Pro-testantisme ou anti-testantisme - La source de la Réforme comme mouvement confessant La source de la Réforme comme mouvement confessant
Pro-testantisme ou anti-testantisme - La source de la Réforme comme mouvement confessant La source de la Réforme comme mouvement confessant
- Un aperçu historique
- « Et vous, qui dites-vous que je suis? »
- Le caractère de l’engagement confessionnel sur le fondement du Nouveau Testament
- Un christianisme confessant résolument identitaire
1. Un aperçu historique⤒🔗
Il est indéniable sur le plan historique que la Réforme du 16e siècle — qu’elle soit luthérienne, zwinglienne ou calvinienne — a été un mouvement caractérisé par une très riche expression confessionnelle, c’est-à-dire par la production de textes symboliques présentant, défendant et affirmant en forme de serment (« pro-testant ») le corps de doctrines cru et proclamé dans la prédication, la catéchèse ainsi que dans tous les aspects de la vie des Églises et des croyants. Cette activité symbolique s’est d’ailleurs poursuivie au cours du 17e siècle, avec notamment la Confession de Westminster, le document symbolique adopté par la plupart des Églises dites presbytériennes.
Nombre d’Églises continuent de voir le jour de par le monde se réclamant du même héritage confessionnel, particulièrement en Afrique subsaharienne et en Asie (Indonésie, Corée du Sud entre autres). Elles demeurent pro-testantes, maintenant vivantes une ou plusieurs de ces confessions de foi, en plus de leur attachement aux grands credo œcuméniques des premiers siècles (Symbole de Nicée-Constantinople, Symbole dit des apôtres, Symbole dit d’Athanase, déclaration du concile de Chalcédoine sur les deux natures — divine et humaine — du Christ et leur relation). À titre d’exemple, de nombreuses Églises réformées maintiennent ce qu’il est convenu d’appeler les Trois Formules d’Unité, à savoir la Confession des Pays-Bas ou Confessio Belgica (rédigée en 1561 par Guy de Brès, mort en martyr en 1567 pour la cause de cette même confession), le Catéchisme de Heidelberg (1563) et les Canons de Dordrecht (1618-1619). Lors de leur ordination, les pasteurs de ces Églises prêtent devant l’assemblée des fidèles le serment de prêcher et d’enseigner en accord avec ces textes symboliques.
Il serait erroné de penser que la multiplicité des confessions de foi produites durant la Réforme ne témoigne que de divisions ou de désaccords, même si sur un certain nombre de points une telle appréciation est justifiée. Une étude comparative des textes symboliques les plus significatifs, par leur contenu et l’adhésion qu’ils ont suscitée, montrera facilement que si les circonstances historiques et ecclésiastiques qui en ont motivé la rédaction diffèrent, leur contenu, même si exprimé différemment (et aussi en langues vernaculaires différentes) est en général remarquablement proche. La comparaison des nuances d’expression, la variation des approches permet en fait de stimuler la réflexion théologique et d’approfondir l’étude de l’Écriture sainte, à laquelle toutes se réfèrent comme leur source première, comme la norme ultime dont elles se réclament et à laquelle elles cherchent à se soumettre (la norma normans distinguée de la norma normata qui est leur propre statut au sein des Églises confessantes, selon le vocabulaire spécialisé).
Il est d’autre part non moins indéniable sur le plan historique que face à ce pro-testantisme, s’est graduellement développé à partir du siècle dit des « Lumières », un anti-testantisme au sein de nombre d’Églises historiquement issues de la Réforme, qui cherche à minimiser, voire étouffer toute tendance confessante au sens où les réformateurs l’avait mise en avant. La mention d’une ou plusieurs confessions de foi demeure certes en leur sein comme élément d’un patrimoine historique dont la place muséifiée n’est pas contestée, cependant ces confessions ont depuis longtemps perdu tout caractère normatif, laissant la place soit au subjectivisme individualiste (sous prétexte d’un libre arbitre en fait nié avec la plus grande véhémence par les réformateurs), soit à un flou doctrinal savamment orchestré afin d’éviter tout engagement délimitant clairement le champ de ce qui est cru en communauté de ce qui ne l’est pas.
