que dans Actes 4.24, par exemple, la seigneurie du Christ et le fait qu’il soit Créateur sont étroitement liés. Ce texte est presque une citation d’Exode 20.11 et l’idée se retrouve dans Néhémie 9.6 aussi bien que dans le Psaume 146.6. Devant l’Aréopage, saint Paul faisait allusion au culte païen des Athéniens qui adoraient des « sebasmata », ce qui, dans son esprit, était l’équivalent des « images taillées ». Or, il affirme que Dieu, celui qu’il annonce, est le Créateur véritable (Ac 17.22-31). Ce lien entre le Seigneur et le Créateur apparaît sous sa plume lorsqu’il dénonce les païens « qui retiennent la vérité captive » (Rm 1.18).
Le livre de l’Apocalypse, qui décrit le culte céleste en un langage tiré de la terre, reflète la même pensée et témoigne de la même conviction (Ap 4.9-11). Le Créateur est le même qui soutient toutes choses. En rejetant le Messie, le peuple juif persista dans un culte anachronique uniquement fondé sur l’Ancien Testament (Ac 13.26-27; Rm 9.4). Or, les chrétiens ne négligèrent point l’Ancien Testament, mais le complétèrent par le Nouveau qui l’accomplit parfaitement. C’est la raison pour laquelle l’Ancien Testament trouve sa place dans le Nouveau et dans la piété chrétienne.
d. Il est le Dieu de l’Ancien Testament←↰⤒🔗
Plusieurs passages du livre des Actes, dont 13.14, nous apprennent que l’apôtre Paul adora Dieu dans la synagogue juive. En annonçant « le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ » (Ép 1.3), il rend un culte au Dieu de ses pères (Ac 24.14), le Dieu de l’Ancien Testament. Il est question du Dieu des ancêtres, adoré parce que connu d’une manière nouvelle. C’est le même Dieu qui est adoré à présent en Christ. Le discours d’Étienne est aussi très significatif à cet égard (Ac 7).
La pratique cultuelle paulinienne trouve son fondement théologique et sa meilleure illustration dans ce qu’exprime la lettre aux Hébreux, notamment dans les chapitres 8 à 10. Le Dieu qui donna l’Ancienne Alliance est celui qui inaugure à présent la Nouvelle. Dans cette partie de son exposition, l’auteur tire ses conclusions à partir du culte lévitique, en utilisant à profusion les termes rituels. Il rappelle plus particulièrement le jour de la grande expiation (Lv 16). Le Christ est notre Souverain Sacrificateur en tant que ministre (« leiturgos ») du sanctuaire (Hé 8.2). Le sacrifice rituel ancien n’était que la copie, l’ombre seulement du véritable, celui qui est céleste (Hé 8.5). Le Christ offrit (« prosphérein ») sa personne (Hé 9.14). Il obtint un ministère plus excellent (« leitourgia ») en tant que Médiateur d’une meilleure alliance (Hé 8.6). Cette Nouvelle Alliance avait été promise par Dieu dans l’Ancien Testament (Jr 31.31-34).
e. Dieu est présent lors du culte←↰⤒🔗
Dans sa première lettre aux Corinthiens, l’apôtre décrit le rassemblement de toute l’Église, où le don prophétique sera exercé par tous. Si un incroyant y entre, il doit être examiné par tous afin que son cœur secret s’ouvre, qu’il puisse reconnaître Dieu et qu’en tombant sur sa face il l’adore en confessant que Dieu « est vraiment parmi vous » (1 Co 14.25, voir És 45.14; Dn 2.47; Za 8.23). Il n’est pas un produit de l’imagination, Dieu est réellement présent lors du culte célébré en son honneur. Il habite son Temple, l’Église fidèle, et il se meut parmi son peuple pour l’accueillir (2 Co 6.16; Lv 26.12; Ex 29.45). La présence de Dieu apparaît dans l’hymne de Moïse et celui de l’Agneau, dans un milieu cultuel (Ap 4.10). Ceci est très important afin de ne pas assimiler la participation au culte à l’assistance à une quelconque réunion ou autre type de rencontre… Dieu est réellement présent au culte.
