Proverbes 1 - La sagesse dans le livre des Proverbes
Proverbes 1 - La sagesse dans le livre des Proverbes
- L’instruction, l’éducation, la discipline (« musar »)
- L’intelligence, le discernement (« bina »)
- Le bon sens (« haskel »)
- La prudence (« orma »)
- La connaissance, la juste compréhension (« da’at »)
La sagesse, comme la parole, est un thème universel, susceptible d’être abordé par tous. La philosophie n’est-elle pas l’amour de la sagesse? Sur les dix commandements du Décalogue, six peuvent être reconnus comme sages par tous les hommes ou presque, croyants ou pas. Et la fourmi qui amasse pour l’hiver, n’est-elle pas sage? « Va vers la fourmi, paresseux; considère ses voies et deviens sage » (Pr 6.6).
Cependant, si « la crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse » (Pr 1.7; 9.10; 15.33), quelle chance un homme a-t-il d’être sage sans Dieu? C’est ce que dit le chapitre 20 : « Beaucoup d’hommes proclament leur bonté, mais un homme fidèle, qui le trouvera? » (Pr 20.6).
Quand on consulte les versets qui parlent de la sagesse dans les Proverbes, plusieurs faits apparaissent :
- la sagesse réside en Dieu et caractérise toutes ses œuvres (Pr 3.19);
- les notions de sagesse et d’intelligence sont proches (Pr 2.2; 3.13; 9.10; 24.3);
- l’homme seul ne peut être sage, quoi qu’il semble (Pr 3.5, 7);
- un homme acquiert la sagesse en écoutant (Pr 2.6; 4.1; 5.1; 9.8; 11.12; 19.20);
- la sagesse porte des fruits excellents (Pr 8.11, 32-36; 16.16);
- au-delà, l’enjeu a à voir avec la vie et la mort (Pr 10.11; 13.14-15).
Au chapitre 8 des Proverbes, la sagesse est présentée sous une forme personnifiée qui rappelle étonnamment le prologue de Jean et ce qui est dit de la Parole éternelle de Dieu. Il faut lire notamment les versets 1, 12, 20-31. Dans ce passage, nous retrouvons les accents du Psaume 19 (la sagesse dans la création et dans les commandements : c’est une même réalité; lire aussi dans ce sens Ps 119.89-93).
Le terme principal pour dire la sagesse est « hokhma » (Pr 1.2a, 7a). Mais comme un arc-en-ciel ou comme un diamant taillé, la sagesse se décompose en couleurs ou en facettes. On peut en retenir cinq, toutes présentes dans les sept premiers versets du premier chapitre.
1. L’instruction, l’éducation, la discipline (« musar »)⤒🔗
« Pour connaître la sagesse et l’instruction… » (Pr 1.2a).
« Les insensés méprisent la sagesse et l’instruction » (Pr 1.7a).
Ce terme vient de « yasar » qui signifie corriger, rendre droit. Il prévient que la sagesse ne vient pas seule, naturellement, sans un apprentissage qui peut éventuellement être long et coûteux. Façonner le caractère, acquérir l’expérience, développer l’intelligence (Ps 119.67, 71). Cela passera par l’écoute des avertissements (Pr 3.11; 24.32), par la correction (Pr 23.13). Cela s’applique à la vie de l’enfant et à la vie du disciple (2 Tm 3.16-17).
On peut lire 2 Corinthiens 7.8-10 et Hébreux 12.5-11 qui évoquent la nécessaire correction dans l’Église. En somme, la sagesse commence par l’acceptation que je ne suis pas sage par moi-même (Pr 3.7). Le Psaume 139.23-24 l’exprime bien.
2. L’intelligence, le discernement (« bina »)←⤒🔗
« Pour comprendre les paroles de l’intelligence… » (Pr 1.2b).
« Si tu inclines ton cœur à la raison, oui, si tu appelles l’intelligence… » (Pr 2.2-3).
