Les versions du Nouveau Testament
Les versions du Nouveau Testament
- La version des Septante de l’Ancien Testament
-
Les versions anciennes du Nouveau Testament
a. Les versions syriaques
b. Les versions coptes (ou égyptiennes)
c. Les versions arméniennes
d. Les versions latines -
Autres traductions
a. La traduction anglaise de John Wyclif
b. La version allemande
c. La traduction de la Bible en français
d. La traduction de Lefèvre d’Étaples - Les citations des Pères apostoliques
- La question de la traduction de la Bible
Le présent chapitre traitera de la traduction de la Bible afin de communiquer la Parole de Dieu. Le message de la Bible, la Bonne Nouvelle du salut, a été traduit et recopié par des missionnaires chrétiens dans la langue courante de chaque peuple : en Asie en syriaque ou en arménien, en Europe en latin ou en goth; en Afrique en copte ou en éthiopien. Actuellement, elle est traduite dans des centaines de langues et en des milliers de dialectes, permettant d’évangéliser les peuples et les peuplades de notre planète.
Dès l’antiquité, plusieurs traducteurs se sont trouvés confrontés, par exemple pour la traduction en langue arménienne, à la nécessité de créer des langues écrites afin de pouvoir traduire la Bible et la rendre accessible aux peuples ne possédant pas encore de langue écrite.
Avant d’aborder la question des versions, notamment les anciennes, dont certaines ont une histoire fascinante, mentionnons le fait qu’au Moyen Âge, en Europe, beaucoup de chrétiens étaient analphabètes. L’Église se posa alors la question de savoir comment communiquer le message à ce peuple qui ne savait pas lire, étant donné qu’il n’existait pas encore de papier et que les manuscrits étaient rares et réservés aux seuls érudits privilégiés, un luxe pour le commun du peuple. Les sculptures, les peintures et les vitraux des cathédrales, ces « bibles en pierre », ont cherché à rendre le message accessible à tout le peuple chrétien.
1. La version des Septante de l’Ancien Testament⤒🔗
Avant d’entreprendre le survol plutôt rapide des versions du Nouveau Testament, disons un mot au sujet de la version dite des Septante ou LXX, qui est la version grecque de l’Ancien Testament hébreu.
Les plus anciens traducteurs de la Bible restent pour nous des inconnus. Ce sont les Juifs d’Égypte qui, à partir du 3e siècle avant J.-C. ont entrepris de traduire en grec le Pentateuque puis le reste de l’Ancien Testament à l’intention de leurs coreligionnaires d’Alexandrie. Ceux-ci, en effet, ne parlaient plus guère l’hébreu; d’autre part, ils étaient préoccupés à faire connaître leurs livres saints et leur foi aux nations (« goiim ») parmi lesquelles ils s’étaient établis.
Selon une légende attribuée à Aristée que nous connaissons par Philon d’Alexandrie et par Josèphe, cette traduction aurait été effectuée, à la demande du roi Ptolémée II Philadelphe, par 72 savants juifs venus de Palestine (6 par tribu). Installés pour ce travail dans l’île de Pharos, ils auraient achevé la traduction chacun de son côté en 72 jours, la confrontation des résultats et leur comparaison ayant permis de constater l’identité parfaite des 72 textes obtenus. C’est de ce nombre 72 que la version grecque de l’Ancien Testament tirerait son nom de Septante ou LXX.
En réalité, la version dut s’effectuer probablement de manière progressive et diversifiée. Mais sa très grande diffusion a fait d’elle la Bible à laquelle se référèrent la plupart des auteurs du Nouveau Testament et, d’une manière plus générale, la Bible de la majorité des communautés chrétiennes des premiers siècles. Dans les Églises d’Orient, elle fait aujourd’hui encore autorité.
Un des principaux intérêts de la version des Septante réside dans le fait qu’elle se réfère à un texte hébreu plus ancien que le texte traditionnel de l’Ancien Testament.