On qualifiera alors volontiers de « piège identitaire » tout élément de définition doctrinale s’opposant à un universalisme jugé salvateur du simple fait que le salut serait acquis à tous les humains en tant qu’ils sont les créatures de l’Être suprême. Cet anti-testantisme déconstruisant aussi bien l’esprit que la lettre des textes symboliques issus de la Réforme doit naturellement se comprendre par rapport à la norme anthropologique et philosophique antithétique dont il se réclame, celle des « Lumières », devenue à tous égards l’anti-norme confessée implicitement voire explicitement par les Églises en question.
2. « Et vous, qui dites-vous que je suis? »←⤒🔗
Le propos de cet article n’est pas d’évaluer ou de contester l’opportunité ou la nécessité de formuler de nouvelles confessions de foi aujourd’hui, dans un contexte sociohistorique différent de celui qui prévalait en Europe au 16e siècle. C’est un sujet qui mérite un développement à part. Mon propos est plutôt d’évaluer succinctement toute forme d’activité confessionnelle au sein du christianisme à la lumière de l’Écriture, du sola Scriptura remis en vigueur par la Réforme, afin de tâcher d’en cerner les traits principaux. Car au-delà des vicissitudes historiques voire des polémiques qui ont accompagné la naissance et la diffusion des confessions de foi de la Réforme (que l’on pense seulement aux circonstances présidant à la publication de la Confession d’Augsburg, rédigée par Melanchthon, l’ami et collaborateur de Luther, et présentée par les princes protestants devant Charles Quint en juillet 1530), il est nécessaire de remonter à la source de cette remarquable activité confessionnelle : l’Évangile lui-même, auquel les réformateurs se sont avant tout référés comme à leur point de départ.
Il nous faut remonter plus spécifiquement au cœur de l’Évangile, la question cruciale posée en une double séquence par Jésus-Christ à ses disciples en Matthieu 16, d’abord au verset 13 : « Au dire des gens, qui suis-je, moi, le Fils de l’homme? » (« Les gens, qui disent-ils que je suis? », Mc 8.27; « Les foules, qui disent-elles que je suis? », Lc 9.18). Puis, au verset 15, en contraste avec les réponses fournies : « Mais vous, leur dit-il, qui dites-vous que je suis? » La réponse de Jésus dans les Évangiles synoptiques montre sans l’ombre d’un doute qu’il y a des réponses erronées, et une réponse véridique, celle de Pierre, qui le confesse comme « le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16.16) (« Tu es le Christ », Mc 8.29; « Le Christ de Dieu », Lc 9.19). C’est bien sur le fondement de ce roc, de cette confession identifiant et nommant correctement sa personne, et dans ce nom même (Christ/Messie) désignant l’œuvre qu’il est venu accomplir, que Jésus édifiera son Église au cours des âges. Du reste, il ne demeurera avec elle jusqu’à la fin des temps que pour autant qu’elle confessera sa souveraineté dans les cieux et sur la terre en la proclamant universellement à toutes les nations au nom du Dieu trinitaire (Mt 28.18-20).
Si, jusqu’à l’accomplissement complet comme Christ/Messie de sa mission sur terre, Jésus défend à ses disciples de proclamer publiquement qu’il est bien celui que Pierre a confessé, non d’un simple mouvement humain, mais conduit par le Père céleste (Mt 16.17), cette identification s’est suffisamment répandue auprès des foules pour que le procurateur romain Ponce Pilate lui-même en ait pris connaissance au moment du procès de Jésus : « Lequel voulez-vous que je vous relâche, Barabbas ou Jésus appelé le Christ? […] Que ferai-je donc de Jésus, appelé le Christ? », lance-t-il à la foule (Mt 27.17,22).
D’autant plus que la condamnation de Jésus pour blasphème par le sanhédrin un peu plus tôt a été motivée par cette autoconfession sur sa personne. Il s’est identifié au Fils de l’homme de la prophétie de Daniel 7.13 :
« Le souverain sacrificateur lui dit : Je t’adjure par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu. Jésus lui répondit : Tu l’as dit. De plus, je vous le déclare, vous verrez désormais le Fils de l’homme assis à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel » (Mt 26.63-64).
