Démonologie du Nouveau Testament - L'opposition de Jésus aux démons
Démonologie du Nouveau Testament - L'opposition de Jésus aux démons
Jésus combat le mal sous toutes ses formes; telle est sa mission. Le mal est considéré comme l’œuvre de l’adversaire, mais c’est la volonté de Dieu que l’homme soit délivré de ce joug infernal.
L’esprit mauvais possède et habite le corps et l’âme de sa victime, laquelle devient une victime volontaire. Sa présence chez le possédé cause à celui-ci de violentes agitations et une extrême souffrance physique ou mentale. Ceux qui ont vu le Christ ou ses disciples s’adresser aux démons n’ont pu douter un seul instant qu’ils prenaient tout à fait au sérieux la réalité maléfique et les agissements des démons. Ils ont entendu Jésus déclarer qu’il était venu détruire les œuvres du diable et le détrôner de son pouvoir qui, jusque-là, restait apparemment incontesté.
Jésus manifeste son autorité sur toutes les autorités usurpatrices dans les cieux et sur la terre et, en s’opposant aux démons, il les chasse par la vertu de sa parole (Mt 4.23-24; 8.16,32; Mc 7.30). Parfois, il leur accorde la permission d’agir, par exemple à Gadara. Ce même pouvoir est accordé à ses disciples (Lc 10.17; Ac 5.16; 8.7; 16.18; 19.12).
Le pouvoir de Jésus et de ses disciples à exercer une autorité sur les démons est le signe eschatologique de l’arrivée du Royaume. Notons toutefois que tout exorcisme, pratiqué soit par lui-même soit par les disciples, est invariablement associé au ministère de guérison et à la mission évangélisatrice.
La possession démoniaque n’est que l’un des maux qui frappent l’homme. Lorsqu’un démon est chassé, la personne exorcisée est déclarée guérie, ou plutôt saine d’esprit (Mc 5.15). Lors des exorcismes, les démons eux-mêmes reconnaissent l’autorité suprême du Fils de Dieu; Jésus se réjouit de leur expulsion et associe cette dernière à l’avènement du Royaume.
Les fréquentes références à la possession démoniaque en rapport avec le ministère d’exorcisme du Christ rendent clair le fait que ce ministère n’est pas occasionnel, mais se trouve au cœur même de ses préoccupations. Il sera interprété en termes eschatologiques comme la preuve de sa messianité; le Christ est venu non seulement pour prêcher le Royaume, mais encore pour l’établir. Selon Paul, une activité démoniaque intense caractérisera les derniers jours (1 Tm 4.1). La rage de Satan s’intensifiera à partir du moment où il se saura définitivement expulsé du Royaume qu’il avait usurpé et sur le point d’être précipité dans l’abîme.
Revenons à l’autorité du Christ sur les démons. Jésus établit une différence entre le démon et la personne humaine. S’il entoure la seconde de sa sollicitude, c’est avec une rare violence qu’il s’oppose au premier. Les victimes possédées sont guéries, tandis que les démons, eux, sont chassés sans pitié (Mt 8.16; Lc 6.18). Notons non seulement l’hostilité acharnée des démons, mais encore leur grand effroi. Ils confessent son autorité, ils reconnaissent sa divinité et ils sont conscients que leur destruction est proche (Mc 1.24; Lc 4.34).
À cet égard, ils sont loin d’être des sceptiques. Cette connaissance apparaît également dans le cas de la pythonisse d’Actes 16.17. Tout en cherchant à conduire les humains à l’incrédulité, eux-mêmes ils croient en Dieu et, selon Jacques 2.19, ils sont saisis d’épouvante. En présence du Christ, ils ne peuvent garder le silence, mais au contraire, il semble qu’ils soient contraints à confesser sa puissance et à admettre sa victoire. Il n’est pas étonnant de constater que les possédés ne viennent jamais au Christ de leur propre gré. À une exception près, ils sont amenés par des parents ou par des amis. Même dans le cas exceptionnel de Marc 1.23-26, l’antipathie et la terreur du démon sont criantes.
Un conflit acharné oppose les forces des ténèbres au Fils éternel de Dieu. La possession démoniaque en est la manifestation la plus flagrante et peut-être la plus tragique. Cependant, au milieu de ce conflit gigantesque, il est rassurant de constater l’autorité suprême du Christ. En dépit de leur redoutable pouvoir, les démons demeurent soumis au Fils de Dieu. Un seul mot de sa part, prononcé avec autorité, et les démons se trouvent aussitôt délogés. S’ils déclenchent des tempêtes redoutables, il a le pouvoir, lui, de rétablir le calme et d’apaiser la nature tourmentée.
Un fait étonnant lors de ces confrontations est que Jésus leur commande de garder le silence au sujet de sa personne. Si les gens ordinaires s’étonnent des œuvres puissantes du Christ, les démons, eux, y discernent clairement une irrésistible intervention divine. Mais la messianité du Christ ne doit pas être reconnue et déclarée par une connaissance hostile, maléfique, même si elle est surhumaine. Le Christ donne l’ordre de se taire, mais il recommande à la victime guérie de témoigner de lui, car les ennemis de Dieu ne sont pas autorisés à porter témoignage à sa messianité. Satan ne sera jamais son missionnaire, même contre son gré.