2. Les versions anciennes du Nouveau Testament←⤒🔗
Les anciennes versions du Nouveau Testament constituent la deuxième source pour notre connaissance du texte original de notre recueil canonique. Leur importance nous apparaîtra si nous tenons compte que les versions en syriaque et en latin ont été entreprises quelque 200 ans avant le Codex Vaticanus actuellement à notre disposition. Si donc nous pouvions réussir à reconstituer le texte grec, celui que des traducteurs avaient sous leurs yeux pour effectuer leur travail, nous pourrions quasi obtenir un texte grec de 200 ans antérieur aux plus anciens manuscrits grecs. D’où l’importance capitale à cet égard des anciennes versions. Il devient évident que les résultats d’un travail de cette nature peuvent nous rendre de réels services. Il faut entendre aussi que la valeur de telles versions aurait été plus grande si nous pouvions avoir à notre disposition leurs originaux. Malheureusement, ceux-ci à leur tour ont disparu et nous ne possédons que des copies seulement et le problème à envisager demeure le même que celui concernant le texte grec. Ici également, il faudra rendre compte du texte qui soit digne de foi et en mesure de nous aider à retrouver aussi fidèlement que possible l’original grec.
a. Les versions syriaques←↰⤒🔗
La traduction de la Bible tout entière, Ancien et Nouveau Testament, a été entreprise en langue syriaque.
Au sujet de l’introduction de l’Évangile dans cette région, à Antioche par exemple, nous avons des informations fournies par Luc (Ac 11.19). Cette ville était la deuxième en importance dans la région en mesure de rivaliser avec Alexandrie en Égypte et Éphèse en Asie Mineure. Du fait que l’Évangile fut prêché dans la ville ou bien aux abords immédiats et que le grec y était pratiqué, les textes originaux grecs avaient suffi pour les débuts de l’Église en cette région. Mais lorsque l’Évangile pénétra plus à l’intérieur de la Syrie et en Mésopotamie, la nécessité se fit sentir de traduire la Bible en langue syriaque.
Il y eut de nombreuses entreprises de traductions parmi lesquelles la plus ancienne est le célèbre Diatessaron, une sorte de synopse, ou littéralement « l’Évangile par quatre ». Elle est la plus ancienne version du Nouveau Testament et date du 2e siècle. On l’a tenue pour être un texte hérétique. Malheureusement, on n’en possède aucun manuscrit original complet. On la retrouve dans une version arabe dans un commentaire d’Ephraïm le Syriaque, de même que dans des citations d’auteurs syriaques, dans le Diatessaron latin conservé dans le Codex Fuldensis, peut-être dans une harmonie en langue flamande, enfin dans un feuillet grec récemment découvert en Doura-Europos. Le Diatessaron ne pouvait satisfaire tout le monde. Assez tôt, il y eut d’autres versions des quatre Évangiles connus sous le nom de « Évangile de Mephareresche », c’est-à-dire l’Évangile des séparés, ou Évangiles séparés, pour les distinguer du Diatessaron de Tatien. Le plus ancien manuscrit de celui-ci se trouve dans un palimpseste du 4e siècle et a été découvert en 1892 dans le monastère de Sainte-Catherine au mont Sinaï. On trouve encore d’autres traces de versions syriaques anciennes.
La Peschita, qui veut dire « la simple », est une traduction syriaque de l’Ancien Testament déjà, mais la version du Nouveau Testament semble être plus récente que celle de l’Ancien. Il s’agit plutôt d’une révision d’une version entreprise par l’évêque d’Édesse, en Mésopotamie, nommé Ramboula (411-435). Au moment où avait lieu cette révision, Constantinople était devenu le grand centre de l’Église, ce qui explique que le texte de la Peschita se trouve en accord avec le grand texte des manuscrits grecs provenant de Constantinople. Il a existé donc au 4e siècle et il est attesté par Isaac d’Antioche. Il est difficile de proposer une date plus ancienne pour la Peschita. Suivant les Syriens, cette traduction ne comprendrait pas les quatre petites épîtres (les deux de Pierre, les 2e et 3e de Jean, Jude), ni l’Apocalypse, ni quelques fragments. Ces textes furent ajoutés plus tard.
La version philoxénienne est une nouvelle révision demandée par l’évêque Philoxène de Syrie et date de l’an 508. On en possède quelques fragments.