En répondant positivement à la question du souverain sacrificateur, Jésus a repris à son compte la confession de Pierre qui lui avait été inspirée par le Père céleste, et a aussi affirmé son propre retour en gloire, ce que le Credo de Nicée-Constantinople confessera comme suit : « Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin. » Il est du reste tout à fait significatif que Suétone et Tacite, historiens romains de la fin du premier siècle et du début du second siècle, mentionnent la personne de Chrestus, ou Christus, lorsqu’ils parlent des chrétiens.
Que Jésus-Christ exige de ses disciples une confession de foi conforme à la réalité de sa personne et de son œuvre, cela apparaît tout aussi clairement lorsqu’il leur déclare, au milieu d’un discours où l’accent est mis sur les persécutions auxquelles ils peuvent s’attendre, justement en tant que disciples confessants :
« C’est pourquoi, quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai moi aussi devant mon Père qui est dans les cieux; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai moi aussi devant mon Père qui est dans les cieux » (Mt 10.32).
Le texte parallèle dans Luc donne :
« Je vous le dis, quiconque me confessera devant les hommes, le Fils de l’homme le confessera aussi devant les anges de Dieu; mais celui qui m’aura renié devant les hommes sera renié devant les anges de Dieu » (Lc 12.8-9).
La lettre adressée à l’Église de Sardes au début de l’Apocalypse de Jean reprend cette promesse-avertissement dans les termes combinés de Matthieu et de Luc :
« Ainsi le vainqueur se vêtira de vêtements blancs, je n’effacerai pas son nom du livre de vie et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges » (Ap 3.5).
3. Le caractère de l’engagement confessionnel
sur le fondement du Nouveau Testament←⤒🔗
Dans toutes les occurrences précitées, le verbe homologeô (en grec ὁμολογἑω) est distingué du verbe employé dans Matthieu 3.6 ou Marc 1.5 pour signifier plus spécifiquement « confesser ses péchés » (exhomologoumenoi tas hamartias autôn). Ce verbe homologeô ainsi que le substantif apparenté homologia pour « confession » ou « déclaration » (ὁμολογία) apparaissent de nombreuses fois au cours du Nouveau Testament : vingt-six fois pour le verbe – dont onze pour les seuls écrits johanniques, et six fois pour le substantif, étant appliqués le plus souvent à cette réponse à la fois personnelle et communautaire à la présence vivante du Christ (parfois aussi pour exprimer une confession des péchés).
À la lumière de ces préliminaires, quelques exemples tirés du Nouveau Testament illustreront de manière non exhaustive le caractère d’une confession de foi authentique, au sens de conforme à la réponse attendue par le Christ.
Elle est en premier lieu exclusive, Jésus-Christ ne pouvant être ni confondu ni remplacé par quiconque. Au début de l’Évangile selon Jean, Jean-Baptiste, interrogé par des sacrificateurs et des Lévites sur son identité et sa mission, confesse qu’il n’est pas le Christ : « Il confessa sans le nier, il confessa : Moi, je ne suis pas le Christ » (Jn 1.20). Cette confession à rebours — qui sera suivie le lendemain même par une confession positive lorsqu’il désignera Jésus comme l’Agneau de Dieu (Jn 1.29) — nous renvoie aux passages des Évangiles synoptiques où une partie des gens estiment que Jésus n’est autre que Jean-Baptiste revenu à la vie après sa décapitation par Hérode Antipas. Ainsi, dès le début du ministère de Jésus une confession le concernant s’avère bien être exclusive de toute autre personne, serait-ce la plus en vue ou la plus respectée. Tous ne sont pas le Christ, seul Jésus l’est, même si par ailleurs plusieurs prétendront l’être après son départ, séduisant beaucoup de gens (Mt 24.4-5; Mc 13.5-6).
