Les dix commandements (5) - Le quatrième commandement
Les dix commandements (5) - Le quatrième commandement
« Souviens-toi du jour du sabbat, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le sabbat de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi. Car en six jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il s’est reposé le septième jour : c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. »
Exode 20.8-11
Dans cette série que nous présentons sur les dix commandements, appelés le Décalogue, nous allons maintenant aborder le quatrième commandement, qui concerne le respect du jour du sabbat. Trois émissions ont déjà été consacrées à ce thème par le passé, aussi je ne reprendrai que brièvement ce qui a été dit précédemment, et m’attacherai plutôt à présenter quelques nouvelles facettes concernant le jour du repos. Mais lisons tout d’abord l’énoncé de ce commandement, tel que nous le rapporte le livre du Deutéronome, dans l’Ancien Testament :
« Observe le jour du sabbat, pour le sanctifier, comme l’Éternel te l’a commandé. Tu travailleras six jours et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le sabbat de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni l’étranger qui réside chez toi, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte, et que l’Éternel, ton Dieu, t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu : c’est pourquoi l’Éternel, ton Dieu, t’a commandé de célébrer le jour du sabbat » (Dt 5.12-15).
Le sabbat est l’expression d’un repos que Dieu accorde à son peuple sur la base de la délivrance qu’il a opérée pour ce peuple. Se reposer, c’est bien plus qu’être étendu sur un lit, dormir à son gré ou cesser de travailler. Le repos que symbolise le sabbat c’est la certitude de savoir que Dieu est présent dans notre vie, quelles que soient les circonstances, et qu’il accorde la plus grande délivrance qu’on puisse souhaiter : délivrance de l’emprise de Satan, le grand adversaire de Dieu et des hommes. Voilà pourquoi, dans l’énoncé des dix commandements tel que nous le rapporte le livre du Deutéronome, figure le rappel de la délivrance du peuple d’Israël, qui était auparavant esclave. Cela ne veut pas dire que notre vie se trouve automatiquement exemptée d’épreuves ou de souffrances. Cela veut dire qu’en dépit de ces épreuves et de cette souffrance, il existe une délivrance intérieure et une espérance inébranlable fondée en Dieu. Toutes deux surmontent notre souffrance personnelle et lui donnent une dimension nouvelle. Le sabbat nous fait donc entrer dans le repos de Dieu.
C’est la raison pour laquelle Jésus a guéri tant de malades durant le sabbat. Il apportait dans leur vie ce repos annonciateur de la grande délivrance pour les hommes qu’il effectuerait en mourant sur la croix. L’opposition à laquelle il s’est trouvé confronté durant ces guérisons démontrait que ceux qui prétendaient observer le sabbat en défendant de faire quelque œuvre que ce soit, même une œuvre de guérison, n’avaient en fait rien compris à son caractère de délivrance.
Une autre caractéristique du sabbat consiste en ce que le peuple d’Israël était appelé à se réunir en assemblées pour louer Dieu et écouter l’enseignement concernant sa loi. Des sacrifices supplémentaires étaient offerts ce jour-là. Se reposer et se réunir dans ces grandes convocations allait de pair. En s’abstenant de travailler et en tournant ses regards vers Dieu, le peuple d’Israël reconnaissait que c’est Dieu qui, dans sa providence, pourvoyait à ses besoins. Voilà aussi pourquoi tous les sept ans, la terre devait rester en friche. C’était une extension du principe du sabbat : le Seigneur promettait que les récoltes seraient suffisamment abondantes durant la sixième année, et qu’il y aurait suffisamment à manger pendant trois ans, c’est-à-dire durant la sixième année, la septième année, et jusqu’à la récolte de ce qui aurait été semé durant la huitième année. Observer cette prescription était une marque de confiance en l’Éternel qui avait libéré Israël de l’esclavage.
Citons à présent ce qu’enseigne la question 103 du Catéchisme de Heidelberg au sujet du quatrième commandement :
« Que Dieu veut-il dans le quatrième commandement? — Dieu veut d’abord que le ministère de la Parole et l’enseignement chrétien soient maintenus, et que moi, surtout le jour du repos, je vienne assidûment aux saintes assemblées pour y entendre la Parole de Dieu et prendre part aux saints sacrements, pour invoquer publiquement le Seigneur et pratiquer la charité chrétienne. Ensuite, que tous les jours de ma vie, cessant mes œuvres mauvaises, je le laisse œuvrer en moi par son Esprit, goûtant ainsi dès cette vie le repos éternel. »
La question la plus débattue sur le quatrième commandement, au cours de l’histoire de l’Église, a été de savoir si le dimanche, comme jour de la résurrection de Jésus-Christ, a remplacé le sabbat, qui, lui, était observé le septième jour, comme il l’est d’ailleurs encore de nos jours par les Juifs. Encore aujourd’hui, tous les chrétiens ne sont pas d’accord sur ce point, bien qu’une vaste majorité a adopté le dimanche. Quelle que soit la position des uns ou des autres, soulignons que le quatrième commandement n’a pas été aboli avec la venue de Jésus-Christ. Celui-ci l’a débarrassé de toutes sortes de prescriptions inventées par les hommes qui en déformaient le but et le caractère. Il s’est clairement lié au sabbat, s’en est déclaré le Maître.