La version héracléenne tire son nom de l’évêque Harkel qui, à l’aide de manuscrits grecs, avait entrepris la révision de Philoxène. On en possède une trentaine de manuscrits. Elle est une traduction fidèle du grec.
La version syro-palestinienne est faite dans un dialecte plus proche que d’autres des versions araméennes, la langue qu’a parlée notre Seigneur. On en possède quelques fragments seulement. Trois versions évangéliaires des 11e et 12e siècles dans des lectionnaires nous sont également parvenues, d’autres datant de 842 (Actes des apôtres et épîtres).
b. Les versions coptes (ou égyptiennes)←↰⤒🔗
On se souvient que le grec était pratiqué en Égypte depuis l’époque d’Alexandre le Grand et la ville d’Alexandrie était devenue l’un des centres les plus célèbres de la culture et de la littérature grecques; sa bibliothèque contenait des trésors inestimables de documents classiques. C’est également une région où les Juifs habitent en larges communautés, mais, ayant oublié leur langue maternelle, ils ne pratiquent que le grec. C’est précisément ici qu’avait été entreprise la traduction de la Bible dite des LXX. Lorsque l’Évangile pénétra dans ce pays, dans les couches populaires plus précisément, la nécessité s’imposa de traduire le Nouveau Testament dans des dialectes nombreux.
La version sahidique, ou vieille égyptienne, dialecte de la Haute Égypte, plus près des sources du Nil, au sud (ou thébaine). Elle est peut-être la plus ancienne des versions égyptiennes datant sans doute de l’an 200 de notre ère, mais elle est moins fidèle que la version boharique, employée en Basse-Égypte, au nord.
La langue parlée dans le delta du Nil est la plus développée parmi les dialectes égyptiens. C’est dans cette langue-là qu’a été faite la version officielle de l’Église copte.
Il existe encore d’autres versions de Moyenne Égypte, découvertes récemment et dont l’examen complet n’est pas encore achevé.
c. Les versions arméniennes←↰⤒🔗
La version de la Bible en arménien a une histoire fascinante et elle mérite que nous en parlions plus longuement. Si l’on reconnaît généralement l’histoire de la Septante ou de la Vulgate, il est rare que des chrétiens aient entendu parler de l’extraordinaire aventure de cette traduction de la Bible en langue arménienne.
Premier État ayant admis le christianisme comme religion officielle, en l’an 301, sous le roi Thirdate, et à la suite de l’extraordinaire apostolat de Grégoire l’Illuminateur, l’Église arménienne eut recours pendant un siècle à la lecture de la Bible soit en syriaque soit en grec. À cette époque, la Bible n’existait pas en arménien du fait qu’il n’existait pas encore d’alphabet arménien. Afin de sauvegarder la foi chrétienne contre l’agression du voisin perse sassanide, de religion mazdéenne, et de résister également à la pression de l’Empire byzantin, Sahag et son bras droit, le prêtre Mesrob, travaillèrent à l’unité spirituelle et nationale du peuple arménien. Ce fut ce dernier qui inventa l’alphabet arménien et, aussitôt après, il entreprit de traduire la Bible avec la collaboration d’éminents ecclésiastiques. Le résultat en fut, au début du 5e siècle (409), l’une des plus remarquables réussites en matière de traduction de la Bible. Dans des circonstances politiques extrêmement précaires, où l’insécurité du côté de l’orient mazdéen comme de celui de la Byzance chrétienne avait plongé l’Arménie dans le chaos, la foi et le courage de ces hommes dotèrent le peuple d’un instrument unique et d’une arme exceptionnelle pour résister à la fois au paganisme religieux et à l’oppression politique et militaire des puissances étrangères.