Elle est en second lieu intériorisée aussi bien qu’extériorisée, crue intérieurement aussi bien qu’exprimée publiquement, de manière déclarative (le mode déclaratif étant une des connotations les plus fortes du verbe grec homologein). Au dixième chapitre de l’épître aux Romains, Paul explicite ce qu’est la parole de la foi qu’il prêche : parole crue de cœur et confessée de bouche, ces deux aspects étant inséparables :
« Or, c’est la parole de la foi, que nous prêchons. Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé. Car en croyant du cœur on parvient à la justice, et en confessant de la bouche on parvient au salut, selon ce que dit l’Écriture : Quiconque croit en lui ne sera pas confus » (Rm 10.8b-10).
Est-il utile de préciser que cet aspect déclaratif de la confession de foi qui servira de témoignage devant Dieu et ses anges, selon les paroles mêmes de Jésus (Mt 10.32, Lc 12.8-9), est le test qui fut mis devant les chrétiens de l’Église primitive, tout comme devant les pro-testants de l’époque de la Réforme, au péril même de leur vie?
En troisième lieu, elle est à la fois personnelle et communautaire. Homologein, c’est d’abord parler en conformité avec l’objet de la foi articulée, à savoir avec le Christ Fils du Dieu vivant, et ensuite le dire ensemble avec les autres croyants (l’Église) dans une unité de cœur, d’esprit et de parole. C’est là un des fruits de l’exhortation que Paul adresse aux chrétiens de Rome :
« Que le Dieu de la patience et de la consolation vous donne d’avoir une même pensée les uns à l’égard des autres selon le Christ Jésus, afin que, d’un commun accord, d’une seule voix, vous glorifiiez le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ » (Rm 15.5-6).
Une exhortation similaire est adressée par le même Paul aux Corinthiens dans un contexte tendu, alors que cette unité leur fait justement défaut :
« Je vous exhorte, frères, par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ : tenez tous le même langage, qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous, mais soyez en plein accord dans la même pensée et dans la même opinion » (1 Co 1.10).
Il est superflu d’ajouter que cette confession de foi communautaire trouve sa représentation concrète et inséparable dans le partage en commun au sein de l’Église (corps du Christ) des signes visibles accordés par le Christ lui-même, et rendus effectifs par son Esprit : les sacrements du Baptême et de la Cène, centrés sur son œuvre rédemptrice.
En quatrième lieu, elle revêt un caractère allianciel, en tant qu’elle forme un nœud indissociable avec la question initiée par le Christ Fils du Dieu vivant qui l’a suscitée comme réponse véridique. La promesse de Jésus d’édifier son Église sur la pierre (pétra) de cette confession (Mt 16.18) indique qu’il ne s’agit pas d’une parole qui n’engage que celui qui l’a prononcée : Dieu lui-même lie son action et la venue de son Royaume à ces paroles. Cette promesse trouve son écho dans les paroles de Paul aux chrétiens d’Éphèse :
« Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre de l’angle. En lui, tout l’édifice bien coordonné s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui vous aussi, vous êtes édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu en Esprit » (Ép 2.20-22).
Il est clair que le socle, la véritable pierre sur laquelle s’élève tout l’édifice n’est pas celui à qui le Père a révélé la véritable identité de Jésus, mais Jésus-Christ lui-même, qui se lie à la confession véridique de son nom. En revanche, celui à qui cela a été révélé (d’abord Pierre, puis les disciples et à leur suite tous ceux qui reprendront cette confession de bouche et de cœur) fait l’objet d’une béatitude, par excellence une bénédiction alliancielle : « Tu es heureux Simon, fils de Jonas. »
En cinquième lieu, elle engage la vie tout entière des croyants, exigeant une conformité de leurs actes avec son contenu, à moins de n’être qu’une parole creuse qui sera finalement rejetée par celui-là même qui en est l’objet. Dans le Sermon sur la montagne Jésus met solennellement en garde ses auditeurs afin qu’ils ne se méprennent pas sur ce point :
« Quiconque me dit : Seigneur, Seigneur! n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur! N’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons chassé des démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles? Alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » (Mt 7.21-23).