Il y a des personnes plus ou moins intelligentes naturellement, mais il ne s’agit pas de cela, ici. Il s’agit d’une aptitude à voir et comprendre les choses comme Dieu les voit et les comprend. L’élément clé est sans aucun doute la disposition du cœur (Pr 6.32; 10.13). On peut probablement dire que l’intelligence commence par la reconnaissance du manque d’intelligence (de même que « Dieu déclare juste celui qui se déclare pécheur », dit Luther). Voir dans ce sens la prière de Salomon (1 R 3.9), les paroles d’Élihou (Jb 32.6-8), de Paul (Ph 1.9-10), de Jacques (Jc 1.5). Voir l’attitude contraire de Jonas (Jon 4.9).
Le centenier de Luc 7 (un Romain!) démontre une intelligence qui surprend Jésus. Elle est bien liée à la disposition de son cœur : son attention vis-à-vis du peuple d’Israël, vis-à-vis de son serviteur malade, sa modestie (« Je ne suis pas digne… »).
Paul parle d’être « transformé par le renouvellement de l’intelligence » (Rm 12.2). Devenir sage nous transforme. Le désirons-nous, finalement?
3. Le bon sens (« haskel »)←⤒🔗
« Pour recevoir l’instruction du bon sens… » (Pr 1.3a).
Dans la pensée hébraïque, l’idée de théorie n’existe pas. La notion de bon sens implique non seulement la pensée juste, mais aussi le geste juste, l’un et l’autre au bon moment et de la bonne manière. Cela signifie que toute interférence malencontreuse, déviante, polluante, etc., est écartée, rendant possible la direction de Dieu. La notion de grâce est bien présente : c’est Dieu qui agit, par l’intermédiaire de tel ou tel. Cela n’empêche pas celui qui agit ainsi d’être estimé (Pr 12.8; 22.1; 31.30b-31).
4. La prudence (« orma »)←⤒🔗
« Pour donner aux simples de la prudence… » (Pr 1.4a).
« L’homme prudent voit le malheur et se cache » (Pr 22.3).
Cette notion associe deux attitudes qui semblent opposées : la simplicité et la prudence. La simplicité, ici, est celle de l’enfant (Mt 18.3) ou celle de la colombe (Mt 10.16). Remarquez, dans ce dernier verset, que la simplicité est associée à la prudence (du serpent!). Mais le même Esprit va développer ces deux dispositions finalement similaires. On pourrait dire que le sage est simplement prudent, sans excès! Noter que c’est « l’homme prudent » qui bâtit sa maison sur le roc (Mt 7.24). Il ne dit pas seulement : Tout ira bien! Mais il fait ce qu’il faut; après, il est tranquille. « Il ne craint pas les mauvaises nouvelles » (Ps 112.7). Dans la parabole du serviteur à qui le maître confie la gestion de ses biens, on lit : « Quel est le serviteur fidèle et prudent [ou avisé]… » (Mt 24.45).
C’est le contraire de la prétention orgueilleuse, de l’arrogance de celui qui dit : « Je suis riche, je me suis enrichi et je n’ai besoin de rien » (Ap 3.17). Cela passe à la fois par une conscience scrupuleuse vis-à-vis des recommandations du Seigneur (Ps 112.5b) et par la reconnaissance de notre dépendance vis-à-vis des autres (Pr 11.14; 1 Co 12.21).
5. La connaissance, la juste compréhension (« da’at »)←⤒🔗
« Pour donner […] au jeune homme de la connaissance et de la réflexion » (Pr 1.4).
« La crainte de l’Éternel est le commencement de la connaissance » (Pr 1.7).
Ce terme vient de « yadar » qui veut dire « connaître », dans son sens fort. Terme souvent traduit pas « science » (Segond). Il s’agit d’une connaissance qui ne s’est pas contentée de regarder l’extérieur, l’apparence, de survoler, de se fier à la première impression. Il y a là l’idée de scruter, tester, sonder, pénétrer pour connaître de l’intérieur, profondément. Il y a une notion d’expérience sensible, de vécu. La proximité avec Dieu permettra de connaître comme Dieu (Pr 2.5), au-delà des apparences. Jésus l’a vécu (Mt 12.25; Jn 2.24).
Il y a là, évidemment, une dimension de la grâce (pensons aux dons de connaissance, de discernement) tout autant que le fruit d’un apprentissage (Jn 3.10; 17.3; Ga 4.8-9).