C’est un fait unique en son genre que celui de l’invention d’un alphabet complet dans le but exclusif de doter tout un peuple de la Bible chrétienne. La version arménienne de la Bible est appelée par les savants « la reine des traductions ». Chaque fidèle arménien est fier de savoir que seule sa langue peut rendre littéralement le titre grec de la Bible, le célèbre « théopneustos », « Asdvatzachountch » en arménien, qui signifie inspiré de Dieu. Ces mêmes hommes ont également entrepris de doter un peuple voisin, les Géorgiens, d’un alphabet pour pouvoir traduire la Bible aussi en cette langue. Actuellement, de cette dernière, on possède quelque 17 manuscrits, dont deux datent du 9e siècle, et quelques fragments de palimpseste, remontant au 7e siècle. Le plus ancien manuscrit de la Bible arménienne date de l’an 887. Un autre groupe de manuscrits date des 10e et 11e siècles.
d. Les versions latines←↰⤒🔗
Nous avons vu qu’à partir du début du 2e siècle avant notre ère, le grec s’était répandu en Italie pour en devenir la deuxième langue parlée, et ce, plus particulièrement après la destruction de Corinthe (146), quand de nombreux réfugiés grecs vinrent s’installer dans la péninsule. La société romaine est devenue biglotte; quand on voulait parler en grec ou en latin, on le signalait par l’expression « utraque lingue », c’est-à-dire l’une ou l’autre langue.
Très tôt, au cours des 2e et 3e siècles, des versions latines apparaissent en Italie, en Gaule, en Espagne et en Afrique du Nord. Les traductions en vieux latin (« vetus latina et itala ») seront bien répandues. Cyprien utilise des fragments de l’africaine, Ruffin a recours à l’européenne et Augustin à l’italienne. Nous possédons peu de copies de ces manuscrits. Certains « codici » contiennent des feuillets, d’autres mélangent des lectures de la vieille version latine avec celle de la Vulgate. Quelques-uns remontent au 4e siècle et sont désignés par des lettres minuscules. Parmi ceux-ci, mentionnons le Codex Bobbiensis, le Codex Palatinus, le palimpseste Floriacensis, les fragments de Freisig, le Codex Vercellensis, le Codex Veronensis, ces deux derniers contenant les Évangiles. Les différences que présentent les diverses versions incitèrent une révision laquelle fut entreprise en Italie au cours du 4e siècle.
Né près de l’actuelle Venise, Jérôme fut envoyé à Rome où il reçut le baptême à l’âge de 20 ans. Aux environs de la trentaine, il passa cinq ans en Arabie avec des moines du désert et en profita pour s’initier à l’hébreu avant d’être ordonné prêtre à Antioche et d’aller poursuivre l’étude de la Bible à Constantinople, sous la direction de Grégoire de Naziance. Il avait 52 ans lors du Concile de Rome (382). Remarqué par le pape Damase, celui-ci lui demanda d’entreprendre la révision de toute la Bible latine. Les versions latines existantes à l’époque étaient divergentes, très littérales et très peu claires.
Jérôme finit par accepter la demande du pape. Il termina d’abord une révision modérée du Nouveau Testament et s’établit à Bethléem où il s’est mis à la révision de l’Ancien Testament. En butte à de nombreuses critiques, accusé d’aller trop loin dans sa révision, il finit par abandonner ce travail de rapiéçage et il entreprit une traduction entièrement nouvelle, à partir du texte hébreu. Ce travail fut achevé en 405. La traduction de Jérôme reste l’une des plus remarquables traductions bibliques avant que l’on ait entrepris des traductions modernes. Elle s’imposera après plusieurs siècles sous le nom de Vulgate. Outre sa qualité littéraire, elle présente le grand avantage d’avoir été effectuée d’après des manuscrits hébreux très anciens dont, à l’examen, on s’aperçoit qu’ils offrent un texte très proche du texte hébreu traditionnel d’aujourd’hui.
Nous possédons de la Vulgate quelque 2500 manuscrits ou fragments. La plupart en sont postérieurs au 9e siècle. D’autres sont plus anciens. Ce fait n’a pas permis d’entreprendre une étude exhaustive de tous les manuscrits.
Sans nous attarder à toutes les versions anciennes de la Bible, mentionnons encore la version éthiopienne, en Afrique orientale, dont on possède quelque dix manuscrits, la plupart ne contenant que des fragments seulement du Nouveau Testament; la version arabe, dont on ne connaît pas avec précision la date, et, en Europe, la version gothique.