f. Il y a une attitude propre envers le culte←↰⤒🔗
« Adorons Dieu de manière acceptable », écrivait l’auteur de l’épître aux Hébreux (Hé 12.28). Par cet « acceptable », il entend le devoir de lui plaire. Tout culte devra être empreint d’un profond sentiment de respect et même de crainte. Non pas de crainte au sens courant du terme, car d’après Hébreux 4.16 nous sommes invités à une certaine hardiesse. Dans cette ligne de compréhension du sens du culte, l’auteur de l’épître estime que faire le bien constitue aussi un sacrifice agréable offert à Dieu (Hé 13.16). Le chrétien qui participe au culte n’oubliera pas le « faire le bien », car il sait que, quand il l’accomplit, Dieu en tient compte (Hé 6.10, voir également Ph 4.18). Dieu note et apprécie le culte véritable, mais il ne tient pas compte d’un culte apparent.
g. Lui seul connaît le cœur de ses adorateurs←↰⤒🔗
Lors du choix effectué par le collège apostolique pour remplacer Judas (Ac 1.24) et au concile de Jérusalem (Ac 15.8), il est question de cette connaissance intime que Dieu possède en ce qui concerne les cœurs et les esprits. Sa connaissance va à la vie intérieure et ne s’arrête pas aux actes accomplis extérieurement, car il est le Dieu tout-puissant. Devant lui, tous les cœurs sont ouverts. Aucun secret ne lui échappe (1 Co 4.5; Hé 4.12; Ap 2.23). Or, s’il nous connaît si bien, comment pouvons-nous avoir l’assurance qu’il nous accueillera lorsque nous nous approcherons de lui? Est-il « heureux » de nous voir ou bien ne fait-il que nous tolérer?
h. Il est le Dieu qui nous invite←↰⤒🔗
« Approchez-vous de Dieu », exhorte saint Jacques (Jc 4.8). À première vue, il semblerait que l’initiative vient de l’homme. Ce n’est pourtant pas vrai, car Dieu s’approche de nous en faisant le premier pas en Christ. Aussi nous invite-t-il à aller vers lui. L’invitation évangélique dit : « Venez à moi… » et l’invitation ecclésiastique la complète en déclarant : « Venez, car il y a encore de la place ». Il ne s’agit en réalité que d’accepter d’entrer par la foi (Hé 4.9).
Ainsi l’initiative n’est pas humaine. C’est Dieu qui attire les hommes à lui. Ceux-ci répondent en s’approchant de Dieu dans l’acte d’adoration. Dieu s’approche alors de ses adorateurs et ces derniers font l’expérience de sa présence. « S’approcher » est un terme de l’Ancien Testament que nous trouvons dans la terminologie sacerdotale (Ex 19.22; Éz 44.13) et, comme tel, il a été transféré au culte spirituel du Nouveau Testament (Hé 4.16; 7.19). Lorsque l’homme s’approche de Dieu en Christ, Dieu le reçoit en sa compagnie (Rm 14.13; 15.7; Phm 1.17).
i. Dieu est pour nous←↰⤒🔗
Romains 8.31-39 peut s’appliquer parfaitement au culte. L’intensité du « pour nous » peut se mesurer seulement par le regard de la foi en direction de la croix. Dieu nous écoute dans nos cultes. Aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, les adorateurs invoquent Dieu, ils appellent le nom du Seigneur (Ac 2.21; 7.59; 9.14,21; Rm 10.12; 1 Co 1.2). Appeler Dieu est l’expression de la foi (Rm 10.14; 1 Pi 1.17) et se réfère au culte chrétien, peut-être plus particulièrement dans le « Père » de la prière que Jésus a enseignée à ses disciples. Dieu n’est ni sourd ni inattentif, mais tout à fait disposé à nous entendre.
