La révélation générale - (1) Introduction - Religion et révélation
La révélation générale - (1) Introduction - Religion et révélation
L’une des questions fondamentales que l’homme se pose concerne la source ultime et le fondement absolu de l’autorité. Qui est-ce qui, dans l’univers ainsi que sur le genre humain, détient le pouvoir absolu réel? La foi chrétienne donne la réponse claire et précise : L’autorité suprême appartient à Dieu; sa révélation nous en offre la connaissance.
Rappelons-nous l’admirable et bouleversante exclamation de Martin Luther, convoqué à la Diète impériale de Worms, en Allemagne, en 1521 : « Me voici, je ne puis autrement, que Dieu me soit en aide! » D’où le réformateur allemand tenait-il son assurance? Luther se trouvait en présence non seulement des princes de son pays, mais encore des dignitaires d’une Église qui avait hissé sa propre autorité au-dessus de celle de Dieu; de la sorte, elle gardait captives les consciences des fidèles. Ce n’est ni une audace téméraire ni un subjectivisme excessif qui arrachèrent au frère Martin son aveu bouleversant. Le réformateur reprenait simplement à son compte les paroles apostoliques de 1 Timothée 6.20-21 : « Garde le dépôt en évitant les discours vains et profanes, les disputes de la fausse science dont font profession quelques-uns qui se sont détournés de la foi. »
Nous attribuerons ces paroles à l’inspiration directe de l’Esprit divin, dont l’Écriture sainte est le témoignage immédiat et infaillible; Parole vivante, prononcée et écrite pour amener l’homme à sa connaissance et recevoir son existence comme le don suprême qu’il accorde. À juste titre, la foi chrétienne est la seule qui puisse se réclamer de la révélation de Dieu. Par conséquent, la doctrine chrétienne de la révélation est de la plus haute importance pour la connaissance de Dieu et pour la pratique d’une foi correcte. On peut dire que presque toutes les branches du christianisme traditionnel s’accordent sur ce point. Les vaticinations de certains modernes, cherchant à faire à tout prix du neuf, n’ont abouti qu’à leur autocontemplation narcissique, celle-ci, tôt ou tard, livrant l’homme, même croyant, à une angoisse profonde et pour finir faisant disparaître la foi.
Qu’est-ce que la foi en la révélation? La révélation est l’acte souverain et libre de Dieu. Nous ne saurions la limiter selon nos mesures, encore moins la manipuler à notre guise. Nous aurons à l’écouter et à prêter la plus grande attention à ce que Dieu veut nous faire connaître par elle : sa vérité, ses œuvres grandioses, son intervention au cours de l’histoire, ses lois imprimées au fond de notre conscience et, suprêmement, la vie et la mission de Jésus-Christ de Nazareth, son Fils incarné, notre Seigneur. Notre connaissance de Dieu, celle de nous-mêmes, du monde, ne dépend que de cet acte de Dieu appelé la révélation. Nous ne possédons absolument rien que nous n’ayons reçu de lui. Personne ne vient au monde avec un fond d’idées qui pourraient, tels des germes, s’épanouir automatiquement, grâce à un prétendu élan vital. Nous sommes des créatures; nous avons été créés pour être en mesure d’apercevoir les divers aspects de la révélation divine. Ces aspects se trouvent sous nos yeux dans le vaste univers, objets immédiats mêmes de nos expériences sensibles. Ainsi la vraie connaissance sera acquise grâce à la découverte de la révélation, jamais comme le résultat de notre imagination fertile en invention.
L’idée essentielle que recouvre ce terme est celle du dévoilement. Quelque chose, soit un objet soit une personne qui jusque là n’étaient pas visibles apparaît au grand jour. Révéler signifie rendre perceptible à nos yeux une réalité auparavant inconnue. La révélation est simultanément réalité et foi, événement et signification. Elle nous projette dans la rencontre vivante avec Dieu, avec le monde, avec nous-mêmes. Dieu ouvre les portes de la connaissance qui, autrement, nous seraient à jamais fermées. Un Dieu connaissable et un homme connaissant : tel est par conséquent le cœur de la religion révélée. Certes, Dieu habite une lumière inaccessible à l’œil humain, pécheur et mortel. Pour communiquer, il doit parler le premier. Il le fait, mais d’une manière qui risque fort de nous surprendre. Il s’adresse à nous au moyen de mots humains. Nous appelons ce mode de communiquer anthropomorphique. Dieu jette la matière de sa révélation dans des moules purement humains. Sa Parole divine se mue en langage humain intelligible aux plus simples, autant que suprêmement rassurante pour l’âme inquiète et qui est à sa quête. Son nom et les manifestations de sa personne sont véhiculés par un vocabulaire qui nous est éminemment familier. Rien n’est plus dissimulé ou lointain à nos yeux qui est nécessaire et suffisant pour le connaître.
Ce Dieu que, d’une manière ou d’une autre, tout homme rencontre (qu’il le craigne ou qu’il le rejette, qu’il le fuie ou qu’il s’acharne à le combattre) est le Dieu qui s’humilie pour mieux nous atteindre. Sous sa poitrine bat un cœur de Père, un Père qui s’émeut pour ses enfants. Sa révélation n’est jamais au-dessus de notre compréhension. Depuis Jésus-Christ, personne n’a plus le droit de dire que Dieu est caché et que l’atteindre serait, d’après la célèbre phrase de G.H. Wells, « serrer la main aux étoiles ». Le plus grand miracle de Dieu est peut-être celui de sa propre limitation, son accommodement aux dimensions de nos facultés et de nos besoins. Certes, profondeurs et hauteurs en lui sont inconnaissables et insaisissables. Les trésors de sa sagesse qui nous sont inconcevables nous émerveillent. Pourtant, sa lumière a déjà lui et, bien qu’atténuée, elle éclaire parfaitement. Car « c’est dans ta lumière que nous voyons la lumière » (Ps 36.9).
