Thèses théologiques de la Dispute de Heidelberg
Thèses théologiques de la Dispute de Heidelberg
Introduction du rédacteur
À la suite de la proposition de Luther d’avoir un débat sur le sujet des indulgences, l’ordre augustinien, auquel Luther appartenait, soutenait généralement ses vues. Le chef de l’ordre en Allemagne, Johannes Staupitz, convoqua une discussion formelle à laquelle assisteraient les dirigeants de l’ordre, au cours de laquelle Luther aurait l’occasion de développer ses préoccupations. La dispute eut lieu lors de la réunion de l’ordre des augustins, à Heidelberg, en avril 1518. Les opposants de Luther avaient espéré que Luther serait réduit au silence, mais Staupitz voulait lui donner une audience équitable, car il était généralement sympathique aux vues de Luther. Lors de la rencontre, Luther proposa une « théologie de la croix » par opposition à une « théologie de la gloire ». La dispute est, à bien des égards, plus importante que les 95 thèses, car elle a fait progresser la prise de conscience croissante de Luther que la théologie du catholicisme romain du Moyen Âge tardif était fondamentalement et essentiellement en contradiction avec la théologie biblique. À la suite de la dispute, John Eck proposa un débat entre lui-même et les représentants des vues de Luther, qui eut lieu à Leipzig de juin à juillet 1519.
La Dispute de Heidelberg⤒🔗
Le Frère Martin Luther, maître de théologie sacrée, présidera, et le Frère Leonhard Beyer, maître d’arts et de philosophie, défendra les thèses suivantes devant les augustins de cette ville renommée de Heidelberg dans le lieu habituel, le 26 avril 1518.
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Ne nous fiant aucunement à notre propre sagesse, selon ce conseil du Saint-Esprit : « Ne t’appuie pas sur ton intelligence » (Pr 3.5), nous présentons humblement ces paradoxes théologiques au jugement de tous ceux qui veulent être ici, afin qu’il devienne clair s’ils ont été bien ou mal tirés de saint Paul, le vase et instrument spécialement choisi du Christ, et aussi de saint Augustin, son plus fidèle interprète.
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La loi de Dieu, la doctrine la plus salutaire de la vie, ne peut amener l’homme à la justice; c’est plutôt un obstacle pour lui sur le chemin vers la justice.
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Les œuvres humaines y parviennent encore moins, même si elles sont répétées maintes et maintes fois à l’aide de ce que l’on appelle l’inspiration naturelle.
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Bien que les œuvres des hommes semblent attrayantes et bonnes à nos yeux, elles doivent néanmoins être considérées comme des péchés mortels.
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Bien que les œuvres de Dieu ne semblent ni attrayantes ni bonnes à nos yeux, elles sont néanmoins de véritables mérites éternels.
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Ce n’est pas dans ce sens que les œuvres des hommes sont des péchés mortels (nous parlons de celles qui sont apparemment bonnes), comme si elles étaient des crimes.
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Ce n’est pas dans ce sens que les œuvres de Dieu sont des mérites (nous parlons de celles qui sont faites par des hommes), comme si elles étaient toujours sans péché.
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Les œuvres des justes seraient des péchés mortels si elles n’étaient pas craintes comme péchés mortels par les justes dans leur pieuse crainte de Dieu.
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Les œuvres des hommes sont encore plus des péchés mortels si elles sont faites sans crainte et dans une pure et méchante confiance en soi.
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Dire que les œuvres sans Christ sont mortes, mais ne sont pas des péchés mortels semble être un abandon dangereux de la crainte de Dieu.
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Il est en effet difficile de comprendre comment une telle œuvre peut être morte et néanmoins ne pas être un péché nuisible et mortel.
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On ne peut échapper à l’arrogance et l’on ne peut avoir de véritable espérance que si, dans toute œuvre, on a la crainte du jugement de condamnation.
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Les péchés devant Dieu sont alors vraiment des péchés véniels quand ils sont craints par les hommes comme étant des péchés mortels.
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Le libre arbitre, après la chute, n’existe que de nom, et dans toute action qu’il lui est possible de faire, il commet un péché mortel.
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Le libre arbitre, après la chute, n’a le pouvoir de faire le bien que selon son but originel, mais pour faire le mal, il en a réellement le pouvoir à tout moment.
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Mais même dans l’état d’innocence, le libre arbitre ne peut pas réellement exister, sauf selon son but originel (subiectiva potentia); il est encore moins capable de progresser dans le bien.
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L’homme qui pense parvenir à la grâce en faisant tout ce qu’il peut accumule péché sur péché, de sorte qu’il devient doublement coupable.
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Parler ainsi ne signifie pas que l’on donne à l’homme des raisons de désespérer, mais on l’appelle à l’humilité afin qu’il puisse rechercher la grâce du Christ.
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L’homme doit très certainement désespérer de lui-même afin d’être prêt à recevoir la grâce du Christ.
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Celui qui voit et considère l’être invisible de Dieu dans ses ouvrages (Rm 1.20) n’est pas digne d’être appelé théologien.
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Mais celui qui comprend ce qui est visible de l’être de Dieu dans le monde à travers ce qui est rendu visible dans la souffrance et la croix, celui-là mérite à juste titre d’être appelé théologien.
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Le théologien de la gloire appelle le bien mal et le mal bien. Le théologien de la croix appelle les choses comme elles sont vraiment.
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Cette sagesse, qui voit et reconnaît l’être invisible de Dieu dans ses ouvrages, gonfle, rend aveugle et endurcit.
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« La loi produit la colère » de Dieu (Rm 4.15), elle tue, maudit, accuse, juge et condamne tout ce qui n’est pas en Christ.
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Cette sagesse n’est certes pas mauvaise en soi, et la loi ne doit pas être évitée; mais sans la théologie de la croix, l’homme abuse du meilleur pour le pire.
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Ce n’est pas celui qui fait beaucoup d’œuvres qui est juste, mais celui qui, sans les œuvres, croit beaucoup en Christ.
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La loi dit : « Fais cela », et ce n’est jamais fait. La grâce dit : « Crois en lui », et tout est déjà fait.
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On pourrait à juste titre appeler l’œuvre du Christ une œuvre efficace (operans) et notre œuvre une œuvre accomplie (operatum), et ainsi dire que, grâce à l’œuvre efficace, l’œuvre accomplie plaît à Dieu.
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L’amour de Dieu ne trouve pas, mais crée ce qu’il aime. L’amour de l’homme ne naît que de ce qu’il trouve aimable.