Il reçoit nos requêtes (Ac 13.2). Il nous a appelés à son étonnante lumière (1 Pi 2.9) et, dans le culte où la Parole est proclamée, il renouvelle ses grandes merveilles. Il est riche et généreux envers ceux qui l’invoquent (Rm 10.12). L’incarnation du Fils est un don qui ne saurait être acheté (Ac 8:20). Aucun adorateur de Dieu ne sera jamais déçu.
j. Il est fidèle←↰⤒🔗
Cette conviction que Dieu est constant s’exprimait déjà dans le Psaume 102.27 auquel faisait allusion Malachie 3.6 et que reprend l’épître aux Hébreux (1.10-12). Car Jésus-Christ, le Fidèle témoin, est le même hier, aujourd’hui et éternellement (Hé 13.8). La révélation de Dieu en son Fils ne requiert aucune amélioration, correction ou complément. Dieu demeure fidèle et, dans le culte, il nous réserve un accueil sûr et certain.
k. Dieu doit être loué et glorifié←↰⤒🔗
Les tout premiers mots du Te Deum laudamus le disent simplement : Nous te louons en tant que Dieu. Tu es Dieu. C’est là d’ailleurs le but ultime de toute vie chrétienne. C’est ce qu’accomplit l’Église dans Actes 2.46-47 et c’est ce à quoi nous exhorte l’apôtre dans Romains 15.6.
Après avoir « introduit » celui qui est l’objet de l’adoration, le Dieu révélé en Jésus-Christ et désigné comme le partenaire du culte, R. Ward décrit l’autre partenaire, l’homme adorateur.
3. L’homme chrétien qui adore←⤒🔗
Saint Paul ne voulait rien savoir d’autre parmi les chrétiens, voire dans le monde, que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié (1 Co 2.2). Cette connaissance, affirme l’auteur, est le levain qui doit fermenter toute notre pensée et stimuler notre action. Son application dans le culte est évidente.
a. L’adorateur est l’homme de la foi←↰⤒🔗
Ce n’est qu’avec un cœur sincère et plein de foi en Dieu que nous pouvons nous approcher de lui pour l’adorer dignement, d’une façon qui lui est agréable (Hé 10.22; 11.6,17,28).
b. Il est « pour Dieu »←↰⤒🔗
L’adorateur s’associe à la cause de son Dieu, car il a été mis à part pour faire partie du peuple de l’alliance et être habité par l’Esprit de Dieu. Il priera pour que le règne de Dieu avance dans ce monde et dans sa vie (Ac 4.24; 2 Co 6.16).
c. Il est l’homme de l’intelligence spirituelle←↰⤒🔗
Cette intelligence est d’une autre nature qu’un savoir théorique ou d’érudition. Elle est liée à la « confession intelligente » qui est le fruit des lèvres croyantes (Hé 13.15). Le fidèle, dans l’entière possession de ses facultés mentales, annonce un discours intelligible (1 Co 14.15). La Nouvelle Alliance que prédisait le chapitre 31 de Jérémie est en rapport avec la « dianoia », l’intelligence, et la « cardia », autre terme biblique pour désigner notre intelligence en tant que centre et foyer de vie intérieure. Le « Logos », la Parole, devra être proclamé en mots rationnels qui ne devront jamais devenir rationalisme figé (Hé 8.10; 10.16).
d. Il est homme spirituel←↰⤒🔗
Dieu étant Esprit, celui qui l’adore devra être, lui aussi, esprit et l’adorer en esprit (Jn 4.23). Même si le fidèle adopte tel ou tel geste physique, comme celui de se mettre à genoux ou de fermer les yeux et joindre les mains, il ne restera pas à ce stade corporel et extérieur du culte (Mt 15.8; Mc 7.6), car le culte véritable est celui du cœur (Col 3.16).