3. Autres traductions←⤒🔗
a. La traduction anglaise de John Wyclif←↰⤒🔗
On ne devrait pas ignorer l’histoire également remarquable de la traduction de la Bible en langue anglaise faite par John Wyclif au cours du 14e siècle. Curé de paroisse à Lutterworth, il dut comparaître devant le tribunal ecclésiastique pour s’être ouvertement attaqué à la corruption de l’Église, pour avoir dénoncé les indulgences papales et… pour avoir traduit la Bible en la langue parlée du pays! Cela, selon un chroniqueur de l’époque, « la rendait accessible aux laïques et aux femmes… si bien que la perle de l’Évangile était de la sorte foulée aux pieds des porcs »! (Pas moins que ça!). Excommunié, Wyclif se rendit à Lutterworth et, avec un beau courage, il consacra le reste de son temps à achever ce qui allait devenir la première traduction anglaise des Écritures saintes. L’œuvre s’acheva en l’an 1382. Dès lors, cette version sera propagée de ville en ville par des colporteurs et des prédicateurs bénévoles qui mettront l’Évangile à la portée de tous. Plusieurs de ces lecteurs subiront la mort sur le bûcher et parfois seront brûlés avec des exemplaires de la Bible interdite suspendus à leur cou. Wyclif mourra en 1384 d’une hémorragie cérébrale. De la version de la Bible de Wyclif, on recense actuellement 170 exemplaires manuscrits, preuve de la grande popularité dont elle jouissait à l’époque.
Au 16e siècle, l’Angleterre se dotera d’une meilleure traduction, œuvre d’un éminent savant et homme d’Église réformé, William Tyndale, laquelle, au début du 17e siècle, sous le roi Jacques 1er, deviendra la version autorisée (King James Version), une œuvre également remarquable, à la fois du point de vue littéraire et théologique.
b. La version allemande←↰⤒🔗
Martin Luther ne fut certes pas le premier à avoir traduit la Bible en allemand quoique nul avant lui n’avait offert à son peuple une traduction d’une telle qualité effectuée d’après les originaux hébreu et grec.
On se souvient de l’histoire de la version de la Bible en allemand, si étroitement liée aux premières heures de la Réforme. Enfermé dans le château de Wartburg après sa comparution devant la Diète de Worms (assemblée gouvernementale de l’empire, en 1521), Luther y entreprenait d’abord la traduction du Nouveau Testament qu’il acheva l’année suivante. La traduction de la Bible dans sa totalité fut terminée en 1534.
Pour la traduction de l’Ancien Testament, Luther travailla avec une équipe parmi lesquels son meilleur ami et collaborateur Philippe Melanchthon. L’équipe se réunissait chaque semaine pendant des heures chez Luther. Évoquant ces séances communes, Luther aimait parler de la peine qu’ils prenaient à ce travail de longue durée. La traduction d’un seul verset du livre de Job pouvait les arrêter parfois toute une journée.
« Souvent, raconte-t-il, il nous est arrivé de passer quinze jours, trois semaines, quatre semaines à chercher le sens d’un mot et pour nous informer partout… Nous mettions parfois quatre jours à écrire trois lignes. Aujourd’hui que l’œuvre est faite, tout le monde peut la voir et la critiquer. L’œil parcourt trois, quatre feuilles sans broncher une seule fois. Il n’aperçoit ni les pierres ni les blocs qui gisaient là où on marche maintenant comme sur une planche rabotée et l’on ne pense ni aux sueurs ni aux angoisses que nous avons connues pour faire au promeneur une route si commode. J’ai pris à tâche de parler allemand et non grec ou latin. »
En 1545, un an avant la mort de Luther, dix éditions successives de la Bible dans sa totalité avaient vu le jour. Ces chiffres indiquent bien à quelle soif le beau travail de Luther venait de satisfaire.
On peut ajouter que, par sa version effectuée en haut allemand, Luther contribua grandement à la formation d’une langue commune à l’ensemble des Allemands, langue capable d’être désormais le support de toute une riche et prodigieuse littérature. La Bible de Luther est le premier classique de la langue allemande.