Le Christ, en tant qu’exorciste, n’a pas innové, car la pratique existait chez les Juifs bien avant sa venue (voir Mt 12.27; Lc 11.19). Aux yeux des Juifs, l’exorcisme pratiqué par Jésus était faux, voire d’origine satanique; ils tenaient leur propre pratique pour la seule valable dans ce domaine…
Des Juifs contemporains de Jésus même et des disciples ont cherché à se servir frauduleusement de son nom pour pratiquer leur exorcisme. D’après Actes 19.14, les fils du prêtre Sceva tentèrent de chasser le démon en se servant du nom de Jésus comme d’une formule magique. Mais le démon, lisons-nous, les mit en déroute par sa réplique : « Je connais Jésus et je connais Paul, mais vous, je ne vous connais point »! (Ac 19.15). Selon un commentateur, ces hommes essayaient de se servir du nom de Jésus de la manière dont un homme inexpérimenté aurait manipulé une charge de dynamite pouvant exploser entre ses doigts. On ne peut pas se servir de manière non autorisée, illégitime, de son nom ni singer son activité rédemptrice.
Les exorcismes de cette espèce, comme ceux d’origine païenne, sont des ruses diaboliques pour mieux asservir des humains à son contrôle. Un démon chez tel ou tel sorcier peut en chasser un autre plus faible que lui, mais la malheureuse victime ne sera pas pour autant guérie, car elle n’a pas été réellement affranchie. Les disciples du Christ, ainsi que leur Maître, n’étaient pas de simples exorcistes, car leur proclamation de l’Évangile annonçait la fin de l’hégémonie des usurpateurs.
À cet égard, l’une des paraboles du Christ jette une grande clarté sur cet aspect des choses. Un démon, dit Jésus, peut quitter une maison et celle-ci peut être balayée, nettoyée de fond en comble et parfaitement mise en ordre. Cela ne durera que peu de temps. Aussitôt l’espace vidé, de nouveaux occupants, des squatters pires que le premier, viendront l’occuper nombreux et, cette fois-ci, définitivement. Et, ajoute le Seigneur, le sort de cet homme sera pire que sa condition première (Mt 12.43-45). Ce passage montre qu’il est inutile de pratiquer l’exorcisme en dehors du Christ, comme le faisaient les Juifs. Ils nettoyaient la maison, la balayaient scrupuleusement et le calme semblait s’y établir; pourtant, l’espace vacant devenait aussitôt disponible pour une nouvelle occupation. Si l’esprit de l’homme n’est pas rempli par l’Esprit de Dieu, c’est l’esprit malin qui l’investira inévitablement. Seuls donc ceux qui ont fait l’expérience de la régénération et sont habités par le Saint-Esprit de Dieu se trouveront à l’abri de cette possession tragique.
Jésus était le Sauveur, non un prestidigitateur de fortune. Il savait parfaitement qu’on ne peut pas libérer l’homme par un simple exorcisme, mais uniquement par la mort et la résurrection du Fils de Dieu, le sacrifice de l’Agneau qui ôte les péchés du monde. Ce qui explique que les exorcismes pratiqués par les apôtres étaient tous sans exception accompagnés par le ministère de la prédication : par exemple, lors de la prédication de Philippe en Samarie ou de Paul à Chypre, où un magicien, un de plus, cherchait à usurper le droit de pratiquer des exorcismes. Dans sa deuxième lettre à Timothée, saint Paul fait mention de Janès et de Jambrès, magiciens égyptiens auxquels il compare ses adversaires, qui périront comme avaient péri leurs prototypes (2 Tm 3.8).
Pour les apôtres comme pour Jésus, il ne suffisait pas, après un exorcisme, de mener une vie réformée et policée, il fallait encore une existence entièrement renouvelée, restaurée de fond en comble grâce à l’expiation et à la victoire totale et définitive sur Satan. Jamais donc un non-converti ne sera exorcisé pour être laissé dans sa condition antérieure d’aliéné de Dieu. Celui qui est libéré du démon sera placé sous l’autorité salvatrice du Christ.
Contrairement aux formules traditionnelles, soigneusement élaborées, la « technique » pour exorciser un possédé (si on peut parler de technique à ce sujet) consistait, pour Jésus comme pour ses disciples, en un simple mot d’ordre, tel que « tais-toi et sors de lui », « sors de cet homme, esprit impur », ou « esprit muet et sourd, je t’ordonne de sortir de celui-ci et de ne plus jamais entrer en lui ». Bien que Jésus n’a pas utilisé de formule précise pour exorciser, ses disciples ont eu recours à son nom pour chasser les démons.
Jésus ne considère jamais l’exorcisme comme une fin en soi ni comme un signe sûr de guérison, à moins que l’esprit méchant ne soit remplacé par le Saint-Esprit.
L’Ancien Testament ne connaît qu’un seul exorciste, David. C’est en tant que fils de David selon la chair que Jésus exorcise, et cette activité fait partie de sa mission messianique.
Certains adversaires de Jean-Baptiste accusaient ce dernier d’être possédé du démon (Mt 11.18; Lc 7.33). Une semblable accusation fut portée contre Jésus (Jn 7.20; 10.20), accusé d’être possédé par Béelzébul, le prince des démons (Mt 12.24; Mc 3.22; Lc 11.15). Ces accusations voulaient prouver indirectement que Jésus était un sorcier ou un magicien qui accomplissait des miracles grâce à des pouvoirs surnaturels. Certains de ses contemporains s’imaginaient aussi que Jésus se servait de l’esprit de Jean-Baptiste pour les accomplir.