Dieu est Esprit et, par conséquent, il n’est pas limité par le temps ni par l’espace. C’est en Christ que nous le rencontrerons, partout et toujours. Il n’est pas lié à un édifice ni à des temps fixes. Mais la fréquentation régulière du culte est nécessaire à des jours et à des heures fixes dans la mesure où elle nous forme et nous éduque. Néanmoins, nous pourrons rencontrer Dieu quand et où nous le voulons si nous restons spirituellement disponibles. L’idolâtrie attire le châtiment, mais le culte chrétien, s’il demeure spirituel, est objet de la grâce de Dieu.
e. Il est homme d’expérience←↰⤒🔗
Le fidèle n’est pas étranger à Dieu parce que celui-ci l’écoute. Il a été secouru, sauvé et réconcilié avec Dieu et il est devenu son enfant par adoption. Par conséquent, il peut crier « Abba », ce qui veut dire Père, grâce au témoignage intérieur du Saint-Esprit (Hé 9.14; 10.22; Rm 5.5; 2 Co 5.18; Rm 8.14-16; Ga 4.6).
f. Il s’approche de Dieu←↰⤒🔗
Dans la prière, lors du culte communautaire, il s’approche consciemment de Dieu, ce qui est le privilège de la grâce, car par nature l’homme pécheur ne peut rencontrer qu’un Dieu inaccessible (1 Tm 6.16; Hé 4.16; 10.22; Jc 4.8).
g. Il doit rester toujours hardi, mais sans orgueil←↰⤒🔗
Le pharisien de la parabole du Seigneur illustre parfaitement l’attitude de l’homme spirituellement orgueilleux qui fait prévaloir devant le Seigneur Dieu très haut ses misérables mérites. En revanche, le publicain est le type même de l’humilité en présence du Dieu saint. Celui qui s’approche de Dieu dans la foi et une repentance renouvelée peut être certain d’obtenir une réponse, « car il n’y a aucune condamnation pour celui qui est en Christ » (Rm 8.1; 1 Co 1.29; 1 Jn 2.1; Hé 2.17-18).
Le fidèle peut compter à présent avec un Souverain Sacrificateur qui, ayant connu la lutte lors de ses tentations et ayant remporté la victoire, reste son puissant secours, car il connaît l’effort déployé par les siens. Ainsi, le fidèle s’approchera de Dieu avec une assurance (Hé 4.15-16) qui n’a rien de commun avec l’effronterie, mais qui est la marque même de la confiance filiale (Ép 3.12). Il prend Dieu au mot à cause du Christ.
Il existe malheureusement des chrétiens hésitants qui doutent que la miséricorde de Dieu puisse leur être d’un quelconque secours. D’après leur faible foi, les richesses de Dieu ne leur seraient pas destinées. Peut-être n’ont-ils pas été suffisamment enseignés dans la doctrine de la grâce et leur expérience chrétienne laisse beaucoup à désirer…
h. Il prend part à l’unanime accord dans le culte←↰⤒🔗
D’après le passage du livre des Actes (Ac 4.24), en dépit des sensibilités, voire des différences notables entre chrétiens de tempéraments et de formation divers, il doit exister une note qui caractérise le culte : l’unanimité et l’accord. Ils ont un même esprit pour glorifier Dieu le Père et notre Seigneur Jésus-Christ (voir aussi Ac 4.32; Rm 12.16; Ph 2.2; 4.2). L’idéal en apparaît déjà dans Matthieu 5.23-24.
i. Il manifeste un esprit d’attente←↰⤒🔗
Le fidèle attend la réponse divine ainsi que l’action de l’Esprit. Actes 13.2 offre une belle illustration de cet esprit.
j. Il connaît sa propre indignité←↰⤒🔗
Le culte a son contenu. L’adorateur exprime à Dieu toute sa gratitude par ce qu’il accomplit en sa faveur (Ps 51.15-17). Cependant, cette connaissance, même la plus profonde, n’est pas en mesure de comprendre l’immensité des trésors insondables du Christ (Ép 3.8; 2 Co 9.15).
4. L’arrière-plan et les horizons du culte←⤒🔗
Après avoir ainsi décrit l’adorateur, nous conclurons en notant brièvement l’arrière-plan du culte et en indiquant les horizons.