Il faut également se rappeler qu’un autre réformateur de langue allemande, le Suisse Ulrich Zwingli, avait de son côté entrepris dès 1525 la traduction de la Bible en langue vernaculaire allemande. Lui aussi avait commencé par le Nouveau Testament, et la traduction de toute la Bible fut achevée en 1530, soit quatre avant celle de Luther et un an avant la mort du réformateur suisse.
c. La traduction de la Bible en français←↰⤒🔗
Dans l’ancienne France, c’est essentiellement en latin que le texte de la Bible avait été transmis. Dans chaque grande bibliothèque nationale de nos métropoles se trouvera au moins un manuscrit latin des Évangiles ou du Psautier. En feuilletant ces manuscrits, nous ne pouvons qu’admirer le travail scrupuleux des copistes dont certaines versions sont magnifiquement illustrées.
Mais dès le 12e siècle, des tentatives de traductions en langues parlées ou vulgaires du pays avaient vu le jour. Vers 1100, des moines, disciples de l’archevêque de Lanfranc (1005-1089) traduisirent en vieux français (normand) le Psautier tout entier. Un peu plus tard, Pierre Valdo (il deviendra le grand prédicateur de l’Évangile et le premier préréformateur dans les vallées vaudoises, en Italie du Nord) fait traduire à Lyon les Évangiles en français provençal. Vers 1250, sous saint Louis, paraît la première Bible en français, traduite du latin par des professeurs de l’Université de Paris.
d. La traduction de Lefèvre d’Étaples←↰⤒🔗
En France, dans les premières années du 16e siècle, le mouvement réformiste avec un Lefèvre d’Étaples, protégé par Marguerite d’Angoulême, sœur de François 1er, donne la première traduction moderne de la Bible.
À partir de la Vulgate, Lefèvre fait paraître le Nouveau Testament en français. Il édite à part les quatre Évangiles. La Bible dans sa totalité sera publiée à Anvers en 1530. Lefèvre prend soin d’éditer (Anvers 1534) une révision de sa Bible « avec variations de l’hébreu et du grec ».
Dès le 16e siècle, les pays de l’Europe protestante possèdent des versions en leurs langues nationales. Celles-ci vont façonner l’âme du peuple, des peuples.
Pierre Robert Olivétan (de son vrai nom Louis Olivier), cousin du réformateur Calvin et excellent hébraïsant, est celui qui aura initié le futur réformateur à l’Évangile. La persécution l’oblige à quitter sa ville natale (Noyon, en 1528). Il se réfugie alors à Strasbourg où il apprend le grec et l’hébreu sous la direction de Bucer et de Capiton, réformateurs de la ville libre. Trois ans plus tard, on le retrouve maître d’école à Neuchâtel.
De caractère très effacé, il met un an à se laisser convaincre par Guillaume Farel, le premier réformateur de Genève, également français, d’entreprendre une traduction française de la Bible, à partir des originaux hébreu et grec. Il dut travailler d’arrache-pied, car sa première traduction paraîtra en 1535, la première faite à partir des textes originaux. L’impression de la nouvelle Bible est confiée à Wingle de Serrières (près de Neuchâtel) et entièrement financée par les Églises vaudoises du Piémont, lesquelles, malgré leur extrême pauvreté, avaient réuni à cet effet la somme considérable de 500 écus d’or.
Cette version d’Olivétan sera révisée plusieurs fois par lui-même et par Calvin (1544, 1551, 1560) et par Théodore de Bèze, l’ami et le successeur de Calvin à Genève (1588), puis, pendant un siècle par des professeurs de théologie de Genève, ensuite par Daniel Mayer (1707) et enfin par Jean Frederick Ostervald (1744). Elle nourrira la piété protestante jusqu’au début de notre siècle. La version dite Synodale (1910 et 1950) en a été la dernière révision. Olivétan mourra de façon mystérieuse à Rome en 1538.
Du côté catholique romain, on n’est pas resté inactif. La version de Lefèvre, révisée par des professeurs de l’Université de Louvain, sera de son côté pendant plus d’un siècle et demi la grande version catholique française.