Le dimanche comme jour de repos et de culte n’a pas été institué par Jésus-Christ ou par ses disciples. C’est une ordonnance du premier empereur chrétien, Constantin, qui l’a institué comme tel en l’an 321. Cela dit, le dimanche, jour de la résurrection de Christ, est mentionné dans le Nouveau Testament comme jour durant lequel les fidèles mettaient à part l’argent destiné à la collecte pour les pauvres; c’est aussi le jour durant lequel le disciple Jean a reçu la révélation contenue dans le livre de l’Apocalypse, le dernier livre dans le Nouveau Testament.
La transition du sabbat célébré le septième jour au dimanche comme jour du Seigneur est présente assez tôt dans l’histoire de l’Église. Entre l’an 100 et l’an 150 de notre ère, de nombreux écrits des premiers auteurs chrétiens en témoignent. La raison de cette adoption a été la nécessité pour les premiers chrétiens de se distancer de la pratique juive, en mettant au centre l’accomplissement de la loi par Jésus-Christ et la victoire remportée sur la mort au jour de sa résurrection. Il est intéressant de noter que Tertullien, auteur chrétien écrivant vers l’an 200, signale quelque part dans ses écrits que les païens ne voulaient pas être associés à une quelconque célébration le dimanche ou le jour de Pentecôte, par peur d’être pris pour des chrétiens.
Que faut-il ou ne faut-il pas faire le dimanche? Y a-t-il des prescriptions détaillées qu’il faut suivre rigoureusement? Bien évidemment non, mais l’esprit du sabbat tel que Jésus-Christ l’a vécu nous guide et nous fait entrer dans la signification de ce repos accordé par son œuvre rédemptrice. Il y a d’abord l’appel au repos du labeur quotidien, pour signifier que l’homme n’est pas le maître de sa destinée par ses propres efforts, sa productivité et ses activités économiques ou autres, mais qu’il dépend avant tout de la providence divine. Puis, comme le Catéchisme de Heidelberg l’indique, et en ligne avec la pratique du sabbat dans l’Ancien Testament, il y a la réunion des fidèles en assemblées pour justement confesser ensemble le Dieu de la providence, celui dont on peut dire, avec le psalmiste : « Notre secours nous vient de l’Éternel, qui a fait les cieux et la terre » (Ps 121.2).
Un passage de la lettre aux Hébreux dans le Nouveau Testament est clair à cet égard : « N’abandonnons pas notre assemblée, comme c’est la coutume de quelques-uns, mais exhortons-nous mutuellement, et cela d’autant plus que vous voyez le jour du Seigneur s’approcher » (Hé 10.25). Pour les chrétiens, le dimanche devrait être centré sur l’adoration et la communion avec les frères et les sœurs qui partagent la même foi. C’est une fête destinée à être vécue en commun. D’où la nécessaire interruption d’activités ne favorisant pas cette communion.
Toutes les activités qui ont lieu normalement pendant la semaine doivent-elles pour autant être interrompues? Il existe des activités nécessaires vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept : les services médicaux ou hospitaliers, les pompiers, le fonctionnement des centrales électriques, des transports publics, etc. La société contemporaine, avec ses avancées technologiques, a multiplié ces activités, et il faut en tenir compte, en se souvenant des paroles de Jésus-Christ : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat » (Mc 2.27).
Mais il est important de se demander si cette multiplication n’est pas le fruit d’une confiance illimitée dans les possibilités de l’homme, qui se croit capable de pourvoir à ses propres besoins sans avoir à compter sur la providence divine, cherchant par là à abolir toute notion de sabbat. La recherche effrénée des profits économiques guide aussi l’homme dans l’exploitation de chaque minute de la semaine, y compris le dimanche. Naturellement, ceci ne le rapproche pas du repos promis par Dieu, mais l’en éloigne totalement, faisant de lui l’esclave de ses convoitises matérielles ou autres.
Le quatrième commandement n’est pas là pour inciter l’homme à la paresse, puisqu’il déclare : « Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. » Mais il nous incite à tourner les yeux vers celui qui a achevé la création au soir du sixième jour, comme nous le rapporte le livre de la Genèse, et l’a contemplée le septième jour en jouissant de son œuvre :
« Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait, et voici : c’était très bon. Il y eut un soir et un matin : ce fut un sixième jour. Ainsi furent achevés le ciel, la terre et toute leur armée. Le septième jour, toute l’œuvre que Dieu avait faite était achevée et il se reposa au septième jour de toute l’œuvre qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour et le sanctifia, car en ce jour Dieu s’était reposé de toute l’œuvre qu’il avait créée » (Gn 1.31 à 2.3).