Rappelons-nous que, dans le passage de 1 Corinthiens 6.9-11, saint Paul présente une redoutable liste de pécheurs « qui n’hériteront pas le Royaume ». Il ajoute cependant que tels étaient certains membres de l’Église corinthienne. À présent, ceux-là font, eux aussi, partie du Royaume. L’arrière-plan du culte offre la réalité obscure et tragique du péché et de toute forme d’incrédulité, mais ce péché et cette incrédulité ont été pardonnés. Dans Galates 2.15, saint Paul présente un autre arrière-plan où il se réfère à ses origines juives et situe sa foi chrétienne dans le cadre de l’institution religieuse de l’Ancien Testament. Il se dit privilégié par rapport à d’autres. Mais ces facteurs de péché, d’incrédulité ou de privilège appartiennent au passé. Il existe un seul facteur actuel, celui de la piété ou de la dévotion personnelle. Cela s’explique encore par le cas personnel de l’apôtre qui a donné des signes authentiques d’une vie de prière personnelle intense (Rm 1.8-10; 1 Co 1.4; Ép 1.16; 3.14). Le Christ qui lui parle et, à travers lui, qui s’adresse au monde, est celui qui l’habite (Ga 2.20). Tout culte public sera vivant et bienfaisant à condition qu’il soit précédé par une piété personnelle sincère et ardente (Mt 6.6).
Quant aux horizons du culte, est-il nécessaire de souligner que ce sont les horizons de l’invisible? Car notre regard ne s’arrête pas sur ce qui est temporaire, mais sur ce qui est céleste (2 Co 4.18 à 5.7). Cet horizon est aussi de nature missionnaire. C’est pourquoi le ministère apostolique de saint Paul est soutenu et encouragé par les prières que les Églises élèvent vers Dieu en sa faveur (2 Co 1.11).
Il existe aussi un aspect « politique » dans le culte, étant donné l’exhortation de l’apôtre Paul dans 1 Timothée 2.1-2, à prononcer des prières et des supplications pour intercéder en faveur des autorités publiques légalement établies.
Ce qui précède nous engage à respecter certaines attitudes qui vont caractériser profondément le culte chrétien et réformé que nous offrons à Dieu. Tout d’abord la régularité, qui implique constance, persévérance et vigilance (Ép 6.18; Col 4.2). Selon le livre des Actes, la régularité de la célébration est d’un rythme hebdomadaire (Ac 20.7, voir aussi 1 Co 16.2; Ap 1.10).
Si le culte s’adresse à Dieu, la présence des autres fidèles, malgré son importance, ne vient qu’en deuxième place. Le culte est offert à Dieu en tout premier lieu. Ensuite, il est célébré en vue de l’encouragement et de la stimulation mutuels. Il sera donc empreint d’un respect au-delà des limites humaines et célébré dans un cadre approprié. Ainsi, il glorifiera Dieu et édifiera son Église (1 Co 10.23; 14.3,12,17,26). Le tout sera subordonné au premier motif (1 Co 10.31).
Témoignage rendu à la Parole de Dieu, le culte liturgique sera fidèle dans la mesure où l’unité réelle de l’Église sera une donnée offerte par la grâce et consolidée chaque jour par l’action conjointe de l’Esprit et de la Parole de Dieu. Dieu n’a pas parlé seulement autrefois « de diverses manières et à plusieurs reprises », mais il a prononcé sa Parole définitive en son Fils incarné (Hé 1.1-2). C’est en lui que nous sont offerts la grâce et le salut du corps et de l’âme, de manière irrévocable, sans changement ni altération, sans que l’homme soit autorisé à y apporter un seul élément complémentaire de son cru ni à en retrancher un seul point. C’est pourquoi la liturgie engage entièrement la personne de l’adorateur afin que le fidèle puisse exprimer la grande œuvre de la rédemption. Aussi bien par la parole que par le geste, par la prière et par les chants, l’adorateur magnifie Dieu avec son corps et avec son esprit.
Nous avons déjà souligné le caractère communautaire du culte biblique. Redisons quelques vérités toutes simples et pourtant si souvent négligées. Le culte liturgique sera un combat contre toutes les formes de l’individualisme sournois et subtil de l’homme naturel. Il placera ainsi le pécheur condamné face à la révélation divine, pour lui annoncer et lui faire bénéficier du salut offert gratuitement par la grâce souveraine et toute suffisante.