Dieu a parlé au commencement. Il a prononcé sa Parole, une Parole créatrice, retentissant ex nihilo, appelant à l’existence ce qui n’était pas : ciel et terre, vous et moi, être pensants, personnes humaines fragiles. Sa Parole n’est pas un vœu pieux. L’ordre et l’efficacité en jaillissent miraculeusement. Il inspira progressivement la parole prophétique et, plus tard, la parole apostolique. Pour commencer, il révéla son Alliance pour confier à l’homme une tâche, un mandat culturel. Après la chute, poursuivant la réalisation de ses desseins, il rencontrera l’homme. Il le reprendra, il le jugera, mais il lui assurera toujours aussi sa grâce miséricordieuse. Sa Parole n’a jamais cessé de s’adresser à tout homme, à chaque génération. Par le fait même de notre création, nous lui appartenons. Les discours de l’Ancien Testament, ceux que parfois nous avons de la peine à comprendre, l’histoire d’un peuple spécial, les figures de l’histoire biblique, celles des patriarches, les noms de Moïse, de Samuel ou d’Ésaïe, ceux de Pierre, de Paul et de tant d’autres, ont tous été à leur manière les instruments de sa révélation. Plus tard, ces mêmes discours sont devenus la Parole inscripturée de Dieu, l’Écriture sainte.
De nos jours, les échos de cette Parole nous parviennent à travers la prédication lorsque celle-ci est prononcée fidèlement. L’Église véritable est celle qui, fidèle aux prophètes et aux apôtres, n’a d’autre souci que de transmettre cette seule Parole de vie. Car c’est elle seule qui détient l’autorité suprême. Ajoutons aussi que toute l’histoire de la révélation est contenue dans les deux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Chacun à sa manière nous annonce la Parole vivante, Jésus-Christ. Celui qui veut informer sa foi et décide de réformer sa vie doit se lier à ce livre. Il nous parle de la révélation générale de Dieu et de sa révélation spéciale. Le monde en tant que miroir de celle-ci reflète les œuvres mêmes du Créateur. Même le péché et la chute n’ont pu briser et anéantir ce miroir, et Satan, adversaire haineux de Dieu et des hommes, en dépit de ses infernales tentatives, n’a pu annuler les desseins miséricordieux de Dieu.
Il existe cependant une différence entre ces deux révélations. Dans la première, nous avons une révélation unifocale, celle d’avant la chute, qui concerne uniquement la grâce de Dieu. Après la chute, la révélation de Dieu devient bifocale. Elle contient, certes, la même grâce que la précédente, mais à présent elle est aussi accompagnée du jugement. Aurons-nous des yeux pour voir et des oreilles pour entendre? Les Écritures sont des lunettes qui corrigent notre vue déformée. Elles ne remplacent pas ce que Dieu nous révèle dans l’univers, mais nous permettent d’en saisir le sens et la finalité. La Bible n’est pas un manuel de science, d’art, d’économie politique. Pourtant, elle seule nous apprend à bien pratiquer les sciences, l’art, l’économie, la politique. Lampe à nos pieds, elle nous dit avec une clarté et avec une incontestable autorité que notre religion est indissolublement liée, parce qu’entièrement dépendante à la révélation que Dieu nous fait dans sa Parole.
S’il est donc exact que l’homme peut avoir une connaissance de Dieu, ce fait doit présupposer que, de son côté, par sa volonté, Dieu a décidé de se révéler et de se faire connaître à l’homme. Nous ne pouvons attribuer la connaissance de Dieu à nous-mêmes, à une démarche d’investigation entreprise par nous-mêmes ou à une réflexion, à un résultat d’une découverte effectuée de notre part. Si elle ne nous était pas donnée par l’acte d’un choix libre et d’une faveur imméritée, il n’y aurait aucune possibilité d’y parvenir par nos propres efforts.
Si les limites de la connaissance de l’homme sont visiblement tracées, dans la nature ou dans la recherche et la connaissance scientifiques, à plus forte raison seront-elles manifestes dans l’étude des créatures vivantes, rationnelles. Dieu est un être absolument indépendant et parfaitement souverain. Il ne dépend nullement de nous. En revanche, aussi bien du point de vue rationnel qu’intellectuel nous dépendons entièrement de lui. Nous ne saurions exercer de contrôle sur son être transcendant. Nous n’avons aucun moyen de faire de lui l’objet de nos études et de nos réflexions. À moins qu’il se laisse trouver, nous ne saurions le chercher. À moins qu’il se donne à nous, nous ne serions en mesure de l’accepter. En outre, Dieu est invisible. Sans une perception offerte de sa part, aucune connaissance de sa personne ne nous serait possible. Il est le Tout-Puissant. Il n’y a pas de manifestation involontaire de Dieu hors des sphères de sa conscience et de sa liberté. Sa connaissance est donc possible exclusivement sur la base d’une révélation accordée de sa part.