Vocation chrétienne et ministère ecclésiastique
Vocation chrétienne et ministère ecclésiastique
1. L’idée biblique de la « fonction ministérielle »⤒🔗
Le dessein de Dieu concernant notre existence tout entière nous est révélé dans l’Écriture. Selon les données bibliques, notre vie se déroule dans des sphères ou des secteurs divers tels que, par exemple, le foyer, l’école, l’institution éducative, l’Église, la cité et toutes les aires d’activité professionnelle. Tant les sphères mentionnées que les hommes y exerçant leurs activités sont régis par des lois spécifiques établies selon une Parole-ordonnance que la révélation biblique écrite nous fait connaître. Dieu est l’absolu souverain sur tous. Nous le connaissons et reconnaissons comme tel à la lumière de sa Parole revêtue de la suprême autorité.
Soumis à Dieu et régi par sa loi de Créateur et de Rédempteur, chaque secteur de vie possède sa propre indépendance et sa propre autonomie par rapport aux autres secteurs. Autonomie qui n’est que relative, mais chacun d’entre eux reste directement et exclusivement responsable devant Dieu. C’est Dieu, par sa Parole-loi, qui permet que les devoirs de chaque secteur soient maintenus comme des droits inaliénables et inviolables. Car si les devoirs sont prescrits par Dieu, c’est aussi par lui que les droits sont conférés et accordés. Sous l’autorité divine, le foyer a ses propres limites, et c’est à l’intérieur de celles-ci qu’une parenté consciente et responsable peut s’exercer et se développer. De même, l’institution de l’école jouit d’une autonomie propre à son domaine; toute interférence extérieure, économique, sociale ou politique, voire ecclésiastique (notons en passant que les écoles chrétiennes doivent être gérées par les familles chrétiennes et non par l’Église), violerait non seulement ses droits, mais déformerait même ses principes éducatifs.
L’Écriture sainte insiste fortement sur la séparation entre l’Église et l’État. Ceci du simple fait que l’une et l’autre forment des secteurs différents sur le terrain d’existence et sur le champ de l’activité humaine. Mais il ne s’ensuit nullement que l’État peut se soustraire à l’autorité suprême de Dieu.
C’est à l’intérieur, c’est-à-dire dans les limites assignées à chaque secteur, que l’homme, tout homme, reçoit mandat et mission d’assumer une fonction. À ce titre-là, nous sommes tous des fonctionnaires ou ministres désignés par Dieu, en vue de la gestion de sa création. Cette gestion, qui est l’office du roi, du prêtre et du prophète, s’exerce dans tous les domaines, aussi bien dans l’Église qu’au foyer, à l’école autant que dans la cité, dans l’industrie au même titre que dans les syndicats. Avec la conviction, et cette conviction n’anime pour l’instant que le seul chrétien, que le Christ est la Tête de tous les secteurs, autant que le couronnement de l’ordonnance initiale de Dieu. En réalité, c’est en lui et par lui que l’ordre créé existe et peut se développer. Trois aspects principaux de cet office ou fonction biblique retiendront notre attention.
a. Dieu délègue aux hommes une autorité dans les différentes professions. Nul ne possède de droit naturel inhérent à lui-même, à la manière dont le conçoit la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce que nous sommes et ce que nous possédons, les dons accordés aussi bien que l’autorité conférée, nous sont confiés par Dieu. Jésus-Christ, dans la réponse qu’il a donnée à Pilate, l’a rendu clair une fois pour toutes (Jn 19.11).
b. Dans l’exercice d’une fonction et de toute autorité, nous ne sommes premièrement redevables et responsables que devant Dieu. Il nous appelle et rappelle à l’ordre et nous demande des comptes de notre gestion, fidèle ou infidèle. Une telle conscience de notre responsabilité en face de Dieu confère à notre fonction un caractère nouveau et explique le sens même de notre destinée d’homme. Face à notre devoir au sein du foyer comme au sein de la communauté chrétienne ou sociale, et des autres zones d’activité quotidienne, nous saisissons la liberté et le privilège qui sont les nôtres.
c. Notre autorité s’exercera de telle manière qu’elle sera un service, au sens plein du mot. En tant qu’époux, nous sommes revêtus d’une autorité sur l’épouse et sur les enfants. Mais celle-ci sera un ministère, au sens biblique du mot.
C’est aussi le sens de l’activité de l’enseignant par rapport à l’enseigné, le tout dans un esprit de service rendu à la communauté nationale ou internationale. En tant que citoyens, nous aurons à mieux servir les intérêts du Royaume de Dieu tout en restant fidèles aux devoirs qu’impose la cité terrestre. En tant que ministres de la Parole, nous sommes appelés à servir la communauté chrétienne, où nous avons été appelés comme bergers envoyés par le Pasteur suprême de nos âmes.