Le culte chrétien n’est pas l’acte d’un individu isolé, mais la célébration des pécheurs pardonnés et rachetés, qui forment à présent de manière organique le corps vivant de Jésus-Christ. C’est l’assemblée tout entière qui chantera le Seigneur et non pas un soliste, un chœur ou même l’officiant. La liturgie elle-même est signe d’unité avec l’Église universelle. Par son contenu et par son ordre essentiel, elle unit les croyants de tous les temps répandus en tous lieux (ce qui fait la véritable catholicité évangélique de la foi au Seigneur universel). Elle n’est pas au service des individus, mais au service de l’unité de tous les croyants individuels réunis en Jésus-Christ et devenus en lui un seul corps. Elle ne cherchera pas une unification artificielle ni à répondre aux aspirations esthétiques ou sentimentales des fidèles.
Le ministre (terme et désignation que nous préférons au fâcheux « officiant ») est l’homme mis à part pour présider le culte. Même son apparence extérieure et ses vêtements devront être dépersonnalisés, car devant l’assemblée cultuelle, il apparaît comme le ministre de la Parole et non comme Monsieur un tel, avec la couleur de ses chemises, le dessin de ses cravates, voire plus récemment la marque de ses « jeans »… Comme par le passé et contre les fantaisies venant d’ici ou de là, nous préférons rester dans la tradition de la robe pastorale, noire, avec son rabat blanc, à deux bandes, signe de la charge ecclésiastique que le « docteur » ou le « pasteur » a reçue de l’Église.
Une liturgie dépersonnalisée exprimera une piété maîtrisée sans débordements sentimentaux ni élans pathétiques, afin de s’aligner sur la « saine doctrine », celle qu’inspire et fonde la Parole. Au lieu donc de parler une langue de bois, elle rendra la doctrine vivante et la confession de foi joyeuse. Celle-ci s’exprimera telle une prière de louange.
En dehors de la doctrine, la liturgie tomberait soit dans une esthétique superflue, soit dans un sentimentalisme indigent. Désordre fantasque ou rigidité stérile dévaloriseraient d’une part le culte ecclésiastique et appauvriraient très sûrement d’autre part la vie dans la foi et la piété des fidèles en tant qu’individus. La liturgie est toute autre chose que « danse » ou qu’« un tas de mots nouveaux inventés ». Elle exprime la totalité de la vérité révélée à laquelle adhère l’Église fidèle et que celle-ci est chargée d’enseigner. La liturgie est une partie importante de cette nourriture spirituelle.
Nous ferions bien de ne pas trop la séparer de la proclamation de la Parole, à la manière d’un « hors-d’œuvre » destiné à calmer la faim dans l’attente ou même à défaut du plat de résistance! Avec quelle légèreté certains fidèles réformés acceptent l’absence de proclamation de la Parole, prétextant qu’à défaut de bons sermons ils ont toujours la liturgie!
5. L’édifice←⤒🔗
Nous ne nous attarderons pas beaucoup à souligner l’importance du lieu de la célébration. Faut-il le célébrer dans une église, c’est-à-dire un édifice conçu et construit à cet effet, ou ailleurs, dans une simple salle, baptisée quand même chapelle, ou dans la maison d’un particulier? Avec des théologiens avertis et des spécialistes de la liturgie, nous sommes d’accord pour insister sur la nécessité d’un lieu approprié à la célébration du culte, qui favorise le recueillement et qui met le fidèle à l’abri de toute distraction, afin que la piété communautaire ne soit pas détournée par la présence d’éléments incompatibles avec l’esprit du culte. Ces spécialistes nous font remarquer avec raison que le terme « église » convient parfaitement aux lieux de culte chrétiens réformés, tandis que « temple » est plus juste pour désigner le lieu des rassemblements romains, à cause de la conception même du culte qui y est célébré et de toute la théologie sous-jacente.