Mais c’est surtout Lemaistre de Sacy qui nous intéressera du côté catholique. Né à Paris en 1613, de Sacy faisait partie de ces jeunes protestants arrachés à leurs familles par la persécution afin d’être élevés dans la religion catholique. Il entra dans les ordres et, à l’âge de 35 ans, il fut appelé à diriger les religieuses et les solitaires de Port-Royal.
Dès 1640, ces derniers décident d’entreprendre une traduction du Nouveau Testament en français. Isaac Lemaistre, qui désormais signera Lemaistre de Sacy, y participe activement en collaborant avec des hommes tels que Blaise Pascal, Jean Racine et le grand Arnauld. Interrompu de 1660 à 1666 par les tracasseries contre l’abbaye de Port-Royal, le travail va reprendre de façon clandestine. Le 13 mai, alors qu’il s’apprêtait à revoir la préface du Nouveau Testament, de Sacy est arrêté et enfermé à la Bastille. Il met alors ses loisirs forcés à profit pour entamer la traduction de l’Ancien Testament. Cette traduction sera achevée avant sa libération en 1668.
Les jansénistes faisaient distribuer la Bible au prix coûtant et un grand nombre par des colporteurs envoyés à Paris; l’ouvrage connut un succès considérable (en 1683, on en avait vendu déjà 40 000 exemplaires). L’Ancien Testament ne put paraître qu’en 1696, douze ans après la mort du traducteur. La traduction y présente les mêmes qualités littéraires qui avaient fait la réputation du Nouveau Testament et qui assureront à la version de Lemaistre de Sacy un large succès bien mérité et durable, lui permettant de devenir un instrument efficace pour l’évangélisation de la France.
Parmi les traductions modernes en français, mentionnons en passant seulement du côté protestant la célèbre version de Louis Segond, récemment révisée et appelée la Bible de la Colombe, la Bible du Centenaire, une traduction extrêmement littérale due à John Neslon Darby, pasteur anglican, et enfin la Bible en français courant.
Parmi les versions catholiques, on mentionnera celle de Maredsous, de Crampon, la Bible de Jérusalem. Enfin, une traduction dite œcuménique de la Bible, la T.O.B., a récemment été l’œuvre de catholiques romains, d’orthodoxes orientaux et de protestants.
4. Les citations des Pères apostoliques←⤒🔗
Pour être en mesure d’assurer l’exactitude de notre texte actuel du Nouveau Testament, nous possédons, en plus des manuscrits grecs et des versions anciennes, les diverses versions des citations dues à la plume des Pères apostoliques, c’est-à-dire les conducteurs spirituels de l’Église qui ont succédé immédiatement aux temps apostoliques. Une telle source s’avère très intéressante, d’autant plus que le plus vieux codex, ainsi que nous le signalions plus haut, est distant de près de 250 ans de l’original grec.
Clément de Rome (95) cite des passages du Nouveau Testament et, de ses écrits, on possède plusieurs copies. Cependant, l’un des inconvénients ici se trouve dans l’absence de main-d’œuvre, les Pères devant citer nombre de passages bibliques de mémoire.
À ceci, il convient d’ajouter le fait que leurs œuvres aussi nous sont parvenues par des copies présentant les mêmes désavantages que leurs originaux. Malgré cela, et bien que des copies plus récentes de leurs manuscrits comportent des corrections faites par des copistes, on peut comparer pour voir s’ils s’éloignent du grec. Nous pouvons affirmer avec une grande certitude qu’à sa manière cette source nous rend d’inappréciables services pour l’étude du texte du Nouveau Testament.
5. La question de la traduction de la Bible←⤒🔗
Ainsi, à partir des traductions en vieux latin, en passant par celles en diverses langues classiques, jusqu’à la Vulgate, l’Écriture sainte et les livres reconnus comme canoniques furent mis à la disposition d’un nombre toujours plus grand de fidèles et la Parole de Dieu finit par être entendue, et même lue, par l’homme ordinaire.
Mais l’histoire de la traduction de la Bible n’est nullement achevée. C’est comme un grand drame qui se joue encore de nos jours par le rôle qu’y tiennent des centaines de missionnaires chrétiens.