En sixième lieu, elle n’est pas sujette à des fluctuations et demande à être maintenue contre vents et marées, dans la persévérance de la foi, d’autant qu’elle est liée à une espérance qui repose sur les promesses divines. Au cours des chapitres trois à dix de l’épître aux Hébreux, l’auteur a développé le thème de la prêtrise unique du seul sacrificateur qui compte désormais, celui qui s’est lui-même offert en victime expiatoire pour le pardon des péchés et l’accomplissement des exigences de la loi en vue de la justification des croyants. Déjà au cours de cette section il a exhorté les croyants à tenir fermement leur confession de foi :
« Puisque nous avons un grand souverain sacrificateur qui a traversé les cieux, Jésus le Fils de Dieu, tenons fermement la confession de notre foi. Car nous n’avons pas un souverain sacrificateur incapable de compatir à nos faiblesses; mais il a été tenté comme nous à tous égards, sans commettre de péché. Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce, en vue d’un secours opportun » (Hé 4.14-16).
Plus loin dans la même épître, la fermeté requise est de nouveau soulignée : « Confessons donc notre espérance sans fléchir, car celui qui a fait la promesse est fidèle » (Hé 10.23-24). Cette exhortation est répétée au chapitre 13 :
« Par lui [Jésus], offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom. Cependant, n’oubliez pas la bienfaisance et la libéralité, car c’est à de tels sacrifices que Dieu prend plaisir » (Hé 13.15-16).
Une exhortation similaire est adressée par l’apôtre Paul à Timothée, dans un parallèle frappant entre la confession prononcée publiquement par ce même Timothée — à laquelle il est appelé par Paul à rester fidèle — et celle de Jésus devant Pilate :
« Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as prononcé cette belle confession en présence d’un grand nombre de témoins. Je te le recommande, devant Dieu qui donne la vie à tous les êtres, et devant le Christ-Jésus qui a rendu témoignage par sa belle confession devant Ponce Pilate : garde le commandement sans tache, sans reproche, jusqu’à l’apparition de notre Seigneur Jésus-Christ » (1 Tm 6.12-14).
En septième lieu, elle est de nature universelle, en accord avec son objet. Au second chapitre de l’épître aux Philippiens, Paul contraste l’humiliation volontairement consentie par celui dont la condition était celle de Dieu (Ph 2.6), avec son élévation après sa mort sur la croix et sa résurrection d’entre les morts. Il expose la conséquence de cette élévation :
« C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2.9-11).
L’élévation du Christ en gloire appelle une confession de toute la création, celle-là même que Jésus a ordonné à ses disciples d’aller requérir de toutes les nations (Mt 28.18-20).
En huitième lieu, une confession de foi fidèle à celui qui la suscite est trinitaire, puisqu’elle reprend l’enseignement de tout ce qu’il a prescrit (Mt 28.20), ce qui signifie le nom (singulier) du Père, du Fils et du Saint-Esprit par lequel les disciples sont appelés à baptiser et enseigner les nations (Mt 20.19). C’est du reste le cas de toutes les confessions des premiers siècles, ainsi que de toutes celles qui ont été mentionnées plus haut. Ce point ne saurait être éludé sous le prétexte qu’une excroissance unitarienne (niant la Trinité) ait bien fait son apparition au cours de l’histoire de la Réformation et demeure ici ou là présente sous la forme d’une croyance déiste — toujours suivant l’idéal des « Lumières » — et non d’une foi théiste (fondée en l’Écriture). Lors de son discours prononcé au moment du dernier repas pris avec ses disciples avant son arrestation et sa crucifixion, Jésus exprime à plusieurs reprises non seulement le lien d’amour divin unissant le Père au Fils (Jn 17.20-26), mais il nomme la personne du Saint-Esprit le Consolateur, celui qui rappellera aux disciples après son départ tout ce qu’il leur aura enseigné :
« Je vous ai parlé de cela pendant que je demeure auprès de vous. Mais le Consolateur, le Saint-Esprit que le Père enverra en mon nom, c’est lui qui vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que moi je vous ai dit » (Jn 14.26).
« Quand sera venu le Consolateur que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui provient du Père, il rendra témoignage de moi, et vous aussi, vous me rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement » (Jn 15.26-27).