2. Le ministère ecclésiastique←⤒🔗
Selon une habitude malheureusement bien ancrée dans les Églises, dans presque toutes les Églises chrétiennes, on parle de laïcs pour désigner les membres fidèles non pasteurs, et de « clergé » pour désigner les ministres du culte. Le mot « laïc » a une longue et bien étrange histoire. Un bref aperçu suffira :
L’Écriture parle du peuple de Dieu en l’appelant « le laos », du grec « peuple ». Nous en avons tiré le substantif « laïque ». La période qui a suivi l’Église naissante a vu ce terme se charger de connotations bien étranges ou étrangères, et au cours du Moyen Âge son sens s’est cristallisé par la distinction bien tranchée entre le clergé (autre mot grec, de « kleros », partie) et le laïc (le « plebs », vulgaire). Même chez des chrétiens issus de la Réforme il a conservé cette fausse carte d’identité catholique romaine. Il a ainsi perdu son dynamisme évangélique. Le clergé continue à être considéré comme l’âme de l’Église, le laïc comme son corps. Le premier est la tête enseignante et le second, le fidèle de seconde zone, l’enseigné qui écoute. Le clergé est actif, le laïc passif. (De nos jours, on parle, et cela n’est pas mieux, de « la base de l’Église », comme si la base, autant que la tête de celle-ci, était autre que Jésus-Christ!).
La Réforme du 16e siècle avait pourtant rejeté ces définitions ecclésiastiques en soulignant de manière positive que tous les croyants sont des membres à part entière de l’Église, ayant même rang parce qu’appelés à la triple fonction. Pour la première fois et de manière toute nouvelle apparaissait la vocation universelle de tout fidèle, serviteur à plein temps du Royaume de Dieu.
Si le cléricalisme (catholique romain) réduisait les membres laïques de l’Église à une certaine forme de passivité en exigeant d’eux obéissance, prière et paiement de cotisations, du côté de la Réforme, grâce au retour à la Bible, on insistait sur l’égale liberté de tout chrétien à servir Dieu sans mauvaise conscience, dans tous les secteurs de sa vie. Les antinomies artificielles entre sacré et profane auraient dû disparaître à jamais. Sans doute serait-il urgent de forger un terme nouveau pour remplacer celui de laïc afin de parvenir à en exprimer mieux l’idée-force, et par là de remettre en valeur la vocation universelle et toute la fonction ecclésiastique. Autrement, nous risquons de perpétuer les complexes d’infériorité dont sont victimes tant de fidèles de nos Églises. Le ministère principal de l’Église n’est ni celui du diacre, ni celui de l’ancien, ni même celui du pasteur, mais l’office universel de tout croyant. C’est lui qui est le fondement de la vie de l’Église.
Les trois offices ecclésiastiques mentionnés ne sont que des tâches spécialisées dans le cadre de l’office universel chrétien. Or, cet office universel, comme nous l’avons dit, est celui du prophète, du roi et du prêtre. Le Christ a délégué une autorité spéciale à certains membres de son peuple. Eux aussi sont appelés à devenir des ministres, c’est-à-dire des serviteurs de l’ensemble du peuple de Dieu. Toutefois, ils ne sont en rien supérieurs à l’office universel que doit exercer tout fidèle.
3. L’Église primitive←⤒🔗
L’Église primitive a connu tout d’abord le ministère des apôtres. Ils furent, eux, les intermédiaires plénipotentiaires de la révélation orale et ensuite verbale que Dieu confiait à son Église. À ce titre, l’office apostolique fait intégralement partie de la révélation. Il est donc intransmissible. Pour être un apôtre, il fallait avoir été témoin oculaire des événements concernant le Christ, ou tout au moins récipiendaire d’une révélation spéciale, comme ce fut le cas pour saint Paul et pour lui seul.
Après la mort du dernier apôtre, il n’y en a pas eu d’autres, et la seule succession apostolique valable reste celle qui tient à persévérer dans leur enseignement sans y ajouter quoi que ce soit et sans en retrancher le moindre élément. C’est ici que réside l’un des points fondamentaux séparant la Réforme de Rome.
Selon la Réforme, le Christ donne à son Église, par l’office extraordinaire des apôtres, certains ministères spécialisés. Entre ceux-ci, il existe une égalité et une unité fondamentale. Ils ne se différencient que par la nature de la tâche spécifique assumée par chacun. Il n’y a pas de dignité ou d’honneur plus grand chez l’un que chez l’autre. Trop souvent, un faux esprit démocratique vient s’élever comme un obstacle à la reconnaissance correcte et au respect dû aux trois ministères que sont ceux de pasteur, d’ancien et de diacre. Car le Christ nous vient aussi par l’intermédiaire de ces ministères, à condition qu’ils soient exercés dans la fidélité. Aussi, c’est dans la joie que nous devrions recevoir ces services et ces serviteurs ecclésiastiques. Aucun d’entre ces derniers n’est appelé à cette charge à cause du choix préférentiel d’un ami, ou parce qu’il est plus sympathique qu’un autre candidat!
Définissons-les brièvement :
a. Le ministre de la Parole prêche et administre les sacrements. Il préside le culte, dispense l’enseignement catéchétique, édifie l’Église autant qu’il s’efforce d’amener le non-croyant à Jésus-Christ.
b. L’ancien surveille la communauté locale. Il y exerce l’exhortation et la consolation, veille sur la discipline ecclésiastique et prend soin à ce que tout s’y déroule selon l’Esprit du Christ et celui de la Réforme. Il œuvre pour promouvoir la mission et l’évangélisation.
c. Le diacre, lui, s’occupe des œuvres de compassion en faveur de ceux qui se trouvent dans la disette. Il administre et distribue les fonds collectés, aussi bien en faveur de chrétiens pauvres que de non-chrétiens, et rend ainsi concret l’exemple d’amour manifesté par le divin Sauveur.