Nous ne nous aventurerons pas à donner ici un chiffre exact de langues et dialectes existant dans le monde (sont-ils 5000 ou 7000?). Quoi qu’il en soit, une petite portion seulement de ces langues et dialectes ont bénéficié d’une traduction de la Bible. Pour annoncer l’Évangile à toute nation et à toute tribu, les missionnaires ont encore une tâche extraordinaire à accomplir. Comme jadis, ils doivent souvent créer une langue écrite afin de pouvoir traduire la Bible ou des portions de celles-ci.
La célèbre association de traducteurs dite Wyclif, du nom du préréformateur anglais, est engagée dans ce vaste champ. Avant de commencer ce travail, les missionnaires reçoivent une formation linguistique rigoureuse. Ensuite, ils sont envoyés jusqu’aux coins les plus reculés du monde, chez les Indiens d’Amérique du Sud, dans les tribus disparates d’Afrique, ou encore chez les aborigènes de l’Australie. En Nouvelle-Guinée, par exemple, chaque village isolé représente une nouvelle tribu et une nouvelle langue. Quelque 700, dit-on, en tout!
Prenons le cas d’un ou d’une missionnaire qui se familiarise avec les coutumes en se promenant journellement dans les rues du village. Il doit apprendre la langue parlée en montrant du doigt un objet et en écrivant phonétiquement ensuite le nom que le villageois donne à cet objet. Celui-ci n’a encore jamais vu de plume pour écrire, il appellera donc la plume « épine ». Il n’a pas davantage vu de papier qu’il appellera « feuille de bananier ». Pas plus d’ailleurs qu’il n’a vu écrire et cette fonction sera nommée par lui « graver sur la feuille de bananier ». C’est ainsi que le missionnaire sera en mesure de créer un alphabet fondé sur un modèle uniforme inventé par l’association Wyclif.
Pour commencer, le villageois sera littéralement ébahi de voir des mots gravés sur « la feuille de bananier », mais très vite, et avec un très grand enthousiasme, il acceptera de suivre des classes où il aura la possibilité de pénétrer dans le domaine merveilleux de la lecture et de l’écriture. Notons qu’il ne s’agit pas simplement de l’initier à une langue écrite et de l’alphabétiser. Il s’agit surtout de lui annoncer la nouvelle du seul vrai Dieu Créateur et Sauveur. Vient ensuite la traduction des livres de la Bible, les Évangiles venant en priorité.
Les premiers chrétiens du village seront baptisés. Une nouvelle espérance et une immense joie empliront leur cœur et le village tout entier. Ensuite, les gens travailleront ensemble pour bâtir une chapelle. Bientôt, l’édifice résonnera des voix de ceux des fidèles chantant des cantiques dans leur propre langue. Même avec des matériaux limités, car le village ne possède qu’un livre de l’Ancien Testament ou l’Évangile selon Jean, des conducteurs spirituels se lèveront pour prêcher et témoigner de l’œuvre de Dieu, sous la conduite du Saint-Esprit.
Les traducteurs de la Bible doivent faire très attention à maintenir la fidélité envers l’Écriture, non seulement du point de vue littéral, mais encore dans l’interprétation. Par exemple, pour telle tribu d’Amérique du Sud, l’estomac est le siège de la vie et des émotions. En revanche, en Nouvelle-Guinée, c’est la gorge qui le désignera.
La traduction de la Bible a une longue histoire qui dure depuis plus de 2000 ans. Elle est intimement liée à la vie et aux activités de milliers et de millions de personnes. Avec chaque nouvelle langue ou dialecte se présente la possibilité d’introduire la vérité de Dieu dans la vie d’un nouveau peuple. Tout au long de cette histoire, des milliers de missionnaires ont traduit la Bible dans des langues et des dialectes les plus obscurs, afin que la grande œuvre de Dieu, entreprise en Jésus-Christ et appliquée par l’opération et dans la communion de son Saint-Esprit, soit amenée à son achèvement total pour la seule gloire du Dieu trinitaire, révélée sur les pages de notre Bible chrétienne, dans l’Ancien et le Nouveau Testament.