Rendre témoignage est-il besoin de le répéter, c’est confesser sa foi publiquement, mais c’est tout autant le faire en accord avec le témoignage rendu par le Consolateur provenant du Père et envoyé par le Fils. Quant à nier la personne du Fils, cela revient à se priver de celle du Père, les deux ne pouvant être séparées :
« Celui-là est l’antichrist, qui nie le Père et le Fils. Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père; celui qui confesse le Fils a aussi le Père » (1 Jn 2.22b-23).
Dans la foulée du point précédent, une confession de foi conforme aux données de l’Écriture confesse l’incarnation : Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, est une personne historique venue dans la chair, ayant vécu sur terre, jugée et crucifiée sous le règne de César Tibère et lors du gouvernement de la province de Judée par le procurateur Ponce Pilate. Il ne s’agit ni d’un mythe habilement fabriqué par des âmes torturées par des questions religieuses insolubles (1 Pi 1.16-17) ni d’un fantôme rêvé par une poignée d’exaltés et leurs successeurs (Lc 24.37). Aussi bien dans le Symbole dit des apôtres que dans celui de Nicée-Constantinople se trouve affirmée la réalité de l’incarnation : enchâssée dans la structure trinitaire de ces textes, la confession de l’incarnation en constitue la partie la plus développée. Dans la seconde épître de Jean, la négation de l’incarnation est la marque de l’antichrist au même titre que la négation du Père et du Fils dans 1 Jean 2.22b-23 :
« Car dans le monde sont entrés plusieurs séducteurs, qui ne confessent pas Jésus-Christ venu dans la chair. Voilà le séducteur et l’antichrist. Prenez garde à vous-mêmes, afin de ne pas perdre le fruit de notre travail, mais de recevoir une pleine récompense. Quiconque va plus loin et ne demeure pas dans la doctrine du Christ n’a pas Dieu; celui qui demeure dans la doctrine a le Père et le Fils. Si quelqu’un vient à vous et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne lui dites pas : Salut! car celui qui dit : Salut! participe à ses mauvaises œuvres » (2 Jn 1.7-11).
4. Un christianisme confessant résolument identitaire←⤒🔗
Un christianisme confessant est-il un christianisme « identitaire »? Cela ne fait aucun doute, puisque l’identité de Jésus en tant que Christ est pour les chrétiens ce qui les marque à toujours. Avec leur baptême, ils portent en eux non un quelconque tatouage, mais la marque indélébile de sa mort comme eau purificatrice, et de sa résurrection comme émergence de la mort causée par le péché : « En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection » (Rm 6.5).
La première lettre de Pierre, adressée à des communautés de chrétiens dispersées dans les provinces asiatiques de l’Empire romain, décline cette nouvelle identité en termes à la fois vifs et tranchés. Tout comme l’apôtre Paul aux Éphésiens, Pierre le fait sur le fondement de Jésus-Christ comme pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. C’est sur le fondement de cette pierre d’angle que les croyants sont appelés à devenir eux-mêmes des pierres vivantes (1 Pi 2.4-6). Il poursuit :
« Vous, par contre, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin d’annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière; vous qui, autrefois, n’étiez pas un peuple et qui, maintenant, êtes le peuple de Dieu; vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde et qui maintenant avez obtenu miséricorde » (1 Pi 2.9-10).
L’Église est bien le nouvel Israël, réunissant en un même peuple, marqué par une même identité, des femmes et des hommes de toute langue et de toute nation. On ne saurait en effet être plus « identitaire ».
Au milieu d’un christianisme contemporain souvent sans repère, littéralement « déboussolé », où le nord et le sud, l’est et l’ouest ont été confondus sous les coups de boutoir d’un post-modernisme réducteur de toute ligne de démarcation, il est nécessaire pour les chrétiens de revenir aux données de l’Écriture afin d’y retrouver les marques qui permettent de définir leur caractère et identité propre, afin aussi qu’ils sachent rendre compte de manière articulée de l’espérance qui est en eux à tous ceux qui leur en demandent raison. Qu’est-ce d’autre, au fond, que ce que la Réforme du 16e siècle a puissamment contribué à promouvoir à travers les nombreux textes symboliques qu’elle a suscités?